LE COUP DE THEATRE S'EST PRODUIT.-
Les assassins de W Goüin sont arrêtés Ils ont f ait des aveux complets CE SONT BIEN LES DEUX MILITAIRES SIGNALÉS DÈS LE DÉBUT DE L'ENQUÊTE
Graby et Michel ont tué pour cent sous 1 Quant aux bijoux
de la victime
ils n'ont pu s'on défaire Comment les criminels furent démasqués
MM. Balthazard et Bertillon ne s'étaient pas trompés lorsqu'ils affirmaient que la mort de Mme Goüin était le résultat d'un crime.
La veuve infortunée de l'ancien régent de la Banque de France a bien été assassinée.
Depuis hier, les coupables sont sous les verrous.
Dénoncés par un de leurs anciens cai marades de régiment, qui les avait reconnus sur le quai de la gare, lorsqu'ils montèrent dans le train 826, ils ont été '̃' la sûreté. Mis plus tard en présence de M. Albanel, juge d'instruction à l'intelligence et à la sagacité de qui l'on doit rendre hommage ils furent bientôt contraints d'avouer tout.
Ce dénouement sera, pour la conscience publique, un véritable soulagement. En ce qui nous concerne, nous n'avions jamais douté, nos lecteurs le savent, qu'on se trouvait en présence d'un assassinat. Les faits devaient nous donner raison.
LES LETTRES RÉVÉLATRICES Comment un aide cuisinier de l' Epatant n, Maurice Portehault, fut à même de désigner aux fils de la victime les deux coupables avec lesquels il avait servi au 31" de ligne.
C'est grâce à un aide cuisinier du cercle l' Epatant rue Bnissy-d'Angtas, que la justice a été enfin mise sur la piste des assassins.
Ce jeune homme il n'est Agé que de vingt-trois ans Maurice Portehault, domicilié 11 bis, rue Jean-Nicot, connaissait les fils Goûin qui, tous deux, sont membres du,cercle. Aussi, de même que tout le persorinel de Epatant", s'intéressait-il au plus haut point é cette passionnante affaire. Pour une autre raison, également, le crime du train 826 retenait son attention il avait fait son servies militaire au de ligne, Melun, et il connaissait, par conséquent, un grand nombre de sous-officiers et de soldats appartenant à ce régiment. Or, en lisant, dans le Petit Pari.sien, le compte rendu des recherches opérées par la sûreté générale, il se souvint d'avoir rencontré, à Melun, le jour même de l'assassinat, et d'avoir vu monter dans le train où se trouvait Mme Goilin deux fantassins du jouissant d'une réputat.ion déplorable. Vivement impressionné, Maurice Portehault fit part aux siens de ses soupçons mais, par timidité, et aussi en raison de la t crainte qu'inspire toujours aux simples l'appareil compliqaé et imposant de la justice, il hésitait à faire part de ses soupçons au juge d'instruction. Il fallut, pour le décider, ̃ toute l'autorité de son père et les conseils 1 amicaux de l'une de ses tantes. L'espoir de gagner la prime de francs offerte par la famille de la victime entra également pour une large part dans sa détermination. t Finalement, lundi, il écrivit il :\1. Gaston Goüin deux lettres l'une, au crayon, l'au» tre, l'encre, qu'il porta lui-même au domicile particulier de M. Goüin.
Le récit de M. Portehault Quand il eut pris connaissance de ces révélaiions, M. Gaston Coüin, qui connaissait ) l'y it|e cuisinier comme un garçon sérieux, t i nul1ement bluffeur, les communiqua à son ¡ frère Edouard et celui-ci décida de demans der à Portehault des détails eomplémentaires.
L'entrevue eut lieu dans l'une des salles de l'Epatant, lundi soir. Voici le récit que fit au fils de la victime, Maurice Portehault
> Le 15 décembre dernier, j'avais obtenu du chef cuisinier du cercle la permis:ion de la journée. Je désirais aller voir à i Melun l'un de mes anciens camarades de t régiment, actuellement en traitement à l'hôpital.
Cette visite rendue, je me trouvais il cinq r 1 heures vingt du soir, en compagnie d'un 1 sergent et d'un commis d'administration, ) sur le quai de départ de la gare de Melun, attendant le train qui devait me ramener i i à Paris et qui passe à cinq heures trentequatre.
L Sur le méme quai, mais assez loin de ¡ nous, deux militaires, que je reconnus im-
A la droite du soldat assassin, un des agents de la sûreté qui i accompagnent, uiss»mule son visage, pour échapper à l'objectif.
média tenwnt comme étant Georges Graby et Henri Miche), allaient et venaient, s'entretenant à voix basse. Sachant qu'ils étaient fort mal notés, et me souvenant que, naguère, alors que je porta.is encore l'uniforme du 31', ils avaient été impliqués dans une affaire de vol, je les évitai soigneusement.
Quand le train entra en gare je ne les perdis pas de vue. Le convoi était composé de la façon suivante deux wagons de deuxième liasse, en tête trois voitures de première, un wagon mixte première et seconde communiquant, par un soufflet, avec tes précedents, et, enfin, quatre voitures de troisième classe.
Je me souviens parfaitement avoir vu monter les deux soldats dans le compartiment de second.e du wagon mixte. Quant à moi, je pris place dans une troisième classe. A l'arrivée à la g2re de Lyon, je revis mes anciens compagnons d'armes. Tous deux étaient livides. Ils jetaient autour d'eux des regards inquiets.
-r- Dépêchons-nous, fit chante voix Graby, si nous ne voulons pas rater le train de sept heures, npus n'avons pas une minute à perdre.
Et, sur ce, ils se précipitèrent vers la sortie. Ils avaient toutes les allures, je. vous t'assure, d'individus qui viennent de perpétrer un mauvais coup.
M. Goûin chez le juge
II était près de onze heures du soir quand l'entretien entre M. Edouard Goilin et l'aide cuisinier de Y u Epatant » se termina, en présence de -NI. le docteur Got, médecin de la fnmille.
Profondément bouleversé, Ni. Goüin ordonna à son chauffeur, cu dépit de l'heure avancée, de le conduire, avec M. Got au domicile particulier .de NI. Albânel, le juge instructeur ri:i, ptirallt'loinenl avec soi, clin;gue de Corbeil, M. Gridel, s'occupait, à t'aris, de l'assassinat de la vieille dame. M. Albanel reçut immédiatement son visiteur tardif qui le mit au courant des déclarations faites par Maurice Portehault. Accompagné de M. I;douard Gouin, le juge d'instruction se rendit alors au parquet où, après s'être concerté avec M. de Casablanca, substitut en service, il ..décida de- mander d'urgence, à son cabinet, MM. Legrand, sous-chef de la sûreté l'uliioi, chef de la première brigade mobile, a La sûreté gênérate, et de se faire amener, enfin, Maurice Portehault,.
M. Legrand arriva bientôt. Un inspecteur envoyé 11 bis, rue Jean-Nicot, ne rencontra point tout d'abord le ciii-iimT. Qr.iint à M. Paillet. son téléphone, m: tait pas. Bref, il faisait gnuid jour quand les "person nages cités par U' inugi.strat.se trouvèrent réunis, dans le cabinet de M. Albanel. Après que Maurice Portehault. -eut- répété ce qu'il avait dit, dans la soirée, à M. Edouard Goüin, Legrund et- Pallie!, se mirent en campagne.
Tandis,que le s..i.chpf de ta sûreté se transportait 19e, r;je de la Convention, au domicile des parents de Graby, son collègue de la sûreté générale, prenait le train pour Melun, à l'effet d'y interroger le soldat Mi-
chel, d'opérer dans son paquetage une per» quisition minutieuse et de procéder sur l'emploi du temps des deux- militaires, le jour du crime et les suivants, à une enquête anogoj L'ARRESTATION DE GRIBY~1 C'est chez son père, un brave homm ̃ ^ifux fonctionnaire de la préfecture de ';̃ que le misérable fut appréhendé
matin, ce qui donna lieu a une déchirante.
La tache qui incombait à M. ï.ep;<: particulièrement délicate >i p ̃'•nibie. et l'un des oncles du jeune draby se: ,» deux, en effet, attachés depuis de nombreuses années au service de la silreté.
M. Graby père est sous-brigadier à la brigadejdu « chef c'est-à-dire (,elle que dirige personnellement M. Hamard. Il est très bien noté et possède l'entière confiance de ses supérieurs.
Tout récemment, alors qu^, déjà, des soupçons avaient pesé sur sou fils, il avait lui-môme conduit ce dernier devant NI. Hamard, puis chez M. Palliet et l'avait mis en demeure de se disculper. Le jeune homme avait fourni un alibi, qui avait été accepté, et Georges Graby avait vu son innocence reconnue. Aussi M. Graby père était-il loin de soupçonner l'affreuse vérité.
Georges, dont le congé devait expirer aujourd'hui seulement, se trouvait encore au domicile de ses parents. Quand M. Legrand, qu'accompagnaient deux inspecteurs, eut lait connaître, au malheureux père, le but de sa mission. M. Graby ne put retenir ses larmes
Voyons, chef, ce n'est n,is possible, tit il, d'une voix étranglée de sanglots l'enfant d'un honnête homme comme moi ne peut être un assassin. Et je suis un honnête homme, vous le savez bien, vous, monsieur, et vous aussi, mes bons amis, mes chers camarades.
Douloureusement émus, le sous-chef <̃'» la sûreté et ses inspecteurs prirent les mains de leur vieux collaborateur et, sans une parole, les serrèrent longuement, cordialePuis, l'opération commença. il le fallait. Georges Graby y assistait. C'est un garçon de petite taille, au visage osseux, aux membres grêles il a le regard fuyant, une moustache blonde, naissante, ombre sa lèvre supérieure. On ne peut mieux le comparer un lad » où à un jockey.
ViMn sommairement de son pantalon, de sa chemise, coiffé- d'une casquette enfoncée sur le front, il suivait curieusement, mais sans émotion, apparente, les allées et venus de M. Legrand,
A toutes les questions que lui posait son père il se bornait à répondre, en haussant dédaigneusement les épauies
Tout cela ne tient pas debout. Tu sais bien que mon alibi a été reconnu pourquoi te tourmenter
Mais enfin, suppLait le pauvre homme, presque aux genoux de son fils,. si M. Albanel, qui me connaît, si M. Legrand, qui tn'estime, n'ont pas reculé devant une perquisition qui devait me broyer le coeur, c'est • qu'ils ont « quelque chose ». Je ne m'y nns, je ne peux pas m'y tromner. ̃ mon fils, mou enfanlj'mon Geor:bk\ pari' avoue-le. je :ni j-iltirf profond de son être son terrible se,uoir fouillé ]ps meubles, visité soi,mm:iseinent Inus les papiers, les vétements milita ir<-s et civils, le linge de corps, saisi un couteau, un carnet oontenant des adressas et divers autres objets, le sousi-hei1 de la sûreté se retira en emmenant le jfiint- soldat, qu'il avait reçu mission de conduire au parquet, où l'attendait M. AiJusqu'il onze heures et demie Graby resta dai'iâ Jesi locaux de la sûreté.
MICHEL ARRÊTÉ A LA CASERNE C'est à dix heures et demie du matin, à la caserne Saint-Barthélemy, à Melun, que le complice de Graby reçut la visite de M. le commissaire Palliet. Il fut amené en automobile à la sûreté.
Tandis que ces événements se déroulaient ieris, l'arrestation du soldat Michel, 1 ami et le complice de Graby, était opérée à Xlelun, et cela si rapidement et si discrètement que de toute la journée, en ville, personne n'en a rien su. La nouvelle ne fut connue que dans la soirée seulement par des permissionnaires, qui, sortis après la soupe de cinq heures, la colportèrent de café en café, sans pouvoir fournir à leurs auditeurs des détails très précis.
La commission rogatoire
Il était dix heures et demie.. Le lieutenantcolonel Fropo et les officiers du 31° de ligne sortaient de la salle de rapport. Ils se disposaient à partir, quand M. Palliet, comm.issaire divisionnaire de la première brigade des recherches, qui était venu de Paris en automobile, accompagné de l'inspecteur Carré, franchit la grille de la caserne Saint-Barthélemy et pénétra dans le corps
M. Palliet, sadressant au colonel, lui donna connaissance de la commission rogatoire de M- Albanel dont il était porteur et lui demanda de vouloir bien faire venir le soldat Henri Michel, de la S* compagnie. M. Palliet ne posa au soldat aucune question, ne lui fit subir aucun interrogatoire. Il se borna il constater son identité. Il enregistra son nom, ses prénoms, son tige, puis, froidement, lui dit:
C'est parfait Je vais vous emmener à Paris, où M. le juge d'instruction Albanel désire vous voir. Il a besoin d'un renseignement urgent que vous seul êtes à même de lui donner.
Michel ne protesta pas, ne demanda pas d'explications. Il n'y eût chez lui ni surprlse, ni révolte, mais il pâlit légèrement. Il suivit M. Palliet, monta avec lui dans l'automobile qui prit aussitôt la direction de Paris, se dirigeant-vers la préfecture de police.
La saisie des paquetages
Pendant ce temps, M. Colin et l'inspecteur Dupin de la Fourcade s'étaient fait conduire aux chambrées de Grabv et de Michel. En présence du commandant Hamat et de l'adjudant de semaine, ils saisirent leurs paquetages. Tout £e qui leur appartenait, tuniques, vestes, bourgerons, pantalons, képis, linge, souliers, baïonnettes, sauf tes fusils, fut placé dans deux sacs, réquisiüonnés à cet effet, et emporté. Dans une boite, on trouva un certain nombre de lettres saignées Adrie,nne, une domestique placée aux environs de Paris, qui envoyait de l'argent n Michel et lui recommandait de ne pas aller au Cadran bleu, cet '̃̃tnblissement où il l'avait conduite une fois et où il lui avait juré de ne plus retourner u. effet militaires et menus objets parmi lesquels se trouve un couteau ̃̃̃> l'idii d'arrêt, qui ont été saisis, seront mis à la disposition du docteur Balthazard et soumis à son examen.
LES COUPABLESTAU PARQUET Graby subit un premier interrogatoire à titre de témoin. z- II s'enferre. Michel soutient qu'il n'a pas pris le train 826. Georges Graby fut conduit, à onze heures et demie, au cabinet de Ni. le juge d'instruction Albanel. Le magistrat, en habile et expérimenté instructeur, n'a garde d'abord de le mettre au courant des déclarations de NI. Portehault. Il le laissa s'enferrer comptélouienl.
vous maintenez, n'est-ce pas, lui dit-il, que le décembre vous n'avez pas quitté Melun ?
Je le maintiens, répond Graby, et il est fart heureux que mon ancien camarade Poulain m'ait rencontré pe jour-là, car, sans cela, je serais aujourd'hui accusé de l'assassinat de Mme Goüin.
Oui, c'est exact, répond le magistrat. Soupçonne d'être l'un des soldats aperçus dans; le ira in &!&, vous avez pu justifier que vous aviez passé la soirée du 15 décembre 'l-oiïd un éublissement de Melun, le Cadran Bleu ». Vous rappelez-vous l'heure laquelle vous avez quitté la caserne ? Oui. Il était six heures moins vingt à 3 horloge du quartier.
Et qu'avez-vous fait
Je sais allé acheter un paquet de tabac puis, dans la rue, j'ai rencontré mon ancien camarade Poulain, avec qui je suis allé au » Cadran Bleu ».
Nous avons quitté cet établissement à
neuf heures; j'ai accompagne mon ami sur la route d'Héricy et, à onze heures, j'étais à la caserne.
Ce dernier détail est encore exact. A onze heures vous étiez, en effet, porté rentrant. Notre enquête a établi aussi que des habitués du Cadran Bleu » vous ont vu dans ce café.
Alors, triomphant, Graby s'écria
Vous voyez bien que mon innocence est manifeste. Je ne sais vraiment pas pourquoi 1 on m'a conduit ici.
Oh fait le juge, tout simplement pour avoir quelques petites précisions. Nous vous las demanderons après déjeuner.
Et M. Albanel donne l'ordre de reconduire le soldat au service de la sûreté, où il déjeune d'un bon appétit.
La version de Michel
A trois heures et demie arrivent MM. Palliet, chef de la première brigade mobile Gridel, juge d'instruction à Corbeil, et Fortin, procureur de la République près le tribunal de cette ville. Déjà, le docteur Got, le docteur Balthazard, M. le substitut de Casabianca s'étaient donné rendez-vous dans,le cabinet de M. Albanel.
M., 'Portehault et NI. Edouard Goüin attendaient dans une pièce voisine.
Henri Michel, qui vient d'arriver de Melun, est introduit et aussitôt interrogé il ne fait aucune difficulté pour reconnaître que, le 15 décembre, il est venu à Paris mais il prétend qu'il n'a pas pris le train 826 et affirme qu'il n'avait pus pour compagnon de route le soldat Graby.
J'étais, dit-il, en permission régulière de vingt-quatre heures. Je venais voir ma maltresse, Lucie Robert, qui habite 34, rue François-Miron.
L'avez-vous vue dès votre arrivée ? Oui.
Avez-vous gassé la nuit chez elle ? Non. ou plutôt oui. J'ai mauvaise mémoire.
El, pressé de questions par M. ALbaneL Henri Michel se trouble.
Le juge le fait conduire dans le couloir et ordonne qu'on lui amène Graby.
Nous sommes arrivés, dit le magistrat
LA SCÈNE DES AVEUX MicSiel comprend qu'il est perdu « C'est nous qui avons fait le coup s'écrie- t-il. Et son complice est contraint d'avouer à son tour.
Le rnoment paraît venu, au magistrat, de faire rentrer Miche!.
Celui-ci persiste à affirmer qu'il est venu seul il Paris, mais ,dès les premiers mots, Grabv l'arrête
Mais non, tu sais bien que j'étais avec ioi. Tu peux le dire
Michel hésite encore. Il regarde les magistrats, il regarde M, Portehault il comprend qu'il est perdu. Il veut avoir le bénéfice des aveux. Il se tourne vers Graby, son camplice
Allons, dit-il, pas de chichi. Oui, c'est moi. c'est toi, Graby. c'est nous qui avons fait le coup.
Graby reste impassible.
Mais Michel, lui qui n'a reçu ni l'instruction ni l'éducation de son camarade, lui qui n'a jamais eu d'autres profession avouable que celle de lutteur ou d équilibriste, se met à fondre en larmes.
Le crime raconté par Michel Alors la confrontation devient émouvante. L'ancien lutteur reproche au fils du sousbrigadier de la sûreté de l'avoir entraïné dans le crime. Il le fait dans une langue rude, avec des mots d'argot.
Il y a longtemps que tu me « barbais » avec ce truc-là. Tu me disais toujours « Il y a un joli coup à faire dans-le train. Nous pourrions avoir de la bonne galette n. J'ai fini nar marcher. Nous avons assommé la vieille pour la valer.
Graby ne répond pas.
Il vous sera tenu compte de vos aveux, dit M. Albanel à Michel. Racontez-nous maintenant dans tous ses détails votre crime.
Michel s'exécute et fait le récit suivant Du wagon mixte de première-deuxième. il nous a été facile, par les soufflets, de passer dans les wagons de première classe. Nous avons traversé les deux qui précédaient immédiatement le wagon mixte. Rien à faire. Il y avait trop de monde, mais au troisième, c'est-à-dire à celui qui était le plus rapproché de la locomotive et venait immédiatement après deux wagons de seconde, nous n'avons rencontré que Mme Goüin.
Elle était dans le quatrième compartiment et paraissait assoupie.
Il Voilà notre affaire » s'est écrié Graby. Et, avant de me laisser le temps de faire la moindre remarque, 'il s'élançait sur la voyageuse, la jetait à terre et à coups de talon lui martelait la tête contre la plaque de chauffage. Je n'avais plus qu'à me jeter à mon tour sur Mme Goüin pour la maintenir, car elle paraissait vouloir résister. Elle fut vite à bout de force. Bientôt, elle nk bougea plus. Je lui arrachai alors ses gants, comme si j'avais dépouillé un lapin, et je lui enlevai ses bijoux.
Puis, pendant que Graby quittait le compartiment, fermait la porte à coulisse du couloir du wagon et allait se laver les mains au lavabo, j'ouvrais la portière donnant directement sur la voie et je jetais notre victime dans le vide.
Mais à ce moment la portière fit un choc en retour et me pinça les doigts qui saignè-
se détourna légèrement et se moucha avec ees doigts en disant, par politesse, à ses voisins en manière d'excuse
La propreté n'est pas défendue. Après quoi, gravement, il acheva la formule. et rentra dans le rang.
Renaud s'avança. Son visage était blâme. Les lèvw.s toutes blanches. C'était un fantôme, image de la douleur, spectacle de l'homme aux prises avec la torture de l'àme, avec la détresse, avec le désespoir sans limite.
Lilienthal ne le perdait pas de vue. Cette souffrance, qu'il ne devinait pas qu'il voyait, car elle était visible, éclatante, semblait lui donner une joie mauvaise, car ses yeux étaient ardents, et un peu de rouge colorait les pommettes saillantes de ses joues maigres.
L'officier récita la première phrase. lentement. pour qu'elle entrùt dans la mémoire du jeune soldat et qu'il pût la redire sans se tromper.
Et Renaud, 1 âme absente, Famé errant sur la frontière de France, répéta, sans savoir quelles paroles tombaient de ses lèvres ci Je jure à Dieu qui sait et peut tout, en » un serment personnel, de servir toujours » fidèlement et honnêtement Sa Majesté » l'Empereur d'Allemagne et roi de Prusse, » Guillaume II, mon gracieux souverain. » La main gauche de Renaud, appuyée par ordre sur la hampe du drapeau, s'en était détachée, et les trois doigts du geste symbolique de la main droite s'étaient refermés. Lilienthal commanda durement
Votre main sur le drapeau Ouvrez les doigts 1
Renaud obéit, semblant se réveiller d'un songe.
L'officier récita la seconde phrase, les yeux rivés dans les yeux de Renaud n en toutes circonstances, sur terre et sur » mer, en temps de paix et en temps de » guerre, en quelque heu que ce soit. Renaud, âdèlement, récita les paroles,
a co soldat, au moment où il va falloir préciser. Continuez-vous il affirmer que vous n'êtes sorti de la caserne, le 15 décembre, qu'à six heures moins vingt ?
Oui.
Vous maintenez aussi qu'à six heures vous étiez au « Cadran Bleu avec votre camarade Poulain ?
Je le maintiens Poulain l'a d'aiüeurs reconnu.
Putain a reconnu qu'il avait passé une partie de la soirée avec vous il n'a pas précisé l'heure. Enfin, vous déclarez que vous n'avez pas quitté Melun le 15 décembre ?
Je le jure.
Ne jurez pas si vite. Quelqu'un vous a vu, à 5 h. 30, à la gare de Melun et à 6 h. 20 à la gare de Lyon. Ce quelqu'un est là. Devantleur accusateur
Sur ce, M. Albanel, ouvrant la porte de son arrière-cabinet, introduisit M. Portehault.
A la vue de son ancien camarade du 31' de* ligne, Graby devient blême. Il proteste cependant encore. Mais M. Portehault précise. Alors, le soldat jette du lest, il reconnalt qu'il a pris le train 826.
J'ai fait, dit-il, mon escapade à Paris, Je l'ai cachée parce que je n avais pas de permission. J'ai accompagné mon ami Michel, et je suis rentré ensuite à Melun. Pourquoi, demande le juge, avez-vous cherché à établir un alibi ?
Uniquement pour ne pas être puni. Vous n'avez pas l'habitude de prendre des secondes classes. Dans quel but êtesvous monté dans le wagon mixte des secondes-premières ?
Nous sommes montés en queue du train, dans un compartiment de troisième. C'est faux, s'écrie NI. Portehault, je vous ai vus monter dans le wagon mixte des secondes-premières.
Devant cette affirmation catégorique, Graby déclare
C'est un détail que je ne voulais pas faire connaître, car il est interdit aux simples soldats de prendre des premièrea classe.
rent, d'où les traces sanglante qui ont été relevées sur la portière et le rideau. La douleur ne me fit pas cependant perdre la tête et je refermai la portière non sans effort.
J'avais eu soin de fouiller Mme Goüin. Je n'ai trouvé que 5 francs dans son porte-monnaie. J'ai voulu ouvrir son sac à main, qui était resté dans le wagon, mais je ne pus y réussir immédiatement. Alors, comme il fallaet faire vite, j'ai pris un couteau et l'ai éventré. Il n'y avait rien à prendre. Je l'ai envoyé rejoindre « la vieille » sur la voie et, avec Graby, je suis allé reprendre ma place dans le wagon mixte.
J'ai quitté mon complice à la gare de Lyon. Lui a repris le train de 6 heures 40 pour Melun et moi je suis allé directement chez ma maltresse.
J'ai conservé sur moi une bague gourmette et j'ai placé les deux autres dans une boite d'allumettes que je suis allé cacher sous une tuile, sur le toit de la maison de Lucie Robert, où vous les trouverez. Quant à la bague gourmette, la voici. Et ce disant, Michel déboutonnait ses vêtements et retirait, de l'intérieur de sa chemise, où elle était attachée au moyen d'une épingle.anglaise, la bague en question. Elle a été reconnue par le docteur Got comme ayant appartenu A la victime. Il ne restait plus à Graby qu'à avouer à son tour. C'est ce qu'il a fait.
Les deux soldats ont été ensuite conduits au petit parquet, après que M. Crosnier, greftier do M. Albanel, eut consigné leurs aveux.
Au petit parquet devant le substitut de service, Henri Michel a déclaré qu'il était né à Neuilly-sur-Seine, le 25 mars 1885. Il s'est engagé pour cinq ans, le 28 mai 1907. Georges Graby, né en 1883, était graveur lorsqu'il s'est engagé, également pour cinq ans, le 10 juin 1907.
Ifs ont été écroués au dépôt sous l'inculpation d'homicide volontaire suivi de vol, crime passible de la peine de mort, même en l'absence de toute préméditation.
Les bijoux retrouvés
Sur commission rogatoire de M. Albanel, M. Legrand, sous-chef de la sûreté, accompagné de M. Doll, inspecteur principal, s'est rendu 34, rue François-Miron, où il a perquisitionné chez la maîtresse de Michel. A six heures du soir, il est parvenu il découvrir, snr le toit de l'immeuble, enfermées, ainsi que Michel l'avait déclaré, dans une boite d'allumettes, une bague en diamants et une autre bague, forme nœud Louis XVI, ornée d'une perle.
Ces deux bijoux ont été reconnus par M. Edouard Goüin comme étant ceux de sa mène.
NOTRE ENQUETE A MELUN Meltm, 4 janvier.
Michel est un ancien acrobate. De bonne heure orphelin, il fut élevé tant bien que mal à Paris par un tuteur qui n'avait guère le temps de s'occuper de lui. Engagé volon- taire, sa souplesse, son habileté dans les
d'une voix lointaine, une voix étrange qui lui paraissait à lui, celle d'un autre, et que Pervenche lui-même ne reconnut pas. Et Lilienthal continua, repris aussitôt par Renaud
» Je m'emploierai à tout ce qui peut être n profitable à Sa Majesté, j'écarterai d'elle tout dommage et tout préjudice. J'observerai exactement les articles du code min litaire, qui ont été lus devant moi, ainsi que les instructions et les ordres qu'on me donnera. Je me conduirai comme il con» vient à un honnête et bravu soldat, fidèle » à son devoir et à l'honneur. Aussi vrai que n je désire que Dieu et son saint Evangile » m'assistent. »,
Là-bas, au loin, dans toutes les casernes de France, à peu près au même jour, le ma- tin, le régiment se réunissait en grande te- nue dans la cour. formant le carré. Au milieu du carré se tenait le drapeau tricolore, avec sa garde. Les hommes, même les blagueurs et les sceptiques, regardent, avec un frisson ému. et quand le ooltmel parle, simplement, sans emphase, comme un père parlerait à ses enfants, le frisson s'accentue au fond de ces braves coeurs et les mains serrent plus solidement la crosse du fusil. Ce ne sont point les phrases officielles que l'on récite par ordre et qui'ont dans leur tournure, quelque chose de l'inflexibilité et de la raideur allemandes, c'est uu appel clair comme un coup de clairon Mes enfants, n ayez ni peur ni tristesse. » Vous êtes venus ici pour remplir un de» voir Remplissez-le joyeusement et allégrement Si, à de certaines heures, il » vous paraissait trop pénible, venez me » trouver et parlez-moi comme vous le fe» riez à votre père. Je ne veux pas seulen ment votre obéissance. Je veux aussi » votre confiance et votre affection. Ayez le respect de vos chefs. N'en ayez pas la x crainte.. Lorsque vous leur parlez, regardez-les hautement et fièrement, les yeux » dans les Yeux Conservez le culte du
exercices du corps l'avaient fait remarquer de-ses chefs. Malgré sa mauvaise conduite, il avait réussi à se faire nommer prévôt d'escrime.
Tout de 'suite il se lia avec Graby et Daniel, l'homme dont le dos est tatoué d'une guillotine et qui, étant puni de prison, s'évada le 22 décembre dernier, dans les circonstances que nous avons contées. Graby, Michel et Daniel devinrent les trois inséparables, que l'on rencontrait dans tous les mauvais lieux, toujours en quête de quelque coup i1 faire. L'argent ne leur manquait jamais, car les porte-monnaie de leurs camarades étaient là pour leur en fournir. Ce qu'il y eut de vols commis à la 3' compagnie est incalculable
Ils furent soupçonnés, surveillés; mais plus malins que ceux qui étaient chargés de les prendre la main dans le sac, ils déjouèrent toutes les combinaisons élaborées contre eux. De guerre lasse, on les laissa tranquilles, et, à peu près sûrs de l'imputué, ils purent opérer tout à leur aise aux wpens des autres.
Le « Cadran Bleu » fut le lieu préféré de leurs rendez-vous. Ils régnaient en maîtres sur les cours des demoiselles peu farouches de l'établissement, dont le dévouement éprouvé leur servit en maintes occasions fâcheuses.
L'arrestation de Graby et de Michel, ainsi que de Daniel, qui, comme nous l'avons dit, est incarcéré au Cherche-Midi, en prévention de conseil de guerre, sera un véritable soulagement pour les infortunés soldats du 31» de ligne, qui étaient obligés de vivre, avec eux, dans une promiscuité de tous les instants.
L'alibi préparé
Il est tout naturel qu'à un moment donné, quand on suspecta Graby, à ta suite de la découverte faite dans son paquetage, de ce cache-col dont le signalement ressemblait, d'une façon si frappante, au foulard aperçu par M. Lallia, le fils de l'hôtelier de Melun, une hésitation, un doute se soient emparés de- M. Colin, l'adjoint de M. Palliet, qui enquêtait à la caserne Saint-Barthélémy avec un souci de la vérité tout à son honneur. Graby avait songé il. se créer un alibi, qui, première vue, semblait indiscutable. Et vraiment, quand, le 31 décembre, il partit en permission, libre et triomphant, il put croire qu'il avait convaincu pour toujours les policiers de son innocence.
En effet, M. Leclercq, qui, dans la Grand'Rue, en face du palais de justice tient un déhit de tabac calé, m'a affirmé, hier soir encore, qu'entre sept heures et demie et huit heures Graby et son camarade, le puisatier Poulain, d'Héricy, étaient arrivés chez lui. A neuf heures, m'a-t-il spécifié, Poulain, qui voulait prendre le train pour retourner à Héricy, est parti seul. Graby, qui avait fait une partie de billard avec lui, est resté dans mon établissement jusqu'à onze heures moins le quart. Il a mange du saucisson, du fromage, bu du vin blanc. Nous avons fait ensemble une partie de cartes et il ne paraissait être, je vous assure, sous l'empire d'aucune préoccupation.
D3 la gare chez M. Leclercq, il y a loin. Il faut, en marchant bien, près d'un quart d'heure de chemin. Graby ayant pris à cinq heures 30 le train direct pour Paris, pouvait-il se trouver, à huit heures, en face du palais de justice, à Melun ? L'affirmative n'est pas' douteuse.
Arrivé à 6 h. 20, Graby, sans sortir de la gare de Lvon, a repris dix minutes plus tard, à 6 h. 40, un train qui l'a déposé à Melun à 7 h. 37. En prenant le pas gymnastique, Graby pouvait être avant huit heures chez M. Leclercq, laissant son complice libre de s'arranger comme il l'entera drait.
Le puisatier a ment
Il ment, par exemple, et avec lui le puisatier Poulain, qui semble n'avoir fait que débiter la leçon que, d'avance, on lui avait faite, quand il prétend qu'il est allé au Cadran Bleu avant d'entrer chez M. l*clercq. Matériellement, le temps lui manquait et il est probable qu'il n'y a même pas songé. Poulain a connue Graby au 310 de ligne. Libéré, il avait {gardé avec lui d'excellentes relations.
Interrogé, pour la seconde fois, hier, à Moret, où il travaille actuellement, par l'inspecteur Campencr, il a soutenu, contre toute vraisemblance qu'il avait rencontré Graby vers les cinq heures, qu'ils s'étaient rendus aussitôt au Cadran Bleu, puis dans le débit Leclercq, bref, qu'ils ne s'étaient pas quittés de la soirée.
En altérant ainsi sciemment la vérité, Poulain, qui est un esprit simple et n'a aucune idée du danger qu'il court, doit obéir aux instructions que Graby a dû lui envoyer par lettre le lendemain du crime. D'ailleurs, il semble tout ignorer de la mort de Mme Goüin et feint de croire que son ami a commis quelque faute grave contre la discipline qu'il importe d'atténuer.
Peut-être sa naïveté n'est-elle pas aussi grande qu'il voudrait le donner à entendre. CHEZ M. EDOUARD GOUIN Son ami, M. le docteur Got, nous fournit d'intéressants détails sur les faits qui précédèrent la double arrestation. Un de nos collaborateurs s'est rendu, hier, chez M. Edouard Goüin, au moment où l'arrestation des deux coupables fut accomplie. Quoique tout à son deuil, M. Edouard Goüin, qui recevait à ce moment précis plusieurs de ses proches parents, voulut bien cependant nous accorder quelques instants d'entretien.
Je viens d'apprendre, nous dit-il, le résultat de l'interrogatoire qu'ont subi les assassins de notre mère. Vous me demandez
» drapeau, surtout de celui de votre régi» ment. Enfin, ayez la coquetterie de votre si uniforme. C est un des pus glorieux qu'il Il y ait et il a conquis le respect et l'admira» tion du monde. M
Les recrues rapportèrent à la chambre leur enthousiasme inspire par la cérémonie. On leur permit de sortir. Les hommes eurent deux heures de liberté, et plusieurs de l'escouade en profitèrent.
Quelqjes-uns, assommés par les fatigues des jours précédents, restèrent à la caserne, se couchèrent et dormirent une fois tout leur soûl.
Ils ne s'éveillèrent que lorsque sonna l'appel pour le repas du soir et se précipitèrent vers les cantines.
A la chambre, dans la soirée, Schade et le gefreite ne parurent pas. On savait que chacun d'eux avait une connaissance en ville, dans les faubourgs près de la Moselle, et ils allaient passer là leurs heures de liberté.
Les hommes, rentrés de leur promenade en ville, avaient l'air très monté et comme ils n'étaient pas sans avoir fait des libations nombreuses, leur enthousiasme guerrier touchait à la fureur.
Un ou deux, Wolff et Reimer, surtout, qui avaient voué aux deux lorrains, on ne sait pourquoi, une rancune particulière, vinrent leur chanter sous le nez des chansons patriotiques. Pervenche, une fois, impatienté, écarta Wolff doucement et le soldat alla trébucher'et faire la pirouette sur son lit. Alors, Reimer hurla
Que la racine welche pourrisse
Et que le tronc allemand fleurisse 1
Que ce qui fut jadis la gloire de la France Devienne la honte de son peuple
Nous aussi, nous méprisons le sang de la Gaule Cette poésie qui courait les casernes allemandes, déchaîna les hommes, même ceux qui,, jusqu'alors, s'étaient tenus silencieux
des détails Hélas je ne saurais vous les fournir avec précision, tant je suis, tant nons sommes tous bouleversés par cet abominable crime.
Mais voyez de ma part mon ami M. le docteur Got, médecin de notre famille. Il a suivi toute l'enquête. 1l en sait plus que nous tous et vous donnera comme je vais d'ailleurs le prier de le faire les détails qui concernent la dénonciation et l'arrestation des deux misérables. »
Le docteur Got, que nous rejoignons quelques instants après, voulut bien, avec une extrême obligeance, nous dire par le menu comment la justice parvint à la connaissance de la vérité.
Grâce au Petit Parisien » Si nous avons pu confondre, dit en commençant notre très aimable interlocu,leur, les deux gredins qui ont assassiné l'infortunée Mme Goüin, c'est grâce au concours que la presse en général et le Petit Parisien en particulier nous ont prêté. Le grand journal que vous représentez, monsieur, n'a cessé de proclamer qu'il y avait eu crime. Parmi les premiers, il a publié la lettre par laquelle M. Edouard Gouin annonçait, au public, qu'il offrait une prime de 25,000 francs à quiconque dénoncerait le où les assassins.
L'idée d'offrir une prime revient en partie à M. Albanel, qui, dans la circonstance, a agi avec une décision, une habileté et une ténacité à laquelle il convient de rendre ici un juste hommage.
Vous savez déjà qui est le dénonciateur. J'avais formellement promis, sur ma parole d'honneur, de ne le point désigner par son nom, mais je vois bien puisque ce nom vous me le donnez vous-méme que le secret n'a pas été gardé. Il l'eût été difficilement, d'ailleurs, car Portehault s'était confié à quelques-uns de ses camarades. et dans ce cas.
Donc, quand le jeune homme se décida à faire connaître ce qu'il savait, il y avait déjà au moins trois personnes à qui il avait fait part de ses soupçons et qui l'engagèrent vivement à dénoncer à la justice ceux qu'en son âme et conscience il considérait comme les coupables.
Hier, lundi, il se rendit, à trois heures et demie, à l'ancien domicile de M. Gaston Goüin, qui habitait récemment encore boulevard de Courcelles. Il apprit là que celui qu'il cherchait avait déménagé et se rendit h l'adresse qu'on lui donna. Maurice Portehault laissa pour lui une lettre assez vague. Vers sept heures et demie du soir, il revint avec une seconde lettre,.cette fois pleine de détails précis, et dont M. Gaston Goüin eut connaissance peu après.
Très ému, M. Gaston Goiiin se rendit en toute hâte chez NI. Edouard Goüin, qui me téléphona d'accourir aussitôt. Et, devant les précisions que contenait cette lettre, nous décidâmes, vous le savez, M. Edouard Gouin et moi, de nous rendre chez Maurice Portehault.
Nous le trouvâmes chez lui. Il confirma les termes de sa lettre. Il y ajouta quelques détails plus précis encore.
Nous apprimes ainsi qu'il avait connu au 310 de ligne les deux troupiers qu'il signalait. Il nous donna sur leur compte des détails extrêmement curieux et nous réitéra qu'ils les croyait capables de tout, en ajoutant qu'au régiment leur réputation était détestable. C'est alors que nous l'engageâmes à répéter ses dires devant un juge d'instruction. Il finit, après avoir longuement hésité, par accepter de renouveler ses déclarations en présence de M. Albanel. Il accepta surtout quand nous nous fûmes engagés à lui verser le montant de La prime et à ne point livrer son nom à la publicité. Précaution assez inutile, à ce que je vois. M. le docteur Got nous raconte, ensuite, comment, dans le cabinet du magistrat instructeur, la nuit se passa à rapprocher les déclarations, très précises, de Maurice Portehault, des indications fournies par l'enquête. Il relate l'arrestation des coupables et leurs aveux.
Il conclut ainsi
Voilà, monsieur, tout ce que je puis vous dire. Cette double arrestation met fin, pour une famille honorable et des plus respectées, à un affreux cauchemar. Elle met fin'à à des insinuations contre l'odieux caractère desquelles je ne saurais trop protester. Et maintenant, laissons la famille Gouin pleurer en paix, près du cercueil de la morte. La parole appartient à la cour d'assises. OU SERONT JUGÉS
LES DEUX ASSASSINS ?
Graby et Michel vont rester au dépôt jusqu'à ce que l'on ait décidé devant quel tribunal ils seront traduits.
Comme militaires en activité de service, ils devraient comparaitre devant le conseil de guerre. Mais, un arrêt rendu le 23 juillet 1908 par la chambre criminelle de la cour de cassation décide que tout soldat porteur d'une permission régulière est justiciable des tribunaux ordinaires pour les délits et crirnes de droit commun commis durant la durée de la permission.
Cet arrêt dit qu'il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les permissions, l'article 57 du code de justice militaire n'excluant ni celles de courte durée, ni celles n'emportant pas mutation, ni celles, enfin, n'entrai- nant pas la retenue ni le retrait d'une partie ou de la totalité de la solde. a La permission, d'après la cour suprême, est un titre en 'vertu duquel un militaire est à la fois libéré des obligations du service militaire et autorisé à quitter sa garnison pendant un temps déterminé. » Il ressort de cet arrêt que si, comme il le prétend, Michel était porteur d'une permis-
Et ce fut la Garde du Rhin qui vint meurtrir les oreilles des deux Français Un appel résonne, comme l'écho du tonnerre, Comme un cliquetis d'armes et comme le bruit [des vagues
Au Rhin Au Rhin Au Rhin allemand 1 Qui veut être le gardien du Ileuve
Chère patrie, n'aie crainte,
La garde est fidèle et sûre,
La garde, la long du Hhin.
Qu'importe que mon cœur se brise dans la mort 1 Tu ne deviendras pas Français,
Car l'Allemagne est riche en sang de héros, Comme ton cours l est en eau.
Chère patrie, n'aie crainte,
La garde est fidèle et sure,
La garde, la long du Rhin.
Pervenche et Renaud s'étaient étendus dans leur lit et feignaient de dormir Comme ils étaient loin, hien loin de la frontière Jamais la patrie vers laquelle ds avaient voulu fuir ne leur avait semblé si éloignée. Et pourtant, tout près, le large lit de la Moselle tralnait presque sous leurs fenêtres les flots ramassés tout le long du chemin, et parmi lesquels il y avait des flots qui venaient de France. Les eaux vertes qui couraient se jeter dans le Rhin, sous l'orgueilleuse statue du vieux Guillaume, avaient caressé les rives françaises, baigné les racines des aulnes et des peupliers, avaient prêté leur force de courant aux bateaux descendant, avaient rejailli en écumes blanches contre l'avant des chalands qui remontaient, pendant que, sur le chemin de'halage des hommes ou des chevaux tiraient la corde, tendue en arc, et qui, parfois, fouettait d'un grand coup la rivière. Les eaux qui venaient se perdre dans le Rhin avaient entendu, au bord des prairies françaises, le long des coteaux français, les rires des filles et les chansons des garçons. et sur ses rives étaient passés des régiments de pantalons rouges ou des bataillons de chasseurs. Avant de se mêler à la vie allemande, la Moselle avait participé à la vif
sion, même de justiciable de lâ juridiction civile et en ̃ inerait avec lui, devant la cour d'assises, complice Graby, bien que non permissionnaire. …
SOURCE BNF