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Sujet: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Lun Mar 06 2023, 22:06
Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû
La participation indirecte des États-Unis à la bataille de Diên Biên Phû comprend plusieurs aspects.
Dans le prolongement de son soutien matériel à la guerre d’Indochine depuis 1950, Washington a consenti une contribution importante à la bataille, en personnel comme en fournitures. En revanche, après des hésitations, le président Dwight Eisenhower s’est opposé à un bombardement aérien pour dégager les assiégés, connu sous le nom de code d’opération Vautour.
Or, ce refus a été signifié au gouvernement de Joseph Laniel avant même que la possibilité technique de l’opération ait été étudiée en profondeur. En effet, il signalait la lassitude des Américains d’être écartés de la direction stratégique et politique des opérations, tout comme leur opposition à un règlement négocié du conflit indochinois.
Sans négliger l’apport des États-Unis à la bataille, le présent article insistera sur le projet Vautour, qui concentra l’attention des gouvernants américains, anglais et français en mars et avril 1954.
Nous démêlerons les rivalités qui, au sein de l’équipe Eisenhower, ont conduit à soulever l’hypothèse d’un bombardement aérien, puis à l’écarter. Nous retracerons ensuite la longue et vaine campagne de la France en vue d’obtenir la mise en œuvre de Vautour. Nous nous pencherons enfin sur la possibilité technique du projet, en précisant d’emblée que cet aspect de la question est toujours resté une considération mineure, pour les partisans de l’opération tout comme aux yeux de leurs adversaires.
Diên Biên Phû est une initiative purement française :
Le général Henri Navarre, commandant en chef en Indochine, n’a nullement consulté les États-Unis avant d’installer le camp retranché. Or, dès les premiers jours de janvier 1954, le général Thomas Trapnell, chef du groupe américain de coopération militaire en Indochine (Military Assistance Advisory Group, ou MAAG), signale à Washington que les forces françaises se trouvent à Diên Biên Phû en position défensive, face à des adversaires qui disposent de l’avantage numérique.
Le camp ne peut être ravitaillé par voie aérienne, et l’aviation française en Indochine, qui manque de personnel et d’aérodromes plus encore que d’appareils, est déjà utilisée aux limites de ses capacités. Mais comme le Viêt-minh ne dispose pas d’avions, Trapnell estime les chances égales, à Diën Biên Phû, entre assaillants et défenseurs .
Toutefois, lorsque le Conseil national de sécurité américain se penche sur la situation à Diên Biên Phû, le 8 janvier 1954, ce ne sont pas les perspectives militaires qui l’inquiètent, mais le risque que la prise de la forteresse ne suscite, en France, un mouvement d’opinion irrésistible en faveur d’un retrait pur et simple d’Indochine.
Comme le financement de la guerre revient désormais, pour l’essentiel, aux États-Unis, cette hypothèse suscite une cascade de griefs qui, désormais, ne cesseront de colorer les décisions américaines relatives à Diên Biên Phû. L’équipe Eisenhower reproche à la France de refuser aux États associés l’indépendance immédiate et totale qui les pousserait à se battre de bon cœur, et d’écarter pour ce motif les Américains de la conception de la stratégie comme de l’instruction des armées nationales.
Par ailleurs, le Conseil est informé que Navarre demande aux États-Unis des avions, des pilotes et des mécaniciens supplémentaires. Or, depuis avril 1953, les États-Unis fournissent secrètement au Corps expéditionnaire des aviateurs de la Civil Air Transport (CAT), une compagnie-écran de leurs services secrets, affectés à des vols de transport dans des zones de combat. Le pont aérien vers Diên Biên Phû utilise déjà les services de deux douzaines d’entre eux.
Aussi Eisenhower et l’amiral Arthur Radford, chef d’état-major interarmes, soulèvent-ils la possibilité de faire bombarder secrètement les assaillants de Diên Biên Phû, par des appareils américains sans cocardes venus des porte-avions de la flotte du Pacifique. Radford souligne que ce service permettrait à Washington de réclamer, en contrepartie, une application plus mordante du plan Navarre. Aucune décision n’est prise, mais les termes politiques et militaires du débat sont déjà posés, tels qu’ils subsisteront jusqu’à la chute de Diên Biên Phû .
Pour parer à l’éventualité d’un retrait français d’Indochine, quel que soit le sort de Diên Biên Phû, Eisenhower nomme le 16 janvier un comité secret de planification stratégique à l’échelle du Sud-Est asiatique tout entier, dirigé par le sous-secrétaire d’État Walter Bedell Smith.
Cet organisme devra prendre en compte l’hypothèse, jusque-là exclue, d’une victoire viêt-minh. Le président évoque également la possibilité d’un pacte défensif entre Birmanie, Cambodge et Thaïlande, première ébauche, de sa part, de la future Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (OTASE). Enfin, il accélère la nomination comme ambassadeur à Bangkok du général William Donovan, ancien chef des services secrets américains pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Donovan a pour mission de mettre en place des opérations clandestines dans tout le sous-continent, y compris en territoire viêt-minh. Ainsi, tout en souhaitant la victoire des Français, l’équipe Eisenhower évite de miser uniquement sur eux : la perte de tout ou partie de l’Indochine ne doit pas impliquer la fin de l’influence américaine en Asie du Sud-Est . Ne disposant que d’une majorité parlementaire très courte, Eisenhower doit également ménager les Chambres.
Moins d’un an après l’armistice coréen, elles ne souffriraient pas une nouvelle entrée en guerre sans leur aval préalable. Il est significatif qu’en février 1954, l’amendement Bricker, qui aurait transféré au Congrès la haute main sur les accords exécutifs, ait manqué d’une seule voix la majorité des deux tiers au Sénat .
Or, le 29 janvier, le comité Smith accorde à Laniel de nouveaux bombardiers B-26 et 200 mécaniciens de l’armée de l’Air, habillés en civils, qui assureront la maintenance des appareils en Indochine .
Aussitôt, un sénateur démocrate, membre de la commission de la Défense, proteste publiquement contre cette mesure, qui risque selon lui d’engager peu à peu les États-Unis dans une participation directe à la guerre.
Son intervention reçoit l’assentiment des autres membres de la commission, mais un autre sénateur démocrate influent, Mike Mansfield, approuve l’envoi des mécaniciens. L’opinion du Congrès est donc ambivalente, comme celle de la presse. Néanmoins, lorsqu’une chaîne de télévision révèle l’existence du comité Smith, le 4 février, les parlementaires protestent de nouveau.
Craignant que le Congrès ne coupe les fonds aux opérations en Indochine, Eisenhower enjoint à Smith de travailler désormais de concert avec le Congrès. Ainsi donc, ce dernier n’est point nécessairement hostile à une intensification de la participation des États-Unis au conflit, mais Eisenhower courrait de grands risques s’il négligeait de l’associer à ses décisions en la matière .
Cette entrée des États-Unis dans la guerre va devenir une possibilité sérieuse après la visite à Washington du général français Paul Ely, chef d’état-major interarmes, du 20 au 26 mars.
Ely se rend aux États-Unis dans l’espoir de pallier les déficiences de l’aviation française en Indochine. Comme le Viêt-minh dispose pour la première fois, à Diên Biên Phû, d’une artillerie équivalente à celle des Français, la survie du camp retranché dépend de son ravitaillement par l’aviation.
Avec les appareils prêtés par les États-Unis, la France maintient un pont aérien à cet effet, mais elle ne dispose pas d’avions en nombre suffisant pour couper les lignes de communication du Viêt-minh. Si l’aviation chinoise, dont la guerre de Corée a montré la réalité, intervenait en Indochine, le sort de Diên Biên Phû serait donc scellé .
Selon le général Henri Lauzin, qui commande l’aviation du corps expéditionnaire, les Chinois pourraient détruire 60 % des capacités aériennes françaises en Indochine. Or, la France ne dispose que d’une promesse verbale de riposte américaine en cas d’incursion aérienne chinoise dans la péninsule. Le Comité de défense nationale du 11 mars a donc chargé Ely d’obtenir des assurances plus précises à cet égard .
Ely effectue sa visite après la neutralisation de l’aérodrome de Diên Biên Phû par l’artillerie viêt-minh, donc dans des circonstances difficiles pour la France.
Il n’obtient pas les promesses attendues contre la Chine : Radford accepte d’accélérer les discussions d’état-major pour mettre au point une riposte à une incursion de l’aviation chinoise, mais leur application dépendra d’une décision politique à prendre en temps utile .
Surtout, le secrétaire d’État Foster Dulles prévient que l’entrée des États-Unis dans la guerre d’Indochine impliquerait de mener celle-ci jusqu’à la victoire, et supposerait pour contrepartie l’indépendance totale des États associés, l’instruction de leurs armées par des Américains, et plus généralement une association étroite de Washington à la conduite des opérations .
En revanche, les États-Unis ne lésinent pas sur l’assistance matérielle :
Ely obtient 25 bombardiers B-26 supplémentaires, ainsi que l’autorisation d’utiliser des avions de transport C-119 pour déverser du napalm autour de Diên Biên Phû, à condition que l’opération ne soit pas effectuée par des équipages américains .
Pendant le séjour d’Ely à Washington, Eisenhower hésite entre diverses hypothèses :
Une frappe aérienne autour de Diên Biên Phû, à condition qu’elle donne un résultat décisif ; une entrée des États-Unis dans la guerre pour mener les opérations jusqu’à la défaite du Viêt-minh, unilatéralement ou en coalition, éventuellement avec des forces terrestres ; ou encore le harcèlement de la Chine populaire (blocus maritime, débarquement de Jiang Jieshi à Hainan...).
Il n’a encore que deux certitudes.
D’une part, le Congrès doit être associé de quelque manière à la décision, mais point nécessairement sous la forme d’une résolution rédigée en termes précis. D’autre part, les États-Unis ont besoin d’alliés pour éviter l’accusation d’impérialisme et mener les opérations terrestres ; ce doivent être, au strict minimum, la France et les États associés.
L’entrée officielle des États-Unis dans la guerre d’Indochine supposerait au préalable un accord politique précis entre Washington et ses partenaires, comme le pense également Dulles .
Le 25 mars, au sortir d’un Conseil national de sécurité où toutes ces éventualités ont été examinées, Radford déclare à Ely que des frappes aériennes tactiques autour de Diên Biên Phû pourraient sauver la forteresse.
L’amiral mentionne la possibilité de faire donner de gros bombardiers B-29, partis de la base américaine de Guam, aux Philippines, et couverts au besoin par des appareils attachés à des porte-avions .
(De fait, Eisenhower a ordonné le 18 mars à la VIIe Flotte de se mettre en alerte, de manière à pouvoir prêter secours à Diên Biên Phû dans un délai de douze heures.)
Le lendemain, avant de quitter Ely, Radford lui précise qu’en cas de demande française officielle et d’accord d’Eisenhower, les États-Unis feraient donner leur aviation stratégique autour de Diên Biên Phû.
L’amiral soutient que l’aide chinoise au Viêt-minh a atteint un tel niveau que ce bombardement ne saurait passer pour une provocation. Son ton laisse entendre qu’il se fait fort d’obtenir l’aval d’Eisenhower .
Quoique rapportés par les seuls Mémoires d’Ely, les accents belliqueux de Radford n’ont rien pour surprendre.
L’amiral, en effet, qui comptait parmi les membres les plus anti-maoïstes de l’équipe Eisenhower avec le vice-président Richard Nixon, avait suggéré le premier une frappe aérienne dès le 8 janvier, et allait user de toute son influence pour l’obtenir dans les derniers jours de mars.
Après le départ d’Ely, deux lignes s’affrontent à Washington.
D’une part, dans un discours du 29 mars, préalablement approuvé par Eisenhower, Dulles appelle à une « action concertée » contre l’ « imposition à l’Asie du Sud-Est, par quelque moyen que ce soit, du système politique de la Russie communiste et de la Russie communiste »
L’expression « par quelque moyen que ce soit » signale l’opposition des États-Unis à la conférence de Genève. Le terme « action concertée » renvoie à la création d’un pacte défensif du Pacifique, auquel Dulles avait déjà songé lors de la négociation du traité de paix avec le Japon.
La coalition comprendrait :
Australie, États-Unis, France et États associés, Nouvelle-Zélande, Philippines, Royaume-Uni et Thaïlande. Elle serait vouée à la défense du Sud-Est asiatique, y compris l’Indochine. Dans l’hypothèse la plus favorable, sa formation à très courte échéance – avant l’ouverture de la réunion de Genève – raviverait l’esprit de résistance des Français, dissuaderait la Chine d’intervenir plus ouvertement en Indochine et modérerait les revendications des puissances communistes à la conférence, tout en évitant aux États-Unis d’entrer dans le conflit.
Si ces derniers devaient néanmoins s’y résoudre, l’action concertée leur garantirait les conditions les plus favorables possibles .
L’action concertée vise donc à maintenir la France dans la guerre, non pas à sauver Diên Biên Phû.
D’autre part, Radford partage les buts de Dulles mais propose d’autres moyens. Lui aussi condamne la négociation de Genève et veut forcer la France à poursuivre les opérations, mais, craignant un effondrement du moral des Français en cas de capitulation de Diên Biên Phû, conseille un dégagement de la forteresse qui incitera Paris à continuer le combat .
Au contraire, Dulles ne veut pas de Vautour, opération d’urgence qui ne laisserait pas aux États-Unis le temps nécessaire pour imposer à la France les conditions politiques de leur intervention .
Or, Radford ne parvient pas à convaincre les autres chefs d’état-major du bien-fondé de Vautour. Questionnés par l’amiral, le 31 mars, sur l’opportunité de l’opération, Carney (Marine) et Ridgway (armée de Terre) répondent : « non » ; Shepherd (Infanterie de marine) et Twining (Aviation) : « non, sauf en cas d’intervention chinoise »
Lors d’une nouvelle consultation, le 2 avril, Carney et Ridgway nient que le sort de Diên Biên Phû affecte l’ensemble de la situation militaire en Indochine.
Ridgway craint en outre que l’intervention américaine ne déclenche une guerre mondiale pour laquelle l’armée de Terre, sacrifiée par le new look stratégique cher à Radford, manquerait d’effectifs et de moyens. Shepherd rappelle que la guérilla, dispersée, cachée par le brouillard et la forêt dense, n’offre pas de cibles intéressantes à l’aviation.
Seul Twining accepte désormais le dégagement de Diên Biên Phû, mais à condition que la France accepte le passage de la marine et de l’aviation d’Indochine sous commandement américain, concède aux États-Unis l’instruction des armées nationales, et accorde aux États associés, en fanfare, une indépendance véritable .
Dès le 1er avril, Eisenhower est informé de l’opposition des chefs d’état-major à Vautour. Toutefois, il n’exclut pas encore l’opération, car celle-ci relève selon lui de la décision politique, et non pas militaire .
Le lendemain, le président approuve un projet de résolution parlementaire rédigé par Dulles.
Ce texte mentionne « le régime communiste chinois et ses agents en Indochine », formule apte à justifier des actions de harcèlement contre la Chine. Il autorise le président, si celui-ci l’estime nécessaire, à venir en aide avec l’aviation et la marine (non pas l’armée de Terre) aux « forces qui résistent à l’agression en Asie du Sud-Est », à contrer l’extension de cette agression, et à prendre les mesures nécessaires pour protéger la sécurité des États-Unis .
Ces formules vagues visent à laisser les coudées franches à l’Exécutif, mais signalent aussi que l’action concertée reste une coquille vide, dénuée de toute signification militaire précise.
Une seule certitude :
Elle ne saurait se confondre avec Vautour. En effet, lors de la discussion sur la résolution parlementaire, Radford, pressé par Dulles, admet que le sort du camp retranché sera scellé dans les prochaines heures, situation qui n’appelle pas une participation américaine à la bataille .
Dorénavant, Eisenhower lui-même ne mentionnera plus jamais Vautour. Peut-être parce qu’il n’en avait envisagé la possibilité auparavant qu’à condition d’un succès garanti et d’un secret assuré, que plus un seul de ses chefs d’état-major n’estimait désormais possibles. Dès lors, pourquoi s’obstiner dans cette voie ? . La rencontre entre Dulles, Radford et certains chefs de groupes parlementaires, le 3 avril, est purement exploratoire :
Il ne s’agit encore que de sonder leur opinion, et le projet de résolution ne leur est pas présenté. Malgré cet ordre du jour limité, la séance crée néanmoins quelques difficultés pour l’équipe Eisenhower. Celle-ci voulait que le Congrès se prononce rapidement, afin de mettre sur pied une coalition avant l’ouverture de la conférence de Genève.
Or, certains parlementaires, informés sans doute des projets de Radford par les chefs d’état-major hostiles au sauvetage de Diên Biên Phû, craignent que l’intervention américaine ne débouche peu à peu sur l’emploi de l’armée de Terre en Indochine.
« Une fois le drapeau engagé, argumentent-ils, l’envoi de forces terrestres s’ensuivra inéluctablement. »
Ils demandent donc que la coalition soit formée préalablement au vote de la résolution, pour obtenir la certitude que les États-Unis n’auront pas à supporter l’essentiel de l’effort terrestre. Ils insistent également pour que le Royaume-Uni se joigne à l’association. Ils se disent convaincus que le Congrès votera dans le sens demandé, si ces conditions sont remplies .
De telles exigences compliquent la négociation de l’action concertée, puisque Dulles ne pourra faire valoir aux États partenaires que Washington est déjà prêt à passer à l’action. Mais Eisenhower ne peut prendre le risque de les négliger, après avoir engagé récemment son crédit pour faire échouer l’amendement Bricker .
Toute l’activité de Dulles, jusque vers la mi-juin 1954, va consister à tenter de mettre sur pied une coalition pour maintenir la France dans la guerre.
Un tel programme suppose d’accorder des faveurs à Paris, à commencer par une aide généreuse en faveur de Diên Biên Phû – hormis bien entendu la frappe aérienne miraculeuse. Ainsi, lorsqu’il fait part à l’ambassadeur français à Washington de son projet de coalition, aussitôt après avoir quitté les parlementaires, le secrétaire d’État ne manque pas de l’informer que le transport de deux bataillons de parachutistes d’Afrique du Nord sur des avions américains, demandé la veille même par Paris, est accepté .
En effet, la neutralisation de l’aérodrome de Diên Biên Phû par l’artillerie viêt-minh contraignait la France à ravitailler le camp par parachutages. De fait, dès le 3 avril, les forces aériennes américaines stationnées en Europe reçurent l’ordre de se préparer à un pont aérien secret.
Les États-Unis convoyèrent à la fois du matériel et du personnel militaire français (transporté sans armes ni uniformes).
Deux convois de 500 personnes environ quittèrent aussitôt l’aéroport de Marseille et la base de Rhein-Main, en Allemagne de l’Ouest.
Aucun de ces militaires n’arriva pourtant jusqu’à Diên Biên Phû :
Ils furent employés pour compléter les bataillons de parachutistes dans le reste de l’Indochine, qui manquaient d’effectifs. En outre, le secret fut éventé : le New York Times rendit compte des transports de troupes dès le 22 avril. En effet, comme l’Inde avait refusé le survol de son territoire, l’aviation américaine dut utiliser des Globemasters C-114, appareils de grande capacité qui faisaient escale sur une base britannique à Ceylan, et furent bientôt repérés.
Dans le même temps, la base américaine de Clark, aux Philippines, augmenta ses effectifs de plus de 600 personnes pour opérer, trois fois par semaine, un pont aérien de matériel au profit de Diên Biên Phû. Les fournitures étaient délivrées sur les aérodromes de Cat Bi et de Tourane.
Ce pont aérien depuis Clark, en service du 8 février au 1er août, convoya au total plus de 10 000 passagers et 7 600 t de fret .
Pendant ce temps, Eisenhower arrête sa politique au soir du 4 avril.
Il décide que la marine et l’aviation américaine pourront être employées en Indochine, dans le cadre d’une coalition comprenant l’Angleterre, des troupes australiennes et néo-zélandaises, et si possible des États de peuplement jaune (Philippines, Thaïlande). La France devra s’engager à prendre toute sa part des combats jusqu’à la fin des opérations.
Enfin, pour éviter l’accusation de soutien au colonialisme, les États associés recevront la garantie de leur indépendance (assortie, précise Dulles, du droit de quitter unilatéralement l’Union française)
Or, au moment même où Eisenhower fixe ces conditions, Navarre, craignant un nouvel assaut viêt-minh dans les prochains jours, réclame l’opération Vautour, dont Ely l’a informé à son retour de Washington. Le cabinet Laniel convoque l’ambassadeur des États-Unis à l’hôtel Matignon au soir du 4 avril, pour transmettre la demande, avec l’argument que la Chine participe déjà largement à la bataille, et que le sort de Genève se jouera à Diên Biên Phû .
Dès le lendemain matin, Dulles, avec l’accord d’Eisenhower et Radford, refuse le bombardement aérien et rappelle que tout acte de guerre américain en Indochine reste soumis au préalable d’un accord politique, dans le cadre de l’action concertée .
Le malentendu transatlantique paraît donc dénoué ; en fait, il vient seulement de débuter.
Au cours du mois d’avril, Navarre et le ministre français des Affaires étrangères, Georges Bidault, vont redemander à plusieurs reprises l’opération Vautour, et se heurter à chaque fois à un refus américain. Les requêtes de Navarre s’expliquent par le souci de sauver la position où il a accepté la bataille. Celles de Bidault révèlent la contradiction entre les politiques française et américaine.
Le ministre veut conserver Diên Biên Phû pour renforcer sa main lors des pourparlers de Genève, mais ne songe pas comme Dulles à éluder purement et simplement la négociation :
Il sait bien que son gouvernement n’y survivrait pas. Néanmoins, à plusieurs reprises, Bidault va être tenté d’accepter l’action concertée dans l’espoir d’obtenir Vautour en contrepartie.
Recevant la réponse de Dulles au matin du 5 avril, Bidault déclare comprendre que les États-Unis veuillent soumettre leur entrée en guerre à des conditions politiques, mais que le moment de former une coalition est passé, car le sort de l’Indochine se jouera dans les prochains jours à Diên Biên Phû .
Le sort de la forteresse reste bien la préoccupation principale des Français, comme le montre le Conseil des ministres restreint réuni le lendemain pour arrêter les termes d’une réponse aux États-Unis.
Le Conseil commence par donner son accord de principe à un pacte du Pacifique, tout en demandant dans tous les cas une intervention américaine rapide. Mais soudain, Bidault interrompt la rédaction du télégramme à l’intention de Washington. Reculant devant l’association de la France avec la Thaïlande et les Philippines, il préférerait une déclaration commune à une alliance.
En fait, il comprend que Dulles veut entraver la négociation de Genève.
L’ambassadeur français à Washington informera donc le secrétaire d’État, le 8, que selon le cabinet Laniel, la création de la coalition avant l’ouverture de la conférence serait interprétée comme le signe que Paris récuse l’idée même d’une paix. En revanche, des conversations d’état-major sont envisageables pour préparer les modalités du pacte, en cas d’échec à Genève. En attendant, la France réclame de nouveaux bombardiers .
Malgré les divergences politiques, l’activité militaire américaine au service de Diên Biên Phû reste importante. Ainsi, alors que les aviateurs français larguent leurs cargaisons au-dessus du camp retranché depuis une altitude de 8 000 pieds pour éviter l’artillerie viêt-minh, pratique qui laisse une bonne partie des fournitures aux mains des assaillants, leurs homologues de la CAT n’hésitent pas à voler beaucoup plus bas .
Comme ce dévouement reste néanmoins insuffisant au regard de l’ampleur de la tâche, Navarre réclame toujours le dégagement de la forteresse. Pour créer une atmosphère favorable, il accepte à la mi-avril l’affectation de plusieurs dizaines d’officiers américains à l’instruction de l’armée vietnamienne .
Le 12, il propose une opération de diversion qui, selon lui, ne susciterait guère de réactions ennemies :
15 à 20 bombardiers américains, pilotés par des aviateurs de même nationalité, mais volant soit avec des cocardes françaises, soit sans cocardes, attaqueraient de nuit, à haute altitude, les lignes de communication viêt-minh de Yen Bai à la base de Tuan Giao (entre Diên Biên Phû et le delta du fleuve Rouge).
L’opération n’aurait guère d’effet sur le prochain assaut viêt-minh contre Diên Biên Phû, mais pourrait, d’après Navarre, asphyxier en quelques semaines le corps de bataille viêt-minh.
La proposition est transmise à Radford, mais ce dernier reste réticent : il rappelle, le 18, que la décision dépend seulement d’Eisenhower, dont l’opinion n’est pas encore formée .
Le 16, Navarre envisage de larguer vers la fin du mois les trois derniers bataillons français revenus de Corée sur les lignes de communication viêt-minh autour de Diên Biên Phû, sur lesquelles il demande également un bombardement aérien américain.
Les difficultés du corps de bataille viêt-minh en seraient aggravées, ce qui permettrait au général de reporter toute son aviation sur l’appui direct de Diên Biên Phû et l’opération de dégagement. Enfin, le 18, Navarre suggère l’intervention à Diên Biên Phû de bombardiers B.29, pilotés soit par des équipages américains qui ne cacheraient pas leur nationalité, soit par des aviateurs placés en congés de l’armée de l’Air américaine, et incorporés temporairement dans la Légion étrangère française .
En fait, aux États-Unis, même les responsables politiques les plus favorables à une intervention militaire ne songent plus à Vautour, comme en témoigne le discours prononcé par Nixon le 16 avril. Alors que le vice-président avait apporté quelques semaines plus tôt un soutien chaleureux à un bombardement aérien autour de Diên Biên Phû, il évoque maintenant la possibilité d’employer les forces terrestres américaines en Indochine, même unilatéralement, en cas d’aggravation de la situation militaire.
À l’instigation d’Eisenhower, le Département d’État précise le lendemain que la politique américaine reste fidèle au principe d’une action concertée, donc à la formation d’une coalition. Dulles lui-même ne s’alarme pas des propos de Nixon, qui raviveront peut-être le moral des Français et les inquiétudes des puissances communistes .
En revanche, le discours est mal reçu au Congrès (même au parti républicain), qui l’interprète comme un ballon d’essai en faveur d’une entrée en guerre, et divise la presse américaine
Ces débats confirment que les milieux politiques américains envisagent la poursuite des opérations en Indochine, et non pas le dégagement de Diên Biên Phû. Pourtant, durant la dernière décade d’avril, le cabinet Laniel va passer très près d’accepter l’action concertée, dans le vain espoir d’obtenir Vautour.
Au matin du 22 avril, Laniel hésite :
Il pourrait accepter l’internationalisation du conflit si le sauvetage de Diên Biên Phû s’ensuivait à coup sûr. Bidault voit alors en une intervention américaine « la limite du possible »
Dans l’après-midi, Dulles, présent à Paris pour une réunion de l’Alliance atlantique, demande à son homologue français si des bombes atomiques tactiques pourraient être utilisées efficacement à Diên Biên Phû, et en propose deux à la France.
Pourquoi douter de la réalité de la proposition ?
Bidault et l’ambassadeur Jean Chauvel la mentionnent dans leurs Mémoires ; surtout, le ministre en a immédiatement fait part à trois de ses proches collaborateurs (Roland de Margerie, Maurice Schumann, Guy de la Tournelle), et le général Ely la relève dans son journal tenu au jour le jour .
La véritable difficulté réside dans l’interprétation de l’offre de Dulles. Le secrétaire d’État n’était certes pas habilité à présenter une telle ouverture. Mais la possibilité d’employer la bombe à Diên Biên Phû avait déjà été soulevée devant lui par Radford, et il craignait une capitulation diplomatique de la France à Genève, que le gouvernement Laniel justifierait auprès de l’opinion publique en alléguant que les États-Unis n’avaient pas consenti tous les efforts au bénéfice du camp retranché .
Dulles a donc peut-être voulu persuader Bidault que les États-Unis ne reculaient devant aucun sacrifice en faveur de l’Indochine, quand bien même eût-il été fort embarrassé si son collègue l’avait pris au mot.
De toute manière, le ministre français a refusé.
N’oublions pas, d’autre part, que le new look stratégique s’appuyait fortement sur l’emploi effectif de l’arme nucléaire, et non pas seulement sur la menace de celui-ci. Le 30 avril, par exemple, Eisenhower et Nixon examinèrent la possibilité de proposer immédiatement quelques bombes atomiques à la France, peut-être pour bombarder Tuan Giao.
Mais le recours au napalm leur semblait plus efficace, ils préféraient réserver la menace nucléaire pour dissuader la Chine d’entrer ouvertement dans la guerre d’Indochine, et surtout ils continuaient d’accorder la priorité à la formation rapide d’une coalition .
L’offre fut donc écartée pour des motifs d’opportunité plutôt que de principe.
Si Bidault recule devant l’arme nucléaire, il s’accorde en revanche avec Ely et Laniel pour demander à nouveau, du 22 au 24 avril, un bombardement conventionnel autour de Diên Biên Phû.
Pour justifier sa requête, le ministre français allègue que la chute du camp retranché ne lui laissera d’autre choix que d’accepter, à Genève, un règlement défavorable aux Occidentaux, à moins encore que son gouvernement ne soit remplacé par un cabinet bien vu du Parti communiste (sous-entendu : dirigé par Pierre Mendès France).
Laniel ajoute que la situation créerait un climat défavorable à la ratification de la Communauté européenne de défense (CED). Bidault déclare donc tout net à Dulles, le 22, qu’ « en dépit de son opposition antérieure à l’internationalisation du conflit, il pourrait maintenant accepter cette dernière, si elle permettait de sauver » la forteresse .
Dulles répond dans l’après-midi du 24 avril, en remettant à Bidault une lettre selon laquelle une attaque aérienne massive ne pourrait à ce stade permettre de lever le siège de Diên Biên Phû, et en proposant une fois encore l’action concertée .
Malgré ce refus marqué, auquel la forme écrite confère un caractère officiel, le ministre français réplique aussitôt par un nouveau courrier au secrétaire d’État, pour redemander le bombardement .
Si Dulles estime inutile de répondre à cette nouvelle requête, le sous-secrétaire d’État Smith, auquel l’ambassadeur français à Washington est allé en porter copie le 25, déclare que si l’action concertée était mise en œuvre dès le lendemain (jour d’ouverture de la conférence de Genève), le Congrès voterait aussitôt une résolution pour autoriser l’emploi de forces aéronavales américaines.
« Il espère, ajoute-t.il, si l’on fait diligence, que la garnison de Diên Biên Phu pourrait encore tenir lorsque les appareils des porte-avions américains, qui sont dans le golfe du Tonkin, entreraient en action. » Enfin, et surtout, il adjure la France d’obtenir l’entrée du Royaume-Uni dans la coalition .
Sans prendre d’engagement précis, Smith laisse donc entendre que l’action concertée pourrait comporter un volet de secours à Diên Biên Phû, mais que tout dépend de l’Angleterre. Or, le cabinet Churchill refuse hautement de s’associer à une expédition militaire en Indochine, qui mettrait en péril la réunion de Genève. À ses yeux, une telle campagne serait inutile, puisque l’armée britannique a mis au point un dispositif de bouclage de la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande, assez sûr pour empêcher l’entrée de guérilleros dans la colonie, voire même pour résister à une tentative d’invasion par une armée constituée.
Elle tendrait inutilement les relations entre Londres et New Delhi. Elle nuirait à la sécurité du Royaume-Uni, car en laissant à la France le loisir de négocier à Genève, Londres permettrait à Paris de mettre fin à sa surextension stratégique entre Europe et Asie, pensant ainsi créer une situation favorable à la ratification de la CED.
Enfin, l’entrée des Américains en Indochine provoquerait probablement celle des Chinois et, par le jeu des alliances, pourrait déboucher sur une guerre mondiale où les bases américaines en Angleterre, avec leurs avions chargés de bombes atomiques, offriraient à l’aviation soviétique des cibles plus accessibles et moins risquées que le territoire américain lui-même .
Malgré ces perspectives peu encourageantes, dont il était informé, le gouvernement Laniel a cherché à gagner le Royaume-Uni à l’action concertée, entre le 22 et le 26 avril. L’affaire était perdue d’avance, car Radford lui-même avait informé le ministre des Affaires étrangères Anthony Eden, le 24 avril, que le sort de Diên Biên Phû était scellé .
Churchill confirmera personnellement, le 27, l’échec des représentations françaises .
Aussi, lorsque Navarre, le même jour, demande que l’on annonce à la fois, pour remonter le moral des troupes, une opération de dégagement avant le 10 mai et un cessez-le-feu avant la chute de Diên Biên Phû, Paris ne peut que l’informer, à titre définitif, que les États-Unis ne viendront pas au secours du camp retranché .
Toutefois, la nouvelle ne fut pas communiquée aux assiégés de Diên Biên Phû, pour éviter de les décourager
Les échanges laborieux entre Saigon, Paris, Londres et Washington, au sujet du dégagement de Diên Biên Phû, s’exerçaient à vide, car celui-ci était techniquement irréalisable.
Signalons toutefois que ce n’est pas cette impossibilité matérielle qui a poussé l’équipe Eisenhower à refuser l’opération :
Les militaires américains ne l’ont constatée qu’au cours du mois d’avril 1954, lors de repérages en Indochine destinés à préparer Vautour ou l’action concertée, au cas où l’une ou l’autre de ces missions serait décidée.
Au début du mois, l’état-major américain manque encore d’informations précises sur la nature du terrain à Diên Biên Phû. Le bureau des plans de guerre de l’armée de Terre n’hésite donc pas à recommander le largage de bombes atomiques tactiques autour du camp retranché.
Les services de renseignement de cette même armée et de l’aviation rétorquent que la position ne se prête pas aux bombardements, qu’ils soient atomiques ou de saturation, car les batteries viêt-minh sont dispersées sur un terrain montueux, et la forêt dense leur offre une excellente couverture.
Ridgway et son adjoint, le général James Gavin, se rangent à cette analyse .
En revanche, le plan présenté le 24 avril par le général Caldara, commandant de l’aviation américaine de bombardement stratégique dans le Pacifique, repose sur des reconnaissances aériennes au-dessus des lignes viêt-minh, entre Diên Biên Phû et la frontière chinoise.
Il propose un bombardement intensif par trois vagues successives de 80 B-29, munis chacun de 14 t de bombes.
Il s’agissait d’une opération colossale :
Pendant la guerre de Corée, les bombardements ne nécessitaient en moyenne que deux douzaines de B-29. Ces bombardiers auraient décollé de Clark et, après une escale en Thaïlande, seraient remontés vers Diên Biên Phû par le golfe du Siam et le Laos. Ils seraient revenus en survolant le golfe du Tonkin, le delta du fleuve Rouge et la mer de Chine méridionale. Tout appareil en difficulté aurait eu ordre de se poser en mer, pour éviter la capture.
Le plan ne précisait pas l’altitude de vol .
Diên Biên Phû appelait des frappes précises, pour éviter de toucher la forteresse. La mousson réduisait la visibilité, et les radars montés sur les avions auraient été insuffisants pour bombarder avec l’exactitude requise. Caldara préconisait donc l’utilisation de balises de radar de navigation à courte portée, fixées au sol (SHORAN). Or, le corps expéditionnaire ne disposait pas de telles balises. L’efficacité du bombardement n’était donc nullement garantie .
Il en allait de même pour les plans d’opérations terrestres dressés par des Américains pour secourir Diên Biên Phû.
Le général Mike O’Daniel, chef du MAAG, proposait d’envoyer des colonnes de renfort vers le Laos et le delta du fleuve Rouge. Radford : de parachuter des bulldozers pour construire, à une cinquantaine de kilomètres de la forteresse, un nouvel aérodrome où débarqueraient des troupes fraîches !
Mais Navarre ne possédait pas les troupes nécessaires à ces plans, puisqu’en même temps que Diên Biên Phû, ses forces terrestres devaient occuper le Laos et poursuivre l’opération Atlante, le long de la côte d’Annam.
Les récriminations de certains journalistes français qui, à l’instar de Raymond Cartier dans Paris Match, taxèrent Churchill et Eisenhower d’apaisement pour avoir laissé la forteresse à son sort, portaient donc doublement à faux .
Les États-Unis n’avaient jamais songé à dégager Diên Biên Phû qu’afin de maintenir la France dans la guerre, et, de toute manière, le bombardement aérien se heurtait à des difficultés techniques bien réelles.
Du côté américain, l’opinion refusait comme le Congrès une entrée en guerre décidée à la onzième heure, mais le courage des défenseurs de Diên Biên Phû suscita l’admiration .
Après la chute de la forteresse – mais seulement après ! –, les sondages indiquèrent même une majorité en faveur d’une intervention en Indochine, mais uniquement dans le cadre d’une coalition .
Le souvenir du camp retranché resta vivace pendant la guerre du Vietnam. Ainsi, en janvier 1968, le président Lyndon Johnson et le général Westmoreland, commandant en chef au Vietnam, comparaient la position de Khe San et celle de Diên Biên Phû.
Westmoreland croyait néanmoins que leur supériorité en matériel et leur puissance de feu permettraient aux Américains de l’emporter, dans une situation semblable à celle où les Français avaient échoué .
Effectivement, du point de vue militaire, la ressemblance entre Khe San et Diên Biên Phû restait superficielle.
Les Américains ont réussi à tenir Khe San, contre laquelle Hanoi avait massé beaucoup moins de moyens qu’en 1954. Mais Khe San ne représentait qu’une opération de diversion dans l’offensive du Têt, à laquelle la République démocratique du Vietnam (RDV) attribuait une fonction de propagande politique comparable à celle de Diên Biên Phû.
Absorbé par la défense de Khe San, Westmoreland n’a pas assez prêté attention aux rapports de renseignements qui indiquaient de fortes infiltrations de guérilleros dans les grandes villes du Sud-Vietnam.
Prenant les Américains par surprise, ces attaques de guérilla ont permis à la RDV de remporter une nouvelle victoire politique, sinon militaire.
En 1968, les États-Unis aussi ont connu leur Diên Biên Phû .
La bataille de Dien Bien Phu coûte au CEFEO plus de 3 000 hommes, 1 700 morts et 1 600 disparus .
4 400 soldats français sont blessés .
10 300, dont les 4 400 blessés, sont fait prisonniers.
L'ennemi perd au moins 8 000 hommes et a plus de 15 000 blessés.
La victoire Viêt-minh à Dien Bien Phu annonce le désengagement de la France d'Indochine.
À l'issue des accords de Genève qui, le 21 juillet 1954, mettent fin au conflit indochinois en reconnaissant le gouvernement démocratique du Vietnam.
Sur les 10 300 soldats français faits prisonniers à Dien Bien Phu, seuls 3 300 sont rendus à leurs familles.
Les autres, souvent laissés sans soins, épuisés, affamés, parfois sommairement exécutés, perdent la vie sur les routes qui les conduisent à leur lieu de détention et dans les camps du Viêt-minh.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 09:07
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 10:16
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 13:08
Je vais lire ce soir avec beaucoup d’attention car d’après ce que j’ai lu en parcourant rapidement ce message, il y a des éléments que j’ignorais. Même si les USA voulaient renforcer leur aide matérielle, il manquait une forte volonté politique, ce qui explique pourquoi Diem s’est détourné de la France.
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 13:20
[size=36]Le monument de Dien Bien Phu (Vietnam)[/size]
Monument de Dien Bien Phu DR
Le 7 mai 1954, la chute du camp français retranché de Dien Bien Phu représente un tournant dans la guerre conduite en Indochine depuis 1946 par le corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO). Si la guerre n’est pas terminée pour autant, il apparaît en effet alors clairement qu’elle ne peut plus être remportée et les négociations ouvertes à Genève aboutissent, le 21 juillet 1954, à la signature d’accords reconnaissant l’indépendance du Laos, du Cambodge et d’une république démocratique du Vietnam située au nord du 17ème parallèle. C’est la fin de l’Indochine française.
Bataille emblématique, Dien Bien Phu a marqué les esprits et les mémoires. 7 semaines de combats acharnés ont fait plus de 3000 victimes dans le camp français. Parmi les quelques 10 000 soldats de l’Union française emmenés en captivité, près de 7000 mourront par ailleurs, victimes des terribles conditions de détention.
Le monument présenté ce mois-ci rappelle ce sacrifice
Le monument de Dien Bien Phu a été érigé en 1994 sur l'initiative d'un ancien sous-officier de la Légion étrangère, Rolf Rodel, et inauguré officiellement en 1999. Sur un site remarquablement entretenu, le monument offre un réel espace de recueillement.
Juridiquement, la France n'a aucun droit sur le monument : seul est reconnu par les autorités vietnamiennes le droit de conclure une convention d'entretien avec le comité populaire de la province de Dien Bien Phu, sous réserve qu'aucune modification ne soit apportée à son aspect actuel. Le ministère des armées alloue annuellement à la mission défense en poste au Vietnam, les crédits nécessaires à sa conservation. Les derniers travaux ont été effectués en 2016 et l’installation de l’électricité a permis d’éclairer le monument.
Le 3 novembre 2018, Monsieur Édouard Philippe, Premier ministre, a déposé une gerbe au mémorial au cours de sa visite au Vietnam afin de rendre hommage à tous les combattants français morts au cours de la guerre d’Indochine.
Le site accueille par ailleurs de nombreux visiteurs locaux et étrangers de passage dans la cuvette. Chaque année, les élèves des classes de 3 du lycée français Alexandre Yersin d’Hanoï effectuent ainsi un voyage scolaire sur le site, dans le cadre d’un travail de mémoire sur la guerre d’Indochine.
Pour en savoir plus :
[size=15]Consultez les nombreuses ressources de notre page dédiée à la journée nationale de commémoration des morts pour la France en Indochine[/size]
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 14:03
Merci pour le lien que je vais éplucher. Je me suis inscrit pour recevoir la lettre d’information.
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mar Mar 07 2023, 21:38
Il lui a fallu beaucoup de patience et d’abnégation pour réaliser ce monument aux morts mais il faut souligner que malgré les obstacles, les autorités vietnamiennes ont été très compréhensive et n’ont pas trouvé des expédients pour empêcher la construction du monument.
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Mer Mar 08 2023, 23:29
Je n’ai pas eu le temps de faire une synthèse mais l'article est très intéressant et fort instructif.
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Ven Mar 10 2023, 09:56
Bonjour,
Il apparait et une fois de plus que pour des raisons de basse politique, la France comme d'autres pays, ont laissé mourir, pour la liberté des peuples, des milliers de combattants dans ce conflit.
Le fait que Monsieur Rolf RODEL, ancien d'Indo, s'est retrouvé bien seul à cette inauguration car l'Ambassadeur de France à Hanoï n'a pas pu être présent soit disant !.... Je suppose que la cause était par et pour un empêchement imaginaire, montre à quel point autant d'années après, la France n'est pas capable d'honorer ses soldats Morts pour La France dans un conflit qui à l'époque était qualifier de "sale guerre en Indochine"...
Que Monsieur Rolf RODEL repose en Paix pour l'Eternité.
Il a accomplit plus que son devoir de Mémoire. Ce Légionnaire, par son geste, il a honorer les Siens, comme il a honorer ses compagnons d'Arme en Indochine.
Il a aussi, remplacé une France défaillante dans ce travail de Mémoire. Un grand merci à lui.
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Ven Mar 10 2023, 12:15
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Sujet: Re: Les États-Unis et la bataille de Diên Biên Phû . Ven Mar 10 2023, 21:00
René, ’tu as visé juste, aucun personnel diplomatique français pour honorer ce monument aux morts pour la France. Il faut aussi noter que les autorités locales malgré les problèmes internes étaient présentes. Ce qui est encore impensable en Algérie.