Dans cinq jours, il y aura 89 ans que la Grande Guerre c'est terminé.
Sur les huit millions de nos soldats engagé dans celle-ci, près d'un million et demi d'entre eux ont péri.
A ce jour ils ne sont plus que deux!
Jean-Paul MAREY
Né en 1897 à paris
Engagé au 43ème d’Artillerie à Caen en 1914
Il est décédé en 1989
Décoré de la légion d’honneur et de la croix de guerre avec deux citations
Le ciel était tout éclairé
J’avais un peu plus de dix sept ans et je voulais m’engager mais mes parents n’y tenaient guère. Je visais l’artillerie à cause des chevaux et de mon bon niveau en mathématiques.
Je me suis finalement retrouvé au 43ème d’Artillerie à Caen, fin 1914, dans une chambrée de vingt paysans qui ne savaient pas lire, mais avec des officiers sympathiques. Après avoir touché le paquetage, passé la visite médical, sans piqûre et, les cheveux coupés, nous voilà prêts. Je suis resté à la caserne jusqu’en mars 1915.
De là, je suis parti avec une batterie dans laquelle j’étais deuxième canonnier conducteur. Ma première impression du front ? Le nombre des cadavres et l’éternel ravitaillement en munitions. La montée en ligne est très impressionnante : on entend le canon et l’on voit le ciel tout éclairé. Le tumulte, le désordre : on trébuche, on croise des fantassins et parfois on parle avec eux.
En route pour Verdun
Je suis d’abord envoyé à Fontainebleau comme élève officier, fin 1915 ; sorti à un bon rang, je choisi le 45ème d’Artillerie à Orléans. Revenu au front, j’ai pu apprécier la bravoure de mes camarades ; « À ce moment-là c’était quelque chose ! »
Je me suis retrouvé à Verdun à côté de Fleury-sous-Douaumont. Nous étions bombardés toutes la journée. Lorsqu’il fallait aller chercher les munitions au parc d’artillerie, les chevaux s’épuisaient dans les trous et la boue. Beaucoup mouraient. Le 9 Mars 1916, j’ai connu les attaques Allemandes aux lance-flammes ; c’était impressionnant. Les Anglais même avec de lourdes pertes, se retiraient très dignes. Les Américains ne manquaient de rien et avaient beaucoup de cigarettes. Les Italiens parlaient de la « fatigua di guerra »
Nous restions quatre jours en première ligne et quatre en deuxième. La nourriture était presque toujours la même et les soldats étaient très sensibles aux distributions de « pinard ». Les brigadiers mettaient leur pouce dans les quarts de telle sorte que la ration était diminuée d’autant ; le brigadier gardait le reste, mais cela faisait des drames !
Après l’armistice, on avançait encore
Le 11 Novembre 1918, j’étais devant Mézières. Un officier d’infanterie écrivit à côté de moi : « Et dire qu’on m’avait rien que du jus (café), le jour où on les a eus ! ». On a encore avancé après l’armistice en entrant en Belgique.
A Bastogne, on entendait crier la population : « Vive la France ! » Enfin chacun fut envoyé au centre de démobilisation où l’on nous donnait un costume civil d’une valeur de 52 francs…. Les officiers, eux, avaient le droit de conserver leur uniforme et leur sabre ; la troupe redonnait son paquetage qui était souvent dans un triste état, mais conservait son casque Adrian. J’ai des souvenirs très précis du défilé du 14 juillet 1919. Nous étions tous rassemblés dans le bois de Boulogne. Le passage sur l’avenue des Champs-Elysées se fit par ordre alphabétique des pays engagés. JOFFRE et FOCH étaient présents. On entendait s’élever une immense clameur lorsque les Poilus arrivèrent. Mais, ce jour-là, il en manquait un million et demi. La Grande Guerre avait coûté à la France mille morts par jour pendant quatre ans.
Propos recueillis par l’historien Alain PIGEARD
source HISTORIA