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Sujet: 24 juillet 1943. Destitution de Mussolini Dim Juil 23 2023, 21:41
Samedi 24 juillet, 17 h. Palazzo Venezia, salle du Pappagallo, réunion du Grand Conseil du fascisme
Depuis le début de l'année 1943, un parfum de trahison et de complots flotte dans Rome. Mussolini est au courant de tous ces machinations grâce aux rapports de l’OVRA et des écoutes téléphoniques. Le roi Victor Emmanuel III consulte différentes personnalités et cache ses intentions. Il a écarté sa belle fille, la princesse belge Marie Josée qui est entrée en contact avec les Alliés. Tout comme il a refusé la solution du général Ambrosio chef du Comando Supremo qui envisageait d’assassiner Mussolini. Il veut le destituer légalement et il lui faut un motif constitutionnel. Il reçoit le maréchal Badoglio sorti de sa retraite après son éviction du Comando Supremo lors de la campagne de Grèce. Il est décidé de se venger et notamment du maréchal Cavallero qui l’a remplacé . Ce motif, Dino Grandi, président de la Chambre des Faisceaux et des Corporations va le lui donner. Il a rédigé un ordre du jour qui prévoit de déchoir Mussolini de la responsabilité de chefs des armées et de restituer ces pouvoirs au roi. Mussolini est au courant de cette motion et accepte de le confronter ainsi que les autres frondeurs lors de la séance du Grand conseil du fascisme le samedi 24 juillet à 17h00. Organe suprême du Parti national fasciste (PNF), le Grand Conseil ne s’est pas réuni depuis décembre 1939 et la 187e séance qui va s'ouvrir pourrait bien être la dernière. Mussolini siège sur une estrade surélevée recouverte d’un dais rouge orné d’un faisceau tissé en fil doré. À sa gauche, plus bas, se tiennent Carlo Scorza et Giacomo Suardo, le président du Sénat. À sa droite, ont pris place le maréchal Emilio De Bono et Cesare Maria De Vecchi, les deux derniers « quadrumvirs » de la Marche sur Rome.
Grandi a pris place à l’angle de l'une des tables avec, à sa droite, les ministres Giacomo Acerbo (Finances), Carlo Pareschi (Agriculture) et Gaetano Polverelli (Culture populaire), ainsi que Galbiati, Ciano, Farinacci, Umberto Albini, le sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, Edmondo Rossoni, Ettore Frattari, le président de la confédération agricole et Luciano Gottardi, celui des ouvriers de la métallurgie. À la table située en face, siègent les ministres Alfredo De Marsico (Justice et Grâces), Carlo Alberto Biggini (Éducation nationale), Luigi Federzoni, le président de l’académie d’Italie, Tulio Cianetti, le ministre des Corporations, Giuseppe Bastianini, sous-secrétaire aux Affaires étrangères, Antonino Tringali-Casanova, président du tribunal spécial, Giuseppe Bottai, Alberto De Stefani, l'ambassadeur Dino Alfieri, Guido Buffarini Guidi, Giovanni Marinelli, Giovanni Balella, le président de la confédération industrielle et Annio Bignardi, celui des ouvriers agricoles. Des participants à la première réunion du Grand Conseil, au Grand Hôtel de Rome, il ne reste que De Bono, De Vecchi et Rossoni.
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Dernière édition par Alexderome le Dim Juil 23 2023, 23:36, édité 1 fois
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Sujet: Re: 24 juillet 1943. Destitution de Mussolini Dim Juil 23 2023, 22:28
21 h. Discours de Dino Grandi. Après un long exposé sur la situation militaire et les derniers événements en Sicile, Mussolini conclu son discours avec le rappel que les Allemands ne laisseront pas l’Italie sortir de la guerre sans intervenir. Pacta sunt servanda. Les pactes doivent être respectés. Et en guise d’avertissent lance ’’attention camarades, l’ordre du jour de Grandi peut mettre en danger l'existence même du régime ’’. Il est 19 h. Les deux quadrumvirs de Bono et de Vecchi prennent la parole pour défendre l'armée et le Comando Supremo. Puis dans l’ordre protocolaire, vient le tour de Giuseppe Bottai qui fait passer la discussion des questions militaires au domaine politique et prépare le terrain à l’intervention de Dino Grandi.
21 h. C'est le moment que tout le monde attend. L’heure de vérité.
Dino Grandi a préparé soigneusement son intervention. Il sait qu'à tout moment, Mussolini peut faire entrer son service de sécurité et embarquer tous les frondeurs. Dans la pièce où règne une chaleur étouffante, fenêtres fermées, lit son ordre du jour dans lequel il demande au chef du gouvernement de confier le commandement des forces armées au roi. Puis il passe à l’offensive en lançant un réquisitoire contre Mussolini et la dictature personnelle. Dino Grandi a franchi le Rubicon. Un silence de plomb règne dans la salle du Pappagallo. C'est au tour de Ciano de parler.
22 h. Discours de Ciano. Il débute son discours en reprenant les mots de Mussolini. Pacta sunt servanda . L’inobservation de cette maxime n’est pas à inscrire jusqu'ici à notre passif mais à celui d’Hitler.
Le gendre de Mussolini se lève et sans aucune note revient sur l’ alliance avec l’Allemagne et la duplicité d’ Hitler. Il reproche à l’allié d’avoir tenu l’Italie écartée de ses projets de guerre malgré les assurances données. Pour conclure il accuse l’Allemagne d’avoir trahi et l’Italie peut reprendre sa liberté d’action.
Il ne le sait pas encore mais il vient de signer son arrêt de mort. Les Allemands ne lui pardonneront pas ces mots.
Il est déjà minuit et Mussolini demande le report de la réunion. Grandi s'y oppose catégoriquement et une pause pour se rafraîchir permet à Grandi de recueillir les signatures qui lui manquent pour avoir la majorité des voix si Mussolini accepte de passer au vote de son ordre du jour. Auparavant, lors des réunions du Grand Conseil, aucune décision n’a été prise au vote. Mussolini décidait seul.
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Sujet: Re: 24 juillet 1943. Destitution de Mussolini Dim Juil 23 2023, 22:57
0h45, Palazzo Venezia reprise des débats. Mussolini est de retour flanqué de Carlo Scorza, secrétaire général du Parti National Fasciste et de Enzo Emilio Galbiati, chef de la MVSN, la Milice du parti. Les autres hiérarques prennent la parole dans une atmosphère très lourde. Mussolini reprend la parole et met en garde les hiérarques que le roi peut tous les liquider. Il semble avoir repris de l'assurance et il y a un flottement parmi l’assistance. Scorza incite les participants à clarifier leur position et ne veut surtout pas que la motion Grandi soit proposée au vote. On n’à jamais voté au Grand Conseil et on ne votera jamais lui a assuré Mussolini. Suardo,en pleurs, retire sa signature à la motion Grandi. L’heure est grave et Bottai dans un dernier effort de persuasion, incite les autres hiérarques à ne pas revenir sur leur décision. Il est 2h20. Mussolini prend la parole et au grand étonnement de Scorza, demande de passer au vote de la motion Grandi. Farinacci ne prend pas part au vote car il a sa propre motion dans laquelle il propose tout simplement de laisser le commentaire de l’armée italienne aux Allemands. 19 oui pour la motion Grandi. 7 non et une abstention, celle de Suardo. Certains hiérarques ont voté sans réaliser les conséquences tel que Marinelli, sourd comme un pot qui s'est rangé du côté de Grandi. La 187e séance du Grand conseil est la dernière. Comme un avertissent prémonitoire, Tringali-Casanova interpelle Ciano et lui promet qu'ils le paiera de son sang. Ciano sera fusillé lors des procès de Vérone le 11 janvier 1944. Mussolini se rendra personnellement chez le roi pour lui apporter la motion Grandi et expliquer l’illégalité du vote. Le roi lui a bien promis son appui et a affirmé sa loyauté.
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Sujet: Re: 24 juillet 1943. Destitution de Mussolini Mar Aoû 01 2023, 21:47
Grandi retourne à son domicile vers 3 heures du matin, il reçoit la visite du ministre du roi, le duc d'Acquarone et lui indique le résultat du vote. Maintenant il faut en avertir le roi et agir vite, le Rubicon a été franchi ; il faut empêcher Mussolini de prendre des mesures pouvant contrecarrer leur plan. L'ARRESTATION DE MUSSOLINI
Le matin du 25 juillet, Mussolini se lève à 07h00 pour se rendre à son cabinet. A son domicile Villa Torlonia, sa femme Rachele lui demande s'il a fait arrêter les conjurés. Il répond : « non, je le ferai demain » et avec son bon sens romagnol, elle lui rétorque : « demain, il sera trop tard ». Il cherche à contacter Grandi, en vain, celui-ci, méfiant, évite tout contact. Il appelle le roi pour avancer son audience traditionnelle du lundi à aujourd'hui dimanche. Le rendez-vous est pris pour 17h00, Il ne reste que peu de temps pour échafauder un plan pour mettre le Duce hors d'état de nuire. Vers 14h00, le général Cerica ordonne l'arrestation de Mussolini et se rend chez le roi pour vérifier les derniers préparatifs de l'opération avec le colonel Frignani. Lors de l'arrestation, trois capitaines des CCRR seront présents : Aversa, Vigneri et Marzano avec un peloton de carabinieri. Pendant ce temps, Mussolini reçoit le nouvel ambassadeur japonais Hidaka avec lequel il exprime son intention d'en finir avec la guerre à l'Est en obligeant Hitler à faire la paix avec l'Union Soviétique. Il en reparlera avec Göring qui doit venir pour les soixante ans du Duce, le 29 juillet prochain. A 17h00, l'Alfa Romeo de Mussolini, accompagné de son secrétaire de Cesare, arrive à la Villa Savoia, demeure du souverain. Le roi l'attend sur le perron, puis s'entretient avec lui pendant trente minutes. Il lui dit : « Mon cher Duce, les choses vont mal. L'Italie va en morceaux, le moral de l'armée est au plus bas, les soldats ne veulent plus se battre et les Alpini chantent qu'ils ne veulent plus faire la guerre pour Mussolini ». A sa grande stupéfaction, il apprend qu'un nouveau chef du gouvernement a été nommé : Pietro Badoglio. Puis, il est raccompagné sur le perron. Entre-temps, les carbinieri ont fait déplacer l'Alfa du Duce, Mussolini attend son chauffeur, mais à sa place se présente une ambulance. Le capitaine des Carabinieri Reali Vigneri lui demande de monter à bord « pour sa sécurité » et c'est un ordre du roi. Mussolini et son secrétaire sont conduits à la caserne Podgora,via Quinto Stella, puis à tombeaux ouverts à celle de l'école des Carabinieri, via Legnano. Dans la soirée, personne n'a de nouvelles de Mussolini, à Villa Torlonia, Rachele tente de téléphoner mais la ligne a été coupée. Galbiati, chef de la Milice essaie de joindre le quartier général de la division blindée M mais toutes les télécommunications ont été suspendues. Toutes les dispositions sont prises pour éviter un contre-coup d'état fasciste. A 22h45, à la radio, la voix du speaker, Giambatista Anista annonce : « Sa Majesté le Roi et Empereur a accepté la démission de la charge de Chef du Gouvernement, Premier Ministre et Secrétaire d’État , présentée par son Excellence le Cavaliere Benito Mussolini et a nommé à sa place, Chef du Gouvernement, Premier Ministre et Secrétaire d’État , son Excellence le Cavaliere Maresciallo d'Italia Pietro Badoglio ». Ce discours radiophonique est suivi par celui de Badoglio qui annonce : « La guerre continue aux côtés de l'allié allemand. L’Italie maintient sa parole donnée, jalouse gardienne de ses tradition millénaires... » Le roi s'exclame : «Voilà mon 18 Brumaire». Il oublie que les Allemands occupent la péninsule italienne et que Hitler à tout moment peut faire intervenir ses unités en route pour le front.