Éphéméride du 11 avril
jeudi 11 avril 2024
Marseille, aujourd’hui
Il y a treize jours, dans l’année, pendant lesquels il ne s’est pas passé grand-chose, ou bien pour lesquels les rares événements de ces journées ont été traités à une autre occasion (et plusieurs fois pour certains), à d’autres dates, sous une autre « entrée ».
Nous en profiterons donc, dans notre évocation politico/historico/culturelle de notre Histoire, de nos Racines, pour donner un tour plus civilisationnel à notre balade dans le temps; et nous évoquerons, ces jours-là, des faits plus généraux, qui ne se sont pas produits sur un seul jour (comme une naissance ou une bataille) mais qui recouvrent une période plus longue.
Ces jours creux seront donc prétexte à autant d’évocations.
• 1. Essai de bilan des Capétiens[url=https://www.jesuisfrancais.blog/2024/04/11/ephemeride-du-11-avril/.. Ou : comment la Troisième République naissante, par haine du passé national, juste après avoir fait démolir les Tuileries (1883) dispersa les Joyaux de la Couronne (1887), amputant ainsi volontairement la France de deux pans majeurs de son Hist],[/url] par Michel Mourre (2 février)
• 2.Splendeur et décadence : Les diamants de la Couronne. (12 février)
• 3. Deux hauts-lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. 1. Reims (15 février)
• 4. Deux hauts lieux indissociables de la Monarchie française : la cathédrale Notre-Dame de Reims, cathédrale du Sacre, et la Basilique de Saint-Denis, nécropole royale. 2. Saint-Denis (19 février)
• 5. Quand Le Nôtre envoyait à la France et au monde le message grandiose du Jardin à la Française. (13 mars)
• 6. Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France. (11 avril)
• 7. Quand Louis XIV a fait de Versailles un triple poème : humaniste, politique et chrétien. (28 avril)
• 8. Les Chambiges, père et fils (Martin et Pierre), constructeurs de cathédrales, élèvent à Beauvais (cathédrale Saint-Pierre) le choeur ogival le plus haut du monde : 46 mètres 77 (4 mai)
• 9. Quand la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais a reçu, au XIIIème siècle, son extraordinaire vitrail du Miracle de Théophile (28 mai)
• 10. Quand Chenonceau, le Château des Dames, à reçu la visite de Louis XIV, âgé de douze ans, le 14 Juillet 1650. (26 juillet)
• 11. Le Mont Saint Michel (11 août)
• 12. Quand François premier a lancé le chantier de Chambord. (29 septembre)
• 13. Quand Léonard de Vinci s’est installé au Clos Lucé. (27 octobre)
Aujourd’hui
Quand Massalia, la plus ancienne ville de France, rayonnait sur toute la Gaule et, préparant la voie à Rome, inventait avec les Celtes, les bases de ce qui deviendrait, un jour, la France.
I. Bref rappel historico-géographique
Les premiers occupants connus de la Provence sont des tribus Ligures.
Au IVème siècle av J-C, les Celtes envahissent le territoire de l’actuelle Provence. Ils sont peu nombreux mais, plus guerriers que les Ligures, ils prennent le pouvoir et constituent une civilisation Celto-Ligure qui va subsister jusqu’à l’invasion Romaine :
• Les Salyens (ou Salluviens) sont installés en Basse Provence,
• les Cavares dans le Comtat-Venaissin,
• les Voconces dans la Drôme,
• les Oxybiens dans le Var,
• et les Déciates dans les Alpes-Maritimes.
Ils sont entourés au nord et à l’ouest par des tribus Celtes : les Allobroges en Dauphiné et les Arvernes dans le Massif Central.
Maquette de Marseille grecque au Musée d’histoire du Centre bourse. La ville est enserrée par un rempart : au premier plan, la corne du port, aujourd’hui comblée, dans le jardin de la Bourse. L’entrée principale de la ville est juste devant. Derrière, la rue principale (aujourd’hui Grand rue et rue Caisserie) qui sépare en deux parties la ville. A droite la ville haute, et à gauche la ville basse. Sur la colline on distingue les deux temples d’Apollon et d’Artémis.
On comprend, en regardant cette maquette, pourquoi César a écrit, dans son De Bello Gallico, que Marseille était « entourée d’eau sur trois de ses côtés« .
Autour de 600 avant J-C, des navigateurs grecs, originaires de Phocée (Phokea, en grec, la ville du phoque), une cité grecque d’Ionie, en Asie Mineure (près de l’actuelle Izmir, sur la côte ouest de la Turquie), pénètrent dans la calanque du Lacydon (Lakaydon, en grec), aujourd’hui occupée par le Vieux-Port (maquette ci dessus).
Le chef de l’expédition, Protis, s’unit à Gyptis, la fille du chef de la population locale celto-ligure, et fonde Massalia (on dira plus tard, en latin, Massilia). Cette légende a sans doute une part de vérité historique. Ci dessous, les limites de la cité au VIème siècle : douze hectares, entourés d’eau sur presque trois côtés, dira César (l’eau recouvrait toute la partie hachurée, où se trouve la corne du port antique, visible aujourd’hui dans le Jardin des Vestiges).
Autre plan de la Marseille grecque au Musée d’histoire du Centre bourse.
Ce qui frapperait le plus les Grecs d’il y a vingt-six siècles, s’ils revenaient aujourd’hui, ce serait… l’étroitesse du plan d’eau (dont on voit en vert hachuré, sur cette maquette, la partie comblée) !
Une étroitesse malgré tout assez relative : s’il prenait fantaisie aux pouvoir publics de combler l’intégralité du port, pour en faire une place piétonne, cette idée saugrenue reviendrait à créer la plus grande place d’Europe.
Au début, les Celto-Ligures n’interviennent pas contre les établissements grecs qui se sont implantés sur la côte, ils font même du commerce avec ceux-ci.
Les relations changeront au milieu du IIème siècle av J-C, quand les Celto-Ligures deviendront agressifs, ce qui conduira la population Grecque à demander l’aide de Rome.
C’est par Massalia que va se développer l’influence grecque dans la région, car Massalia crée de nombreux comptoirs, surtout le long de la côte méditerranéenne :
• Nikaïa (la victoire) : Nice ;
• Antipolis (la ville d’en face) : Antibes ;
• Monoïkos (Hercule Monoecos, le solitaire) : Monaco ;
• Athénopolis (la ville d’Athéna) : Saint Tropez ;
• Olbia (l’heureuse) : Hyères ;
• Kitharistés (le rocher, du rocher du Bec de l’Aigle) : La Ciotat et Ceyreste ;
• Tauroeïs (l’un des bateaux de la flotte était « taureauphore », c’est-à-dire qu’il portait comme emblème, sur sa proue, une statue de taureau) : Le Brusc ;
• Agathé Tychée (la bonne fortune) : Agde.
La Massalie
Marseille est, au départ, une colonie de Phocée (la ville du phoque), dans le golfe de Cumes, en Asie mineure; fait, sinon unique, du moins rarissime dans l’Histoire, la totalité de la population de la ville-mère s’embarqua pour se réfugier dans sa colonie, afin de fuir l’avancée des Perses. Et, comme on le voit, devenue florissante, la colonie fonda, à son tour ses propres colonies, devenant un véritable Empire commercial.
Mais jamais Massalia n’oublia ses racines grecques, et, comme toutes les villes grecques, elle entretenait pieusement son « Trésor » à Delphes, lieu sacré pour tous les Grecs, où Apollon avait terrassé le serpent Python. Construit entre 535 et 530, ce Trésor des Marseillais (ci dessous) « abritait les offrandes que la jeune colonie phocéenne – fondée vers 600 – envoyait au dieu tutélaire de tous les Grecs » (Michel Mourre) et se trouvait tout à côté du splendide Tholos de Marmaria, temple circulaire de vingt colonnes, mais construit beaucoup plus tard, vers 380…
Accolés au Tholos, les restes encore « parlants » du temple rectangulaire dit « Trésor des Marseillais » archeologia-magazine.com/numero-15/tresor-marseillais-a-delphes
Massalia étend son commerce très loin : en Egypte, vers la Bretagne et la Baltique (voyage de Pythéas) mais aussi l’Afrique (voyage d’Euthymènes) et constitue un véritable Empire dont l’influence s’étend sur toute la cote, y compris vers l’Espagne actuelle.
Massalia y fondera de nombreux comptoirs :
• Emporion (le marché), l’actuelle Ampurias ;
• Rhodé (Rosas) ;
• Alonis (au nord d’Alicante) ;
• Hemeropolis (à côté de l’actuelle Valence) ;
• Hemeroscopeion (entre Denia et le Peñon de Ifach) ;
• Moenacé (dont le nom rappelle celui de Monoekos – – à l’est de Malaga).
Et même un établissement près de l’actuelle Barcelone.
Mais ces fondations en Espagne seront vite submergées et absorbées par les Carthaginois, à qui la Massalie se trouve bientôt confrontée (ainsi qu’aux Étrusques, également opposés aux Romains). Massalia s’allie alors avec la République de Rome et après une lutte à rebondissements les deux alliés sortent victorieux du conflit connu sous le nom de Guerres Puniques.
Le consul Caius Marius, vainqueur des Cimbres et des Teutons (éphéméride du 17 janvier)
L’écrasement des Cimbres et des Teutons par Caius Marius rapproche encore plus Rome et Massalia : mêmes ennemis, même danger, en face desquels se noue une solidarité et une collaboration sans failles. Défendre Massalia, c’était défendre Rome, et réciproquement.
Devant la recrudescence d’incursions des tribus Celtes (Salyens), Marseille demande à Rome d’intervenir en Gaule. Rome y est d’autant plus intéressée qu’elle vient de conquérir l’Espagne. Le consul Sextius Calvinus s’empare d’Entremont, la capitale des Salyens, qu’il détruit; il édifie en remplacement une nouvelle ville qui prend le nom d’Aquae Sextiae (Aix-en-Provence).
Mais, en 49 av J-C, Massalia, amie et alliée de Rome, choisit de ne pas choisir dans la guerre civile entre les partisans de Pompée et et ceux de César. Or, celui-ci, bien conscient de l’importance diplomatique, politique, stratégique et économique de Massalia souhaite que la ville s’engage résolument à ses côtés. Il interprète donc la neutralité de la ville comme une hostilité envers lui, ce qu’elle n’était nullement.
L’armée de César fait donc le siège de la ville : militairement, c’est un échec, et les Massaliètes repoussent victorieusement tous les assauts. Il faudra attendre six mois, et que la faim aie raison des assiégés, pour que l’armée de César s’empare de la ville. Elle est durement sanctionnée, une bonne partie de ses domaines sont attribuées à la ville qui a aidé César : Arelate (Arles). C’en est fini de la grandeur de Massalia, désormais cité fédérée qui reconnaît la suprématie de Rome. La ville reste cependant un important centre intellectuel, qui diffuse la civilisation et la culture grecque dans le monde romain.
Sur les raisons de la guerre que mena César contre Massalia, voir notre éphéméride du 19 avril; sur la première victoire navale remportée par la flotte de César sur celle de Massalia, notre éphéméride du 27 juin; et, sur la seconde, notre éphéméride du 31 juillet;
Jardin des Vestiges. Les restes du rempart qui résista pendant plus de six mois à Jules César.
II : L’importance et le rôle de Massalia, évoqués par les auteurs anciens
• Chateaubriand se rendit à Marseille, en 1802. Il raconte sa visite dans les Mémoires d’Outre-Tombe (La Pléiade, tome I, page 481) et rappelle deux éloges antiques de la ville :
« …D’Avignon je me rendis à Marseille. Que peut avoir à désirer une ville à qui Cicéron adresse ces paroles, dont le tour oratoire a été imité par Bossuet : « Je ne t’oublierai pas, Marseille, dont la vertu est à un degré si éminent que la plupart des nations te doivent céder, et que la Grèce même ne doit pas se comparer à toi. » (Pro L. Flacco.). Tacite, dans sa Vie d’Agricola, loue aussi Marseille, comme mêlant l’urbanité grecque à l’économie des provinces latines. Fille de l’Héllenie, institutrice de la Gaule, célébrée par Cicéron, emportée par César, n’est-ce pas réunir assez de gloire ?… »
• En fait, les deux plus anciens témoignages sur l’importance de la ville dans l’Antiquité sont l’ouvrage d’Aristote (malheureusement perdu) sur la République de Marseille, que Strabon a par ailleurs longuement évoquée, et l’édition massaliète des poèmes homériques.
Le passage de Cicéron, cité par Chateaubriand, est suivi d’un autre (toujours dans le Pro Flacco) : « Je ne t’oublierai pas, ô Marseille, toi qui surpasse en sagesse et en science non seulement la Grèce mais je dirais tous les peuples de l’univers. Toi qui es si bien gouvernée par le Conseil de tes principaux citoyens et dont il est plus facile de louer les lois que de les imiter ».
(ndlr) : Massalia n’a pas connu la démocratie, mais l’aristocratie sous sa forme oligarchique (les mots étant à prendre, évidemment, au sens qu’ils avaient à l’époque, et dans le contexte de l’époque). Une Assemblée de 600 membres – les Timouques – gouvernait la ville : ce sont eux que Cicéron appelle, dans ce passage, « tes principaux citoyens« . Pour être Timouque, il fallait être père de famille et jouir du droit de cité depuis trois générations. Cette Assemblée d’Honorables (c’est le sens du mot, en grec) exerçait le pouvoir législatif, et il n’y avait pas d’autres juges dans la ville. Quinze d’entre eux (les Quinze, les « principaux citoyens » dont parle Cicéron) assuraient l’exécutif : encore les Quinze élisaient-ils trois d’entre eux, qui avaient préséance sur les autres et qui, à leur tour, élisaient un président.
Quant à Tacite, il se félicite que son beau-père, Agricola, ait passé une partie de sa vie à Marseille « où la politesse grecque est heureusement unie à la simplicité et à l’économie de la province ».
• Pour Tite live, « Marseille était aussi polie que si elle avait été au milieu de la Grèce« . Pour Pline, c’est « la maîtresse des études » et – revenons à Cicéron – c’est « l’Athènes des Gaules« .
Dans le De Officiis (8), Cicéron raconte que, « lorsque l’on vit à Rome le Triomphe de Jules César et l’image de Marseille « …tout le peuple romain plaignit le sort de cette ville fidèle et, quoique chacun eut à déplorer ses propres malheurs, il n’y eut personne qui ne prit part à l’infortune de Marseille lorsqu’on vit porter en triomphe l’image de cette ville, sans laquelle aucun de nos chefs n’aurait triomphé au-delà des Alpes… ».
• Pétrone choisit Massilia, aux écoles de réthorique réputées, pour composer son Satyricon.
• Trois médecins grecs furent réputés à Massalia : Crinas, Charmis et Démosthène le massaliote :
– Le premier pourrait peut-être être considéré sinon comme le père de la chronobiologie, du moins comme l’un des tous premiers de ses initiateurs et de ceux qui en ont eu l’intuition : il réglait les heures des repas et les fonctions physiques de ses malades d’après les tables astronomiques ! Il fut appelé à Rome par Néron, dont il devint le médecin. A sa mort, il fit don de dix millions de sesterces à sa ville pour qu’elle puisse rebâtir ses remparts, dont on voit toujours les restes très émouvants dans le Jardin des Vestiges (ci dessous).
– Quant à Charmis, il se tailla une solide réputation en propageant l’usage des bains froids en toute saison et devint (pour cette raison ?) l’un des médecins les plus célèbres de Rome.
– Enfin, Démosthène, anatomiste et oculiste, eut droit aux plus grands éloges de Galien, qui le cita en louant son savoir.
Jardin des Vestiges. Autre aspect des restes du rempart qui résista pendant plus de six mois à Jules César.
III : Deux navigateurs massaliotes à la découverte du vaste monde
Ce trop rapide tableau serait bien évidemment incomplet si l’on ne mentionnait pas les deux hardis navigateurs, Pythéas et Euthymènes qui, en s’élançant sur des mers inconnues – au Nord pour le premier (ci dessous), au Sud pour le second – firent progresser la science et les découvertes d’une manière considérable.
Pythéas est le meneur de la première expédition scientifique connue :
infog.free.fr/Pytheas
1. Sur Pythéas :
• de Michel Mourre :
« A partir de 325 environ avant J-C il entreprit des voyages lointains qui avaient sans doute pour objet principal de briser le monopole du commerce atlantique détenu par les Carthaginois. Pythéas fut le grand découvreur du nord de l’Europe. Ayant franchi le détroit de Gibraltar, il atteignit l’île d’Ouessant, parvint aux mines d’étain de Cornouailles, fit probablement la circumnavigation de la Grande-Bretagne et, au nord de l’Ecosse, recueillit des renseignements sur une certaine « île de Thulé », laquelle était sans doute la Norvège (ou l’Islande ?, ndlr). D’Angleterre, il retraversa ensuite la Manche et longea les cotes de l’Europe septentrionale jusqu’à la rivière Thanaïs (peut-être la Vistule). Il revint ensuite à Marseille. Pythéas fut aussi un remarquable astronome : il sut calculer la latitude de Marseille à quelques minutes près, observa que l’étoile Polaire n’était pas située au pôle, signala le premier les rapports entre les marées et le mouvement de la lune ».
Sa description de la banquise est restée célèbre : (du fragment conservé de son Tour de la Terre) :
« On n’y voit ni air, ni eau, ni terre, mais seulement un composé de ces trois éléments, tout semblable au poumon marin ; la mer et la terre sont suspendues sur cette substance ; et elle sert de lien à toutes les parties de l’Univers. Il est tout à fait impossible d’aborder en ce lieu-là ni à pied ni sur des vaisseaux… »
• de Francis Herbaux, « Puisque la Terre est ronde » :
« …Aujourd’hui, même les plus sceptiques s’accordent à reconnaître l’authenticité de l’expédition. Astronome au temps d’Aristote et d’Alexandre le Grand, vers 330 avant JC., Pythéas le Massaliote a bel et bien observé des phénomènes surprenants, certes, mais qui prouvent la sincérité de son témoignage. Pourquoi une telle entreprise ? Pythéas a tout raconté dans son récit de voyage, mais l’ouvrage n’a pas survécu à l’Antiquité.
Longtemps, on a attribué à ce périple un but commercial. Des historiens ont imaginé que le Marseillais, réputé pour ses connaissances en astronomie, avait été choisi par les autorités de sa ville pour guider une expédition chargée de découvrir de nouvelles voies de commerce pour l’étain et l’ambre, marchandises précieuses, particulièrement recherchées par les cités méditerranéennes…
…L’astronome Yvon Georgelin a entrepris d’étudier avec soin les découvertes scientifiques du savant marseillais.
Selon lui, Malgré les critiques, Pythéas a toujours fait l’admiration des astronomes, tout simplement parce ses mesures étaient justes. C’était en effet un scientifique de tout premier ordre. Il a mesuré avec exactitude la latitude de Marseille. Pythéas a aussi expliqué la corrélation des marées avec la Lune. Il a déterminé le pôle céleste ainsi que l’obliquité de l’écliptique avec une précision surprenante pour l’époque.
Au pays du soleil de minuit
Voilà la clé du mystère. Les astronomes du temps d’Alexandre savaient que la Terre était ronde. C’était même une évidence et, comme Pythéas, ils avaient aussi remarqué l’inclinaison de son axe par rapport à la course du Soleil. La conclusion semblait sidérante : il existait une région, tout au nord, où le soleil ne se couchait pas ! N’était-ce pas là une raison suffisante pour y aller voir de plus près ?
Pythéas a navigué vers le nord. Les textes l’affirment et le confirment. Cela suffit-il pour faire en faire un marin ? N’a-t-il pas pu atteindre les régions arctiques en qualité de simple passager de bateaux de commerce ? L’histoire ne le dit pas.
Astronome, Pythéas était passé maître dans l’utilisation du gnomon, sorte de grand cadran solaire. Les indications fournies par le l’instrument permettaient par exemple à l’utilisateur expérimenté de connaître la date et l’heure, de s’orienter, de déterminer le pôle céleste, de calculer des latitudes et même des distances.
De toutes les mesures de Pythéas, une seule nous est parvenue, mais elle est essentielle. Elle indique avec exactitude le rapport du gnomon à son ombre au solstice d’été, preuve que le savant marseillais maîtrisait parfaitement les secrets de ce qu’on appellerait aujourd’hui la mécanique céleste.
Sa curiosité voyageuse lui a également offert le spectacle qu’il attendait sûrement : le soleil de minuit. Elle lui a permis de découvrir au passage le littoral de l’Europe et les îles britanniques. Peut-être même a-t-il vu la banquise de ses propres yeux. Pythéas, enfin a évoqué pour la première fois l’existence de la très mystérieuse île de Thulé.
Astronome, naturaliste, anthropologue, philosophe, Pythéas peut aussi être considéré comme l’un des tout premiers reporters scientifiques… »
2. Sur Euthymènes : beaucoup moins bien connu, on sait toutefois qu’il a longé les cotes de l’Afrique, et découvert le Sénégal ainsi que le golfe de Guinée, repoussant lui aussi, vers le sud, comme le faisait Pythéas vers le nord, les limites du monde connu.
persee.fr/doc/bude_0004-5527_1955_num_1_2_3677
Devise de Marseille (Massalia pour les Grecs, Massilia pour les Romains, Marsiho en provençal) :
• Actibus immensis urbs fulget massiliensis (La ville de Marseille brille par ses hauts faits)
• Toustèms pèr si grand-fa resplendiguè Marsiho (traduction de Frédéric Mistral)
Du 14 au 22 octobre 1899, la Ville de Marseille organisa de grandes Fêtes pour célébrer le XXVe centenaire de sa fondation.
Notre éphéméride du 14 octobre donne les citations des deux auteurs de l’Antiquité – Aristote (ci contre, à gauche) et Trogue Pompée – qui ont relaté la naissance de la cité : leurs textes sont malheureusement perdus, mais ils ont été cités par d’autres (Aristote, par Athénée, et Trogue Pompée par Justin, ci contre, à droite), ce qui permet de se faire, malgré tout, une idée des textes originaux.
Les Basques puis les Celtes constituent les premiers peuplements connus de la Gaule, qui allait devenir la France. Sur ces deux populations premières vint se greffer l’influence décisive des Grecs et des Romains : voilà pourquoi nous évoquons largement, dans nos Ephémérides, les pages fondatrices de notre identité profonde que nous devons à l’Antiquité : voici le rappel des plus importantes d’entre elles, étant bien entendu qu’un grand nombre d’autres Ephémérides traitent d’autres personnalités, évènements, monuments etc… de toute première importance dans le lente construction du magnifique héritage que nous avons reçu des siècles, et qui s’appelle : la France.
En réalité, si la conquête de la Gaule était nécessaire à César pour sa prise du pouvoir à Rome, il faut bien admettre que « le divin Jules » avait été appelé à l’aide, en Gaule, par les Gaulois eux-mêmes, incapables de s’opposer au déplacement massif des Helvètes, quittant leurs montagnes – en 58 avant J.C – pour s’établir dans les riches plaines du sud ouest ; César vainquit les Helvètes à Bibracte (éphéméride du 28 mars); cinq mois plus tard, envahis par les Germains d’Arioviste, les Gaulois le rappelèrent une seconde fois : César vainquit et refoula les Germains au-delà du Rhin (éphéméride du 5 août); et, cette fois-ci, auréolé de ses deux prestigieuses victoires, et gardant plus que jamais en tête son objectif premier (la conquête du pouvoir à Rome), César ne voulut plus se retirer de cette Gaule où on l’avait appelé, et dont la conquête serait le meilleur tremplin pour ses ambitions politiques à Rome. Il fallut six ans à Vercingétorix pour fédérer les divers peuples de Gaule contre le sauveur romain : le soulèvement général commença par le massacre des résidents romains à Cenabum (l’actuelle Orléans), en 52 (éphéméride du 23 janvier); le 28 novembre de la même année, Vercingétorix remporta la victoire de Gergovie (éphéméride du 28 novembre); mais, moins d’un an après, enfermé dans Alésia, Vercingétorix vécut l’échec de l’armée de secours venue à son aide de toute la Gaule (éphéméride du 20 septembre) : il capitula une semaine après (éphéméride du 27 septembre). Emmené captif à Rome, il fut mis à mort six ans plus tard, en 46 (éphéméride du 26 septembre).
Cependant, dans sa conquête des Gaules, César n’eut pas seulement à lutter contre les tribus gauloises proprement dites : il s’opposa également à Massalia, puissance amie et alliée de Rome, mais qui ne voulut pas choisir entre César et Pompée lorsque la guerre civile éclata entre ceux-ci : César réduisit Massalia, mais avec difficulté (éphémérides des19 avril,27 juin et 31 juillet).
Enfin, pour être tout à fait complet avec le rappel de ce que l’on peut trouver dans nos Ephémérides sur ces pages de notre Antiquité, mentionnons également nos trois éphémérides traitant de :
• la victoire sur les Cimbres et les Teutons, remportée par Caius Marius, oncle par alliance de Jules César en 86 (il avait épousé sa tante, Julie, et mourut en 86 (17 janvier) ;
• l’assassinat de Jules César en 44 Avant J-C (15 mars) ;
• notre évocation de Massalia, sa puissance et son rôle à l’époque (11 avril).
1975 : Bernard Pivot reçoit Soljenitsyne dans Apostrophes
Bernard Pivot raconte :
« …J’ai rencontré Alexandre Soljenitsyne quatre fois, quatre moments extraordinaires. Avant même de l’inviter dans Apostrophes, le 11 avril 1975, je lui avais consacré, fin 1973, au moment de la sortie de L’Archipel du Goulag, l’une des émissions d’Ouvrez les guillemets. Le débat avait été fort animé, notamment entre Jean Daniel et Max-Pol Fouchet. Le premier parlait d’un témoignage capital, tandis que le second minimisait son importance. Tout comme Alain Bosquet, également sur le plateau, qui était fort dubitatif. Car, il faut bien le rappeler aujourd’hui, il n’y avait pas alors de belle unanimité au sein de l’intelligentsia française. Nombre d’intellectuels critiquaient l’aspect partiel du récit de Soljenitsyne, d’autres encore considéraient qu’il n’était pas de grande qualité littéraire. Début 1975, alors que, expulsé d’URSS, il résidait en Suisse, je l’ai convié à l’occasion de la sortie de ses Mémoires, Le Chêne et le Veau. C’était l’une de mes premières émissions d’Apostrophes et je venais d’avoir Nabokov. Deux grands Russes coup sur coup. Quel bonheur ! C’était formidable. L’auteur d’Une journée d’Ivan Denissovitch et du Pavillon des cancéreux était vraiment impressionnant. Par sa stature, sa barbe, son physique. Tout ce qu’il représentait, la guerre, le goulag, le cancer, bref, tout ce que à quoi il avait échappé, et son courage incroyable faisaient que vous vous sentiez bête et tout petit en face de lui. C’est comme si vous aviez reçu de Gaulle ! On me disait qu’il n’avait pas bon caractère. Comment aurait-il pu survivre sinon ? Cela dit, il a fait montre, à chacune de nos rencontres, d’une vraie gentillesse et d’une grande disponibilité. Il tenait à sa femme, à ses enfants, à la Russie, à Dieu et au temps. Le temps était son bien le plus précieux, car il savait qu’il pouvait mourir d’un moment à l’autre et qu’il lui fallait finir La Roue rouge, sa monumentale histoire de la Russie d’avant 1917. Aussi, lorsque je suis allé le retrouver dans son refuge du Vermont, aux Etats-Unis, en 1983, pour un long tête-à-tête, j’avais conscience qu’il s’agissait là d’un cadeau inestimable. Une fois le principe de l’interview télévisée accepté – j’étais le seul à m’être entretenu avec lui dans le Vermont – il était tout à vous. Plus tard, je l’ai reçu, dans le cadre de Bouillon de culture ; enfin, je suis allé tourner un reportage en 1998, après son retour en Russie, dans sa maison des environs de Moscou. Chaque fois, j’ai eu le sentiment d’avoir en face de moi un témoin et un acteur capital de l’Histoire… »
Deux de nos Grands Textes sont de Soljénitsyne :
1. Le discours contre-révolutionnaire d’Alexandre Soljenitsyne en Vendée. [Intégral] Grand Texte ∗∗∗
2. Le discours d’Harvard d’Alexandre Soljenitsyne ou le discours du courage. Grand Texte ∗∗∗