GRÈVE AU JDD : LA GAUCHE VA-T-ELLE TUER LA PRESSE FRANÇAISE ?
Article de Robert Lafont paru dans le journal “Entreprendre” le 25 juillet 2023
La chronique de Robert Lafont
C’est peut-être le coup de grâce attendu, tant nos journaux subventionnés et encadrés à l’excès se détournent de leurs lecteurs. Ce sont pourtant eux qui doivent avoir le dernier mot.
À force de légiférer et d’encadrer, on finit par réduire et contenir ; y compris les talents et la réussite. Le constat est facile à faire. Depuis la Libération, la presse française, sans doute la plus réglementée du monde occidental, est devenue aussi – cherchez l’erreur – l’une des moins indépendantes et prospères qui soit. Pourtant, au début du XXe siècle, ne servait-elle pas de modèle au monde ? En 1905, un quotidien comme « Le Petit Journal » dépassait les deux millions d’exemplaires jour, soit le plus haut tirage au monde ! Aujourd’hui « Libération » ne dépasse pas les 40 000 exemplaires en kiosque. Que s’est-il passé ? La loi et le monopole CGT ont contenu, malgré maintes subventions, le libre essor des journaux !
En 2009, « Entreprendre-Lafont presse » avait lancé en kiosque « Le Quotidien du Foot » (devenu aujourd’hui le site d’information « Le Quotidien du Sport ») pour casser le monopole du journal « L’Équipe ». Il n’a duré que neuf mois, nos prix d’impression étaient deux fois plus élevés qu’en Espagne, pays qui n’avait pas instaurer le monopole d’impression des quotidiens, resté longtemps dans les mains du syndicat du Livre. Il y a aujourd’hui 3 ou 4 quotidiens sportifs au-delà des Pyrénées. Mon ami, Michel Moulin, créateur du journal « Le 10 Sport », ayant dû lui aussi arrêter son titre après s’être aperçu que le monopole de distribution NMPP de l’époque n’avait pas vraiment « joué » le jeu, et qu’il y avait eu des pressions des grands éditeurs. Après avoir engagé un procès géant à l’encontre du groupe Amaury (« L’Équipe »), ce dernier a été condamné à lui verser 2 millions d’euros pour avoir mené une stratégie visant à éliminer son concurrent (sic).
Geoffroy Lejeune
Avec l’affaire du JDD, une partie de la profession, largement à gauche, veut sans doute continuer à creuser le trou de la presse française pour aller jusqu’au fond de la piscine. Non content de voir un vilain capitaliste (Vincent Bolloré) – de fait un immense entrepreneur – se payer le « Journal du Dimanche », que fait elle ? Elle se mobilise comme jamais, hurle avec les loups pour dénoncer un coup de force. De fait, elle veut empêcher la libre nomination d’un nouveau Directeur de la rédaction. De quoi Geoffroy Lejeune – c’est lui dont il s’agit – est-il coupable ? Il est de droite, voire d’extrême droite, il vient de « Valeurs Actuelles » et a même soutenu Éric Zemmour aux dernières présidentielles. Un crime de lèse-majesté, même si 2,5 millions de Français ont voté pour lui aux dernières élections ?
Il faut arrêter ce « coup de force ». Et les médias bien pensants de « France Inter » ou « Le Monde » de multiplier les sujets sur le thème d’une presse française en péril. Le risque en matière de presse, c’est le monopole réglementaire. L’agitation atteint jusque l’Élysée. Madame Rima Abdul Malak, ministre de la culture, jouant parfaitement son rôle d’avertisseur et lançant le bal la première avec cette phrase plus qu’insidieuse : « En droit, le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines, comment ne pas s’alarmer ? ».
La palinodie française allait pouvoir se rejouer.
Monsieur Christophe Deloire, profil idéal pour jouer les « Monsieur Loyal » de circonstances, était pressenti. Son poste de Directeur de « Reporters sans Frontières » en faisant le candidat parfait pour animer le prochain « États généraux de l’information », sauf qu’on découvre qu’il a déjà produit un documentaire dès 2021 sur le sujet intitulé « Le système B » et visant nommément Vincent Bolloré, appelant nommément ; « l’État, le CSA, l’Autorité de la concurrence, et le législateur à intervenir », alertant contre la censure répétée d’enquêtes dans différents médias du groupe Bolloré. Un candidat très neutre comme on le voit. Ce n’est pas grave. Le colloque aura lieu en septembre et sera organisé par les pouvoirs publics avec l’argent du contribuable. Dans son comité d’organisation : pas mal d’anciens journalistes de « Libération » ou de « L’Obs ». Vous verrez, qu’à la fin, on y proposera une nouvelle réglementation propre à se substituer un peu plus aux entrepreneurs de journaux.
On ne fait pas confiance aux marchés et aux hommes. On préfère la loi et les subventions. Tant qu’on agira ainsi. La presse française continuera de perdre des parts de marché. Ses journaux quotidiens sont aujourd’hui les moins diffusés d’Europe. Selon une étude Carat (datant de 1998), la France était déjà le pays d’Europe où la presse quotidienne nationale a la plus faible diffusion avec 37,4 exemplaires pour 1000 habitants contre 224 exemplaires en Grande-Bretagne ou 69,3 exemplaires en Allemagne. Ce n’est pas important. L’essentiel est que Geoffroy Lejeune ne soit pas nommé à la tête du JDD. Vous vous rendez compte, il est de droite !
Robert Lafont
26 juillet 2023