DEUX ÉTATS ISRAÉLO-PALESTINIEN ; QUI Y CROIT VRAIMENT ?
« Nous sommes liés à Israël par le deuil. Trente de nos compatriotes ont été assassinés le 7 octobre. Neuf autres sont encore portés disparus ou retenus en otage. A Tel-Aviv, auprès de leurs familles, j’ai exprimé la solidarité de la Nation »
(Emmanuel Macron, 24 octobre 2023).
La cote de popularité de l’avorton présidentiel est au plus bas. Je gage pourtant qu’en jouant le sauveur de la paix entre Israéliens et Palestiniens, il la fera remonter, surtout après le bel exercice de « et en même temps » auquel il s’est livré devant Benyamin Netanyahou puis Mahmoud Abbas.
La presse, presque unanime, salue les propos du président français qui a dit…ce que tout le monde a envie d’entendre. Des lieux communs auxquels on ne peut qu’adhérer ; enfoncer des portes ouvertes est une constante chez nos politiciens, tous bords confondus. Pour ma part, je pense que Macron, en se posant en faiseur de paix, sera aussi inefficace qu’il l’a été avec Poutine et Zelensky.
Ce type a un égo surdimensionné, il a toujours besoin d’être au premier rang.
Soyons honnête, en sacrifiant tardivement à ce rituel du voyage à Tel-Aviv, il s’est donné du temps pour en dire un peu plus qu’Olaf Scholz, Giorgia Meloni et Rishi Sunak, qui l’avaient précédé. Ceux-là s’étaient contentés d’ânonner le catéchisme diplomatique assurant qu’Israël « a le droit de se défendre ». Phrase ô combien légitime après l’attaque barbare commise par le Hamas le 7 octobre, mais ce n’est pas avec des constats, aussi larmoyants soient-ils, qu’on arrête des guerres.
Mais que signifie sa « coalition internationale contre le Hamas » ? La France, après s’être fait chasser d’Afrique, va-t-elle aller bombarder Gaza et l’Est syrien pour éradiquer Daech ? C’est absurde autant qu’irresponsable. On sait le chef de l’État expert en propos creux. Il a reparlé de la solution « à deux États » qui a déjà fait couler tellement d’encre depuis la résolution 242 des Nations Unies de novembre 1967. Ce nouveau conflit mérite qu’on rafraichisse les mémoires des gens – politiciens, journalistes, experts (autoproclamés) – qui pérorent sur un sujet qu’ils connaissent visiblement mal.
La première proposition de création de deux États, juif et arabe, remonte à… 1937, lors de la « Commission Peel ». A l’époque, elle est rejetée par la communauté arabe de Palestine, et acceptée par la plupart des dirigeants juifs. En 1947, le « Plan de partage de la Palestine » propose lui aussi une solution à deux États, avec Jérusalem sous contrôle international. Le plan est accepté par les dirigeants juifs, mais rejeté par les dirigeants arabes et palestiniens, opposés à toute présence juive indépendante. La guerre de 1948-1949 met fin au mandat britannique, avec les accords d’armistice israélo-arabes de 1949. À l’issue de cette guerre a lieu l’exode (ou expulsion) de 711 000 Palestiniens.
Après la « guerre des six-Jours », le Conseil de Sécurité de l’ONU fait passer, à l’unanimité, la résolution 242 qui demande le retrait des territoires occupés d’Israël, en échange de « la clôture de toute revendication ou état de belligérance et de la reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région ».
L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), fondée en 1964, rejette cette résolution.
Dans les années 1970, le Palestinien Said Hammami laisse entendre que l’OLP accepte la solution à deux États qui reçoit le soutien de l’Assemblée Générale des Nations Unies. En novembre 1974, l’Assemblée Générale de l’ONU (1) déclare « le droit à l’autodétermination sans interférence extérieure, le droit à une indépendance et une souveraineté nationale, et le droit de regagner leurs propriétés ». Depuis, ces droits sont affirmés chaque année…ce qui ne change rien à la situation.
En juin 1976, il est proposé au Conseil de Sécurité de l’ONU de rétablir les frontières d’avant 1967. Les États-Unis y mettent leur véto : selon eux, la solution à deux États est pertinente mais doit être négociée par les parties, ce qui semble assez logique, ou tout simplement normal.
Après le début de la première Intifada – en 1987 – un travail diplomatique est exercé pour tenter d’instaurer la solution à deux États (2). Le 15 novembre 1988, la « Déclaration d’Indépendance de la Palestine » se réfère au « Plan de partage de la Palestine » de 1947 et aux « résolutions de l’ONU depuis 1947 ». Elle est interprétée comme une reconnaissance, indirecte, de l’État d’Israël et une acceptation de la solution à deux États. En 1993, les Accords d’Oslo divisent officiellement la Palestine en trois territoires administratifs et encadrent légalement les frontières entre Israël et la Palestine. On croit avoir fait un grand pas en avant…On verra qu’il n’en est rien.
Le sommet de Camp-David en 2000 et janvier 2001, puis les négociations à Taba en janvier 2001, ne débouchent sur aucune décision. Le déclenchement violent de la deuxième Intifada, en 2000, démontre que les Palestiniens récusent les Accords d’Oslo et convainc le peuple israélien que les négociations avec le camp d’en face sont vaines. J’y reviendrai en fin d’article.
En 2002, le Prince Abdallah d’Arabie saoudite propose l’Initiative d’une paix arabe, soutenue à l’unanimité par la Ligue Arabe. Mais elle est rejetée par le gouvernement israélien.
Toujours en 2002, George W. Bush annonce son soutien pour un État palestinien, ce qui ouvre la voie de la résolution 1397 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, résolution qui soutient la solution à deux États : bis repetita ! On tourne le problème en boucle depuis un demi-siècle !
En juin 2007, les loups palestiniens se mangent entre eux : le conflit Fatah-Hamas, qui oppose deux organisations palestiniennes, aboutit au contrôle de la bande de Gaza par le Hamas. Deux lignes politiques revendiquent chacune la représentation du peuple palestinien. Le Fatah contrôle l’autorité palestinienne en Cisjordanie et le Hamas gouverne Gaza.
En novembre 2007, à la conférence d’Annapolis, Israël, l’OLP et les États-Unis s’accordent sur la solution à deux États. Mais une fois de plus, aucun accord n’est conclu.
En 2010, les pourparlers doivent reprendre, mais l’extension des colonies juives réduisent les terres dont l’État palestinien disposerait. En janvier 2012, d’après un rapport de l’Union Européenne sur Jérusalem-Est, l’extension des colonies et la fragilité de la population de Jérusalem-Est rendent peu probable la création de deux États. Ce rapport est rejeté par le ministère israélien des Affaires Étrangères, car « fondé sur une description partielle, biaisée et unilatérale du terrain »
Le 29 novembre 2012, l’ONU reconnait à la Palestine le statut de « membre observateur », avec 138 voies pour, 9 contre et 46 abstentions. Mais le 30 novembre, Benyamin Netanyahu annonce la construction de 3000 nouveaux foyers à Jérusalem-Est.
En 2013-2014, John Kerry, secrétaire d’État des USA, guide les pourparlers de paix de 2013-2014 qui, une nouvelle fois, ne débouchent sur aucun arrangement.
Avant la guerre de Gaza de 2014, d’après un sondage du « Washington Institute for Near East Policy », 60 % des Palestiniens disaient que leur objectif devrait être « de travailler à la récupération de toute la Palestine historique du fleuve à la mer », contre 27 % qui approuvaient l’idée qu’ils devraient travailler « pour mettre fin à l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza et parvenir à une solution à deux États ». Pour les sondages israéliens, la solution à deux États rencontre un soutien majoritaire mais qui se dégrade d’année en année. En fait, beaucoup de gens n’y croient plus.
Pour les pays occidentaux, notamment les États-Unis et la France, la solution au conflit passe par la création d’un État palestinien. Mais l’explosion de la colonisation juive en Cisjordanie rend cette perspective irréaliste. Lors des Accords d’Oslo, signés le 13 septembre 1993, à Washington, par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin (Accords négociés secrètement) 266 000 Israéliens vivaient dans les territoires occupés, dont plus de la moitié à Jérusalem-Est, annexé par Israël en 1980. Trente ans plus tard, ils sont 685 000 (chiffres 2022) et les deux tiers d’entre eux sont installés en Cisjordanie, dans 145 implantations juives. Elles maillent tout le territoire peuplé de 3,3 millions de Palestiniens, elles empêchent toute continuité territoriale entre les villes palestiniennes, torpillant l’idée même d’un État. Leur constante expansion s’est faite en violation des résolutions de l’ONU (la dernière date de février 2023), et en violation du droit international, ce qui choque les bonnes consciences.
Comment en est-on arrivé à cette situation ? Les Accords d’Oslo ont déraillé. Ils étaient bâtis sur un pari, un doux rêve ou…une illusion: instaurer une souveraineté palestinienne limitée (Gaza et Jéricho d’abord, puis ensuite les grandes villes de Cisjordanie) pour instaurer un climat de confiance, avant de passer aux questions qui fâchent : le retrait israélien et le démantèlement des colonies ; le retour des cinq millions de réfugiés palestiniens des pays arabes ; le statut de Jérusalem-Est et des Lieux saints (Mur des lamentations, Esplanade des mosquées, Saint-Sépulcre).
En théorie, c’était jouable, mais les théories se heurtent souvent à la dure réalité des choses.
Ce n’est pas en repoussant les problèmes de fond et en misant tout sur la confiance entre deux hommes, Arafat et Rabin, que l’on allait enfin accoucher de deux États. Les jusqu’au-boutistes des deux camps ont mis à bas cet espoir de paix d’une naïveté confondante.
Le 4 novembre 1995, Ygal Amir, un jeune suprématiste juif assassinait le premier ministre Rabin, dans un climat de « chasse aux traîtres » orchestrée, entre autres, par le Likoud de Benyamin Netanyahou. Moribond, le processus de paix d’Oslo est définitivement mort dans les années 2000, après la seconde Intifada, marquée par des attentats-suicides sanglants suivis de raids meurtriers de « Tsahal » sur les villes palestiniennes. La solution à deux États a laissé place à une colonisation accélérée de la « Judée-Samarie », c’est le nom que les Israéliens donnent à la Cisjordanie.
Cette politique est assumée par les gouvernements de gauche (Peres, Barak), puis par ceux de droite, incarnés depuis 2009 par Benyamin Netanyahou.
Canaan (région) le monde entier, chacun y va de son couplet pour appeler à la création de deux États sur la « Terre de Canaan ». Ce nom a été utilisé par les Juifs et par les Chrétiens au cours de l’histoire en référence à la première promesse faite par Dieu à Abraham, Isaac et Jacob dans la Genèse :
« Et je t’ai donné à toi et à ta postérité la terre de tes pérégrinations, toute la terre de Canaan. »
Personne, je ne dis bien personne, ne peut être opposé à la création de deux États, pour que les Palestiniens et les Israéliens cessent de s’entretuer, mais c’est une fausse bonne idée, à mon humble avis totalement illusoire et irréaliste car elle impliquerait une large décolonisation de la Cisjordanie.
Au-delà des incantations, des rodomontades de faux-durs, des effets de manche ou des propos lénifiants de « bisounours », qui est prêt à le faire ?
Depuis l’attaque terroriste du Hamas, plusieurs de mes lecteurs et/ou amis ne comprennent pas mon soutien total à Israël et m’en font le reproche. Je n’ai pas pour habitude de me justifier mais j’assume mes prises de positions même quand elles peuvent choquer les bienpensants et sembler en contradiction avec mes jugements sévères sur la finance apatride et le Nouvel Ordre Mondial :
Israël est un État nationaliste, qui s’appuie sur une religion forte et qui défend ses frontières, ce qu’était la France autrefois ; la France que j’ai aimé.
Les Israéliens représentent…0,4% de la population du Moyen-Orient ; ils sont entourés par 350 ou 400 millions de Musulmans. Israël se bat le dos au mur car il en va de sa survie.
Tsahal, héritière de la Haganah (3), est une armée encore digne de ce nom, une armée que j’admire depuis la « guerre des six jours » en juin 1967. J’ai toujours préféré les soldats, surtout ceux qui se battent bien, aux terroristes aveugles et aux poseurs de bombes.
Je terminerai donc par ce que j’écrivais à la fin d’un article récent :
« Que « Tsahal » fonce sur ses objectifs avec le mental de la « guerre des six jours », selon une stratégie théorisée jadis par Heinz Guderian, et qu’elle obtienne rapidement une victoire totale. Qu’elle éradique totalement le Hamas qui est un mouvement terroriste. Israël est un des derniers remparts de l’Occident ».
Je n’ai rien à ajouter !
Éric de Verdelhan
27 octobre 2023
1) Avec l’approbation de 56 États-membres.
2) Travail diplomatique qui débouchera sur la Conférence de Madrid de 1991.
3) Haganah (הגנה), signifie « défense » en hébreu. C’était l’organisation sioniste la plus importante entre 1920 et 1948. Elle a servi d’ossature à la création de l’armée israélienne ou « Tsahal ».