Éphéméride du 11 juillet
mardi 11 juillet 2023
La statue de Voltaire au Panthéon, où il est entré le 11 juillet 1791
911 : Traité de Saint Clair sur Epte
Il scelle l’entente entre Charles III et Rollon (date imprécise, on donne aussi le 20 juillet).
Charles sut ainsi mettre un terme aux dévastations des Vikings venus du Nord (les north men, d’où dérive normands) en les implantant dans ce qui allait devenir la Normandie : tout le pays de Caux fut donné en fief héréditaire à Rollon, qui devait, en échange, se convertir au catholicisme (ce qu’il fit, en prenant comme nom de baptême Robert) et reconnaître la suzeraineté de Charles, dont il épousa la fille.
Il devait en outre, et surtout, protéger le royaume contre toute nouvelle invasion des Vikings. D’ennemis, impossibles à réduire, les futurs Normands devenaient donc, ainsi, des alliés précieux, se chargeant eux-mêmes de défendre le royaume.
Écu de Saint Clair sur Epte, sur lequel sont posées les armes de Normandie et celles de l’Île de France. Elles sont séparées au milieu du blason par un symbole représentant la rivière Epte
Dans notre album L’aventure France racontée par les cartes, voir la photo L’invention de la Normandie.
De Jacques Bainville, Histoire de France, chapitre V, Pendant 340 ans, l’honorable maison capétienne règne de père en fils :
« …Nous n’avons pas encore parlé, pour la clarté du récit, de ce qui était arrivé en 911, au temps des grandes calamités, dans la région neustrienne la plus exposée aux invasions par mer. Incapable de résister aux Normands, l’empereur carolingien avait cédé à leur chef Rollon la province qui est devenue la Normandie. Et l’on vit encore le miracle qui s’est répété tant de fois dans cette période de notre histoire : le conquérant fut assimilé par sa conquête. En peu de temps, les nouveaux ducs de Normandie et leurs compagnons cessèrent d’être des pirates. Ils se firent chrétiens, prirent femme dans le pays, en parlèrent la langue, et, comme ils avaient l’habitude de l’autorité et de la discipline, gouvernèrent fort bien; le nouveau duché devint vigoureux et prospère. Les Normands ajoutèrent un élément nouveau, un principe actif, à notre caractère national. Toujours enclins aux aventures lointaines, ils s’en allèrent fonder un royaume dans l’Italie méridionale et en Sicile, portant au loin le nom français. Mais, tout près d’eux, une autre conquête s’offrait aux Normands, celle de l’Angleterre, où déjà leur influence avait pénétré. Une seule bataille, celle d’Hastings, livra l’île à Guillaume le Conquérant en 1066. L’Angleterre, qui jusqu’alors ne comptait pas, qui était un pauvre pays encore primitif, peu peuplé, entre dans l’histoire et va singulièrement compliquer la nôtre. Allemagne, Angleterre : entre ces deux forces, il faudra nous défendre, trouver notre indépendance et notre équilibre. C’est encore la loi de notre vie nationale.
On pense que le roi de France ne vit pas sans inquiétude le duc de Normandie grandir de cette manière formidable, et, devenu roi en Angleterre, avoir un pied à Londres et l’autre à Rouen. L’Angleterre a d’abord été comme une colonie de la France. C’étaient notre langue, nos mœurs que Guillaume avait portées dans l’île, avec ses barons, ses soldats et les aventuriers qui, de toutes nos provinces, avaient répondu à son appel. Pourtant un danger nouveau commençait avec cette conquête. Les Capétiens n’auraient un peu de tranquillité que le jour où ils auraient repris la Normandie. En attendant, ils profitaient de la moindre occasion pour intervenir dans les querelles des Normands et pour susciter à leur duc autant de difficultés qu’ils pouvaient. »
1302 : Bataille de Courtrai, dite des Éperons d’or
Du même Jacques Bainville, et du même chapitre V :
« …Mais la Flandre était désormais le principal souci de Philippe le Bel. Conduit à la conquérir par le développement de la guerre avec les Anglais, il se heurtait à la résistance des Flamands. Ce peuple de tisserands battit à Courtrai la chevalerie française : ce fut la « journée des éperons » (1302). Il fallut organiser une véritable expédition pour venir à bout de la révolte. De ce côté, l’expansion de la France rencontrait des limites. Alors que presque partout les nouvelles provinces s’étaient données joyeusement, une nation se manifestait en Flandre : un jour ce sera la nation belge. Philippe, toujours judicieux, le comprit. Il se contenta de confirmer sa suzeraineté sur le pays flamand et de garder en gage les parties les plus proches de la France, Lille et Douai, plus accessibles à l’influence française : nul ne serait Français par force… »
1791 : Voltaire entre au Panthéon
Il est mort treize ans auparavant, le 30 mai 1778. Pas plus que Rousseau, ni que la plupart des encyclopédistes et philosophes auto-proclamés, il n’aura vu la chute de cet ancien monde et de cette ancienne société qu’il aura – comme eux – contribué à mettre à bas.
Et, probablement, sans savoir à quoi ils travaillaient, de fait.
Il disparaît aux débuts du règne de Louis XVI, en un moment où, comme l’écrit Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-tombe (Première partie, Livre IV) : « le trône, si près de sa chute, semblait n’avoir jamais été plus solide. »
Sur son tombeau se lit l’épitaphe suivant :
« Il combattit les athées et les fanatiques. Il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité. Poète, historien, philosophe, il agrandit l’esprit humain, et lui apprit à être libre. »
On aurait pu tout autant mettre ces citations de lui :
1. Sur les Juifs :
« C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre ». (Article « Tolérance » du Dictionnaire philosophique. Il appelle ailleurs les juifs « …ces ennemis du genre humain… », un « peuple barbare, superstitieux, ignorant, absurde », et un « peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et qui les enrichissent. »
2. Sur les « Nègres » (mot dont Léopold Sédar Senghor recommandait d’ailleurs l’emploi) :
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les nègres. On nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité. Celui qui se donne un maître était né pour en avoir ». (Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, 1756).
« Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce. » (idem).
« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes. » (idem)
Voltaire, le raciste joyeux, l’antisémite furieux, repose, tranquillement honoré, au Panthéon. Non loin de Lazare Carnot, organisateur du Génocide vendéen, le premier des Temps modernes.
Ainsi fonctionne un Pays légal pas plus troublé que cela par ses « contradictions internes » !
Malgré les écrits ci-dessus, il serait d’ailleurs dommage que les actuels tenants du mouvement Woke ou de la Cancel culture engagent une affaire Voltaire qui fut un grand esprit et un immense écrivain que Louis XVIII à la Restauration avait sagement décidé de laisser reposer au Panthéon.
1791 : Profession de foi royaliste de Choderlos de Laclos
« Je veux une monarchie pour maintenir l’égalité entre les différents départements, pour que la souveraineté nationale ne se divise pas en souveraineté partielle, pour que le plus bel empire d’Europe ne consomme pas ses ressources et n’épuise pas ses forces dans des discussions intéressées, nées de prétentions mesquines et locales ; je veux aussi, et principalement une monarchie, pour que le département de Paris ne devienne pas, à l’égard des 82 autres départements ce qu’était l’ancienne Rome à l’égard de l’empire romain… Je voudrais encore une monarchie pour maintenir l’égalité entre les personnes, je voudrais une monarchie pour me garantir contre les grands citoyens ; je la voudrais pour n’avoir pas à me décider un jour, et très prochainement peut-être, entre César et Pompée; je la voudrais pour qu’il y ait quelque chose au-dessus des grandes fortunes, quelque chose au-dessus des grands talents, quelque chose même au-dessus des grands services rendus, enfin quelque chose encore au-dessus de la réunion de tous ces avantages, et ce quelque chose je veux que ce soit une institution constitutionnelle, une véritable magistrature, l’ouvrage de la loi créé et circonscrit par elle et non le produit ou de vertus dangereuses ou de crimes heureux, et non l’effet de l’enthousiasme ou de la crainte… Je ne veux pas d’une monarchie sans monarque, ni d’une régence sans régent, je veux la monarchie héréditaire. »
Et encore :
« Je veux une monarchie pour éviter l’oligarchie que je prouverais, au besoin, être le plus détestable des gouvernements; par conséquent, je ne veux pas d’une monarchie sans monarque et je rejette cette idée, prétendue ingénieuse, dont l’unique et perfide mérite est de déguiser, sous une dénomination populaire, la tyrannique oligarchie ; et ce que je dis de la monarchie sans monarque, je l’étends à la régence sans régent, au conseil de sanctions, etc… Dans l’impossibilité de prévoir jusqu’où pourrait aller l’ambition si elle se trouvait soutenue de la faveur populaire, je demande qu’avant tout on établisse une digue que nul effort ne puisse rompre. La nature a permis les tempêtes, mais elle a marqué le rivage, et les flots impétueux viennent s’y briser sans pouvoir le franchir. Je demande que la constitution marque aussi le rivage aux vagues ambitieuses qu’élèvent les orages politiques. Je veux donc une monarchie; je la veux héréditaire; je la veux garantie par l’inviolabilité absolue; car je veux qu’aucune circonstance, aucune supposition, ne puisse faire concevoir à un citoyen la possibilité d’usurper la royauté. »
(Choderlos de Laclos, Journal des Amis de la Constitution, organe officiel des Jacobins, 12 juillet 1791, n° 33.)
De Patrick Barrau (Historien du Droit) :
« Il est bon de rappeler un fait essentiel : après Varennes et le retour du roi fugitif, les Jacobins, et notamment les plus importants d’entre eux, défendent énergiquement le principe de la monarchie. Quand il parle en faveur d’un gouvernement républicain, Billaud-Varenne est hué. Choderlos de Laclos prend alors la parole et dénonce les dangers d’un régime d’anarchie. Parlant des « républicains », il aura, le 1er juillet 1791, ce mot d’une étonnante lucidité : « Je leur demanderai si nous n’aurons pas des empereurs nommés par des soldats. »
Mais sa véritable profession de foi – qui rejoint alors les convictions de Robespierre, Danton, Marat, etc. – date du 11 juillet 1791.
Le Journal des Amis de la Constitution, organe officiel des Jacobins, la publiera dès le lendemain, dans son n° 33.
1920 : Mort d’Eugénie de Montijo, à 94 ans
Le lien suivant propose un résumé satisfaisant de la vie de cette personnalité somme toute attachante; il permet aussi de faire le point sur l’affaire de la lettre d’Eugénie au roi de Prusse, après la défaite de 1870, et sur la réponse de celui-ci, qui déclare expressément que ce n’est pas en raison de leur « germanité » qu’il va « saisir » l’Alsace-Lorraine, mais uniquement pour constituer une sorte de glacis défensif, au cas où la France déclarerait, de nouveau, la guerre à l’Allemagne; lorsque, en 1918, nos excellents (!) alliés anglo-saxons essaieront de nous empêcher de recouvrer l’Alsace-Lorraine – selon eux, « terres germaniques »… – leur manœuvre échouera grâce à la publication par l’Impératrice de cette lettre.
Mais les anglo-saxons nous empêcheront de dissoudre l’Allemagne, d’en détacher la rive gauche du Rhin de l’Allemagne et, à fortiori, de la réunir à la France.
histoire-pour-tous.fr/histoire-de-france/eugenie-de-montijo-imperatrice-des-francais-1826-1920
L’ Impératrice survécut donc quarante-sept ans à son mari, mort en exil à Chislehurst, en 1873 ! (éphéméride du 9 janvier, mort d’Eugénie de Montijo)