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| | La tragédie de Talung . | |
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Invité Invité

 | Sujet: La tragédie de Talung . Sam Aoû 31 2013, 15:10 | |
| La tragédie de Talung
« Un jour de février 1950, j'ai vu arriver un convoi à moitié vide accompagné d'une escorte. Le colonel Charton, qui dirigeait en second Cao Bang, descendit du premier véhicule. J'ai cru à une inspection. C'était une opération de repli. La victoire communiste en Chine avait transformé la donne. Il fallait rapatrier toutes les forces éparpillées en Haute-Région sur Cao Bang qui allait être assiégée par le Vietminh. En restant, nous risquions d'être submergés par le nombre. Il fallait faire vite, très vite pour éviter une embuscade au retour. Les ordres d'un officier de Légion n'étaient pas à discuter surtout ceux du colonel Charton. Il fallait obéir immédiatement. Sonné, je me suis raccroché aux tâches immédiates : exécuter un repli en bon ordre, ne pas laisser traîner du matériel utilisable.
Les partisans rassemblèrent leurs familles pour monter dans les camions. Je suis resté quelques minutes avec les légionnaires pour assurer l'arrière-garde en cas d'attaque vietminh, et puis nous avons embarqué. C'est là que j'ai vu ceux que je n'avais pas voulu voir, auxquels je n'avais pas voulu penser. Les habitants des villages environnants, prévenus par la rumeur, accouraient pour partir avec nous. Ils avaient accepté notre protection. Certains avaient servi de relais. Ils savaient que, sans nous, la mort était promise. Nous ne pouvions pas les embarquer, faute de place, et les ordres étaient formels : seuls les partisans pouvaient nous accompagner. Les images de cet instant-là sont restées gravées dans ma mémoire comme si elles avaient été découpées au fer, comme un remords qui ne s'atténuera jamais. Des hommes et des femmes qui m'avaient fait confiance, que j'avais entraînés à notre suite et que les légionnaires repoussaient sur le sol. Les mains qui s'accrochaient aux ridelles recevaient des coups de crosse jusqu'à tomber dans la poussière? Certains suppliaient. D'autres nous regardaient, simplement, et leur incompréhension rendait notre trahison plus effroyable encore. Le silence est tombé sur le camion qui fonçait à travers les calcaires. Les légionnaires, blessés de toutes les guerres, regardaient le plancher. Ils n'osaient pas se dévisager. Cette évacuation me brûlait. Secoué par les cahots de la piste, je fermais les yeux de douleur et de honte.
Dans toute la région, des opérations semblables avaient été effectuées. Au nord de Cao Bang : Tra Linh, Nguyen Binh, Ben-Cao. A l'est de Thât Khé : Poma, Binhi. A Saïgon, j'imaginais le point presse triomphal : « Notre dispositif de frontière a été resserré. Tout s'est bien passé... » Les jours qui ont suivi, nous avons vu arriver quelques silhouettes connues, qui avaient pu traverser la jungle. Elles nous racontaient les massacres dans les villages, les paillotes brûlées les hommes achevés sur le sol. La période la plus exaltante de ma vie s'est ainsi terminée dans un désastre total. Nos efforts avaient débouché sur la trahison, l'abandon, la parole bafouée. Je pouvais toujours me répéter que c'était la guerre, que j'étais un soldat et pas un missionnaire, que ce n'était pas nous qui avions trahi mais le Vietminh qui gagnait du terrain. Les souvenirs étaient plus forts que la raison. Je savais ce que j'avais perdu. Je n'avais pas conduit ma mission avec prudence, gardant à l'esprit la possibilité d'un départ brutal. Je n'avais pas occupé le poste de Talung avec la froideur d'un professionnel sans états d'âme, organisant un rideau de surveillance serrée autour du poste et ne s'occupant de rien d'autre. Je m'étais investi de tout mon être.
La guerre telle que nous la pratiquions au Vietnam entraînait une certaine osmose entre les troupes et la population. Il ne s'agissait pas d'un conflit de positions entre deux ennemis bien définis, mais d'un affrontement politique et géopolitique où les intérêts de toutes sortes et les stratégies contradictoires s'imbriquaient inextricablement, entre la Chine et le Vietnam, l'Occident et le communisme, la France et son ancienne colonie indochinoise, les Viets et les minorités ethniques. Autant de dimensions qui nécessitaient de prendre sur le terrain des engagements allant au-delà du simple métier de soldat. Pendant des années, les cauchemars liés à l'évacuation de Talung allaient rejoindre ceux de la déportation. J'avais le sentiment d'être parjure. Ce mot veut-il encore dire quelque chose à une époque où la notion d'honneur est passée à l'arrière-plan ? Disons qu'il ne s'agissait pas d'un serment chevaleresque. Tout simplement de centaines d'hommes et de femmes, dont parfois les moindres traits du visage sont inscrits dans ma mémoire, et à qui, au nom de mon pays et en mon nom, j'avais demandé un engagement au péril de leur vie. Nous les avons abandonnés en deux heures. Nous avons pris la fuite comme des malfrats. Ils ont été assassinés à cause de nous ».
Hélie Denoix de Saint-Marc ; Les Champs de Braises ( éditions Perrin ).
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|  | | Invité Invité

 | Sujet: Re: La tragédie de Talung . Ven Sep 27 2013, 16:13 | |
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|  | | Invité Invité

 | Sujet: Re: La tragédie de Talung . Sam Sep 28 2013, 09:09 | |
| cet extrait du lvre de Saint Marc est le reflet de mes pensées.
Nous nous sommes conduits comme des salauds et recommenceront ailleurs,soyez en persuadés
'est ce qu'on appelle de la Politique |
|  | | Invité Invité

 | Sujet: Re: La tragédie de Talung . Dim Sep 29 2013, 17:25 | |
| L'Armée a toujours été trahie par les politiques, elle fonctionne sur le mode IDEAL, eux ne vont pas au baroud et donc n'en connaissent pas le prix, le salaire.  Le jour où les Sarko, Flamby & Cie enverront à la guerre leur progéniture, je dirai "Chapeau" ! Là on est obligé de hurler "Au poteau !" les salauds. En Algérie la trahison a été la même, où notre Armée fut trahie et frustrée, larguée, culpabilisée Georges a raison, il faut réaliser que ce sera toujours ainsi: Armons-nous... et partez ! On devrait faire un grand procès posthume à c2g et à ses sbires pour "mise en danger de la vie d'autrui"  ou refaire un putsch... c'est un autre problème avec des militaires "à la gamelle" et les officiers aussi |
|  | | Invité Invité

 | Sujet: Re: La tragédie de Talung . Lun Sep 30 2013, 07:08 | |
| Tout a fait exact
Acte 1
- Mes amis, armons nous ... et partez !
Acte 2
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- Vous avez bien mérités de la Patrie
Sonnerie " Aux morts" |
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