Les forces françaises en OPEX
Armées: la France réduit la voilure de ses opérations extérieures
Par Romain Rosso, publié le 28/01/2009 10:43 - mis à jour le 28/01/2009 11:16 L'EXPRESS
Le Parlement vote ce mercredi la prolongation des opérations extérieures de l'armée française. Le nombre de soldats engagés sur des théâtres étrangers devrait passer de 13 000 à 10 000 à la fin de l'année. Mais reste en suspens la question de renforts en Afghanistan.
Environ 3000 soldats. C'est le nombre de militaires que le ministre de la Défense souhaite voir rentrer à la maison. La France passerait ainsi de 13 000 hommes déployés actuellement à l'étranger à environ 10 000 à la fin de 2009. Le Parlement doit voter aujourd'hui la prolongation des opérations extérieures -"opex"- conformément au nouvel article 35 de la Constitution. Le 22 septembre, il avait déjà donné le feu vert au maintien des troupes en Afghanistan.
Comme L'Express l'avait révélé, Hervé Morin avait lancé lors d'un conseil de défense, à l'automne dernier, le réexamen complet des opérations extérieures. La France en compte une trentaine, mais cinq seulement concentrent environ 90% des moyens: Afghanistan, Tchad-Centrafrique, Liban, Côte d'Ivoire et Kosovo. Pour le ministre de la Défense, il s'agissait de profiter du débat parlementaire pour réadapter le niveau d'engagement à la nécessité des théâtres. "Je veux être certain que chaque soldat français, aujourd'hui engagé en opération extérieure, l'est conformément aux intérêts du pays", avait déclaré Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux aux armées, le 6 janvier, devant le contingent de la Finul, la force de l'ONU au Liban sud.
Il s'agit aussi de réduire le surcoût, chaque année plus élevé, qu'elles entraînent. "Le coût des opex s'est élevé à 857 millions d'euros en 2008, un montant qui va bien au-delà des 475 millions inscrits au budget, souligne Hervé Morin. Cela oblige le ministère à financer sur ses fonds environ 400 millions d'euros." Selon le ministre, une réduction de 20% des effectifs permettrait d'économiser "de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros par an". "C'est autant d'argent en plus pour l'équipement des armées", explique-t-il à L'Express.
Les principaux théâtres sont concernés
Au Kosovo, 1800 soldats sont actuellement déployés dans le cadre de la KFOR, sous commandement de l'Otan. "L'idée, explique le ministre, est d'aller vers une réduction des effectifs au cours de 2009 dans le cadre d'une réflexion sur la complémentarité entre les opérations militaires de l'Otan et l'opération civile de l'Union européenne." La mission civile de l'Union, Eulex, est en effet opérationnelle: elle assiste le Kosovo dans le domaine de l'Etat de droit, principalement dans les domaines de la police, de la justice et des douanes.
En Côte-d'Ivoire, la situation sécuritaire s'est apaisée depuis le processus de réconciliation enclenché en 2007 entre le président Laurent Gbagbo et l'ancien rebelle Guillaume Soro, devenu Premier ministre. Les forces françaises (1800 soldats) de l'opération Licorne constituent la force de réaction rapide des unités de l'ONU (ONUCI). Elle le restera, mais le nombre de soldats sera réduit. La France n'envisage pas de retrait avant l'élection présidentielle que Paris attend avec impatience.
Au Tchad et en Centrafrique, l'ONU prendra le relais, le 15 mars, de l'Eufor, la force déployée par l'Union européenne à la frontière avec le Soudan, dont la France est nation-cadre avec 1800 soldats (+200 en Centrafrique dans le cadre de l'opération Boali). En discussion avec les Nations Unies, Paris devrait alléger considérablement ses troupes. Elle continuera néanmoins à assurer la logistique et le soutien médical.
Quant à l'opération Epervier, qui mobilise 1150 soldats depuis 1986, dans le cadre d'un accord avec le gouvernement tchadien, elle sera "ajustée" à un millier d'hommes.
Des renforts en Afghanistan?
Au Liban, la France reste prudente, en raison de la tension qui règne encore au Proche-Orient. Les chars Leclerc, dont le coût se révèle particulièrement élevé et l'utilité discutable au plan militaire, resteraient sur place. "C'est notre seul équipement lourd, souligne un proche du dossier. Le retirer aujourd'hui serait un signal politique terrible." La France avait également envisagé d'alléger sa participation à la composante navale de la Finul (deux navires de la Marine nationale surveillent la zone).
En Bosnie, en revanche, Paris a décidé de se désengager de l'opération européenne Althéa (une centaine de soldats français). "Est-il nécessaire de maintenir une opération militaire alors que la situation s'est stabilisée", s'interroge Hervé Morin. Plutôt de conserver des militaires, le ministre considère qu'il "faudrait déployer des forces civiles d'encadrement et de formation".
Demeure une question: ces réductions d'effectifs ont-elles pour objet de permettre d'accentuer le dispositif français en Afghanistan? Ces derniers temps, les rumeurs d'un renfort bruissent dans les armées, en particulier dans l'armée de terre. Selon une source informée, un bataillon supplémentaire serait en cours de préparation. Mais aucune décision politique n'a été prise. La question afghane a été évoquée en cercle restreint par le chef d'état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin. "Il va falloir passer beaucoup de temps pour me convaincre de mettre un homme de plus en Afghanistan", aurait même lancé le président de la République.
Après le drame de la vallée d'Uzbin, en août dernier, où dix soldats français sont morts, le pouvoir semble considérer que l'opinion n'est pas prête à accepter l'envoi de nouveaux soldats. Seule certitude: la pression de la nouvelle administration Obama, qui a fait de l'Afghanistan une priorité, sera forte au printemps. La France saura-t-elle y résister?