Titre : Historique du 8e régiment de marche de tirailleurs (2e 4e et 5e bataillons du 8e régiment de tirailleurs indigènes) : campagne 1914-1918
Éditeur : Imprimerie française (Bizerte)
Ce récit a été écrit pour toi qui l'as vécu et pour tes enfants.
Ne leur paraîtra-t-il pas monotone ?
Prises de secteur, relève, montée en ligne, combats qui portent des noms modestes ou inconnus, ne sembleront-ils pas à ces âmes naïves, tenir trop de place dans les années de la Grande Guerre, et auréoler ton front d'une gloire trop médiocre ?
Il t'appartient, tirailleur, de leur apprendre à le lire. De dire à chacun combien fut lente la peine et longs les efforts, dans cette guerre quotidienne, et les situations inchangées.
Pour intéresser tes enfants et toi-même à la plus obscure relève, il te suffira, vieux brave désormais au repos, de fermer les yeux et de revoir sur le ciel incendié de jadis, les silhouettes ployées de tes camarades, les réseaux déchiquetés et les ruines blanches dans la nuit inquiète et tant de souffrances qui marchaient avec toi 1 Tu évoqueras plus facilement encore les heures d'attaque et les suprêmes défenses.
Ce sont toutes les- nuits et tous les jours de « ta guerre » iftli reparaîtront devant tes yeux, peuplés de scènes rudes et fières dont le souvenir fera tressaillir ton vieux cœur 1 Et nul n'en trouvera le récit monotone. ANNEE 1914La Bataille des Frontières, 6 août-6 septembre (Bataille du Nord). Bataille de Charleroi (Combat de Somzee, 23 août). Première bataille de Guise (Combat de Ribemont, 30 octobre - Combat de Pargny-Montmirail, 4 novembre). La Bataille de la Marne 6-13 septembre.
Première bataille de l'Aisne (Combats du Plateau de Craonne, 13 septembre-13 octobre). La Bataille de la Course à la Mer, octobre-novembre (Première bataille des Flandres). Bataille de l'Yser (Combats de Ramscapelle, 30-31 octobre Combat de Dixmude, 5 novembre). Bataille d'Ypres (Combat de Pypegaële, 9-10 novembre). La Stabilisation du Front, septembre-décembre (Combats des Flandres autour d'Ypres, décembre).
La Bataille des Frontières 2 août 1914 1 La mobilisation générale est décrétée! Sans aucun retard, avec un enthousiasme que nul n'eût pu soupçonner, les réservistes indigènes accourent à l'appel de la France. Les différentes - opérations prévues au journal de mobilisation s'effectuent à Tunis et à Bizerte dans un ordre parfait.
3 août ! L'Allemagne a déclaré la guerre à la France, l'enthousiasme redouble; en hâte les unités se complètent, s équipent au milieu d'une fièvre indescriptible. Les tirailleurs manifestent une vive impatience de voir enfin cette b^lle terre de France dont on leur a tant parlé, et de combattre le présomptueux ennemi qui a juré de l'asservir.
Le 6 août, enfin, l'E. M. du Régiment et le C. H. R. quittent Bizerte, vers minuit, en chemin de fer, à destination d'Alger.
Le détachement est passé en revue par l'Amiral Dartige du Fournet, Préfet maritime. Toute la population, massée aux alentours de la gare, acclame ce départ émouvant.
La composition de l'E. M. du régiment est la suivante : VALLET, lieutenant-colonel commandant le régiment de campagne; BRET, capitaine-adjoint; STEFANAGGI, lieutenant d'approvionnement; SIRE, lieutenant officier de détails; PISTER, lieutenant de réserve (Porte-Drapeau); LE FRIEC, sous-lieutenant, officier téléphoniste; MENDY, médecin-major de Ire classe, Chef de Service.
Le 4* bataillon quitte Tunis le même jour, pour la même destination, commandé par le Chef de Bataillon Montallier, secondé par le capitaine-adjudant-major Négrel. Il avait, comme commandants de compagnies, les capitaines Sénéchal (13e Cie), Caron (14e C'e), Albert (15e C") et Coudret (16e èle).
L'effectif total de l'E. M., de la C. H. R. et du 4* Bataillon était de 25 officiers et de 1054 hommes de troupe.
Ayant presque tous fait la campagne du Maroc, ces hommes, commandés par des chefs d'élite, étaient des soldats disciplinés, d'un incomparable dévouement, d'une allure magnifique et d'une résistance physique qui permettait les plus grands espoirs.
Le voyage s'accomplit par une chaleur torride; arrivé à Alger le 7 août, le régiment est embarqué le 9, à bord du Manouba et de la Ville d'Alger.
Le départ donna lieu à une manifestation grandiose; toute la population était massée sur les quais, et c'est aux acclamations d'une foule immense que les sept paquebots qui transportaient les derniers éléments de la 38e Division (Général Muteau), et la 76e Brigade (4* zouaves et 8* tirailleurs) (Général Bertin), prirent la mer, le 9 août, escortés par la division de la 5* escadre : Saint-Louis, Bouvet et Suffren battant pavillon du contre-Amiral Guépratte.
Les hymnes nationaux, français, anglais, russe et belge retentirent tour à tour, au milieu d'un enthousiasme indescriptible. La traversée, par une très belle mer, s'effectua sans incidents. Le régiment débarque à Cette le 12 août 1914, à 6 heures du matin, et le même jour, à 22 h. 30, il est transporté par voie ferrée à Avignon pour toucher le personnel, les animaux et le matériel nécessaires à la formation des T. R. et T. C.
Le 15 août, ces opérations terminées, le régiment (,:t embarqué à 22 h. 30 pour une destination inconnue par Paray-le Monial, Moulins, Saincaize, Nevers, VilleneuveSaint-George, Le Bourget, Soissons, Laon, Hirson; le train stoppe à Anor (Nord), le
17 août, à 18 h. 30. Sur tout le parcours l'accueil le plus touchant fut réservé à nos tirailleurs; les populations se portaient en foule aux gares, distribuant des provisions et des fleurs.
Durant tout ce long t'ajet, le régiment croisa de nombreux trains qui emportaient sans interruption des mobilisés dont le moral était réconfortant. On avait l'impression que la mobilisation s'opérait avec un ordre parfait et que la France entière était debout pour défendre son sol et ses frontières.
Le 18 août, le régiment fait étape d'Anor à Chinay, et franchit, vers 7 h. 30, la frontière franco-belge. Les nouvelles qui, jusqu'alors, étaient rares et imprécises, se précipitèrent. On savait que l'ennemi avait envahi la Belgique et que nous allions défendre le sol de ce pays dont l'Allemagne avait lâchement violé la neutralité.
Les populations de Belgique, pleines d'espoir à la vue de ces splendides troupes venant au secours de leur patrie, leur firent un accueil qui restera éternellement gravé dans la mémoire des survivants, et c'est au cri unanime de : « Vive la France » que le régiment traversa les calmes et coquets villages du pays wallon.
Le 21 août, le 5e bataillon venant du Maroc rejoignait le régiment. Il était sous les ordres du Chef de Bataillon Peltier, assisté du capitaine adjudant-major Poupillier et des capitaines Morand (17e Cie), de la Messelière (18e), Henrot (19e) et Pernot (20e Cie).
Le régiment, formé à deux bataillons, comptait 45 officiers et 1931 hommes de troupe.
La 38° D. I. rattachée au 3° C. A. (Général Sauret), était désormais rassemblée au complet dans la région Chimay- Walcourt, sous les ordres du Général Muteau; elle comprenait : La 75° Brigade (Général Schwartz) : 1° Zouaves de Marche, 1° et 9° Tirailleurs; La 76° Brigade (Général Bertin) : 4° Zouaves de Marche et 4° et 8° Tirailleurs.
Le 21 août, vers 17 heures, un premier avion allemand (type taube), vient survoler nos cantonnements à faible altitude. Accueilli partout par une vive fusillade, il ne put rapporter les renseignements précieux qu'il avait dû recueillir, car il vint s'écraser sur le sol, près de Silenrieux, à 4 kilomètres environ au sud de Walcourt.
A) Bataille de Charleroi COMBAT DE SOMZEE
Dès lors, les événements se précipitent. La tragique bataille de Charleroi est engagée; dans lai nuit du 21 au 22 août, la 38° D. I. est alertée et se dirige vers Charleroi, 75° Brigade en tête.
Le 22 août, vers 8 h. 30, le régiment est établi en première position d'attente, à l'ouest de Praille (3 km. au N.
de Somzee), puis à Payrin, à 4 km. au N.-O. de Somzee.
Le village et le bois de Pairin sont immédiatement organisés défensivement, de concert avec des éléments du 4° Zouaves et une Compagnie et demie du Génie.
Depuis le matin, une canonnade des plus violentes s'entend dans la direction de Charleroi; vieillards, femmes et enfants, épouvantés, refluent en grand nombre vers l'arrière !
La 5° Division du 3° Corps est engagée dans une lutte désespérée contre les divisions de la Garde Impériale qui, à tout prix, cherchent à s'emparer des passages de la Sambre.
La 75° Brigade (1° Zouaves et 1° Tirailleurs en tête), dans une charge à la baïonnette à jamais mémorable, essaie, avec un splendide esprit de sacrifice, de rejeter l'en- nemi sur la rive droite de la Sambre. Mais celui-ci est trois fois supérieur en nombre, et c'est l'élite de l'armée allemande qui se heurte au 3° C. A.; vers le soir, nos troupes de première ligne ayant subi des pertes considérables, se replient dans un ordre parfait et la rage au cœur !
Le 23 août au matin, le régiment qui a quitté la veille, à la nuit, ses emplacements de Pairin pour venir bivouaquer à 1800 m. au N. de Somzee, occupe une postion à cheval sur la route de Charleroi. Il reçoit, vers 11 heures, le baptême du feu. Des obus de 77 mal réglés tombent sur nos lignes, sans grands dégâts, ne troublant en rien le moral admirable de nos troupes qui ont établi aussitôt des tranchées.
Vers 13 heures, l'ennemi occupe la ligne Pairin, Praille, Tarlienne; le 5° Bataillon va appuyer une contre-attaque à l'ouest de la route, sa gauche s'appuyant à la corne S.-E.
du bois, avee des éléments du 3° Corps et du 18° Corps qui arrivent.
Les troupes de contre-attaque sont violemment prises à partie par un feu d'artillerie de 77 et de 105, et notre artillerie, repérée par un avion allemand, est arrosée par un tir très dense d'obus de 105.
La contre-attaque ne peut avoir lieu et, vers 15 heures, l'ordre est donné de se replier vers Chastres.
Le premier officier blessé du régiment fut le capitaine Bret, adjoint au lieutenant-colonel. Une balle l'avait atteint au front, n'occasionnant qu'une blèssure légère qui lui permit de conserver ses fonctions. Dans ce premier combat on comptait environ 10 tués, 60 blessés, et autant de disparus.
Vers 16 heures, le régiment se replie en bon ordre à 2 kilomètres au N.-E. de Chastres, où il bivouaque par une nuit qu'éclairaient les incendies de Gerpinnes, du Châtelet et de Malines, brûlés par l'ennemi.
Dès le 24 août, le régiment va se trouver englobé avec la 38° Division (rattachée au 18° Corps), dans le grand mouvement de retraite qui nous mène, le 28 août, devant Ribemont.
Du 24 au 29 août, le régiment couvre plus de 2u0 km., marchant de jour et de nuit dans des conditions très dif- ficiles, par un temps pluvieux et orageux. Les routes sont encombrées par les convois et par le lamentable exode des malheureuses populations belges et françaises qui fuient devant l'envahisseur.
Les étapes devant Chastres sont jalonnées par les points pricipaux suivants : Barbançon, Raince, Montbliard, fron- • tière franco-belge, forêt de Thelon, Theion, La Capelle, Autreppes (où le régiment, sous une pluie torrentielle, a pour mission d'organiser définitivement le village et de barrer si possible le passage de l'Oise), Berbancourt, La Neuville, Châtillon-les-Sons, Chevresis, Onceau, Villers-leSec.
Le régiment s'établit, le 28 août, dans la soirée, à 2 kilomètres 500 au N.-O. de Villers-le-Sec, au S. de la route dominant les pentes descendant sur Ribemont.
.../... l'historique complet, post suivant ....