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 Opération "Lorraine" .

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MessageSujet: Opération "Lorraine" .   Opération "Lorraine" . Icon_minitimeMer Déc 11 2013, 11:27

 Opération "Lorraine" . 908920120  1952- Opération Lorraine  Opération "Lorraine" . 908920120   


  Le Général Raoul Salan s'est mis à dégager ses forces du secteur d'Hoa Binh.

Cette base importante avait été reprise par les paras dans l'opération Tulipe (le 15 novembre 1951 - la dernière opération employant Ju52 l'avion).

Ayant nettoyé la route pendant la fin de janvier (utilisation de 12 bataillons), Salan a ordonné un retrait.

  Pendant la fin de février, une retraite "saute-mouton" en bas de la RC6.  

Une fois en arrière dans le Delta, la guerre dans le Tonkin a semblé avoir atteint une impasse.

Les hommes de De Lattre tenaient, apparemment le Delta Fluvial Rouge.

  Ce n'est qu'avec la mousson, en octobre, que les activités ont repris de nouveau.  

Giap a envoyé ces divisions, 308, 312 et 316 au sud-ouest dans la Région montagneuse Thaïe, vers le Laos.

Leur première cible était la position française à Nghia Lo, une arête entre les rivières Noires et Rouges, ensemble avec des attaques sur Gia Hoi et le Yen de Fourgon.

Malgré la résistance féroce de la garnison vietnamienne, Nghia Lo est tombé "face à la vague humaine" de l'assaut de la division 308, le 17 octobre, et les autres garnisons dans le secteur ont eu recours à la Rivière Noire - ils ont été sauvés de la destruction par le sacrifice du 6e BPC , qui a été laissé tomber à Tu comme une force de blocage.

Beaucoup des troupes CFEO se sont postés à Na San, où une base fortifiée (fourni par le pont aérien) a été rapidement établie comme la seule position viable dans le secteur.

Mais, soudainement, tous le nord-ouest du Tonkin et le pays frontière du Laos était ouvert au Vietminh.

Salan avaient considéré les attaques de Nghia Lo comme une fausse piste (l'attente d'une attaque sur le Delta une fois qu'il avait remis des réserves).

Comme ce n'est pas arrivé, il a décidé de lancer une offensive dans le Viêt-Nam Bac au nord du Delta.

  Il s'est attendu à ce que Giap ait réagi en se retirant de la Rivière Noire.  

Pour effectuer ce plan audacieux, Salan a décidé de frapper le long de la ligne de la Rivière Claire et RC2 et a assemblé une force de 30 000 hommes (la plus grande concentration française encore vue en Indochine) pour faire ainsi.

Ont été inclus quatre groupes parachutistes, deux sous-groupments Blindés (1er Chasseurs et 8e RSA) et un d'assaut (l'ADN 12) sur la Rivière Claire.

  On a donné le nom de code de l'opération : "la Lorraine".

L'armée de terre assemblée dans deux points : Trung Ha sur la Rivière Rouge, nord-ouest de Fils Tay et le Viêt-Nam Tri sur la Rivière Claire au nord-est et avancé le 29 octobre, visant à relier à Phu Tho (quelques milles 32km au nord).

Cependant, les vietcongs ont ralenti les mouvements avec des actions et le lien n'est pas arrivé avant le 5 novembre.

Le manque d'opposition a donné confiance au CFEO et ils se mettent en route plus profond dans la région montagneuse.

Le 9 novembre, 2 350 parachutistes du 3e BPC, 1er BEP et 2e BEP laissé sur une DZ grossière près de la base de provision Viet à Phu Doan (l'Opération Marion) et les unités blindées de GM 1 et 4 ont donné de l'avancement à RC2 pour les soulager, avec l'appui des fusiliers marins du groupe d'assaut.

Dans cette phase de l'opération, les français ont capturé des réserves aux Viets incluant 4 camions de Molotava Soviétiques (qui a étonné leur service secret!).

De Phu Doan, la force de CFEO principale s'est avancée au Yen Phu, tandis que l'on a fait sortir des patrouilles dans le nord des routes (à Tuyen Quang) et l'ouest (à la Baie de Yen), forçant le blocage des positions avant la contre-attaque Viet attendue.

    Mais où était Giap pendant cet assaut français ?  

Ce général astucieux avait, en fait, décidé au bluff de tenir ses positions sur la Rivière Noire.

En attendant entièrement le CFEO dépasser ses lignes, il a envoyé seulement deux des régiments habitués à se genre d'action (un régiment des divisions 308 et 316) vers la Baie de Yen de la Rivière Noire et a simultanément ordonné aux deux divisions entourant le Delta Fluvial Rouge (304e Division au nord, 320e Division au sud) d'augmenter leur activité de guérillera et d'encourager ainsi Salan à retirer les forces "de Lorraine".

À la mi-novembre, Salan s'est rendu compte que l'Opération la Lorraine avait échoué dans ses objectifs. .

Le système d' approvisionnement aérien était déjà plus qu'à bout et les convois par la route ou la rivière devenaient coûteux en homme et matériel face aux embuscades par des forces régionales Viet.

  Donc, le 14 novembre Salan a donné l'ordre de se retirer derrière la ligne "De Lattre".  

Au début tout fonctionnait sans problème, mais le 17 novembre, deux unités viets envoyé en arrière étaient dans le Phu Doan - Phu au secteur et le 36ème Régiment de Vietminh(de la 308e Division) orgénisèrent une embuscade à grande échelle au Chan Muong la gorge.

Quand un convoi français comprenant des unités de GMS 1 et 4 (BMI, II/2e REI, 4e BM/7e RTA, RICM) entrait, le feu des mortiers lourds les a arrêtés et l'assaut de l'infanterie a causé des pertes sérieuses dans ses embuscades lourdes.

Seulement l'action furieuse par les réserves et l'arrière-garde a empêché la totale anihilation.

  Les paras avaient, fortuitement, reculé en bas de la RC2 le 16 novembre.  

Plus loin d'autres embuscades ont eu lieu pendant la retraite la semaine suivante, provoquant environ 1 200 morts ou blessés.

Tandis que le CFEO avait saisi ses approvisionnement, Giap a rapidement compensé ceux de ses fournisseurs chinois et il était toujours dans la position pour menacer le Laos.

Tandis que "la Lorraine" était une opération conventionnelle bien conçue, Giap avait montré encore une fois qu'il était lointain d'être un adversaire conventionnel.

  Salan avait reçu un coup sanglant et Giap n'avait perdu pratiquement rien.  

En profitant de la situation, Giap a contre-attaqué et a pris deux avant-postes (Ba Mis et Moc Chan).

Alors, dans un mouvement, il a ordonné à la 308e Division d'attaquer la position à Na San - où les restes des garnisons isolées avaient reculé dans une position défensive après la débâcle de Lo.

Cependant, la garnison avait été renforcée et avait fortifié le camp avec 3 500 mines et ceintures de fil.

La garnison étaient composée du 3e BPC, 1er BEP, 2e BEP, III/3e REI, III/5e REI, deux bataillons de Tirailleurs et deux bataillons vietnamiens, soutenus par l'artillerie.

  L'assaut des Vietcongs a été lancé le 23 novembre.  

Le combat était dur, mais le Vietminh s'était cette fois trompé et de taille et sur la détermination de la garnison.

Les Vietminh se sont rendues compte que l'assaut était futile et se sont retirés le 3 décembre.

C'était un succès moral, mais il a donné une mauvaise appréciation aux français, sur le fait que des bases ravitaillées par air pourraient être tenues contre des assauts, même au milieu du territoire ennemi.

  Malgré Na San, l'automne de 1952 était un grand succès pour le Vietminh et il a agi comme un tremplin pour l'avance dans le Laos pendant 1953.
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MessageSujet: Re: Opération "Lorraine" .   Opération "Lorraine" . Icon_minitimeMer Déc 11 2013, 11:37

Opération "Lorraine"

Plus en Détails


Très bonne lecture

L'Opération "Lorraine" - 29 octobre / 20 novembre 1952

Elle a pour but :

1 - de permettre de diminuer la pression qui se fait sentir autour de Na San (distant de 150 km à vol d'oiseau), en détournant de leur mission une partie des divisions viets engagées dans le Pays Thaï et en menaçant leurs voies de ravitaillement suffisamment à temps pour affaiblir ou stopper la poursuite de la campagne en Pays Thaï Noir;

2 - de détruire les dépôts et de s'emparer des matériels de la région de Yen Bay, carrefour principal de la voie qui conduit les approvisionnements en provenance de l'allié chinois et stockés à cet endroit, vers le Pays Thaï par la piste Ho Chi Minh .

- Pour cette deuxième mission, le Groupement Para sautera sur Yen Bay et Phu Doan, rejoints par les Sous-groupements blindés n°1 et n°2 dans la région de Phu Doan d'où ils s'aéreront vert l'ouest et le Nord. - Auparavant, dès le 29 octobre, s'effectue une mise en place impressionnante dans le cadre de la première mission : quatre groupes mobiles sont engagés au confluent du fleuve Rouge et de la rivière Noire dans la région de Trung Ha : les G.M.1 (G.M.N.A.) - G.M. 3 - G.M. 4 et G.M. 5, sous les ordres du Colonel Dodellier, commandant par intérim la 1re D.M.T. Le 4/7 R.T.A., notre Bataillon de marche, doit participer à cette opération déclenchée autour de Trung Ha en direction générale du Nord-Ouest, au sein de son groupe mobile renforcé par une Compagnie du Génie. Le Bataillon franchit donc la rivière Noire le 29 octobre entre 15 heures et 17 heures de Thaï Bat à Trach Dong où il prend sous ses ordres le Commando 18 et s'installe pour la nuit face à l'Ouest. Il repart le lendemain 30 à l'aube de la rive gauche de la rivière Noire, à partir de Trach Dong, vers le Nord-Ouest, en vue de barrer la piste du col de Deo Giai. Le Commando 18 le précède. Le Bataillon rencontre de grosses difficultés de terrain et a un léger accrochage le 31 en début d'après-midi en abordant le col. Il a deux blessés, un caporal-chef et un tirailleur. Il ne peut atteindre son objectif. Le 4/7 reprend sa progression le 1er novembre en direction de Hung Hoa sous la protection des tirs d'artillerie. Nous sommes en territoire contrôlé par le Viêt minh où les camps et les dépôts sont déjà très nombreux. Notre mission est de les détruire au cours de la progression. Très fréquemment harcelé, le Bataillon avance très lentement et atteint enfin Hung Hoa en fin de journée où il est relevé par un bataillon du G.M. 5, le 4/3 R.E.I. Ie lendemain 2 novembre. Le G.M. 3 a établi le matin même une tête de pont à l'Est de Phu To. Notre groupe mobile relevé par le G.M. 5 doit pousser plus au Nord de Hung Hoa dès le 3 novembre dans la région de Phu Cuong. Notre Bataillon doit être prêt à soutenir la tête de pont du G.M. 4 sur la rive est du fleuve Rouge dans la région de Cao Mai et réaliser la liaison avec le G.M. 3 au Nord, tout en assurant la sécurité de l'itinéraire entre le G.M. 3 et le G.M. 5 au Sud. Le 4/7 est en place à midi entre Tu Cuong et Phu Cuong. Sa mission durera 48 heures. Le Commando 18, sous ses ordres, découvre des dépôts de sel et de riz et des cantonnements V.M. d'une capacité de 400 couchettes, à X Sai et au poste forestier, qu'il incendie. Le pont métallique (15 m de long sur 3 m de large) sur le Song Bua est détruit à l'explosif. Le 6 novembre. Ie Bataillon est embarqué en L.C.M. à partir de 8 heures. Il traverse le fleuve Rouge et s'installe en tête de pont autour de Cao Mai. Il passe aux ordres du G.M. 4 le 7 à midi, après le départ des éléments du Génie et du P.C. du groupe mobile qui sont embarqués en camions à Truong Ha sur Viet Tri via Hanoï. Deux jours sans incidents majeurs jusqu'au 9 novembre, où le Bataillon rejoint à Phuc Loc son groupe mobile arrivant par la R.C. 2 après un long périple semé d'embûches avec traversée de la rivière Claire par portières et L.C.T. de la "Royale". Le 10 novembre, le G.M. 1 relève le G.M. 4 qui progresse vers le Nord pour faire jonction avec le sous-groupement blindé n°1 à Phu Doan. Il faut maintenant ouvrir la R.C. 2 pour évacuer "les prises de guerre des paras et des deux sous-groupements blindés à Phu Doan et permettre le retour de ces unités blindées dans le delta. Le 4/7 R.T.A. reçoit pour mission de se porter dès l'aube de ce 10 novembre au carrefour Sud-Ouest de N'Gog Thap. Son appui d'artillerie est fourni par le 4e R.A.C.M. du G.M. 3. Nous sommes sur la R.C. 2, mais la route jadis goudronnée disparaît sous une épaisse végétation. Elle est mise à jour par des bulldozers. Nous nous enfonçons dans un tunnel. Nous ne voyons rien à cinq mètres de part et d'autre. Le Bataillon risquant pour une fois de se trouver à court de ravitaillement, des caisses de vivre sont larguées sur une D.Z. de fortune. On n'en retrouvera qu'une partie. La progression du G.M. 4, extrêmement lente, ralentit celle des Bataillons du G.M. 1 qui ne peuvent atteindre les points fixés qu'en fin de journée. Le G.M. 1 avec ses trois Bataillons tient 14 kilomètres de route dans un terrain à végétation très dense sur tout son parcours avec trois dégagements mineurs correspondants aux cuvettes de Van Mong (au Nord), Chan Mong et Thai Binh (au Sud). Le 4/7 R.T.A. implante son P.C. et deux Compagnies (les 2e et 4e Compagnies) en P.A. fort, au centre, à Chan Mong. La 3e Compagnie (Lieutenant Chiaramonti) s'installe au carrefour de la cuvette de Thaï Binh, où elle a été laissée au passage à 3 km au Sud. Quant à la 1re Compagnie (Lieutenant Antoine), elle a poursuivi sa progression jusqu'à la cuvette de Van Mong à 4 km au Nord, et s'installe sur la côte 238, colline totalement déplumée, mais offrant de bonnes vues sur la R.C. 2 sur 3 km de long. Il faut s'aérer de part et d'autre de la route et effectuer des reconnaissances et patrouilles fréquentes à des distances compatibles avec la sûreté, sans rester trop étriqué. Divers signes permettent de subodorer l'omniprésence du Viet à proximité de nos P.A. La plus lointaine des reconnaissances conduite par le Sous-Lieutenant Huetz ira à 6 kilomètres en direction de Bao Huu. Deux batteries du 64e R.A. sont englobées dans le P.A. fort de Chan Mong où se trouve le P.C. de notre Bataillon avec ses deux Compagnies. Les deux autres batteries sont avec le P.C. du G.M. 1 dans la cuvette de Van Mong, protégées par deux Compagnies du 2/1 R.T.A., que surplombe notre 1re Compagnie à la cote 238. Au Nord de notre dispositif, le 2/1 R.T.A., au Sud le 2/6 R.T.M. Nous tenons 7 km de route, de la cuvette de Thai Binh à la cote 238 dominant Van Mong. Au Nord du G.M. 1, le G.M. 4 qui fait la liaison avec le sous-groupement blindé n° 1 à Phu Doan. Au Sud de notre G.M., le G.M. 3 et plus au Sud encore, le G.M. 5. Toute la R.C. 2 est à présent contrôlée du delta jusqu'à Phu Doan. La mission de chaque Bataillon est : - d'organiser activement une chaîne de P.A. contrôlant directement la route, l'artillerie et les P.C. étant inclus dans des P.A. forts; - sur la route elle-même, d'assurer une présence permanente :- d'entreprendre dès maintenant le débroussaillement des abords de la R.C. 2, jusqu'à une distance de 100 à 150 mètres de part et d'autre. Cette mission va durer une semaine, du 10 au 17 novembre. Il faut ouvrir la route chaque matin dès le lever du jour. Sur la route elle-même:
- de jour, contrôler par des patrouilles la portion d'itinéraire à la charge des sections d'ouverture, en général deux sections : - de nuit, placer des embuscades autour des P.A.
Le Bataillon a donc ce dispositif et cette mission le 10 novembre au soir. Le 11, de bon matin, débouche de la R.C. 2, entre deux pitons boisés qui la bordent, dans la cuvette de Thaï Binh, un petit convoi de deux véhicules blindés légers encadrant une Jeep déployant fanion. Arrivé à hauteur du P.A. de la 3e Compagnie, le convoi s'arrête. Le Lieutenant Chiaramonti a juste le temps de reconnaître un képi étoilé et de hurler un "garde-à-vous !" tonitruant. De la Jeep, s'extrait le grand corps du Général Gonzalez de Linarès, en personne. Le Général se dirige vers Chiaramonti, canne à la main, à grands pas saccadés. A ses côtés, légèrement en retrait, le Colonel Dulac, son éternel bras droit, commandant le G.M. 1 et, à la fois son Chef d'E.M. et adjoint, le calot bleu ciel à tranche verte des Tirailleurs Marocains élégamment penché sur l'oreille, l'accompagne de sa foulée souple d'ancien recordman du 100 mètres plat. Par contraste avec le Général, au grand nez busqué de Hidalgo, le Colonel a le nez écrasé comme celui d'un boxeur. Conséquence d'une rencontre brutale avec le pare-brise d'une Jeep, au cours d'un accident de la route, ou résultat d'un plaquage trop violent du trois-quarts aile de rugby qu'il fut par le pilier adverse, en pleine vitesse, le long de la touche. Légende ou réalité. La question reste encore aujourd'hui posée ? Les Tirailleurs de la 3e Compagnie, encore engourdis par le froid de la nuit et la fatigue, réagissent mollement aux commandements de leur Chef. Le Général fait un tour rapide de la position, puis pointant sa canne vers le piton le plus boisé surplombant la route côté Ouest, à environ 200 mètres : - Vous allez vous mettre là-bas, Chiaramonti ! L'ordre est parti sans éclat, bref et impératif. Le Lieutenant Chiaramonti fixe le piton et reste perplexe. Il pense qu'avec une bonne section du Génie, un bulldozer et des tronçonneuses, il lui faudra une bonne semaine pour le transformer en un P.A. sans faille. Mais déjà le Général lui a tendu la main : - Bonne chance, Chiaramonti ! Et tournant les talons, il repart laissant là Chiaramonti au garde-à-vous, la question au bord des lèvres. Le petit convoi s'ébranle en direction de Chan Mong, laissant la 3e Compagnie organiser sans plus tarder sa nouvelle position. Le Lieutenant Chiaramonti envoie sa section de supplétifs reconnaître le piton puis s'y rend avec ses Chefs de section. Il en fait le tour en grimpant en colimaçon, à travers une forêt d'arbres, heureusement moins dense qu'elle ne le laissait paraître à distance. Arrivée sur le versant opposé à celui qui domine la route, surprise ! Une trouée de 800 mètres environ, long serpent entre deux rangées de pitons de hauteurs différentes, vient mourir au pied du notre, donnant accès à la route, en se terminant par un épais tapis d'herbes à éléphant. Cela, l'étude de la carte au 100000e dont nous disposions ne permettait pas de le voir. Quel Génie ! pense le Lieutenant Chiaramonti en revoyant le Général de Linarès désigner le piton, clef du verrou de Chan Mong comme l'avenir allait le démontrer. Ce sens inné du terrain, il en avait déjà été le témoin quand le Général Juin était passé près de lui dans la tranchée rocailleuse face à la ligne "Gustav", sur le Garigliano, le 12 mai 1944. Le Général Juin, son béret noir étoilé vissé sur sa tête, le mégot au coin des lèvres, scrutant la position adverse et montrant à chacun, le stick pointé au bout de son bras gauche valide, la direction par où il fallait attaquer le soir même, galvanisant ainsi ses troupes par sa présence après le sanglant échec du premier assaut de la nuit précédente. Le Général de Linarès, qui fut un de ses brillants commandants de Régiment de Tirailleurs sur le front d'Italie, avait été à bonne école. Mais cela ne s'apprend pas, cela se sent. Tous les "pousse-cailloux" le savent bien. La 3e Compagnie s'installe sur le piton. Deux sections face au Nord couvrant la trouée. Deux sections face à l'Est protégeant la route. Près du sommet, le P.C. de la Compagnie avec la section de supplétifs, en réserve, et les mortiers. Le premier peloton est commandé par le Lieutenant Brun, le second par le Sous-Lieutenant Mosbah. Ces deux officiers sont comme leur Commandant de Compagnie réservés et peu loquaces. On ne parle pas beaucoup, on agit. L'esprit est tout à la mission. Pendant que le Sergent Lefèvre et son Adjoint le Sergent Thieu patrouillent autour de la position avec la section de supplétifs, Mohamed a dégainé sa pelle-bêche portative et s'active. La Compagnie s'enterre et dégage ses champs de tir. Une mitrailleuse renforce chaque peloton. Déjà au soir du 11 novembre la position est solide et a pris l'allure d'un P.A. Les embuscades de nuit sont mises en place. Quelques bruits suspects dans la trouée mais sans accrochage. L'aube du 12 novembre se lève quand le Lieutenant Chiaramonti reçoit par radio l'ordre de son Chef de Bataillon d'ouvrir la route jusqu'à Chan Mong avec toute sa Compagnie. Il va devoir abandonner sa position. Est-ce pour la journée ou pour reprendre la progression plus au Nord ? Cela ne lui est pas précisé. Il va réveiller son ordonnance, le brave Kérouane, qu'il trouve endormi en "sandwich " entre le boy et le bep. Sacré Kérouane, il a trouvé de bonnes "couvertures" pour la nuit. La Compagnie est vite sur pied et se met en marche, largement éclairée. Elle fouille les abords de la route et avance prudemment, aucun travaux de débroussaillage n'ayant pu encore être entrepris. Enfin, Chan Mong est atteint sans incident. Arrivé au P.C. du Bataillon, le Lieutenant Chiaramonti apprend qu'il doit retourner dans l'après-midi pour réoccuper son P.A. pour la nuit. Les deux Compagnies installées à Chan Mong en protection des deux batteries du groupe de marche du 64e R.A. avaient trop à faire pour organiser le P.A. fort et n'ont pu se charger de l'ouverture de route ce jour-là. Au retour, le Lieutenant Chiaramonti récupère ses trois sections laissées le long de l'itinéraire en protection, sur les 3 km d'ouverture à sa charge. En tête, en éclaireur, la section de supplétifs. A 100 mètres derrière le peloton Mosbah avec le Commandant de Compagnie, puis la section d'appui avec ses mitrailleuses, ses mortiers, sa colonne de coolies avec ses impedimenta, ses vivres, ses munitions de réserve au bout des balanciers et enfin le peloton Brun qui recolle au fur et à mesure de l'avance. La Compagnie est au complet sur la route, le Lieutenant Chiaramonti aperçoit son piton à 300 mètres. La tête de la colonne est presque arrivée au pied du P.A. quand soudain des rafales d'armes automatiques déchirent l'air accompagnées d'une clameur caractéristique, juste derrière le peloton de tête sur l'élément lourd de la Compagnie. Les Tirailleurs se jettent de part et d'autre de la route comme un seul homme et concentrent leurs tirs sur les petits diables qui ont surgi de l'herbe à éléphant à l'ouest de la route. L'action ne dure pas trente secondes. Environ deux sections viets ont traversé la colonne sur 150 mètres et se sont évanouies dans les herbes et dans le massif boisé à l'Est de la route. Sur la R.C. 2, un spectacle de désolation. Le Sergent-Chef Schumacher, Chef de la section d'appui, est étendu sur la route, transpercé par une rafale. Il est mort. Un coolie est à ses cotés, tué également. Plus un seul coolie. Tout l'effectif, 20 coolies, a disparu emporté par la vague viet. Par miracle, aucun tirailleur de la section lourde n'a été blessé. Le réflexe a joué, Mohamed a plongé dans les fourrés. Tous les impedimenta sont sur la route au bout des balanciers, abandonnés par leurs porteurs. Il faut les récupérer tout en se gardant contre un retour éventuel des sections d'assaut viets. On retrouve un Viet tué mais sans son arme. Nous ne saurons jamais si les sections d'assaut viet ont eu d'autres pertes. Elles ne laissent jamais rien traîner derrière elles. Les Tirailleurs sont maladroits, c'est connu. Les vivres, le matériel de cuisine, les munitions de réserve répartis en charges égales sur les fléaux de bambou jonchent le sol. Ils ne savent comment s'y prendre pour les équilibrer sur leurs épaules. Les charges tombent. Ils n'ont pas la technique propre aux asiatiques. Finalement, ils les prennent sur la tête ou sur le dos et reprennent la progression chargés comme des mulets. Kérouane est affligé. Plus de bep, plus de boy, mais surtout plus de "couvertures" pour la nuit. Il balance au loin d'un geste rageur la latte de bambou du boy et charge sur son sac à dos tous les impedimenta de son Commandant de Compagnie, de quoi faire plier les genoux au plus fort des lutteurs de foire. Pour le matériel de cuisine et les vivres portés par le bep, tant pis, ils resteront là. Le Lieutenant mangera des rations, comme tout le monde. Le Lieutenant Chiaramonti fait reconnaître prudemment son P.A. abandonné le matin même, par la section de partisans - R.A.S - heureusement que les Viets ne l'ont pas occupé. Il aurait fallu un sérieux appui de notre artillerie pour s'en emparer avant la nuit. Comme quoi, nous ne sommes pas les seuls à commettre des erreurs. Pourquoi cet aller et retour ? Le 2/6 R.T.M. chargé de l'ouverture et de la protection de la route au Sud de notre position jusqu'à la cuvette de Thai Binh avait déjà quitté les lieux. La Compagnie se réinstalle et malgré la fatigue et l'émotion, la pelle-bêche est actionnée avec une vigueur redoublée. La nuit tombe. Les embuscades se mettent en place. Des lueurs trouent les rideaux d'arbres autour du P.A. une bonne partie de la nuit mais sans qu'il y ait de contact. L'aube se lève enfin. Nous sommes le 13 novembre. C'est au tour du Lieutenant Brun d'ouvrir la route avec son peloton. Il doit en être ainsi, en alternance avec le peloton du Sous-Lieutenant Mosbah, chaque jour. Pendant ce temps le reste de la Compagnie creuse et creuse encore. La section de supplétifs patrouille. A 8 heures 30, le Lieutenant Brun annonce par radio qu'il a fait jonction avec les sections d'ouverture venant de Chan Mong. Tant que la totalité de l'itinéraire n'aura pas été débroussaillée sur 100 mètres de part et d'autre de la route et tant que les P.A. n'auront pas dégagé eux-mêmes leurs champs de tir, la déclaration, "ouverture de route terminée", ne doit pas faire illusion : une embuscade reste possible, et même une attaque en force. Nous aurons l'une et l'autre, car il a fallu établir un compromis entre le débroussaillement de l'itinéraire et l'organisation des P.A. Priorité avait été donnée aux P.A. faute de temps, de moyens et d'effectifs. Les abords de la route sont restés en grande partie envahis par les herbes. Il est bien évident, qu'une fois organisés, les P.A. ne doivent jamais être momentanément dégarnis de façon telle que les Viets ne puissent s'y installer par surprise. De cette considération découle une immobilisation permanente d'effectifs importants. Quoi qu'il en soit, les convois de véhicules circulent dans les deux sens dès 9 heures du matin. Ce jour-là, au P.A. Nord de la 1re Compagnie, le Commandant de Mecquenem vient sur place se rendre compte de l'état de la position. La Compagnie est enterrée, un large réseau déployé, les boyaux à hauteur d'homme permettent la communication d'un poste à un autre, mais le Commandant estime, à juste titre, que la toiture des emplacements des "armes lourdes" ne résisterait pas à des tirs de 81. Le compromis reste à trouver entre la solidité et la discrétion. Une superstructure trop voyante sur cette colline dénudée risque de désigner au Viet l'emplacement des armes automatiques. Pour remédier, autant que faire se peut aux inconvénients signalés par le Commandant, il est construit de faux emplacements qui n'abritent aucune arme, les positions de jour et de nuit sont différents, de toute façon, jamais les mêmes. Il est incontestable que la nuit, le Viet rôde : lueurs furtives, courtes rafales, fusées éclairantes, tracts le lendemain matin. Les deux ponceaux proches du P.A. ont été tout spécialement recommandés à la Compagnie; il ne faut pas qu'ils sautent. Chaque nuit des sonnettes et embuscades se mettent en place, mais bien qu'il faille surveiller toujours les mêmes points, il faut en varier le lieu, la composition, l'heure, le dispositif, etc. Nous avions remarqué des mouvements et des bruits nocturnes suspects dans les quelques paillotes à Trang My à 1200 mètres du P.A. Au cours d'une "sortie" nous y laissons, dans la soirée, une douzaine de supplétifs sous le commandement du Sergent Lamouret. Vers 22 heures : rafales. Un groupe viet a repéré les supplétifs en s'approchant des paillotes. Une section sort du P.A. pour tenter de le coincer sur une autre direction. Les Viets connaissent le terrain par cœur et ils ont leurs refuges. Ils reviendront deux ou trois fois dans la nuit "tâter" notre petit groupe qui à chaque fois prend soin de changer de place pour ne pas être surpris. A peine le jour pointe-t-il que le Commandant de Compagnie se porte aux barbelés pour accueillir le groupe. Le Sergent Lamouret est en tête et un grand Caporal blond, dégingandé ferme la marche. Le Lieutenant lui adresse quelques paroles amicales : - Eh bien, dis-donc, c'était pas de la tarte, cette nuit ! - Oh non !" répond le Caporal, qu'est-ce qu'il y avait comme moustiques !. C'était cela qui l'avait surtout frappé... L'artilleur a établi un abondant catalogue de tirs préparés, répertories et baptisés tout autour du P.A. Ils seront déclenchés plus d'une fois avec une efficacité et une rapidité remarquable. Un matin, des obus de mortiers s'abattent sur la Compagnie. Cela s'était déjà produit deux fois sans qu'on ait pu déterminer avec précision la zone des départs. Cette fois, il semble qu'on soit mieux inspiré. Le tir prévu à l'ouest du hameau de Van Mong est demandé et aussitôt déclenché. La première rafale siffle puis explose, puis les autres. Tir terminé. Au résultat. Une section sort au pas de charge et atteint les toutes premières paillotes de Van Mong. Les emplacements de tir sont là pour deux pièces, emballages, accessoires, équipements et traces de sang : tous les signes d'une fuite précipitée. On n'entendra plus jamais les mortiers sur le P.A. Des affaires aussi nettes et sans bavure sont faites pour faire de l'artilleur le "copain" du tirailleur. Le simple tirailleur qui a pris l'habitude de reconnaître les écussons et les calots sombres est heureux et rassuré quand il est sur que "l'dilou" est là. Ceux du G.M. 1, ceux du 64 sont vraiment nos frères. Ils ont tellement l'habitude de marcher avec nous, les Marragi, les Jolibois, les Lipschutt, les Villoguet et les autres, qu'ils sont des nôtres et que le 4/7 est leur deuxième unité. Le tirailleur n'apprécie guère d'être "sédentaire", il préfère le mouvement. Cependant, le moral est au beau fixe. A la 4e Compagnie, le Capitaine de Lanlay prend les consignes auprès du Capitaine Good affecté au 2e bureau de l'État-major des F.T.N.V. à Hanoï. Prendre les consignes en pleine opération est une gageure. Il s'agit plutôt de faire connaissance des Chefs de section et de voir l'articulation de la Compagnie. Quant aux formalités administratives, on verra cela plus tard... au prochain repos. Et c'est le cœur gros que le Capitaine Good dit adieu, le 13 novembre, à son unité, à ses tirailleurs, à ses cadres, dont beaucoup étaient avec lui depuis de nombreuses années au 3e R.T.A. d'où ils étaient venus en renfort avec lui en juillet 1951. Tout juste le temps d'aller dire adieu à Antoine, à la 1re Compagnie à Van Mong, à Moreau, à la 2e Compagnie, son voisin à Chan Mong. Sur la R.C. 2, le lendemain matin, dans la Jeep qui le ramène à Hanoï, il se sent un peu seul. Au passage, il s'arrête un bref instant, au pied du P.A. de la 3e Compagnie, pour dire adieu à Chiaramonti, son camarade de la première promotion de Cherchell-Médiouna, compagnon de la Campagne d'Italie, du débarquement en Provence et des Campagnes de France et d'Allemagne. Il y a des circonstances où une simple poignée de main en dit plus qu'un long discours. Kérouane est déçu. Avec son Chef, il attendait le Capitaine. A la radio Good avait promis de s'arrêter quelques instants au P.A. de Chiaramonti. Malgré l'absence de bep, en rupture de ban chez les Viets, un fort casse-croûte avait été préparé et Kérouane avait mis les petits plats dans les grands pour le "copain" du Lieutenant. Mais voilà, quand le convoi s'est pointé, un half-track en tête, suivi de la Jeep du Capitaine, les chauffeurs avaient le pied appuyé sur le champignon. Quand la Jeep s'est arrêtée quelques secondes, l'espace de l'échange de cette poignée de main amicale, le half-track était déjà hors de vue et la queue du convoi menaçait de doubler. D'un geste impuissant Good prend à témoin son camarade et poursuit sa route vers Hanoï. On ne peut en vouloir aux chauffeurs de ces convois, habitués à traverser ces zones à embuscades en roulant à tombeau ouvert pour essayer de passer en force ou à travers les tirs ennemis. Ce même jour, au P.C. du Bataillon, branle-bas de combat : le 4/7 R.T.A. est mis provisoirement aux ordres du G.M. 3 pour une opération à l'ouest de la R.C.2. Le dispositif du G.M. 1 est modifié en conséquence. La veille déjà une batterie du G.M./64 R.A. avait été déplacée de Chan Mong à Van Mong. Pour l'opération de ce jour, la 1re Compagnie quitte la cote 238 pour rejoindre le carrefour de Chan Mong où se trouvent le P.C. du Bataillon avec les 2e et 4e Compagnies. On suppute une relève, en regrettant de ne pouvoir passer les consignes sur le P.A. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Les installations doivent rester intactes. Le Commandant de Mecquenem explique à ses Commandants de Compagnie présents (1re - 2e - 4e) que le Bataillon doit effectuer une sorte de "raid" de reconnaissance en direction de Dao Giai le long d'une piste qui va plein Ouest. Le 2/1 R.T.A. porte une Compagnie à Chan Mong venant du Nord et le 2 /6 R.T.M. également une Compagnie venant du Sud. La 3e Compagnie du 4/7 (Lieutenant Chiaramonti) ne participe pas à cette opération et passe provisoirement sous les ordres du 2/6 R.T.M. Elle va pouvoir mettre à profit ses installations, n'ayant pas d'ouverture de route à sa charge. Le "raid" commence. Pendant les dix kilomètres de route, nous avons l'impression de nous déplacer en pleine zone viet. Les gros villages de Dai Luc, Dao Giai et le hameau de Thai Ninh, à l'entrée desquels ont été érigés des arcs de triomphe vantant les bienfaits de la civilisation prolétarienne ont tous été désertés par la population. Le téléphone arabe fonctionne aussi très bien en Indochine. Ces villages ont dû être de véritables "casernes". On y trouve de petits ateliers à l'abandon, débarrassés des outils principaux; fabrication de munitions, de petit armement, réparation d'équipements, imprimerie, etc. On récupère un petit stock de grenades quadrillées de fabrication locale non encore munies de leurs détonateurs. De vastes panneaux de propagande utilisent en abondance le rouge vif ou délavé et le noir pour reproduire les étoiles rouges, le soldat victorieux écrasant le capitaliste occidental, la femme admirative au passage du combattant, enfin tous les thèmes et clichés de la propagande "à la chinoise". Nous avons la désagréable et diffuse sensation d'être observés des hauteurs dominantes du Nord de la piste. On apprendra plus tard, que pendant que nous nous enfoncions vers l'ouest, d'importantes unités viets utilisaient un chemin de crête, sorte de petit tunnel connu d'eux seuls pour rejoindre les abords de la R.C. 2. Nous ayant parfaitement observés, ils ne nous auraient point attaqués pour ne dévoiler ni leur volume ni leurs intentions futures que nous n'allions pas tarder à découvrir. Après Dao Giai, le Bataillon quitte la route pour grimper au col distant d'environ six kilomètres. Par la faute d'une étrange carte au lOO.OOOe sur laquelle on ne distingue rien, le Bataillon poursuit sa route plein Ouest alors qu'il faudrait marcher Nord-est pour atteindre le col. Une fois reconnue l'erreur, il suffit de faire demi-tour sur place et la 1re Compagnie qui se trouvait en queue se retrouve en tête. Le Bataillon fut un temps hors de portée de l'appui de l'artillerie. Le D.L.O., le Sous-Lieutenant Lipschutt, dut faire tirer deux coups de canon pour pouvoir se repérer. Ne sachant pas par où s'enfoncer dans "la jungle" des pentes pour atteindre le col, le Commandant de la 1re Compagnie (Lieutenant Antoine) grimpe sur un petit mouvement de terrain pour avoir si possible des vues. Un supplétif arrivé le premier sur le monticule fait des gestes désespérés de la main pour demander à tous de ne plus bouger. Nous comprenons tout de suite. La hauteur est parcourue d'un enchevêtrement de fils piégés, véritable maillage. C'est miracle que la douzaine d'hommes grimpés là-dessus n'aient rien déclenché ni en montant ni en se retirant. Il est vrai que pour ce deuxième mouvement, ils étaient prévenus. Simultanément on aperçoit au fond de la vallée, à 500 mètres environ, 3 Viets moins adroits que les autres, sans doute, qui se dévoilent l'espace d'une seconde en effectuant un franchissement du Nord vers le Sud. A la jumelle on distingue un boyau qui grimpe sans doute vers le col. Grande est la tentation de l'utiliser bien qu'il soit manifeste qu'il s'agit d'un sentier viet. La décision est prise. Naviguer dans les fourrés ne peut que nous conduire à perdre notre direction et à avancer comme des tortues en se faisant le chemin au coupe-coupe. On prendra des précautions et c'est tout. A la queue-leu-leu sur le sentier, des éclaireurs se relaient tous les vingt mètres pour s'enfoncer à gauche et à droite puis revenir. Ils n'ont pas besoin d'aller très loin, car si les Viets veulent nous "allumer" dans cet étroit boyau, au-delà de dix mètres, ils ne verront plus rien tant la végétation est dense. Les tirailleurs ont compris la manœuvre et le gymkhana qu'on leur fait faire. Au bout de deux cents mètres c'est devenu automatique et sans bavure. On grimpe. Doucement. Tout à coup, rafales à droite. Le Caporal Bouchaala a levé le Viet et tiré le premier. Les dix ou vingt Viets (?) qui sont là alignés en rang d'oignon tirent tous ensemble. Sur rien puisque grâce à Bouchaala, la Compagnie n'est pas encore dans la nasse. Seuls les cinq ou six hommes de tête ont reçu les coups. Le temps qu'on se précipite sur les trois blessés, les Viets ont disparu. La poursuite est ici impossible. L'évacuation des blessés mobilisera deux sections renforcées avec l'espoir qu'elles arriveront à bon port. Le Bataillon arrive au col à la nuit. Il se met à pleuvoir fortement. Un petit abri sur pilotis, genre cabane de chasseur ne peut suffire pour le Bataillon. Le lendemain: retour vers la R.C. 2. Les Compagnies ouvrent la piste à tour de rôle. Après Dai Luc, la 2e Compagnie passe le relais à la 1re. Le Lieutenant Moreau qui casse une croûte sur un petit monticule aux abords de la route échange quelques propos avec le Lieutenant Antoine lorsque celui-ci passe à sa hauteur. Il n'a pas fait cinquante mètres qu'une violente explosion se produit sous lui. Inquiet sur le sort de son camarade et témoin de la scène, le Lieutenant Moreau se précipite pour récupérer quelques morceaux d'un corps qu'il pense volatilisé à tout jamais dans le ciel indochinois et crie dans sa course : "Antoine ! Antoine ! ". Celui-ci émergeant d'un nuage de poussière passe la tête hors du fossé où il a été projeté et crie à son tour : "coucou, me voilà, ça va, je n'ai rien !". Il y a cinq blessés dont un coolie mourant. Les gens de la 2e ont compris. Ils courent vers une lisière de village, ou plus exactement une simple haie en suivant une espèce de ficelle qui aboutit là, mais le tireur n'est plus au bout. C'est un obus piégé et télécommandé qui a explosé. Le Viet a dû repérer l'officier puisque l'antenne radio est à quelques mètres. C'est Berbiti, le planton du Lieutenant qui a le mot de la fin : - Maintenant, je crois que tu as la baraka ! Berbiti, lui aussi, a eu les jambes légèrement touchées. Le retour à Chan Mong d'abord et Van Mong se fait le soir. Nous reconnaissons nos positions abandonnées la veille avec autant de prudence que la première fois. Quand nous nous rendons compte qu'elles n'ont pas été occupées, nous nous assurons qu'elles n'ont pas été piégées en notre absence. En tous les cas, certaines ont été visitées comme le prouvent les tracts et les "laissez-passer" que nous y trouvons pour nous rendre aux Viets. Le 16 novembre, à la 3e Compagnie, réintégrée au sein du 4/7 R.T.A., son Bataillon, depuis la veille au soir, le Sous-Lieutenant Mosbah part en ouverture de route avec son peloton. La journée se passe sans incident quand sur le chemin du retour, à l'endroit même où quatre jours plus tôt deux sections d'assaut viets avaient "traversé" sa compagnie, le même scénario se reproduit. Cette fois il semble que l'effectif viet ait été de l'ordre d'une section. Le Sous-Lieutenant Mosbah réagit immédiatement. Son peloton, sur ses gardes, ne se laisse pas surprendre. Les Viets déboulent en tirant et hurlant. Les tirailleurs bondissent dans les fourrés et ripostent. L'espace de 15 à 20 secondes. Puis plus rien. Trois blessés légers. Un vrai miracle ! La deuxième mission de l'Opération "Lorraine " a été remplie : le groupement para et les deux sous-groupements blindés ont détruit les dépôts et se sont emparés des matériels de la Région de Yenbay Phudoan qui ont été évacués ces cinq derniers jours par la R.C. 2, entièrement contrôlée par nos troupes, même si quelques embuscades viets ont par moment ralenti ce mouvement. Ce dispositif est donc démonté et Phudoan est évacué par le G.M. 4 et le S/G. G. 1, le 16 novembre. Le G.M. 1 doit assurer la sécurité du G.M. 4 jusqu'à Ngoc Tap. Il prend sous ses ordres de S/G. B. 1 et une Compagnie du Génie. La première mission est en voie d'atteindre son objectif. Des renseignements parvenus de nos postes en Pays Thaï font état du retour en marche forcée vers la R.C. 2 et ses bases de la division 308. L'ordre de replier le dispositif de protection de la R.C. 2 est alors donné par le Colonel Dodelier, commandant l'opération. Le repli commence le 17 novembre. Mais la R.C. 2, c'est avant tout la gigantesque embuscade tendue ce jour-là, ou plutôt l'attaque à l'emporte-pièce d'une grande unité de la division 308, le Régiment 36, au milieu du dispositif du G.M. 1, au défilé de Chan Mong, ce qui va confirmer les renseignements recueillis par nos postes du Pays Thaï. Au Bataillon, c'est la 3e Compagnie (Lieutenant Chiaramonti) qui participe à cette épreuve. Le décrochage des unités doit avoir lieu par échelons successifs des cuvettes de Van Mong et Chan Mong, en direction de Co Gay. Il faut donc dès le 17 à l'aube :
1 - Ouvrir la route de Van Mong à Co Bay et protéger le déplacement du G.M.4 et de deux convois successifs : 1 convoi comprenant la B.C.S. et la batterie du G.M./64e R.A. restées à Van Mong auxquelles se mêle un détachement précurseur du P.C. G.M. 1 et des 2/1 R.T.A. et 4/7 R.T.A; 2 - Participer à la sécurité de la route de Van Mong à Than Thon en plaçant des bouchons sur les voies d'accès à la R.C. 2; 3 - Couvrir avec une arrière-garde les éléments de queue du G.M. 1 et procéder avec la Compagnie du Génie, à toutes les destructions jugées utiles sur la R.C. 2, après le passage du dernier véhicule (cette 3e mission n'a jamais pu être remplie). - Le 17 novembre à 7 heures, le 4/7 R.T.A. se met en devoir d'ouvrir la route avec deux Compagnies (les 2e et 4e) dirigées par le Chef de Bataillon en personne, le Commandant de Mecquenem, partant de Chan Mong. - Au même moment deux sections du P.A. de Thaï Binh, peloton de la 3e Compagnie commandé par le Lieutenant Brun, se porte au devant de ces Compagnies. - A 8 heures, la 4e Compagnie du 4/7 R.T.A. et le Peloton de la 3e Compagnie se heurtent de part et d'autre de la R.C. 2 à un premier bouchon viet. Ils subissent quelques pertes. Le Commandant du 4/7 R.T.A. demande alors l'appui du Peloton de reconnaissance du G.M. 4 qui intervient aussitôt avec succès. - A 8 heures 30, un Bataillon de légionnaires du G.M. 4, le 2/2 R.E.I., est engagé sur les talons des deux Compagnies du 4/7 R.T.A., en vue de leur prêter éventuellement main-forte. - Vers 9 heures, l'ennemi semble avoir lâché prise sur la R.C. 2 et les éléments d'ouverture partis de Chan Mong et de Thaï Binh opèrent leur jonction sur la route . - Au même moment les deux convois précurseurs préparés à Van Mong et à Chan Mong, protégés par des blindés du S/G. B. 1, se mettent en route. Au passage, les quelques véhicules du P.C. léger du G.M. 4 s'imbriquent dans la colonne derrière la B.C.S. du 64e R.A.
Mais il s'avère assez rapidement que le dégagement de l'itinéraire ne donne pas encore une sécurité complète. Le gros du convoi de véhicules va donc marquer un temps d'arrêt à 1500 mètres de Chan Mong tandis que le Bataillon de Légion continue sa marche vers la cuvette de Thaï Binh. A 10 heures, une violente attaque V.M. est déclenchée sur plus de 1 km de route. L'attaque tombe sur le milieu du 1er convoi, les éléments d'ouverture du 4/7 R.T.A. et une Compagnie de la Légion. Une douzaine de véhicules sont détruits et le personnel mis en grande partie hors de combat. En particulier: le Capitaine Haubre, commandant la 21e Compagnie du Commandement du G.M. 1 et le Capitaine Clérot, commandant la B.C.S. du G.M./64 R.A. sont tués; le Capitaine Martel, Chef du 2e bureau du G.M. 1, et l'Adjudant Favier, du P.C. du 4/7 R.T.A. sont portés disparus. Le Capitaine Martel avait commandé la 2e Compagnie puis la C.B. opérationnelle de notre Bataillon avant de prendre les fonctions d'officier de renseignement du G.M.N.A. Grand, à la carrure d'athlète, aux muscles saillants, le visage carré taillé à coups de serpe, au milieu duquel deux yeux clairs laissaient filtrer derrière ses lunettes un regard doux, d'une grande bonté. Tel était ce charmant camarade que nous ne reverrons plus. En effet, on apprendra plus tard que blessé et fait prisonnier il a succombé en captivité. La 4e Compagnie du 4~7 R.T.A. (Capitaine de Lanlay) et le Peloton de la 3e Compagnie (Lieutenant Brun) sont soumis à de violentes attaques et sont dans une situation critique. Le Capitaine de Lanlay et le Lieutenant Brun sont blessés. En tête du convoi, un peloton de blindés légers du S/G. B.1 et quelques véhicules ont réussi à passer avant le déferlement de la vague d'assaut. Ils débouchent dans la cuvette de Thaï Binh et s'arrêtent au pied du P.A. de la 3e Compagnie. D'un command-car descend le Capitaine Bourneuf avec un sous-officier et son chauffeur. Il se précipite sur le P.A. où il retrouve le Lieutenant Chiaramonti. Il l'a échappé belle. Faisant partie du convoi précurseur, il allait reconnaître les nouveaux emplacements de batteries de son groupe. Après s'être remis de ses émotions et rapidement restauré, il repart. Les premiers éléments du Bataillon de Légion débouchent à leur tour, lorsque le Colonel Kerguaravat, commandant le G.M. 4, qui s'est trouvé par miracle à la limite de la vague d'assaut viet, quittant sa Jeep, se porte à hauteur des premiers éléments, près du Commandant du 2/2 R.E.I. pour se rendre compte de la situation. Le Colonel est précédé par son officier de renseignement qui se dirige vers le P.A. du Lieutenant Chiaramonti. Au même moment les premiers éléments viets font leur apparition dans la cuvette. Le Colonel Kerguaravat, flanqué de son chauffeur qui a abandonné sa Jeep, se réfugie sur le P.A. de la 3e Compagnie, sans presser le pas. Grand, sec, un petit chapeau de toile sur le haut du crâne, modèle réduit du chapeau de brousse classique, il a l'air d'un lord anglais, l'événement dramatique qui se déroule n'altérant en rien son flegme et son allure de golfeur qui se dirige tranquillement vers le point de chute de sa balle. (C'est fou, pense Chiaramonti, comme dans les circonstances les plus dramatiques, les situations les plus cocasses, les personnages les plus extravagants sont perçus, fugitivement, avec une plus grande acuité). Le Lieutenant Chiaramonti se met à la disposition du Colonel. Celui-ci installe son P.C. réduit avec le Chef du Bataillon de Légion et son Chef de 2e bureau, comme Adjoint au P.C. de la 3e Compagnie. Ses moyens radio étant restés sur la Jeep il utilise ceux du Bataillon de Légion. Le Colonel Kerguaravat laisse le Lieutenant Chiaramonti diriger de son P.A. la défense de la route et de la cuvette avec ses éléments renforcés d'une bonne Compagnie de Légionnaires qui, talonnés par les Viets, se sont précipités dans les emplacements de combat laissés disponibles par le Peloton du Lieutenant Brun en ouverture de route. Les Légionnaires s'entassent également au côté des Tirailleurs du Peloton du Sous-Lieutenant Mosbah, multipliant par deux la puissance de feu du P.A. Ce dispositif est à peine en place que le P.A. est violemment pris à partie par une concentration de mortiers venant de la direction de ce que l'on est convenu d'appeler le fort Chinois, à 1 km à l'ouest de la position, au fond de la fameuse trouée que le Lieutenant Chiaramonti avait découvert lors de sa reconnaissance du piton le 11 novembre matin (Merci ! mon Général). En même temps, des feux d'armes automatiques très rapprochées (50 mètres) arrosent le piton. Des mouvements V.M. très importants sont repérés par observation directe par le Lieutenant Chiaramonti, à la jumelle, depuis l'emplacement de ses mortiers presque au sommet du P.A. sur son versant Nord, face à la trouée. Le "criquet" qui survole le secteur confirme l'arrivée de renforts estimés à un Bataillon. Il fait intervenir l'Artillerie et l'Aviation massivement. Pendant ce temps, les renseignements affluent. Nous savons à présent qu'il s'agit du Régiment 36, vraisemblablement parti à l'attaque avec 2 Bataillons en premier échelon, le 3e Bataillon et le P.C. restant au fort Chinois.
Cette attaque a porté: - sur le centre de la colonne du 2/2 R.E.I.; - sur les éléments du 4/7 R.T.A. qui assurent la sécurité de la route; - sur la tête du convoi des véhicules, c'est-à-dire sur la B.C.S. du 64e R.A. et une partie de l'E.M. du G.M. 4.
La colonne est coupée comme à l'emporte-pièce : une lutte sauvage au corps à corps et au poignard s'engage sur 1 km de front entre les éléments amis et les deux Bataillons du Régiment 36. Cette phase de combat est symbolisée par un Légionnaire et un soldat de la 308, tombés l'un sur l'autre après s'être mutuellement poignardés. L'ennemi achève tous les blessés qu'il ne peut emmener avec lui.
Immédiatement au Nord de la zone d'action du Régiment 36 se trouvent : - le gros du convoi de véhicules avec une partie de l'E.M. du G.M. 4 à Chan Mong; - le reliquat du 4/7 R.T.A. et du 2/2 R.E.I. qui encadrent le convoi sur la tête seulement; - tous ces éléments sont violemment pris à partie surtout en tête par des feux très nourris d'armes automatiques et sont cloués au sol; - plus au Nord et en dehors du combat, il reste 2 Compagnies du 4/7 R.T.A. et le B.M.I. Le Commandant de Mecquenem passe aux ordres du Lieutenant-Colonel Bastiani, Adjoint du Colonel commandant le G.M. 4; - il est environ 10 heures 30. L'Aviation et l'Artillerie interviennent de façon massive.
A partir de ce moment le combat s'engage dans deux compartiments de terrain différents sous la direction de Chefs distincts faisant converger tous leurs efforts vers le même but : ouvrir la R.C. 2 pour permettre aux troupes et aux véhicules de s'écouler avant la nuit. Un combat est donc mené dans les gorges de la R.C. 2 et un autre combat sur les arrières du Régiment 36 en conjuguant les feux de l'Artillerie, ceux de l'Aviation et ceux du P.A. de la 3e Compagnie du 4/7 R.T.A. (Lieutenant Chiaramonti). Les combats, très durs, se poursuivent entre 10 heures 30 et 16 heures 30, avec un ennemi qui ne cède les collines couvertes de jungle que pied à pied. A cette dernière heure, le B.M.I. enlève le dernier piton dominant la R.C. 2 après trois assauts menés au clairon, comme en 14. Les 2 Compagnies du 4/7 R.T.A. sont regroupées au P.A. de Chan Mong pour la sécurité des arrières. Le P.A. de Thaï Binh a repoussé trois assauts Viet. Tirailleurs et Légionnaires ont fait une fois de plus bon ménage et montré leur efficacité. Les pertes sont cependant sérieuses. A la cote 238, la 1re Compagnie (Lieutenant Antoine) s'apprête à quitter son P.A. et à reprendre la route du Delta. Depuis le début de la matinée les unités ont défilé devant le P.A., à pied ou en voiture. Parfois, le Lieutenant Antoine et ses hommes sont descendus vers eux pour les saluer et se renseigner. Vers 13 heures 30, la colonne s'entasse dangereusement sur la route. On imagine qu'il doit y avoir un problème quelque part. Des officiers et des sous-officiers des unités arrêtées grimpent vers le P.A. de la 1re Compagnie et viennent partager les derniers vivres. Il semble que l'on entend au loin le tir des armes, mais on n'en est pas sur tellement le bruit est faible. Le Lieutenant Antoine "attaque" le P.C. à la radio. Le Lieutenant Dufossé, Officier de Renseignement, lui répond de "s'écraser". Il est alors évident qu'une ou plusieurs Compagnies du Bataillon ont priorité et ont un accrochage. A 14 heures 30, le Lieutenant-Colonel de Fonclare décide de porter le P.C. léger du G.M. 1 et la Compagnie du Génie 3 Chan Mong, et de faire replier le 2/1 R.T.A. dans la même direction avec l'arrière-garde fournie par le S/G. B. 1. Le P.A. de la cote 238 assure leur protection. Pendant ce temps, des éléments Viets se révèlent autour des P.A. de Van Mong abandonnés et commencent à tirailler. A 16 heures 30, le G.M. 4 signale que les crêtes entre Chan Mong et Thaï Binh ont été enlevées et occupées par le B.M.I. et que la circulation peut reprendre mais que le dégagement des véhicules et des blindés immobilisés ou incendiés va retarder la progression. Le Colonel Kerguaravat quitte le P.A. de la 3e Compagnie et s'adressant au Lieutenant Chiaramonti : - Merci, Lieutenant, tenez bon ! Et de son allure de golfeur qui a retrouvé sa balle, son petit chapeau sur la tête, il reprend la route, à pied cette fois, entouré de ses Légionnaires. Le P.A. se vide de ses Légionnaires qui ont, quatre heures durant, avec les Tirailleurs de la 3e Compagnie repoussé tous les assauts viets, maintenant intacte la position, clef du verrou de Chan Mong. Le Peloton du Lieutenant Brun, sans son officier évacué, réintègre son P.A. Huit hommes manquent à l'appel : trois tués et cinq blessés. La Compagnie est réduite mais sa puissance de feu est presque intacte. Toutes les armes automatiques sont servies. Cependant, à partir de cet instant, ce n'est plus l'ordre quaternaire qui est appliqué à la Compagnie, mais l'ordre binaire. Compte tenu des pertes subies pendant ces 8 jours (24 tués et blessés), il reste l'effectif de deux fortes sections et une S.A. réduite. Devant la cote 238, les unités recommencent à s'écouler après deux heures d'attente et vers 16 heures 30, la 1re Compagnie reçoit enfin l'ordre de rejoindre le P.C. de son Bataillon, à Chan Mong. Elle ferme la marche. Le 4/7 R.T.A. au complet revient sous le commandement du Colonel commandant le G.M. 1 Au carrefour de Chan Mong, atteint vers 18 heures, il règne une grande effervescence. Le Lieutenant Antoine y apprend le drame qui s'est joué depuis le début de la matinée. L'attaque meurtrière, les pertes subies au G.M. 1 et plus particulièrement à la 3e Compagnie du Bataillon (Lieutenant Chiaramonti). Le Lieutenant-Colonel de Fonclare réunit les officiers du 4/7 R.T.A., du 2/1 R.T.A. et de son État-Major. Il les informe de la situation. La route est dégagée mais peu sûre. La nuit va tomber ne permettant plus la couverture aérienne. Les batteries ne sont pas encore en place pour appuyer les fantassins dans leur progression en cas d'attaque. Il apparaît qu'un bouchon devenant de plus en plus important au fur et à mesure que les heures s'écoulent, fait obstacle au repli des unités et que la solution la plus sage serait de passer la nuit sur place. Cette manière de voir n'est pas partagée par la majorité des officiers présents qui fait valoir que dans des cas semblables les Viets ont toujours tiré le plus grand profit de la nuit pour renforcer leur dispositif et non pour l'alléger. C'est au Commandant de Mecquenem que revient le choix de la solution la plus réaliste : il faut sortir tout de suite de la nasse. Il est écouté. Cela semble d'autant plus judicieux que les renseignements font état de l'arrivée de la Division 308 aux abords du fort Chinois. C'est la 2e Compagnie (Lieutenant Moreau) qui s'engage en premier sur la route. Dès que les Artilleurs encore présents quittent leurs emplacements de tir, à l'ouest du carrefour, les Viets sautent dedans et tirent sur nos unités à découvert. Le Peloton blindé du G.M. est encore 1à. Les Viets montent à l'assaut d'un engin. En principe la 2e Compagnie devrait par sections successives tenir les points propices aux abords de la route pour permettre le repli couvert par des résistances fixes. La nuit tombée, la végétation intense et, il faut bien le dire, la concentration trop forte d'unités diverses par trop pressées par le Viet qui suit, rend cette manœuvre impossible. Pas d'autre solution que de faire front sur la route quand l'ennemi pousse un peu trop. Le bon sens du Tirailleur ne perd pas ses droit. A la 1re Compagnie un Tirailleur est blessé au pied. Le Lieutenant Antoine voyant passer à sa hauteur son camarade de promotion le Lieutenant Serain, Chef du Peloton blindé du G.M. 1 , lui demande : - Peux-tu charger un de mes tirailleurs blessé qui ne peut plus marcher, dans un de tes bahuts ? - D'accord, fais-le monter dans le half-track qui suit !. Au moment où le Tirailleur éclopé va embarquer, se produit deux ou trois cents mètres à l'arrière, une explosion sous un autre half-track; alors le blessé de s'exclamer : - La pitain ! Tant pis, j'aime mieux aller à pied ! Il fera ses kilomètres comme tout le monde parfois sur la chaise à porteur formée par les mains de deux solides camarades, puis sous le bambou de deux coolies que l'on a débarrassé de leur charge. Au bout de quelques deux kilomètres la 1re Compagnie relaye la 2e qui se trouve en serre-file. Tout à coup, débouchant des hauteurs boisées, dans la pénombre, les Viets se ruent sur les véhicules de la colonne blindée, reliquat du S/G. B.1. Les premiers atteints sont les éléments portés des half-tracks qui sont anéantis à la grenade avant même qu'ils aient pu sauter à bas de leurs véhicules qui maintenant bloquent la route à leur tour. Le Lieutenant Moreau fait stopper le repli de sa Compagnie et tente en vain de parvenir jusqu'aux chars qui maintenant en sont réduits à se tirer mutuellement dessus pour se débarrasser des fantassins viets qui par grappes entières les submergent. Déjà la pression des Viets semble se reporter vers la 2e Compagnie qui, maintenant bien seule, va sans doute subir le même sort. On sent chez les Tirailleurs un flottement qui pourrait vite se transformer en panique si, une fois le mouvement de repli repris, les Viets se manifestaient à nouveau. La mort dans l'âme, le Lieutenant Moreau donne finalement cet ordre puisqu'il n'a plus d'autre choix. La 1re puis la 2e Compagnie, fermant la marche, passent au pied du P.A. de la 3e Compagnie. Le Lieutenant Chiaramonti, au bord de la route, presse ses camarades d'accélérer le mouvement. Il sait de quoi il parle... Il leur demande s'il y a des camions à l'arrière. Il lui est répondu négativement. Alors, le Lieutenant Chiaramonti regarde songeur les 24 sacs à dos alignés le long de la route au pied de son P.A. Le Capitaine Larue, Capitaine Adjudant Major du Bataillon lui avait dit à la radio de les déposer là et qu'un véhicule les prendrait au passage. Ils y resteront témoins des pertes subies par la Compagnie. La 3e Compagnie quitte enfin son P.A. vers 20 heures, sans se faire prier. Comme sur la R.C. 6, au repli de Hoa Binh, c'est un jogging très spécial avec sac au dos qui est pratiqué par les Tirailleurs. On ne lui avait pas trouvé de nom de baptême à cette époque-là. L'allure est vive !! n'y a pas de traînard. Devant, on ne doit pas chômer non plus car il n'y a plus d'encombrement sur la route. On passe devant les P.A. tenus par le 2/6 R.T.M. dont les Compagnies qui les occupaient prennent le relais en queue de la colonne. Nous nous arrêtons, semble-t-il à une quinzaine de kilomètres de Viet Tri, lorsqu'il paraît que le Viet ne presse plus, le terrain étant devenu plus dégagé. Nous sommes autour de Co Gay tout le G.M. réuni entre 22 heures 30 et 1 heure du matin. Les Compagnies du Bataillon s'installent sur deux collines et malgré l'épuisement général elles établissent un système de surveillance et de défense tout autour du dispositif. Plaise à Dieu que le Viet ne se soit pas ici manifesté car à 7 heures du matin, le 18 novembre, malgré les efforts, la fatigue a eu raison des plus vigilants. Tout le monde dort Le P.C. du G.M.1 établit le bilan de la journée du 17.


Nos pertes :  
- 31 tués, dont 2 officiers et 9 sous-officiers; - 38 disparus dont 1 officier et 6 sous-officiers;
- 38 blessés dont 2 officiers et 4 sous-officiers.



Les pertes viets dénombrées dont 77 cadavres avec seulement 3 P.M. et 5 fusils récupérés. Mais n'ayant pu aller au "résultat", on ne saura jamais leur ampleur. Elles furent certainement importantes. Dans son compte-rendu de ces journées, le Lieutenant-Colonel de Fonclare écrit :Le 18 novembre, le G.M.1 est placé en réserve de Division et reçoit l'ordre de se porter dans la région de Co Tich. La zone paraît sure. Le déplacement s'effectue à partir de 12 heures 30, le 4/7 R.T.A. en tête. La 3e Compagnie, durement éprouvée ces derniers jours, est désignée pour marcher en tête, le danger ne pouvant venir que des arrières. Le Lieutenant Chiaramonti met sa section de supplétifs en éclaireur sur la route, le Sergent Thieu avec 6 supplétifs en tête, à cent mètres en avant suivi du Sergent Lefàvre avec le reste de sa section, une douzaine d'hommes à peine, progressant de part et d'autre de la route. La Compagnie suit à flanc de coteau, hors de la route. Une haie presque continue de bambous ou d'arbustes lui cache la route sur une bonne partie de l'itinéraire qu'elle surplombe. Tout est calme, le temps est superbe. Un bruit de moteur se fait entendre. On devine le véhicule passant sur la route à hauteur des premiers éléments de la Compagnie quand soudain des rafales crépitent, la clameur caractéristique en accompagnement, en avant de la colonne. "Ce n'est pas vrai !" s'exclame Chiaramonti. Le scénario classique. Une section d'assaut viet, tapie dans la haie a bondi sur le groupe de tête, sur la route, et l'a emporté avec elle. Le Sergent Lefèvre réagit immédiatement. Ses supplétifs l'imitent et se jettent sur les bas-côtés de la route. La Compagnie se déploie. Trop tard. De la haie, à hauteur du Lieutenant Chiaramonti surgit comme un diable, au milieu des flammes, le Capitaine Bourneuf suivi de son sous-officier et de son chauffeur, haletants et livides, comme la veille au P.A. de Thai Binh. - Encore toi, décidément, tu les attires ! - Telle est la réception que fait le Lieutenant Chiaramonti à son vieux "complice". Une fois de plus, le Capitaine Bourneuf allait en command-car et sans escorte, le secteur étant jugé sans risque, reconnaître les nouveaux emplacements de batteries. Le silence revient. Pas tout à fait, car émergeant de la haie, le Sergent Lefèvre arrive en courant vers son Commandant de Compagnie en vociférant : - Ils m'ont lâché, ils sont tous partis les salauds ! Le Lieutenant Chiaramonti essaye de le calmer et de se faire expliquer ce qui s'était passé: Il faut se soumettre à l'évidence : le Sergent Thieu et son groupe n'ont pas réagi et se sont laissés capturer sans tirer. Fataliste, le Lieutenant Chiaramonti pour consoler son jeune sous-officier lui dit : - Eh bien ! encore huit jours comme cela et on se retrouve entre tirailleurs. Le Sergent Lefèvre stupéfait, regarde son Commandant de Compagnie et doit penser : "Ça ne va pas, il plaisante !" Oui, il plaisante, le Lieutenant Chiaramonti mais en huit jours, plus de coolies et plus qu'une demi-section de supplétifs cela fait réfléchir sur le moral de nos Vietnamiens. Heureusement Mohamed tient le coup. Brave Lefèvre. Le contraire de son prédécesseur. Le Sergent Ogué, disparu le 10 mars à But Gué, était costaud, calme, réservé, presque timide, le lion sûr de sa force. Lefèvre est mince, tout en nerfs, bouillant, volubile et gai, le chat-tigre bondissant. Deux tempéraments, deux styles différents et pourtant, la même efficacité. Disciplinés, prêts à tout jusqu'au sacrifice, pour la mission, pour leur Chef. Tout rentre dans l'ordre. La progression reprend. Il n'y aura plus d'incident jusqu'au surlendemain, jour béni où le Bataillon embarque pour Dasi. L'Opération "Lorraine" a atteint ses objectifs puisqu'elle a attiré vers elle la division 308, l'une des plus prestigieuses grandes unités de l'Armée du Général Giap et permis de détruire les dépôts et de s'emparer des matériels de la région de Yenbay Phudoan, mais à quel prix !  

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MessageSujet: Re: Opération "Lorraine" .   Opération "Lorraine" . Icon_minitimeMer Déc 11 2013, 13:30

On était encore un peu à l'époque des batailles rangées, comme pour la IIGM, sans doute une des dernières  Opération "Lorraine" . 454878471 Opération "Lorraine" . 1494297664 
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