Bataille et libération de Paris Informations générales Date 19 août - 25 août 1944
Lieu Paris, Banlieue
Issue Victoire française
Belligérants Forces françaises de l'intérieur
Armée française de la Libération
États-Unis
Troisième Reich Reich allemand
Milice française
Commandants France Henri Rol-Tanguy
Philippe Leclerc de Hauteclocque
Jacques Chaban-Delmas
États-Unis Raymond O. Barton
Allemagne Dietrich von Choltitz
Forces en présence Résistance intérieure française,
2eme division blindée , (16 000 hommes)
4ème division d'infanterie américaine 20 000 hommes,
80 chars
Pertes FFI : 1 500 morts1
Armée française : 71 morts, 225 blessés2
Pertes américaines non comptabilisées3 ;3 200 morts , 12 800 prisonniers1
Contexte Les forces alliées progressent vers l'est, les généraux américains Eisenhower et Bradley, engagés dans les combats de la poche de Falaise, prévoient de contourner Paris pour ne pas être ralentis dans leur progression, notamment au niveau logistique, la libération des 4 millions d'habitants parisiens nécessitant 4 000 tonnes de vivres par jour. Le général Bradley écrit dans ses mémoires4 à propos de la capitale française : « La ville n'avait plus aucune signification tactique. En dépit de sa gloire historique, Paris ne représentait qu'une tache d'encre sur nos cartes ; il fallait l'éviter dans notre marche vers le Rhin ». Les Overlord forecasts (prévisions Overlord) ont pour cible principale le bassin de la Ruhr où se concentre l'industrie lourde allemande, la libération de Paris étant prévue pour fin octobre5.
Dans le même temps, sur le front de l'Est, l'insurrection de Varsovie n'a pas permis de libérer la ville.
Kœnig, commandant en chef des Forces françaises de l'intérieur, prépare une insurrection afin de contrecarrer l'installation de l'AMGOT redouté par le Gouvernement provisoire de la République française.
Situation stratégique allemande Hotchkiss H35 capturé par l'armée allemande en 1940 en mouvement à Paris, le 19 aout 1944. Les ordres de Hitler prévoyaient la destruction des ponts et monuments de Paris, la répression impitoyable de toute résistance de la part de la population et de combattre dans Paris jusqu'au dernier homme pour créer un « Stalingrad » sur le front Ouest immobilisant ainsi plusieurs divisions alliées. Mais le général von Choltitz ne montre aucun empressement à les appliquer. La garnison allemande est forte de 20 000 hommes, mal équipés, aux unités disparates (unités administratives par exemple) de faible valeur combative, 80 chars (dont certains datent des prises de guerre de l'été 1940 comme des chars Renault FT-17 d'un « autre âge ») et autant de pièces d'artillerie, pour certaines désuètes.
Insurrection populaire Résistants français tirant sur les Allemands au cours de la bataille pour Paris. 1er septembre 1944. Combat en milieu urbain lors de la bataille pour Paris. Char d'assaut capturé tire sur une position d'un tireur embusqué. Scène montrant deux Parisiens (possiblement FFI) désarmant un soldat allemand récemment tué près de Notre-Dame. La résistance parisienne, commandée par Rol-Tanguy depuis son poste de commandement sous la place Denfert-Rochereau et par Chaban-Delmas, pauvrement équipée (elle n'a même pas de liaison radio avec l'extérieur) mais enthousiaste, encercle les îlots de défense allemands. L'occupant se trouve en position défensive, une division SS est mise en mouvement vers Paris pour renforcer l'armée allemande. Il est à prévoir qu'elle obéira sans état d'âme aux ordres de destruction d'Hitler. Avec l'annonce de l'avance rapide des Alliés sur Paris depuis la victoire de la poche de Falaise, le métro de Paris, la gendarmerie le 13 août, puis la police qui lui emboîte le pas le 15 août, suivis des postiers le jour suivant, se soulèvent. Ils sont rejoints par d'autres ouvriers de la ville quand la grève générale éclate le 18 août. Des barricades sont dressées, entravant les mouvements des véhicules allemands, et des escarmouches contre les forces allemandes d'occupation, épaulées par des membres de la Milice6,7 restés à Paris malgré le repli général des miliciens quelques jours plus tôt8, commencent à devenir sérieuses les jours suivants, atteignant leur maximum le 22. De sérieux combats ont lieu à la préfecture de police, occupée par les policiers insurgés dès le matin du 19 août9.
Une trêve est conclue, trêve qui permet à chacun des camps soit d'évacuer la capitale pour les Allemands, soit de conforter ses positions, pour la Résistance.
En marge des évènements de la capitale, des accrochages et embuscades sont organisés par des partisans et résistants en banlieue parisienne.
Les insurgés, faute de munitions, n'auraient pas pu tenir longtemps : la résistance intérieure envoie en mission le commandant Cocteau (« Gallois »), chef d'état-major du colonel Rol-Tanguy, auprès du général Patton pour signaler aux Américains que la moitié de la ville est libérée le 23, mais que la situation des résistants est critique. Devant cette situation désespérée, ayant obtenu l'accord de De Gaulle, qui rappelle à Eisenhower sa promesse faite à Alger en décembre 1943 que la libération de Paris serait confiée à une unité française, le général Leclerc force la main aux Américains en donnant l'ordre de marche sur Paris aux éléments de reconnaissance de sa 2e division blindée française. Le général américain Gerow, supérieur hiérarchique de Leclerc, est furieux, considérant cela comme une insubordination.
Eisenhower doutant de pouvoir retenir les Français finit par accepter et envoie la 4e division d'infanterie américaine en renfort.
La percée de la 2e DB La charge vers Paris Deux soldats de la 2e DB tirent sur des tireurs d'élite allemands et miliciens pro-allemands qui faisaient une tentative échouée de libérer les prisonniers allemands. Ces derniers sont morts sur la rue. À partir de ses positions d'Argentan l'audacieuse attaque française se fait, sans soutien aérien allié, sur 200 km en contournant par le sud les fortes positions allemandes placées à l'ouest de Paris, au milieu d'un enthousiasme populaire indescriptible qui gêne les combattants. C'est que, depuis deux mois, Paris attend les Américains, malgré la propagande de Radio Paris qui annonce la victoire allemande en Normandie (« Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand » disent les résistants), et soudain derrière l'ennemi qui reflue en désordre dans la banlieue, on voit les trois couleurs sur les tourelles des Sherman M4. À la surprise initiale succède une indicible fierté, la foule envahit les rues, on monte sur les chars, partout les drapeaux fleurissent, la rumeur se propage jusqu'à Paris : « Les Français, ce sont des Français de Leclerc ! »
Les combats en banlieue sont sévères mais les soldats de la 2e DB qui combattent sans dormir pendant deux jours et deux nuits ne peuvent être ralentis par les points d'appui allemands. La vive résistance allemande est culbutée, sans souci des pertes importantes chez les Français, et les éléments de la 2e DB entrent dans Paris par la porte d'Orléans le 24 août 1944.
Impacts de balles sur le mur de l'hôtel de la Marine (côté rue Saint-Florentin) laissés lors de l'assaut du QG allemand situé hôtel Meurice, rue de Rivoli. Sous le commandement du général Leclerc, le capitaine Dronne pénètre dans Paris par la porte d'Italie avec sa 9e compagnie du régiment de marche du Tchad (surnommée la Nueve, car essentiellement constituée de républicains espagnols) forte de 15 véhicules blindés (11 half-tracks, 4 véhicules accompagnés de trois chars10) pour se poster en renfort des FFI devant l'Hôtel de Ville, le 24 août à 21 h 2211, malgré la garnison allemande encore puissante de 16 000 à 20 000 hommes ; en attendant le gros de la 2e division blindée. Le soldat républicain espagnol Amado Granell est le premier « libérateur » à être reçu dans l'Hôtel de Ville par Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance12. La 4e division d'infanterie américaine entre par la porte d'Italie le 25 août 1944. Guidés par les résistants, les Alliés atteignent la rue de Rivoli malgré de sérieux combats en pleine ville. Les chars français détruisent des Panzers allemands et des colonnes blindées à plusieurs reprises au cours de duels au canon.
Après la blessure du capitaine Jacques Branet qui commandait le détachement d'hommes qui remontait la Rue de Rivoli, l'état-major allemand est fait prisonnier par les Français sous le commandement du lieutenant Henri Karcher. La signature de la reddition des troupes nazies est faite à la gare Montparnasse le 25 août. Malgré tout, des combats sporadiques continuent en particulier du fait des unités SS qui refusent la capitulation du général Von Choltitz en menaçant de fusiller les officiers « traîtres » de la Wehrmacht qui leur commandent la reddition.
Le même jour, Charles de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire de la République française, arrive au ministère de la Guerre rue Saint-Dominique, puis fait à l'Hôtel de ville un discours à la population dont un extrait est resté célèbre : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! ». Georges Bidault lui demande de proclamer la République. De Gaulle refuse : La République n'a jamais cessé d'être ! Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu.
Pendant plusieurs jours, la population parisienne est partagée entre la peur et l'enthousiasme. Les combats se poursuivent en banlieue nord, vers Le Bourget et la forêt de Montmorency, où la 47e Division allemande, venue du Pas-de-Calais, tente de freiner l'avance alliée. À Paris même, des tireurs isolés, Allemands ou miliciens, sont signalés à plusieurs reprises. Le 26 août, un défilé de la victoire sur les Champs-Élysées est organisé. La foule joyeuse salue les forces de Leclerc. La cérémonie d'action de grâces à Notre-Dame est perturbée par une fusillade, car des résistants croient (peut-être à tort) avoir aperçu des tireurs embusqués. La nuit suivante, un bombardement aux bombes incendiaires fait environ 200 morts13.
A. Dansette14 estime le nombre de tués à 130 hommes de la 2e DB, 532 résistants français et environ 2 800 civils pendant les combats pour la libération de Paris. Les pertes allemandes sont de 3 200 tués dans les combats et 12 800 prisonniers.
Appui des Alliés Au sud de Paris, les troupes alliées ont assuré la couverture du flanc droit de la 2e DB. Le général US Barton fut affecté avec sa 4e DIUS avec, en plus, un groupe de reconnaissance US et un contingent britannique.
D'importantes conséquences politiques Le Général de Gaulle et son entourage descendent fièrement de l'Arc de Triomphe vers Notre-Dame pour un service religieux suivant la libération en août 1944. Défilé des troupes américaines le 29 août 1944 Reddition de la garnison allemande de Paris en août 1944 signé par le général Leclerc. Les hommes de la 4e division d'infanterie américaine, entrés dans Paris le 25 août, ont laissé à l'Armée française de la Libération le privilège de pénétrer les premiers dans la capitale, garantissant à la libération de Paris l'image d'une victoire essentiellement française. Ce succès constitue un symbole puissant qui contribue à garantir la place de la France parmi les forces alliées et dans le camp des vainqueurs du conflit.
La BBC rend publique en 2009 une demande des Américains, à une époque où la ségrégation raciale existe aux États-Unis, pour que les bataillons français et anglais défilant lors de la libération soient de composition « exclusivement blanche » (white only)15 alors que deux tiers des troupes françaises étaient composées de soldats originaires des colonies16. Si tous les soldats noirs ont été remplacés lors du « blanchiment » de la division Leclerc lors de sa formation durant l'été 194317, en revanche, selon plusieurs historiens, tels Christine Levisse-Touzé et Olivier Forcade, les soldats maghrébins, au nombre de 3 600, représentaient environ 20-25 % des effectifs de la division Leclerc dès avril 194418,19,20.
Grâce aux soulèvements populaires spontanés de Paris de Marseille et de Nice, des maquis du Limousin et de la Bretagne, régions qui, comme celle de Toulouse, se libèrent seules de l'occupant malgré une répression féroce, ainsi que celui du Vercors, qui est écrasé par la Wehrmacht, de même que la prise de la Provence par la 1re armée française, et auparavant l'excellente tenue de 80 000 Français en Tunisie et 120 000 en Italie, le Gouvernement provisoire de la République française possède ainsi la force et le prestige suffisants pour réaffirmer la République française et ses institutions.
Notes Références 1.↑ a et b [PDF] La libération de Paris [archive]
2.↑ « History Channel: The Lost evidence-Liberation of Paris »
3.↑ Libération de Paris forces américaines [archive]
4.↑ Omar Nelson Bradley, Histoire d'un soldat (A soldier's history), Paris : Gallimard, 1952
5.↑ (en) James Stagg, Forecast for "Overlord", Littlehampton Book Services Ltd, 22 novembre 1971, 128 p.
6.↑ RFI : « 60e anniversaire de la libération de Paris Août 44 : les 10 jours qui ébranlèrent Paris » [archive]
7.↑ 19-25 août 1944... La Libération de Paris - Chronologie [archive]
8.↑ Jacques Delperrié de Bayac, Histoire de la Milice 1918-1945, éd. Fayard, 1969
9.↑ Christian Chevandier, Policiers dans la ville. Une histoire des gardiens de la paix, Paris, Gallimard, 2012.
10.↑ Gérard Conte, C'était hier… Le 13e arrondissement, Éditions L.M.-Le Point, 1992, p. 185.
11.↑ Catherine Vialle, Je me souviens du 13e arrondissement, éditions Parigramme, 1995, p. 99.
12.↑ Evelyn Mesquida, La Nueve, 24 août 1944 : ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris, Le Cherche Midi,, coll. Documents, Paris, 2011, 380 p. trad. de l'espagnol par Serge Utgé-Royo, préf. de Jorge Semprun, postf. de Michel Roquejeoffre.
13.↑ Adrien Dansette, Histoire de la Libération de Paris, Fayard, 1946
14.↑ Adrien Dansette, id.
15.↑ Mike Thomson, « Paris liberation made 'whites only' », BBC News, 6 Avril 2009 [lire en ligne [archive]]
16.↑ « Une libération de Paris 100 % française et blanche », Rue89, 10 avril 2009 [lire en ligne [archive]]
17.↑ Jean-François Muracciole, Les Français libres : L'autre Résistance, Tallandier, 2009, p.31
18.↑ Olivier Forcade, Du capitaine de Hauteclocque au Général Leclerc, Vingtième Siècle, Revue d'histoire, Année 1998, Volume 58, Numéro 58, pp. 144-146
19.↑ « The British and Americans got their "Whites Only" Liberation even though many of the troops involved were North African or Syrian. » (« Les Anglais et les Américains ont obtenu leur Libération par « des blancs uniquement », même si bon nombre des soldats engagés étaient des Nord Africains ou des Syriens ») Paris liberation made 'whites only' [archive], BBC News, 6 avril 2009
20.↑ « Aspect méconnu de la composition de la 2e DB : en avril 1944, celle-ci comporte sur un effectif total de 14 490, une proportion de 25 % de soldats nord-africains : 3 600. » Christine Levisse-Touzé, Du capitaine de Hautecloque au général Leclerc?, Editions Complexe, 2000, p.243
Bibliographie La libération de Paris (19-26 aout 1944 - Récits de combattants et de témoins. réunis par S. Campaux, Payot 1945, 279 p.
La Libération de Paris (DVD Mairie de Paris - Gaumont Pathé Archives) réalisé en 2004 par Gilles Delannoy (HIGHWAY TELEVISION) avec Étienne Lançon - Chef de projet Christian Lamet. Diffusé auprès des collégiens en classe de 3e à Paris et dans le numéro spécial édité par le journal Le Parisien le 22 août 2004.
Texte du général Roquejoffre, publiée dans Le Nouvel Observateur, 19-26 août 2004, indiquant que : « La 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, est surnommée la Nueve car elle est essentiellement composée de volontaires espagnols ».
Claude Roy, Les Yeux ouverts dans Paris insurgé, préface de Roger Grenier, illustration de Jean Reschofsky, Regain de lecture.
Annexes Articles connexes Paris brûle-t-il ? (film, 1966)
La Libération (article générique)
Place du 25-Août-1944
Liens externesDiscours de l'Hôtel de ville de Paris, 25 août 1944 Le bilan des victimes de la Libération de Paris et leur histoire
25 août 1944 : la Libération de Paris par la division Leclerc et les FFI de Rol-Tanguy
Heure par heure, la libération de Paris lien caduque. autre source?
(es) La 9e compagnie libère Paris sous le commandement du capitaine Raymond Dronne
« Histoire d'un oubli - Ces espagnols qui ont libéré Paris », Le Monde diplomatique, août 2004 , p. 10
Mitraille avenue Daumesnil - La Libération de Paris 1 , de Memoro - La banque de la mémoire