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GOMER nouveau en attente de confirmation
Nombre de messages : 2672 Age : 80 Emploi : Retraite Date d'inscription : 20/09/2021
Sujet: Le grand basculement Lun Juin 19 2023, 11:50
LE GRAND BASCULEMENT
( Partie I )
Entre 1945 et 1990, le monde avait offert une image claire. Les démocraties, et au premier rang les démocraties anglo-saxonnes avaient terrassé le totalitarisme nazi, et son frêle allié fasciste. Au second rang figuraient les démocraties qui avaient subi la contamination, l’occupation, la domination de l’ennemi et ne s’en relevaient qu’en se blottissant sous l’aile américaine pour faire face au totalitarisme communiste devenu tout puissant après qu’il eut comme allié participé à la victoire contre l’Axe. Il y avait Mythologie romaine : Janusdonc un camp du bien, les démocraties occidentales, sous l’étendard de la liberté, et un camp du mal, l’Etat totalitaire communiste, ses prisons, son goulag, sa violence armée, ses agressions militaires, ses révolutions, ses répressions, ses massacres, mais aussi son retard économique grandissant. Comme Janus, la liberté avait deux visages, la liberté politique de débattre, d’exprimer son opinion, et de choisir ses représentants pour décider de l’avenir des nations, la liberté économique d’entreprendre, de produire, d’échanger et de consommer avec pour résultat une amélioration sensible de la vie, une prospérité, un progrès technique qui écrasaient le bloc communiste. Le mal n’en finissait pas d’étaler ses vices : le mur de Berlin et l’emprisonnement de tout un peuple, l’asservissement des nations, la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie sous la menace des chars, les “goulag” et leurs millions de victimes dans toutes les dictatures communistes, révélés dans le “Livre noir du communisme”. Les soviétiques avaient accusé les nazis du massacre des officiers polonais à Katyn. On sait désormais que les assassins étaient les soviétiques afin de priver la Pologne de son élite militaire pour mieux l’asservir.
Il y avait pourtant des ombres à ce tableau. Si, en Europe occidentale, le choix de l’Ouest libre paraissait évident, il s’accompagnait toutefois dans certains pays d’un parti communiste puissant, certes voué à demeurer dans l’opposition comme étant davantage à l’est qu’à gauche selon le mot du socialiste Guy Mollet. Par ailleurs, les dictatures anticommunistes étaient tolérées parce qu’étant bien à droite et à l’ouest. Hors de l’Europe, ce manichéisme, cette vision westernienne s’estompaient. Une dictature militaire sud-américaine est-elle préférable à une dictature communiste, Pinochet à Castro ? Si le réalisme à la Kissinger le pensait, beaucoup de voix s’élevaient contre. De même les guerres néocoloniales pour imposer des régimes pro-occidentaux contre un mouvement de libération nationale d’inspiration marxiste étaient de plus en plus contestées par les belles âmes occidentales, compagnons de route ou idiots utiles du communisme.
Entre 1974 et 1980, un déséquilibre se produit en faveur du bloc communiste : les Américains sont battus au Viet-Nam, les Portugais abandonnent leurs immenses colonies africaines, l’empereur d’Ethiopie est renversé, et partout des régimes marxistes s’installent. Enfin, le Shah d’Iran est chassé du pouvoir au profit cette fois d’un nouvel ennemi de l’occident, l’islamisme, en l’occurrence chiite. Dans le paysage binaire de la guerre froide, surgit une troisième force, religieuse, l’Islam. Sur le grand échiquier planétaire, le Moyen-Orient et le monde arabe, plus généralement, sont dominés depuis 1947 par la présence d’un nouvel Etat, Israël, dont la taille est sans proportion avec son importance symbolique, celle du peuple juif, l’une des deux sources de la civilisation judéo-chrétienne, et peuple martyr du nazisme, d’abord plutôt soutenu par les soviétiques contre les monarchies arabes, puis démocratie occidentale, figure de proue du camp du bien, implantée au milieu des dictatures nationalistes arabes et des monarchies musulmanes, si l’on excepte le Liban. Victime de la folie criminelle des nazis, puis de la haine des Arabes, Israël prenait place au premier rang du camp occidental, comme protégé privilégié des Etats-Unis, dont le grand allié dans la région était paradoxalement le royaume d’Arabie saoudite porteur du salafisme wahhabite, et donc grand ennemi d’Israël.
Peu à peu, l’image d’Israël va évoluer : ce petit Etat possède une armée puissante, souvent victorieuse et son peuple de rescapés des camps de la mort devient celui des conquérants prospères du Grand Israël, remplaçant peu à peu jusqu’au Jourdain les habitants de la Palestine. Si les partisans du camp occidental soutiennent sans réserve Israël, des voix se font entendre en faveur du “peuple palestinien”, au sein même des pays occidentaux. Ce changement annonce le grand basculement.
Jusqu’en 1990, les Américains et leurs alliés sauvent les meubles, sans s’encombrer de morale ni d’idéologie. La dictature militaire est préférable au communisme en Indonésie comme au Chili. Dans le premier cas, on prend conscience de la force de résistance que représente l’islam à l’encontre du marxisme athée. Et cette idée lumineuse va jouer un rôle décisif dans la défaite des Soviétiques en Afghanistan, et dans l’effondrement du bloc de l’Est. Au sein de ce dernier, la Chine a pris une totale indépendance et commencé son expansion économique en associant un capitalisme brutal au maintien d’un parti communiste plus nationaliste que marxiste au pouvoir. Un autre immense Etat qui avait tenté de constituer naguère un troisième camp, celui des non-alignés, l’Inde, attend son heure. Les personnages d’une nouvelle pièce sont prêts à entrer en scène. Avec la chute du mur de Berlin, c’est un tout autre drame qui va, en effet, se jouer avec de nouveaux acteurs. Ceux qui demeurent vont changer de visage et de rôle. ( à suivre)
Christian Vanneste
https://www.christianvanneste.fr/
06 juin 2023
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Sujet: Re: Le grand basculement Lun Juin 19 2023, 11:58
LE GRAND BASCULEMENT
(PARTIE II)
Son adversaire mis K.O., pendant dix ans l’Amérique va passer du statut de rempart de la liberté à celui de maître du monde, bâtisseur d’Etats, redresseur de torts et chevalier de la croisade démocratique, missionnaire des valeurs occidentales. Souvent bien timorée face à l’offensive communiste, battue en Chine, contenue en Corée, chassée du Viet-Nam, impuissante face à Cuba à quelques encablures de ses côtes au risque de la guerre nucléaire, bousculée en Afrique, l’Amérique profite alors du vide créé par la disparition de son ennemi et devient le shérif du village planétaire. Cette fois, ce sont les Etats-Unis et leurs alliés qui pratiquent l’ingérence pour imposer aux pays des régimes favorables à l’occident ou redessiner les frontières, reconnues ou non, à leur convenance, comme au Kosovo.
Profitant du retrait de la Russie, dont La dette publique, socle de l'hégémonie américaine – COSPOLl’Empire a éclaté, et dont le pouvoir n’est plus confisqué par le parti communiste, mais abandonné aux oligarques, Washington multiplie les interventions militaires, directes ou non, au nom de la démocratie et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Derrière ce rideau de fumée des idées nobles et de l’ingérence humanitaire, les Etats-Unis étendent leur emprise politique et économique. Cette dernière est soutenue par la quasi universalité du dollar et celle, concomitante, du droit américain qui fonde son extra-territorialité sur l’usage de la monnaie américaine dans 80% des échanges internationaux. Les sanctions économiques pleuvent sur les récalcitrants, tandis que toute une série d’organismes internationaux dessinent l’ombre d’un gouvernement mondial qui projette la puissance américaine sous la forme d’un marché, d’un droit, et même d’une justice, avec ce paradoxe que les Etats-Unis peuvent à la fois bénéficier de ces actions sans toutefois en être eux-mêmes les cibles. Le traitement inéquitable des amis de l’occident et de ses ennemis par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la mort en prison sans être condamné du Président Milosevic font planer des doutes légitimes sur cette “justice”, bras judiciaire de l’OTAN. En Europe, en Afrique, de l’ex-Yougoslavie à la Somalie, Washington place ses pions et installe des bases. En 1949, avait été créée l’OTAN, une organisation militaire défensive contre le Pacte de Varsovie, qui rassemblait l’URSS et ses satellites.
Pacte de Varsovie
Logiquement, la fin de l’URSS aurait dû être celle de l’OTAN. Ce fut le contraire : d’abord en retournant les anciens satellites de l’URSS et même certaines RSS contre la Russie, puis en faisant de l’OTAN le soldat de l’unilatéralisme américain, par exemple dans l’ex-Yougoslavie.
Les attentats du 11/9/2001 vont être une formidable opportunité pour l’Oncle Sam. Victime inattendue, atteinte en plein cœur, suscitant l’empathie du monde devant la cruauté des islamistes, l’Amérique réunira cette fois la force et le motif qui feront taire les critiques et s’effacer les résistances. La plupart des Etats, y compris la Russie, se rallieront à elle pour combattre le terrorisme islamiste. Qui sont les coupables qu’il faut poursuivre et punir ? Les auteurs de l’attentat sont des salafistes saoudiens pour la plupart, alliés de Washington contre les soviétiques en Afghanistan, avec un certain Ben Laden à leur tête. Or, les coupables désignés ne seront pas tant les saoudiens que les Talibans afghans ou, ce qui est plus inventif, les Irakiens, les Iraniens et les Coréens du Nord, bref les gêneurs de l’Amérique. L’occasion faisant le larron, Washington va nettoyer la planète. Paradoxalement, frappée par des fanatiques sunnites, l’Amérique va se venger sur les chiites, les nationalistes arabes et les anciens alliés de l’URSS en général.
Le bilan de cette période qui correspond aux vingt premières années du siècle est calamiteux : les Talibans font fuir les Américains de Kaboul, comme naguère les communistes vietnamiens les avaient chassés de Saïgon ; le “printemps” arabe tourne au désastre avec la création en Irak et en Syrie d’un Etat islamique écrasé non sans difficulté ; le chaos s’installe et se prolonge dans certains pays comme la Libye ; les autres dictatures nationalistes arabes, et notamment celle de Damas malgré l’acharnement de Washington contre elle, reprennent le dessus ; la plupart des révolutions de couleur échouent dans les anciennes RSS, sauf en Ukraine. La Syrie et l’Ukraine symbolisent le basculement qui se produit : la Russie est revenue dans le jeu parce qu’elle a enfin compris qu’elle était toujours la cible de l’Amérique alors qu’elle n’était plus communiste et même disposée à travailler en bonne intelligence avec les occidentaux. Comme le dit clairement Brzeziński dans le Grand échiquier, en 1997, ” l’Amérique doit absolument s’emparer de l’Ukraine parce que l’Ukraine est le pivot de la puissance russe en Europe. Une fois l’Ukraine séparée de la Russie, la Russie n’est plus une menace.” Ce rappel éclaire la distance qui sépare l’apparente unanimité occidentale contre l’ “agression” russe du mois de Février 2022 en Ukraine des objectifs étroitement nationaux poursuivis par Washington : empêcher à tout prix une synergie entre la Russie et l’Europe qui créerait un puissant concurrent, vassaliser l’Europe, isoler la Russie et l’affaiblir pour se concentrer sur le danger prioritaire pour la suprématie mondiale que représente la Chine. La stratégie des Etats-Unis est fondée sur leurs intérêts et leur volonté de conserver une hégémonie planétaire qui n’a plus grand chose à voir avec la défense du monde libre, lequel n’est guère menacé que par lui-même, par les groupes de pression dominants qui y retreignent les libertés et le pluralisme. (à suivre)