LE NAUFRAGE DE LA RAISON
(Bruno Retailleau)
Au hasard des échanges sur les réseaux sociaux, nous avons lu cette analyse de Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat.
Dans notre recherche constante de réunion d’une majorité d’hommes et de femmes de bonne volonté susceptibles de constituer une majorité de patriotes capables de remettre la France en ordre de marche, le diagnostic de Bruno Retailleau représente assez clairement ce que nous pensons tous.
Le prochain scrutin concernera les élections européennes, dans un an. Il se fera à la proportionnelle, sachant qu’un parti doit réunir un minimum de 5 % des voix pour obtenir des sièges. Notre désunion ne sera donc peut-être encore qu’un demi échec, grâce à ce mode de scrutin, mais notre ardent devoir est maintenant de préparer sérieusement les élections de législatives de 2027 (voire avant, en cas toujours possible de dissolution).
Mélenchon a su créer de toutes pièces une union électorale et opportuniste de divers partis, de LFI aux écolos en passant par le PS et le PC, sans dessein commun, uniquement pour remporter les élections législatives. On voit ce que ça a donné à ce jour pour la France…
Pourquoi notre mouvance patriote, qui a de solides convictions et un véritable projet à partager, continuerait-elle de se présenter désunie alors qu’elle pourrait facilement se rassembler sur quelques sujets essentiels pour l’avenir de la France ?
Soyons nombreux à peser pour la création urgente d’une Union des Patriotes !
Marc Le Stahler
5/8/2023
(Réaction de Bruno Retailleau sur les réseaux sociaux)
Je viens de lire les propos d’Emmanuel Macron dans Le Figaro Magazine, et je les trouve profondément désespérants. Car ils sont la cause très exacte du déclin dans lequel s’enfonce notre pays. Emmanuel Macron n’en est évidemment pas le seul responsable. Mais les mots qu’il emploie et les raisonnements qu’il formule disent tout de la faillite de la politique française, qui a successivement produit l’impuissance publique, la défiance des citoyens et la déliquescence du sentiment national. Cette faillite de la politique est essentiellement une faillite morale, au moins sur le plan intellectuel.
Ou pour le dire autrement, Emmanuel Macron est le produit d’une politique intellectuellement immorale et c’est de ce naufrage de la raison que proviennent la plupart de nos maux.
Car oui, il est profondément immoral de déplorer les conséquences de nos malheurs quand on s’acharne à en favoriser les causes.
En appeler à l’autorité des parents quand on a tout fait pour déstabiliser la famille, sur le plan économique mais aussi anthropologique.
Pointer la faiblesse de l’école quand on a systématiquement sapé la supériorité du maître sur l’élève.
Regretter l’échec de l’intégration en refusant de reconnaître que c’est précisément l’immigration de masse qui a empêché tout processus d’assimilation.
C’est vrai, il y a une immense colère dans le pays contre les responsables politiques et comment ne pas comprendre cette colère quand la parole publique semble à ce point être un formidable bras d’honneur à tout ce qui est sensé, à tout ce qui est raisonnable, à tout ce qui est évident ?
Il est insensé de dire comme Emmanuel Macron qu’un père peut être aussi une mère et déplorer l’absence de l’autorité paternelle chez les jeunes émeutiers.
Il est déraisonnable de faire de l’école l’une des priorités de l’action gouvernementale et laisser faire de nos classes non pas le lieu de l’apprentissage des savoirs, mais le réceptacle des idéologies les plus fumeuses.
Et c’est nier l’évidence que de refuser de faire un lien entre les émeutes et l’immigration (tout en regrettant l’échec de l’intégration !) au point de théoriser une politique de peuplement qui ne fera qu’exporter les problèmes de nos banlieues dans les campagnes françaises.
On a beaucoup glosé pendant la dernière présidentielle sur le concept de remigration. Mais qu’est ce que le peuplement migratoire sinon la face radicalement inversée de la remigration ?
Chez Emmanuel Macron, les mots ne sonnent pas seulement faux, il SONT faux. Emmanuel Macron ne peut pas annoncer tous les six mois un nouveau tournant politique – d’abord « le monde nouveau », et puis « le grand débat », et puis le Conseil National de la Refondation, et puis « les 100 jours », et désormais « une initiative politique d’ampleur » qui doit amorcer « les temps nouveaux » sans d’abord respecter l’esprit de nos institutions : quand il y a un blocage politique, seul le recours au peuple peut débloquer la situation.
Il ne peut pas non plus décréter que la priorité est de « faire nation » et faire de l’Europe l’alpha et l’oméga du débat public alors que, précisément, ce sujet divise les Français, on l’a vu en 2005. Surtout, il n’a pas le droit de dénoncer le relativisme après avoir théorisé le « en même temps », déplorer l’individualisme après s’être fait le chantre de l’émancipation individuelle, en appeler au besoin d’enracinement après avoir vanté les mérites du multiculturalisme.
Mais comment le Président de la République ne voit-il pas que les Français n’en peuvent plus de ce salmigondis de concepts creux et contradictoires, de ces slogans amphigouriques qui ne parviennent plus à masquer l’ère du vide qui préside désormais aux destinées du pays ? Le pire, c’est que cette fuite vers l’abime ne cesse de s’accélérer : 100 milliards d’euros de dépenses nouvelles en 100 jours alors qu’on nous promet la fin du quoi qu’il en coûte ; un projet de régularisation massive des travailleurs clandestins alors qu’on nous jure la main sur le cœur la fermeté migratoire ; le refus obstiné des courtes peines, et plus largement de toute réforme de la politique pénale, alors qu’on nous annonce « une réponse judiciaire implacable » aux émeutes.
Emmanuel Macron se vante de ne pas « vouloir choisir ». En réalité, il en est incapable. Politiquement, car il n’a plus de majorité. Et idéologiquement, car son « en même temps » le condamne à l’inaction. Depuis 6 ans, le temps passe mais rien ne se passe. D’interviews fleuve en allocutions à tiroirs, de petites phrases en formules creuses, de campagnes escamotées en réformes rabotées, Emmanuel Macron est un chef qui lance des cris de guerre alors qu’en réalité, il sonne la retraite.
Qui saute sur sa chaise en disant : « l’ordre, l’ordre, l’ordre ! », mais qui a laissé le désordre progresser partout : dans les rues, dans les comptes et dans les esprits. Le macronisme, c’est un immobilisme triomphant, c’est la défaite en chantant. Et je crains que pour la démocratie française, le prix de tant d’inconséquences soit un jour bien lourd à payer.
Bruno Retailleau
5/8/2023