Un Béret vert Lorrain : Alexandre LOFI
Le 6 juin 1944, à l'aube du Jour J, 177 français, des fusiliers marins commandos du 1er BFMC, débarquent sur la terre de France.
Parmi eux, Alexandre Lofi, un Lorrain d’une petite bourgade de Moselle : L'Hôpital....
Comme déjà dit ici, il naît le 21 février 1917 à Dudweiler, et, selon sa sœur, il reçoit le prénom de son père…
Son aïeul, d'origine Corse, est affecté à la garnison de Sarrelouis, ce qui explique aussi son lieu de naissance.
Seul garçon d’une famille modeste, il a quatre sœurs …
Son père est mineur et sa mère, restauratrice près du Puits VI à L'Hôpital.
Dés treize ans, Alexandre Lofi entre à l'école des pupilles de la Marine.
Après l'école des fusiliers marins de Brest, il navigue sur "le Tigre" et "le Jean-Bart", avant de se retrouver en 1939, à terre ferme, instructeur à l'Ecole Navale de Brest.
Avec le grade de second maître, il est moniteur d'éducation physique, et durcit ses méthodes d'entraînement, guettant l'occasion de se faire muter dans une unité de fusiliers marins.
C’est là que la guerre le surprend le 17 juin 1940, les allemands s'approchent de Brest…
Ils sont à Landerneau, (Qui sera libéré en 1944 par Edgard Thomé du 3e RCP/SAS) à 30 km.
En hâte les élèves prennent sur "le Richelieu" la direction de Casablanca…
Lofi, ne veut pas fuir la guerre mais la faire…
Il entend rejoindre, en Grande-Bretagne, la 13e demi-brigade de la Légion Etrangère, revenant de son expédition de Norvège, avec le Colonel Magrin-Vernerey, qui se rendra célèbre sous le nom de Monclar en Corée (Avant guerre, il était en garnison à Saint-Avold au sein du 16e BCP (bataillon de chasseurs à pied). Il a une rue en la Cité) et le Capitaine Koenig, futur vainqueur de Bir-Hakeim.
Notre héros s’embarque à bord d'un petit charbonnier, alors que le général de Gaulle lance son appel qu’il n'entendra pas, comme la majorité d’ailleurs…
Arrivé à Liverpool, il apprend que Vichy l'avait condamné à mort pour désertion.
Peu lui chaut. Il a choisi, bon sang surtout lorrain ne peut mentir. Il deviendra un héros !!!
Il apprend aussi l'existence d'un général, dont il n'avait jamais entendu parler mais qui lui est décrit comme le seul Colonel, qu'il était alors, à avoir réussi à tenir tête à Rommel, dans le Nord de la France…
Sa première rencontre avec lui se situe à Londres, le 28 juin, dix jours après le fameux appel.
Lofi dira : "Il m'a fait une impression formidable, d'abord par sa stature mais aussi par sa volonté. Avec lui on ira loin".
Sous les ordres du Lieutenant de vaisseau Detroyat, qui revenait aussi de Narwick, il fait fonction de Capitaine d'armes, chargé de mettre de l'ordre dans la pagaille des premiers engagements.
A son grand désespoir, il est affecté une nouvelle fois comme instructeur à l'Ecole Navale qui se recréait en Angleterre.
Là il aura pour élève Philippe, futur amiral et fils du général…
L'Amiral Muselier dira : « avec des gens comme Lofi, nous avons un noyau solide. »
Tout en se donnant à sa tâche, il se fait recruteur malgré l'attaque de Mers-el-Kebir et prépare sa maigre troupe à défiler au premier 14 juillet hors de France.
De Gaulle veut montrer son tronçon de glaive à Londres. Ils ne seront qu'une centaine : 40 aviateurs, 40 légionnaires, 30 marins et autant de cavaliers, tous à pied…
…Ils défilent en quatre détachements avec leur Mas 36, baïonnette au canon. La foule applaudit et des « Vive la France » fusent.
Ils entonnent une vibrante Marseillaise. De Gaulle dira : "Nous ne sommes pas une légion étrangère dans l'armée britannique. Nous sommes l'Armée Française. Nous sommes la France"...
Il martèlera aussi : "Il faut que, quelque part, brille et brûle la flamme de la Résistance Française".
Lofi 5e à gauche 3e rang…
Le 3 août, De Gaulle, par le Tribunal Militaire de Clermont Ferrand est condamné à la peine capitale, par contumace, pour atteinte à la sûreté de l'Etat et désertion en temps de guerre.
Il n'empêche que le 7 août un accord franco-anglais officialise la France Libre.
De Gaulle étoffe son action. Il dépêche des émissaires en Afrique…
Parmi eux, le Capitaine Philippe de Hauteclocque qui s'illustrera sous le nom de Leclerc.
Le Tchad, le Cameroun, le Congo se rallient…
L'Afrique équatoriale est terre Française libre...
De Gaulle décide de grands moyens pour s'attaquer à l'Afrique Occidentale.
Il se présente devant Dakar. Ce sera malheureusement un échec.
Lofi rage de ne pas en être... En attendant, il entraîne de nouvelles recrues devant former le 2e bataillon de fusiliers marins.
Il participe aussi au déblaiement de Portsmouth…
La France Libre manque cruellement de cadres. A la suite d'un examen, Lofi accroche les deux galons à parement bleu-marine d'officier des équipages de deuxième classe (lieutenant).
Ainsi paré, il fera partie de la deuxième vague qui aura pour mission de travailler de l'intérieur en partant de Douala, au Cameroun rallié…
Il embarque le 27 octobre, sous les ordres de Detroyat, avec le 2e bataillon de fusiliers marins (en fait une grosse compagnie), sur le Capo di Olmo, cargo italien détourné en juillet 1940 à Marseille par la Lieutenant méhariste Jean Simon et le Sous-Lieutenant de réserve Pierre Messmer (Le futur député-maire de Sarrebourg, deviendra ministre et même premier ministre. Il s'illustrera lui aussi à Bir Hakeim sous les ordres du Général Koenig et moins glorieusement dans la fin de la guerre d’Algérie) .
L’unité s'étoffe au fur et à mesure du ralliement d'autres territoires, notamment le Gabon.
Le Général Catroux rejoint, d'autres suivent, le ciel s'éclaircit…
…Le tronçon de glaive s'est épaissi pour devenir une épée, chaque jour, plus lourde.
Le futur Général Leclerc fait merveille…Le raid sur Koufra en Libye, en mars 1941, fera parler de lui et de la France.
Il y promettra de faire flotter notre Drapeau sur Metz et Strasbourg. Il tiendra parole.
En septembre 1941, Lofi s'embarque sur le Chantilly pour le Liban et la Syrie.
En juin 1942, les Français s'illustrent sous Koenig à Bir Hakeim. …Grande victoire pour la France Libre qui met du baume au cœur….
Ce troisième 14 juillet le passe à Beyrouth….
Au préalable à Douala, il aura rencontré une charmante jeune fille et l'épouse. La guerre trouble leur lune de miel, mais ils se retrouveront à Beyrouth où naîtra leur premier enfant Alain.
Mme Lofi donnera au foyer deux autres enfants, deux filles : Denise et Danielle...
L'officier des équipages Lofi, lui, accrochera son troisième galon de la Royale… Et réussit à rejoindre l'Angleterre, accompagné de son épouse.
Il débarque à Liverpool, le 6 juin 1943, juste un an avant le débarquement !
Il nous faut à présent parler de Philippe Kieffer…
Kieffer en marin
En 1939, il est conseiller de la National City Bank à Londres.
Il rejoint l'armée de terre puis la marine à l'état major de l'Amiral Abrial à Dunkerque.
Il a 41 ans et envisage de se faire réformer, ne supportant pas l'inaction des bureaux...
Le 19 juin 1940, il est évacué par le chalutier "Le Tonneau", et y apprend l'appel de la veille, qu’il n’a pas non plus entendu, et décide de s'y rallier.
Portant le matricule 113 FNFL, il est promu second maître de réserve.
En août, il passe et réussit l'examen d'officier de réserve interprète et du chiffre… Il accroche ses deux galons…
Le raid victorieux mené, le 3 mars 1941, sur les Iles Lofoten, par des commandos anglais, épaulés par des volontaires norvégiens, au large de la Norvège, y maîtrisant la garnison allemande, et récupérant de trois cents norvégiens désireux de s'engager, le hante, il en parle, et persuade l'Amiral Muselier.
Son idée est simple : créer des commandos uniquement Français…
Il force la porte du Général Haydon et plaide sa cause.
Elle est difficile parce que pour les anglais, il n'apparaît pas concevable d'ouvrir des unités aussi prestigieuses à un contingent allié.
Une phrase de Kieffer l'emportera lorsqu'il affirmera qu'il recruterait des marins connaissant chaque caillou des côtes de France.
Francis Vourch
Il recrute ses dix-sept premiers volontaires qu'il entraîne sous la direction du maître principal Francis Vourch…
L'enthousiasme est tel que la petite équipe s'étoffe. D'autres instructeurs s'y ajouteront…
…Ainsi, le Capitaine Trepel, né à Odessa, qui n'avait pas admis la défaite. Son père avait déjà été volontaire étranger dans l'Armée Française en 1914-18…
Il y avait aussi le Lieutenant Aloyse Klein, un mosellan, le frère du Dr Denis Klein, ancien maire de Saint-Avold, qui s'était évadé avec le futur Général de Boissieu, d'un oflag de Poméranie pour rejoindre Londres, après avoir connu les geôles russes.
Nos bérets verts s'aguerrissent, alors que la guerre s'enflamme avec Pearl Harbor, qui sera le déclic de l'entrée en guerre des américains…
L'instruction est dure, inhumaine. Elle passe au stade supérieur auprès des commandos anglais à Achnacarry, près du Loch Ness, en Ecosse.
Pour s'y rendre, Lofi n'est, hélas, pas encore du lot, les stagiaires passent 24 heures en chemin de fer. Au terminus, des camions les attendent, mais ils démarrent sans leur cargaison humaine.
Le Colonel Vaughan lance ironique à Kieffer :
"Il est 17 heures, le camp est à 25 kilomètres, le dîner est servi à 20 heures. A tout à l'heure".
Ils se mettent en marche, malgré la fatigue. Il fait froid, ils suent. Ils se soutiennent. Ils arrivent à bout de souffle.
Ils s'alignent en ordre impeccable.
Vaughan les reçoit : "C'est pas mal, mais vous n'auriez pas dû vous presser, le repas n'est pas prêt"…Ah l’humour anglais…
Charles Trepel
La vie s'intensifie… Ils prennent le pli anglais, toujours courir au sifflet devant la dizaine de tombes de prédécesseurs morts à la tâche.
La nourriture est Spartiate. Ils maigrissent, les muscles se durcissent. Ils doivent courir 11 kilomètres en moins d'une heure avec fusil et havresac sur le dos. Cela deviendra une formalité...
Des raids de 32 kilomètres en 5 heures font aussi partie du menu. S'y ajoutent des parcours d'obstacles parsemés d'embûches diaboliques…
Ils escaladent des falaises, franchissent des précipices sur des ponts de singe improvisés. Ils sautent, ils nagent en eau froide…
Il y a aussi des exercices avec des tirs à balles réelles. Au point qu'ils n'ont plus l'impression de subir l'entraînement… Ils font déjà la guerre.
Il y a aussi le close-combat où l’on leur fait répéter inlassablement la manière de tuer sournoisement et proprement un ennemi…