Un bataillon allemand en route pour la FranceL’annonce de la fermeture des garnisons françaises outre-Rhin soulevant des réactions, Paris et Berlin optent pour une présence réciproque.
Des soldats allemands stationnés en Alsace-Lorraine ? C’est sans doute pour bientôt.
Soixante-quatre ans après la fin du second conflit mondial, l’affaire pourrait se conclure sans douleur ni criaillerie, preuve que la réconciliation entre les deux pays est désormais bien solide. Lundi, lors du sommet franco-allemand à l’Elysée, le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel ont évoqué cette idée, discutée depuis l’été dernier.
«La chancelière a dit qu’elle était prête à ce que des soldats allemands soient stationnés en France», a indiqué, mercredi, Thomas Steg, un porte-parole du gouvernement fédéral. L’Elysée approuve. Il s’agira sans doute d’une unité de la taille d’un bataillon, soit 700 hommes environ.
Ce projet vise à sauver la brigade franco-allemande (BFA), qu’il serait
«trop dommage» de dissoudre, comme l’a reconnu Angela Merkel. La BFA est en effet sérieusement menacée par les restructurations en cours dans l’armée française, qui entraîne de nombreuses fermetures de garnisons. L’été dernier, l’armée de terre envisageait sérieusement de dissoudre ou de rapatrier en France les trois derniers régiments basés en Allemagne. Elle a dû y renoncer, devant la bronca des élus du Bade-Wurtemberg (sud-ouest) et du gouvernement de Berlin. Une telle décision
«ne resterait pas sans grave conséquence sur la coopération» entre les deux pays, avertissait le général allemand, qui commande la brigade. Alors que la France s’apprêtait à prendre la présidence semestrielle de l’Union européenne, une telle annonce aurait d’ailleurs fait plutôt désordre.
Contrepartie. Paris avait alors cru trouver une porte de sortie en proposant la réciprocité aux Allemands : on laisse nos régiments chez vous, mais en contrepartie vous en installez un de ce côté-ci du Rhin. Passée la surprise initiale, Berlin a finalement dit oui.
Ce pourrait être Metz ou Strasbourg, deux villes hautement symbolique des relations franco-allemandes, toutes deux annexées de 1870 à 1918 puis à nouveau de 1940 à 1945. De toutes les villes frappées par les fermetures de garnison, Metz est l’une des plus touchées. Quant à Strasbourg, elle accueille déjà l’état-major de l’Eurocorps. Ces villes ont l’avantage d’être proches de l’Allemagne et les soldats de la Bundeswehr y retrouveraient sans doute des
casernements construits par leurs anciens. Cette proximité géographique a la faveur de Berlin, pour des raisons de commodité.
Côté français, la tentation a été d’utiliser les Allemands pour combler les vides causer par les dissolutions de régiments annoncées cet été. Bitche, en Moselle, aurait pu accueillir la Bundeswehr, mais l’idée ne semble guère séduire l’état-major allemand. D’autant que les deux parties, conscientes du poids historique de cette affaire, veulent éviter que s’impose l’idée selon laquelle, les Allemands auraient, par nature, vocation à s’installer en Alsace-Lorraine… Le dossier, qui en est à ses balbutiements, pourrait donc se traduire par une proposition plus inattendue, comme d’installer des Allemands dans un camp de manœuvre, par exemple à Canjuers (Var). La Bundeswehr est déjà implantée en Provence, dans le cadre de l’Ecole franco-allemande du Luc (Var), où sont formés les pilotes du nouvel hélicoptère de combat Tigre commun aux deux armées. La coopération entre les deux pays est importante, et de manière symbolique, des troupes allemandes avaient participé au défilé du 14 juillet en 1994. Cinquante ans après en avoir été chassées par Leclerc.
Hussards. La BFA, qui célébrera son vingtième anniversaire en octobre 2009, n’a pas tenu toutes ses promesses. Aux yeux de ses deux promoteurs, Helmut Kohl et François Mitterrand, elle devait être l’embryon d’une armée européenne. On en est loin. Les Français aimeraient que la BFA soit
«plus employée», en clair, qu’elle soit réellement engagée dans des opérations extérieures. Difficile, parce que les règles d’engagement des deux armées ne sont pas les mêmes, les Allemands étant plus restrictifs que les Français. La BFA, qui comprend 5 000 hommes, est formée d’unités allemandes et françaises. Seuls l’état-major et le bataillon de commandement, basés à Müllheim sont binationaux. Deux unités françaises en font partie : le 3
e régiment de hussards, à Immendingen, et le 110
e régiment d’infanterie, à Donaueschingen. Avec le 16
e bataillon de chasseurs (non rattaché à la BFA), qui doit quitté Saarburg pour l’Alsace, c’est tout ce qu’il reste de l’armée française outre-Rhin. En pleine guerre froide, elle compta jusqu’à 80 000 hommes.
Les Français étaient arrivés en Allemagne au printemps 1945. Une armée d’occupation, puis une armée alliée dans le cadre de l’Otan, face aux divisions soviétiques. Tout cela n’a évidemment plus de sens en 2008. Reste que, dans les dernières villes de garnison, les maires allemands - membres de la CDU d’Angela Merkel - réagissent comme leurs homologues français. Ils sont attachés à leurs régiments, qui leur apportent une activité économique non négligeable. Pas question de les voir partir sans compensation. Même si celle-ci prend la forme d’une installation d’un
Jägerbatallion ou d’un
Panzergrenadierbataillon de l’autre côté du Rhin.
Source : secret défense