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Sujet: Les barricades Sam Jan 28 2023, 10:13
Les barricades
Plantons le décor
En ce matin du 22 janvier 1960, dans la 403 grise qui l’emmène à Orly, le député Portolano affalé sur le siège arrière de la voiture s’écrie.
- Nous sommes foutus, déclare-t-il d'un ton las et désabusé. On veut relever Massu de son commandement. C'est de la folie, on veut mettre Alger à feu et à sang.
Type même du pied noir, l'avocat Portolano parle avec l'accent chantant et dur à la fois des Français d'Algérie. Sa peau foncée, son crâne à demi déplumé font que ses amis l'appellent pour le taquiner « vieux corbeau ». Sa popularité a voulu qu'il soit le président du groupe de l'Unité de la République à l'Assemblée nationale.
Il parle maintenant de sa récente entrevue avec le Président de la République.
- Cette fois il nous prend pour des c ..., il a été jusqu'à me dire que l'Algérie pourrait être divisée en plusieurs régions. Les territoires qui voteraient pour la France seraient séparés de ceux qui voteraient pour l'association ou pour l'indépendance. C'est de la folie.
Orly apparut émergeant de la grisaille.
Au rendez-vous, manquait le Président Georges Bidault à qui le ministère de l'Intérieur avait signifié cette nuit que sa présence en Algérie était indésirable pour le moment.
Le Président du Comité National de la Résistance, fervent partisan de de Gaulle en mai 1958 et même bien avant, prit fort mal la chose. « On m'interdit de me rendre en Algérie, mais on ne pourra pas interdire l'Algérie de rester province française », avait-il déclaré de sa voix cinglante de tribun.
Ancien ministre des Affaires étrangères du ministère de Gaulle après la Libération, ancien Président du Conseil il était en fait en résidence surveillée.
Il y avait décidément quelque chose de changé en France…
Dans la Caravelle d'Air France, le député musulman d'Algérie Laradji, arrivé avant les autres passagers, avait déjà attaché sa ceinture.
Cet homme pondéré, intelligent, le contraire de ce qu'on appelle des deux côtés de la Méditerranée un béni-oui-oui, était désemparé.
A lui aussi le général de Gaulle a parlé d'un plan de partage de l'Algérie qui serait appliqué selon le résultat du vote, c'est-à-dire de l'autodétermination. « Mais mon Général, a rétorqué Laradji, il y a cent trente ans que mes ancêtres ont choisi d'être Français. »
Ce choix a d'ailleurs valu à vingt-deux membres de sa famille d'être assassinés par les rebelles.
De toute évidence le général de Gaulle n'avait pas mâché ses mots quand, pour préparer sa conférence sur l'Algérie, il avait reçu séparément, Portolano, Laradji et Lauriol.
Ce dernier, député d'Alger, est un juriste éminent.
A lui aussi de Gaulle avait tenu des propos peu rassurants : « l'Armée ne fait que des conneries, elle a fait l'affaire Dreyfus, elle a fait Pétain, et maintenant elle veut faire l'intégration. Cent mille morts fellagha glorifient une cause. Les magistrats des tribunaux militaires sont des incapables et des médiocres .qui font une répression sans nuance, ce ne sont que des exécuteurs de hautes œuvres. Les musulmans ne seront jamais des Français, ils détestent les Français d'Algérie, ils attendent de moi que je leur ramène Ferhat Abbas. »
Alger, sans Ferhat Abbas, mais baigné par le soleil, apparut, enfin, à travers les vastes hublots de la Caravelle.
La ville était calme, trop calme peut-être. A Reggane l'heure H était proche, l'explosion de la première bombe atomique française n’allait plus tarder.
A l'hôtel Aletti, quelques dames de petite vertu font le couloir comme on fait le trottoir rue Saint-Denis, mais, plus une chambre à louer. Tous les hôtels d'Alger étaient complets, les journalistes étaient à l’affût.
Le jeune avocat Jacques Laquière, trente-trois ans, est un des leaders du Front National Français que dirige Joseph Ortiz. Avocat du barreau d'Alger, Jacques Laquière travaille avec son père le bâtonnier d'Alger.
Membre du Yatching club, descendant d'une vieille famille algéroise, il est classé parmi les «ultras», à un journaliste, ami, lui qui déclare :
- Je pars demain pour Reggane, je dois assister à l'explosion de la bombe atomique.
Il rétorque
- Tu as déjà manqué le treize mai, je t'assure que tu devrais rester ici. Il va sûrement se passer des événements importants bientôt. La bombe, c'est peut-être ici qu'elle va exploser.
Mais à Alger on cause, on cause toujours, bien qu'on n'y lise guère Zazie dans le métro…
Sur la route d'Hydra, à côté de l'hôtel Saint Georges et à un jet de pierre du Palais d'été, une petite guérite de bois se dresse devant l'état major d'Alger au quartier Rignot.
Là, un C. R. S. contrôlait l'entrée de tous les visiteurs, il semblait un tout petit peu anormal que des militaires se fissent garder par des C. R. S. !
Au fond de la cour des palmiers donnent à ces bâtiments militaires une allure de bungalow.
A gauche, les petits locaux du cinquième bureau.
Le colonel Gardes s’y active, son éternelle pipe au coin de la bouche.
Le chef du ·cinquième bureau est un garçon de taille moyenne qui a tout à fait l'allure du fort en math, sympathique : cheveux en brosse, visage ouvert, yeux marron. C'est un partisan résolu de l'Algérie française et de la promotion musulmane.
Le colonel, est un homme qui pèse chaque mot avant de parler. Il n'est pas tortueux, tant s'en faut, mais il n'est guère bavard même avec les gens en qui il a confiance.
Fils unique d'importants restaurateurs, un avenir tranquille l'attendait au restaurant des Ministères, rue du Bac.
Très doué, il préparait le concours de polytechnique lorsque la guerre survint.
Il choisit le métier des armes et fit Saint-Cyr. Il en sortit pour entrer dans une guerre de vingt ans: campagnes d'Afrique, d'Italie, de France, d'Allemagne et d'Indochine.
En Indochine, il apprit dans les rizières qu'une guerre ne se gagnait pas seulement par les armes et, comme le disait Lyautey, que « celui qui n'est que militaire est un mauvais militaire ».
Sa fonction de directeur du Service Presse Information, créé par de Lattre de Tassigny allait en faire un spécialiste de l'action psychologique.
Rapatrié d'Indochine, il fut nommé chef du deuxième bureau du commandement en chef du Maroc sous les ordres du général Duval.
Il participa à l'opération de renseignements qui permit le 22 octobre 1956 d'intercepter l'avion qui transportait Ben Bella, Khider, Rocine, Lacheraf et Boudiaf de Rabat à Tunis.
Aujourd'hui, chef du cinquième Bureau à Alger, c'est-à-dire de l'action psychologique, le colonel Gardes est l'un des hommes qui connaissent le mieux l'état d'esprit de la population d'Algérie et ce que pense l'armée au sein de laquelle il jouit d'un prestige important.
Au même journaliste qui lui demande, de lui obtenir un passage sur un avion militaire pour se rendre à Adrar d'abord, à Reggane ensuite, il déclare, lui aussi :
- Je crois que vous devriez retarder votre départ. Je crains qu'il ne se passe à Alger de graves événements si Paris ne fait rien pour les prévenir. Votre voyage au Sahara peut attendre quelques jours. Ce n'est pas si urgent si vous connaissez la date prévue pour l'explosion.
Obstiné, il alla tout de même solliciter du commandant Cogniet du service psychologique une intervention pour avoir ce passage pour le Sahara.
En se rendant au Gouvernement Général où était le commandant il, aperçut tout autour du building du G. G. des forces de police en nombre si insolite qu’il décida soudain, de retarder son départ pour Reggane.
Les escaliers qui descendent du Forum conduisent devant le monument aux morts, masse de pierre aux contours tarabiscotés et qui n'attire pas beaucoup les regards.
En contrebas, tout proche, dans le port, la masse grise des bateaux à l'ancre fait partie du décor d'Alger depuis bientôt cent ans.
Après avoir traversé la rue Charles-Péguy au 4 du boulevard Lafferrière sont installés les bureaux des députés d'Alger Marçais et Lauriol, bureaux mis à la disposition des élus algériens du groupe Unité de la République.
Dans le second bureau, Galhem, Biaggi, Ben El Kadi, Vinciguerra sont plongés dans la lecture des journaux et commentent l'évolution de l'affaire Massu.
Député musulman d'Alger, Galhem affiche en toutes circonstances une souriante bonhomie. Rondelet, de petite taille, il fait souvent équipe avec Ioualalem le Kabyle, député d'Aomar en Kabylie, qui n'est pas encore arrivé à Alger.
Vinciguerra est de taille moyenne, athlétique, brun comme peut l'être un Corse.
Depuis des années il est à la tête du combat pour l'intégration.
Le musulman Bel El Kadi est un homme réservé, courageux, il accomplit sa tâche de député sans trop se soucier de sa condamnation à mort par le F.L.N.
A force de vivre avec la mort aux trousses, les députés musulmans parviennent à s'y habituer.
Entre ces hommes de races et de religions différentes règne une entente totale qu'on ne trouve pas toujours entre les députés métropolitains. Et Biaggi, « le fasciste » compte ses meilleurs amis parmi les députés musulmans.
Que faisait Biaggi à Alger? La rumeur prêtait de nombreux mobiles à la présence ici de l'homme qui prit une grande part aux événements du 6 février 1956, c'est-à-dire au remplacement de Catroux par Lacoste et à la conversion instantanée de Guy Mollet aux dogmes de l'Algérie Française.
En réalité, Biaggi, à Alger depuis le 18 janvier, était venu plaider dans une grosse affaire de faux en écritures publiques et détournements de fonds. Il avait obtenu, après une laborieuse plaidoirie la mise en liberté de son client Me Chouraqui, notaire à Bou Saada sous réserve que ce dernier verse une caution de dix millions de francs. Il s'apprêtait à rejoindre Paris quand la révocation de Massu fut connue à Alger.
Surveillé par des « anges gardiens», Biaggi en dépit de son embonpoint se révélait aussi agile qu'un renard poursuivi par une meute. Il dormait ici et là, entrait par une porte, sortait par une autre, sautait dans un taxi, le quittait pour monter dans une voiture particulière; il était insaisissable.
Quand il avait semé ses gardiens, le facétieux Biaggi se montrait alors au bar de l'Aletti où les policiers sont aussi nombreux que les clients.
L'hôtel Aletti est le seul endroit d'Alger où voisinent le sympathisant F.L.N., l'activiste, le député musulman condamné à mort par le F.L.N., le libéral, le militaire, le policier, le souteneur, la femme du monde et la fille soumise.
L'Aletti n'est pas tout Alger, tant s'en faut, mais véritable Sodome à lui tout seul il explique qu'à Alger tout soit possible.
Dans cette ville de 800 000 habitants où foisonnent des hommes de paille, des maquereaux, des hommes politiques vénaux, de vrais policiers et des gardes du corps payés à la journée, des tueurs à gages et des fonctionnaires de tout acabit, tout peut se produire même l'imprévisible.
L'imprévisible, ce n'était pas une manifestation de masse, elle était prévue depuis longtemps.
Depuis plusieurs mois avait été déposé sur le bureau du Premier ministre un rapport sur l'état d'esprit à Alger dans lequel tout était prévu.
Ce rapport était signé Delouvrier. L'imprévisible ; C’était le nombre des morts.
23 janvier 60 Les CRS ont pris position au G.G.
Dernière édition par GOMER le Sam Jan 28 2023, 10:23, édité 1 fois
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 10:20
Les barricades – Prélude
Deux hélicoptères emmenaient Jacques Chaban-Delmas, le général Gilles, le colonel Bigeard et le lieutenant-colonel Crespin à la bourgade de Jeanne-d'Arc, coquette station située à 15 kilomètres de Philippeville.
La suite était transportée dans un cortège de voitures qui arrivèrent à Jeanne-d'Arc par une route pittoresque, se faufilant au milieu des vallonnements verdoyants du nord constantinois.
Sur les murs d'une maison, l'armée avait écrit en grosses lettres : « Tous Français, tous égaux », « le F.L.N. c'est la famine et la mort », « la France c'est du travail, du pain, la paix, le bonheur. »
A l’arrivée au centre Jeanne-d'Arc, où des fellaghas ralliés présentaient les armes. Ils avaient fière allure, ces anciens insurgés, sous la casquette bariolée des paras, appelée à tort ou à raison casquette Bigeard.
Dans une salle de conférences, le colonel Bigeard s'adressa d'abord au ministre assis au premier rang à un bureau d'écolier. Les murs de la salle étaient recouverts de maximes telles que « OSER ET VAINCRE », « Être à l'heure c'est déjà être en retard ».
Debout devant lui une centaine d'officiers qui suivaient le premier stage de l'école pour la guerre révolutionnaire, le colonel enchaîna :
- Les gars, je ne suis pas un conférencier, hein! Vous savez comme moi que l'ouverture de ce stage coïncide avec une heure particulièrement grave de notre histoire. Mais je ne suis pas un politicien et il ne m'appartient pas de vous dire ce qui se passe en France.
Le corps sans cesse en mouvement, se balançant d'une jambe sur l'autre, Bigeard parlait. Le langage de cet homme, qui n'est pourtant pas un orateur, allait droit au cœur des officiers il exerçait sur eux l'ascendant direct du chef animé par une foi inébranlable.
- Le but de cette école est de rénover l'armée, au physique comme au moral. Ne pas la laisser se scléroser dans cette guerre mouvante. Devancer l'adversaire, le battre sur tous les terrains et faire vite. Tout cela a déjà bien trop duré. Vous me comprenez, hein!
A son tour, le député-maire de Bordeaux prit la parole. Aussi séduisant par son éloquence que par son physique, l'homme politique fit un exposé brillant sur l'Algérie et les forces en présence. Il termina en affirmant :
Messieurs, vous êtes ici la France ! Vous menez un combat difficile, ingrat, contre un ennemi qui se dérobe, mais votre combat est - j'en suis persuadé- le dernier combat de la France en tant que pays libre. Vous combattez aussi pour la défense de l'Occident. Grâce à vous la France n'abdiquera pas, elle est ici chez elle et elle y restera dans l'intérêt des populations musulmanes. Au nom du Pays, je vous dis merci. Continuez à bien mériter de la patrie.
Ainsi fut inauguré le centre de la guerre subversive. Les paroles de Jacques Chaban-Delmas étaient lourdes de sens et prenaient une singulière résonance en cette période d'inquiétude et de tension.
Après le déjeuner en commun servi dans une grande salle d'où l'on voyait la mer à travers de vastes baies vitrées, le ministre prit le colonel à part et l'entraîna dans les allées du camp. Ils étaient comme deux grands amis heureux de se retrouver.
Jacques Chaban-Delmas avait passé son bras autour des robustes épaules de Bigeard. Ils avaient le même âge - un peu plus de quarante ans. L'un était ministre, l'autre colonel. Rien ne les séparait à l'époque, leurs objectifs étaient communs : vaincre la rébellion et assurer la pérennité de l'Algérie, province française.
Qui aurait dit alors que les méandres de la politique pourraient un jour séparer ces deux hommes?
Et pourtant, cette école révolutionnaire, imposée par le ministre de la Défense nationale contre la volonté de tous les états-majors, devait être supprimée avant son second anniversaire par le Gouvernement de la Ve République.
Mais ceci est une autre histoire de l’Histoire. Un chef a ses raisons que les sujets ne connaissent pas. Le peuple ne doit pas tout savoir pour qu'il reste soumis.
L'avion nous ramena tout ce monde vers Paris.
Au-dessus de l'École Bigeard, accroché très haut au sommet d'un mât, le fanion jaune des paras se détachait sur le bleu de la mer et du ciel. Sa devise était, écrite en épais caractères noirs: OSER ET VAINCRE.
A Paris, ce dimanche soir, les files de voitures avançaient mètre par mètre aux portes de la ville. La journée avait été belle.
On attendait Sophia Loren, Raymond Kopa et les basketteurs chinois. Behra avait remporté une course de moyenne cylindrée en Italie.
La France était sans gouvernement depuis 28 jours, mais le peuple de Paris et le peuple de France n'y attachaient qu'une importance restreinte.
Le Pays n'était mûr ni pour une révolution, ni pour la guerre civile. Allons! Tout allait s'arranger, une fois encore.
A l'Élysée, le vieux Président Coty poursuivait ses consultations avec Pflimlin. Robert Lacoste était à la campagne en Dordogne. La course aux maroquins était engagée, mais pour une fois les amateurs étaient rares. La révolte grondait à Beyrouth, où les insurgés dressaient des barricades, mais le Liban n'était pas l'Algérie ...
On avait déjà oublié l'affreuse nouvelle reçue hier après-midi de Tunis, mais dans trois familles de France on pleurait trois morts, trois soldats de vingt ans : le sergent Richomme, les soldats Decourteux et Feuillebois.
Ces trois jeunes Français avaient été assassinés par le F.L.N. sans aucune forme de procès. Ils avaient été faits prisonniers depuis plusieurs mois, quand les chefs F. L. N. décidèrent de les exécuter.
Ils poussèrent cette fois le cynisme un peu trop loin en publiant de Tunis une dépêche transmise par l'agence américaine Associated Press. La dépêche annonçait que les trois soldats français avaient été condamnés à mort par un tribunal militaire de l'Armée de Libération Nationale et exécutés.
C'était le samedi 10 mai.
Au ministère de la Défense nationale, lorsque la dépêche tomba sur le télétype, le chef des services de Presse, le colonel Jean Gardes, atterré, dit: « Il est trop tard maintenant pour retenir les gens d'Alger. »
Deux jours plus tard quarante mille Algérois montaient au Forum. Le Gouvernement général était pris par les insurgés.
On parlait de complots, mais, vrais ou faux, les complots ne comptaient guère devant la colère et la détermination du peuple d'Alger qui tout entier s'était soulevé contre un gouvernement et un régime qu'il ne reconnaissait plus. Arnould, Delbecque, Lagaillarde, Laquière, Martel, Massu, Pouget, Paldacci, Parachini, Ribeaud, Salan, de Sérigny, Thomazo, Vinciguerra et de nombreux musulmans créaient à Alger le premier comité de Salut Public.
Ce fut indiscutablement grâce à ces hommes et à la foule d'Alger que l'exilé de Colombey s'arracha à la rédaction du dernier tome de ses mémoires et reprit la barre du vaisseau désemparé qui prenait l'eau de toutes parts…
Pendant ces journées de suspense qui succédèrent au 13 mai, la Presse presque unanime et l'information en général - on l'a peut-être trop vite oublié - prirent ouvertement la défense de Pflimlin et ce par des moyens souvent fort éloignés de l'information objective. Du Figaro à l’Humanité le mot « factieux» venait sans cesse sous la plume des directeurs de journaux, qui écrivaient eux-mêmes un éditorial chaque jour.
Le journal Le Monde mettait en garde le pays contre la dictature gaulliste.
L’Humanité titrait après la première déclaration du Général: « De Gaulle jette le masque ».
Le lecteur, heureusement, ne conserve pas son journal pendant plus de deux ou trois jours!
Dans toute la France, les organisations dites de droite étaient dissoutes, leurs membres arrêtés. L'état d'urgence était proclamé. Soustelle devait s'enfuir accroupi dans la malle d'une voiture. Biaggi avait un mandat d'arrêt délivré contre lui.
A la veille de l'investiture de Pflimlin, Chevigné qui allait être ministre de la Défense nationale déclarait « quarante-huit heures après l'investiture, je me fais fort de tout faire rentrer dans l'ordre ».
Si cela avait été, si les insurgés d'Alger avaient eu le dessous, les prisons auraient été trop étroites pour contenir tous les « factieux» et la moitié au moins des chefs militaires de valeur auraient été relevés de leur commandement.
C'était dans la logique des choses.
Mais le sursaut populaire d'Alger ne pouvait être arrêté. La Ve République était proclamée et le 4 juin à Alger, le général de Gaulle déclarait:
« Je vous ai compris (...) Eh bien! De tout cela je prends acte au nom de la France et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui la France considère que dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants, il n'y a que des Français à part entière ... »
Mais il ne prononçait pas le mot intégration. - « Le ver est-il déjà dans le fruit?» murmurait Jacques Laquière à Delbecque, au balcon du Gouvernement Général où manquaient Max Lejeune et Jacquinot, enfermés à double tour dans un bureau.
Devant la porte, le géant Parrachini veillait à ce que personne ne vienne libérer les deux prisonniers qui avaient commis le crime d'appartenir à la IVe République.
Avec un ensemble touchant, toute la presse était devenue gaulliste excepté les journaux de gauche qui refusaient la « dictature ».
Pendant vingt mois l'Algérie subissait chaque jour un peu plus cette guerre qui ne voulait pas finir.
Le peuple d'Alger semblait s'être assagi et avoir perdu l'habitude des grands meetings quand l'affaire Massu remit tout en question le 22 janvier 1960.
Bigeard reçoit Chaban Delmas
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 10:28
Massu mis à mort par un journaliste « les dés sont jetés »
Une demi-douzaine de photographes cernaient l'hôtel Raphaël ce mercredi soir 20 janvier 1960.
Il était vingt-deux heures. Un cabriolet Cadillac s'arrêta dans la contre-allée de l'avenue Kléber et une femme blonde en descendit.
Elle paraissait très jeune; son manteau de vison lui arrivait juste au-dessous des genoux, découvrant des jambes admirables.
Accompagnée d'un chevalier servant très brun, d'une trentaine d'années, elle pénétra dans l'hôtel.
L'ascenseur était à gauche au fond du couloir. Avant de l'atteindre, ils passèrent tous deux devant le bar, à droite, où deux photographes étaient en faction.
Pour une fois aucun flash ne les éblouit et ils s'en étonnèrent sans doute, ignorant que ce soir les reporters chassaient un gibier qui n'appartenait ni au tout Paris ni au tout Hollywood.
Lorsqu'à leur sortie de l'ascenseur, Marlène Dietrich et Raf Vallone croisèrent un homme au physique de Cyrano de Bergerac, ils ne reconnurent pas le général Massu.
Habillé d'un costume sombre, il ressemblait à un paysan qui avait mis son costume du dimanche, son nœud de cravate n'était pas très orthodoxe.
Le commandant du Corps d'Armée d'Alger n'était décidément pas à son aise dans cet accoutrement.
Il allait chez Mme Arpels qui habite un luxueux appartement de l'hôtel.
Mme Arpels, appelée Lulu par ses nombreux amis, appartient à la famille des diamantaires Van Cleef et Arpels qui ont pignon sur rue à Paris et à New York.
Dans le salon de Lulu Arpels ont défilé depuis bien avant mai 1958 de nombreux personnages politiques et militaires.
Très liée avec Mme Massu, précédemment mariée avec Me Henry Torrès, il était normal qu'elle accueillît Jacques Massu, ce soir surtout où le réconfort d'une amitié sincère pouvait mettre un peu de baume au cœur meurtri du guerrier.
Encore jeune, blonde, très soignée, Lulu Arpels reçut « Jacques » comme une grande sœur qui remonte le moral de son frère cadet puni après avoir commis une sottise.
Cette fois la sottise était de taille. Pendant que la colère grondait chez les colons de la verte plaine de la Mitidja ou les assassins du F. L. N. massacraient vieillards et enfants au berceau, le général Massu avait ouvert sa porte à un journaliste allemand du nom de Kempski. Il lui avait fait , en off, des révélations surprenantes :
« De Gaulle ne comprend pas les musulmans.
Si nous continuons ainsi on l'interprétera comme une faiblesse (...). L'armée a la force.
Elle ne l'a pas montrée jusqu'à présent parce que l'occasion ne s'en était pas encore présentée, mais, elle fera intervenir sa force si la situation le demande.
Nous ne comprenons plus la politique du Président de Gaulle.
L'armée n'a pas pu prévoir qu'il ferait une telle politique.
Cela ne vaut pas seulement pour la politique en Algérie du Président, dont le plan de Constantine, approuvé par l'armée, apparaît sans objet depuis qu'il est devenu évident que les peuples africains ne songent à utiliser l'autodétermination qui leur est accordée que pour quitter tôt ou tard la Communauté française. Notre plus grande déception a été de voir le .général de Gaulle devenir un homme de gauche. »
A propos des événements de mai 1958 le général Massu expliquait:
« De Gaulle était le seul homme à notre disposition. L'armée a peut-être commis une faute »
.
Invité à préciser s'il était exact que l'armée encourageait les civils à s'armer et au besoin leur fournissait des armes, Massu répondit:
« Le général de Gaulle ne verrait pas cela d'un bon œil, mais pratiquement cela se fait. »
En conclusion de son interview le journaliste allemand déclarait que le général Massu et la majorité des officiers chargés d'un commandement n'exécuteraient pas inconditionnellement les ordres de de Gaulle.
Lorsque le journal munichois Süddeutsche Zeitung reproduit l'interview, le pavé était jeté dans la mare. Il risquait d'éclabousser sérieusement la politique du gouvernement à la veille de la conférence algérienne de l'Élysée.
Tous les journalistes français et étrangers présents à Alger furent très étonnés d'apprendre que le général Massu avait accordé une interview à un de leurs confrères.
Tous savaient combien il était difficile pour ne pas dire impossible d'être reçu par Massu. Depuis de longs mois, il refusait formellement de recevoir des journalistes. Pourquoi donc avait-il accordé une entrevue au journaliste allemand?
- Sur la recommandation de son supérieur, le général Challe, a affirmé Kempski.
Le général Challe n'a pas démenti.
Mais en journaliste respectueux de la parole donnée, Kempski n'a pas révélé le nom et la qualité de la personne qui l'avait recommandé au général Challe.
Il apparaît certain que cette personne est un haut personnage du quai d'Orsay.
Le patron de Kempski était Herr Friedman, Président directeur de la Süddeutsche Zeitung.
Il y a quelques mois, au cours d'un débat qui se déroulait dans les murs de verre de la «Bayerische Fernschgesellschaft », la télévision allemande, Herr Friedman reprochait au ministre de la Défense de l'Allemagne de l'Ouest, Strauss, d'être fascisant et du type militariste revanchard.
Strauss lui répondit: « Herr Friedman, savez-vous que Je n’ignore pas que vos rapports avec l'Allemagne de l'Est et avec Moscou sont excellents. N'êtes-vous pas possesseur d'un plan ou plutôt d'instructions que vous a communiquées Moscou? »
On doute que, si le brave général Massu avait su tout cela, il se soit laissé berner par le journaliste, ancien parachutiste de l'Afrika Corps, presqu’un collègue.
A Paris, Kempski avait rencontré un des tout premiers personnages de l'ambassade des U.S.A. qui le présenta à un officier français de haut rang.
Un après-midi de janvier le journaliste allemand s'envolait de Villacoublay dans l'avion de l'officier français qui l'accompagnait jusqu'à Alger.
Immédiatement après la publication de l'interview en France, un porte-parole de l'état-major d'Alger déclarait que le général Massu n'avait accordé d'interview à personne, mais reconnaissait qu'il avait eu une conversation avec Kempski.
Le général Massu arrive à L’Elysée
Convoqué à l'Élysée par le Président de la République, Massu lui aurait déclaré :
- Mon général permettez-moi de vous dire que vous êtes entouré d'une bande de c ...s
- Massu, aurait répondu le général de Gaulle, vous avez bien raison.
Historiques ou non, ces paroles ne nous révèlent pas ce que de Gaulle et Massu se sont dit sur le fond de l'affaire et le problème algérien.
A sa sortie de l'Élysée, Massu confiait à quelques intimes : « Je ne reconnais plus le général de Gaulle. »
Malgré tous les démentis étalés dans la Presse, le général Massu était relevé de son commandement, ce qui était la meilleure preuve de la réalité de l'interview.
Le soldat légendaire, le héros de la campagne de France, l'officier exemplaire de Leclerc en Indochine, le vainqueur de la bataille d'Alger avec les colonels Godard, Bigeard, Broizat, était tombé dans le piège.
Il était condamné à tourner en rond dans sa chambre de l'hôtel Raphaël; il n'y comprenait plus rien et se demandait si quelqu'un de haut placé dans les sphères gouvernementales n'avait pas amorcé en lui envoyant ce damné journaliste, le déroulement d'un plan machiavélique.
A Paris et à Alger de nombreux officiers de tous grades disaient: « Massu est victime d'une provocation ».
Certains mêmes osaient dire qu'il s'était fait le complice de ceux qui lui avaient envoyé le journaliste allemand.
Pour qui connaît Massu et sa droiture de soldat une telle hypothèse était impensable.
On avait voulu se débarrasser de lui par un procédé douteux.
En militaire discipliné il s'inclina et laissa à ses supérieurs le soin de démentir - partiellement tout au moins -le compte rendu de l'envoyé spécial de la Süddeutsche Zeitung.
La conférence algérienne de laquelle il fut évincé, n'apportait pas d'éléments nouveaux importants sur la politique algérienne du gouvernement et réaffirmait la déclaration du 16 septembre.
A l'hôtel Saint-Georges, le général Crépin attendait depuis quinze jours sa nouvelle affectation quand il fut nommé commandant du Corps d'Armée d'Alger.
« Les dés sont jetés, ils roulent, comment s'arrêteront-ils?» déclara le député Marçais dans le bureau du 4, boulevard Lafferrière.
Le Bachaga Boualem, vice-président de l'Assemblée nationale arrivait du bled en voiture. Deux Harkis armés jusqu'aux dents l'accompagnaient.
L'un deux était son propre fils. Mourad Kaouah était là lui aussi.
Député de la Casbah, Kaouah quand il ne siège pas à l'Assemblée nationale, visite chaque jour ses électeurs de la Casbah de son pas élastique d'ancien international de football.
C'est un des rares députés musulmans à n'être pas armé.
Pendant que les députés rédigeaient leur première déclaration, Biaggi descendait en sautillant les escaliers du boulevard Lafferrière.
Au matin du samedi 23 janvier 1960, le député de Paris quittait le G.G. où il s'était entretenu brièvement avec le Délégué général Delouvrier qui lui avait conseillé de quitter Alger où « sa présence pourrait être interprétée comme un encouragement au désordre ».
En fait, Biaggi était, une fois n'est pas coutume, le calme et la sagesse personnifiés.
Il déclara à plusieurs journalistes: « Je ne suis ici que par solidarité avec mes collègues d'Alger, c'est pour cela que je reste avec eux pendant ces heures critiques de notre histoire mais je leur laisse le soin de prendre toutes les décisions qu'ils jugeront utiles. Je leur fais confiance. »
Leur déclaration hâtivement tapée à la machine, le Bachaga Boualem la mit dans sa poche et, suivi de ses collègues, se rendit au G. G. où le Délégué général les attendait.
- Monsieur le Délégué général, voici le texte précisant notre position face aux événements actuels:
« Les Parlementaires soussignés présents à Alger, considérant que le gouvernement actuel de la Ve République par des violations permanentes tant de la lettre que de l'esprit de la constitution a peu à peu transformé le régime de la France pour aboutir en fait à l'institution d'un pouvoir personnel, parfaitement éclairés maintenant par les déclarations faites à leurs collègues Portolano, Laradji et Lauriol par le général de Gaulle sur l'usage que l'on prétend faire d'un tel pouvoir en ce qui concerne le règlement du problème algérien,
« Considérant que cet usage conduit inéluctablement à trahir la confiance des musulmans qui se sont donnés à la France, et aboutit à la dislocation et à la ruine de l'Algérie et de la France toute entière,
« Conscients d'exprimer en pleine communion avec les élus locaux, mieux que quiconque, les sentiments français et la volonté française des populations qu'ils ont l'honneur de représenter, font connaître à Monsieur le Président de la République qu'ils lutteront de toutes leurs forces contre la poursuite d'une telle politique à la fois illégale et illégitime.
Après l'avoir lu attentivement, le Délégué général demanda à ses visiteurs de ne pas rendre ce texte public.
- Nous nous engageons sur l'honneur à ne pas le publier avant quarante-huit heures, déclara le député Marçais.
Ils parlèrent d'une éventuelle manifestation de la foule.
- Je m'y oppose, répondit M. Delouvrier. Si les manifestants passent outre et si la manifestation risque d'engendrer le désordre je donnerai l'ordre de tirer.
Le dialogue s'arrêta là.
A deux autres députés le Délégué général aurait déclaré : « Je serai, au premier rang des forces de l'ordre. »
Un terrible drame de conscience commençait pour Paul Delouvrier, ou plutôt recommençait. En effet, peu après la déclaration du 16 septembre une manifestation de masse avait failli avoir lieu.
La question de tirer ou de ne pas tirer avait déjà été posée.
Le général Massu avait déclaré lui aussi « je ferai tirer ».
- Et s'il y a 100 000 personnes? Lui avait-on demandé.
- Dans ce cas évidemment ...
Au même moment on avait prêté au général Challe des propos différents : « Je ferai tirer, ensuite je me suiciderai. »
Désigné après la dissolution des comités de Salut Public au poste difficile de Délégué général en Algérie, Paul Delouvrier succédait en fait à Robert Lacoste.
C'est un homme droit, estimé, un travailleur infatigable. Père de cinq enfants, ancien inspecteur des finances, il fut, sous l'occupation un résistant notoire qui mena contre les Allemands le dur combat des maquis.
Du Gouvernement général, où l'ont précédé des hommes aussi différents que Naegelen le socialiste mou, Soustelle le gaulliste de la première heure, Lacoste le socialiste dur, il a une vue plongeante sur le boulevard Lafferrière qui descend jusqu'à la mer.
Il sait que c'est par là que les manifestants arrivent toujours et que c'est ici que les révolutions réussissent ou échouent.
Quelle responsabilité est plus lourde que celle de ce père de famille qui demain peut-être devra donner ou transmettre un ordre qui entraînera la mort de dizaines ou de centaines d'hommes, de femmes, d'adolescents ?
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 10:35
En scène pour le premier acte!
Lagaillarde arriva au 4 du boulevard Lafferrière en même temps que les députés.
Il portait un costume marron et une chemise de nylon. Sa barbe très soignée soulignait son menton volontaire d'entraîneur d’hommes…
Ses yeux tombèrent sur une copie du texte communiqué au Délégué général.
- C'est bien, ça. Bon! …Quand organisons nous une manifestation?
- C'est trop tôt! répondit quelqu'un.
- Trop tôt, répliqua Lagaillarde; vous pensez peut-être que pour agir il faut attendre que Ben Bella soit installé là-haut? Et il tendait un doigt accusateur vers le G. G.
La colère mettait de la couleur au visage de Lagaillarde, il prit la copie du texte « pour la porter à l'A. F. P. »
- C'est impossible, nous avons promis sur l'honneur à Delouvrier de ne pas le rendre public, expliquait Marçais qui dominait tout le monde d'une demi tête.
- VOUS avez promis, moi je n'ai rien promis, rien signé. Maintenant je pars.
On n'empêche pas Lagaillarde de faire ce qu'il a décidé.
De plus, ses collègues députés éprouvaient devant lui un certain complexe depuis le débat d'octobre sur la politique algérienne à l'issue duquel l' Assemblée par une majorité écrasante (441 voix contre 23) approuva la politique algérienne du gouvernement.
Ce jour-là non seulement Lagaillarde vota contre le gouvernement, mais promit de ne pas remettre les pieds à l'Assemblée.
A une heure trente du matin, alors que les huissiers éteignaient les lumières du Palais Bourbon, Le Pen et Lagaillarde descendaient les marches de l'escalier principal en entonnant le chant des partisans. Roger Frey, l'élégant ministre de l'Information les croisa dans l'escalier, scandalisé.
« Ohé! Partisans, ouvriers, paysans, c'est l'alarme « était les dernières paroles que prononça Pierre Lagaillarde à l'Assemblée nationale.
Il n'y revint jamais.
Agé de vingt-neuf ans, Pierre Lagaillarde est tout le contraire d'un politicien:
Il n'a d'ailleurs jamais appartenu à aucun mouvement politique et ne fut candidat à la députation que grâce à un curieux concours de circonstances.
Une heure avant la clôture des listes électorales, l'instituteur Mouchand, amputé des deux bras après un accident dû à l'explosion d'une grenade, se récusa.
Il demanda à Lagaillarde de le remplacer dans la liste d'Arnould, qui lui préféra quelqu'un d'autre.
Le jeune avocat fit alors sa propre liste avec Vinciguerra, Kaouah et Djebbour.
Pendant une réunion électorale on lui demanda: « Que pensez-vous de la réforme fiscale? »
- J’ignore tout de cette question, répondit le candidat, pourquoi discuter de problèmes qui sont secondaires dans les circonstances actuelles.
Le seul problème pour nous est de savoir si dans trois ans le drapeau français flottera toujours sur Alger.
Titulaire des deux baccalauréats à 16 ans, il était avocat à 21 ans.
Après son sursis, il accomplit son service militaire et est reçu major au concours des E. O. R. de Cherchell.
Il sort avec le grade de sous-lieutenant de l'école d'Artillerie de Châlons sur Marne et est volontaire pour servir dans une unité parachutiste.
Il est décoré de la croix de la valeur militaire et est cité trois fois.
Considéré par ses adversaires comme un ambitieux n'a-t-il pas refusé à 28 ans un poste de secrétaire d'État qui aurait pu être pour lui le début d'une brillante carrière politique?
Mais « les jeux et les délices du système» ne l'attiraient pas.
Pourtant quand Paul Del ouvrier lors de son arrivée à Alger déposa une gerbe au monument aux morts, Lagaillarde qui était là pour l'accueillir se fit traiter de « vendu» par de jeunes étudiants et par Mme Joseph Ortiz.
Voilà à la veille du 24 janvier l'histoire de Pierre Lagaillarde dont un arrière grand-oncle fut le député Baudin qui trouva une mort illustre sur une barricade de Paris en s'écriant : « Voici comment on meurt pour 25 francs».
Une balle lui traversa le cœur.
C'était l'époque où les députés montaient sur les barricades.
Tenant à la main la déclaration des députés, Lagaillarde tourne à gauche dans le boulevard Lafferrière, remonte la rue Charles- Péguy et, au pas de course, se rend à l'Otomatic, petit bar d'étudiant situé, à vingt mètres des Facultés.
Déjà la grève générale est déclenchée à Alger, sans qu'on puisse savoir qui en a donné l'ordre.
Il aura suffit sans doute qu'un magasin ferme son rideau de fer pour que la nouvelle se répercute en quelques minutes de Belcourt à Bab El Oued.
Les grilles de l'Otomatic sont aux trois quarts fermées.
Lagaillarde appelle un étudiant qui se trouve dans le café.
- Téléphone à l'A. F. P. afin qu'ils envoient quelqu'un chercher un communiqué.
Avec un crayon il remplace les nous par des je et signe le texte de son nom après avoir rayé celui des autres députés.
Il déclare ensuite à quelques fidèles réunis autour de lui: « Tenez-vous prêts pour cet après-midi; même si Ortiz et les anciens combattants ne bougent pas, nous déclencherons notre manifestation ».
Visiblement les troupes de Lagaillarde ne sont pas nombreuses.
Il doit avoir avec lui quinze ou vingt fidèles en tout. Susini, son premier lieutenant, est passé chez Ortiz au Front National français.
Après avoir déjeuné d'un sandwich et d'un verre de bière il parcourt les cent mètres qui séparent l'Otomatic des Facultés.
Imposants monuments presque centenaires, les Facultés d'Alger portent en lettres d'or sur leur fronton l'année de leur ouverture : 1886.
Leur cour est un vaste jardin ombragé de palmiers et d'eucalyptus.
On y entre par un lourd portail de fer qui ouvre ses deux vantaux sur la rue Charles- Péguy. Cet après-midi il est verrouillé.
Pour entrer il faut passer par la petite rue Edouard-Cat, qui longe les bâtiments, et pénétrer par la gauche dans une allée qui monte jusqu'au perron central. A droite un escalier mène au premier étage.
Pierre Lagaillarde en gravit les marches quatre à quatre, il traverse une salle de cours encombrée de bureaux, il ouvre une porte, suit un petit couloir, ouvre une seconde porte à droite et pénètre enfin dans le petit bureau qui deviendra son poste de commandement.
Pendant ce temps à l'angle du boulevard Lafferrière et de la rue Charles Péguy, au n° 1 de celle-ci, un petit homme coiffé d'un large béret pénètre dans l'immeuble de la Compagnie algérienne, une des plus grosses banques d'Afrique du Nord.
Il porte un lourd appareil de sonorisation et un micro caché sous son imperméable.
Il met une pièce de cinq francs dans l'ascenseur; car à Alger tous les ascenseurs fonctionnent grâce à ce procédé qui ferait sourire les Parisiens.
Au deuxième étage l'homme au béret entre dans un grand bureau où l'attendent Joseph Ortiz, Jacques Susini, Jacques Laquière ; les trois chefs de file du Front National Français.
Pierre Lagaillarde
Personne ne sait encore que c'est ici que sera le cerveau de la manifestation.
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 10:41
Il est maintenant trois heures de l'après-midi.
Deux à trois cents jeunes gens sont massés un peu plus haut que les Facultés, juste en dessous du tunnel qui relie la rue Berthézène au boulevard Saint-Saëns et à la rue Michelet.
Prolongement de la rue Charles Péguy, cette dernière monte en serpentant au milieu des ficus, entre les jardins de l'exotique parc Galland et le palais du Gouverneur.
Les manifestants sont groupés sur chaque trottoir, ils scandent les cris : « Algérie française, c'est Massu qu'il nous faut, de Gaulle au poteau ».
Les voitures se faufilent lentement au milieu de la cohue et leurs occupants sont invités à klaxonner les cinq coups symboliques qui scandent le slogan : Algérie française.
Les automobilistes s'y prêtent de bon cœur et en quelques minutes la ville tout entière résonne de coups de klaxon.
Quelques cars de C. R. S. patrouillent dans la ville, les gendarmes de la police d'Alger prient les manifestants de laisser circuler les voitures et ajoutent: « Pas de grabuge, nous sommes avec vous ».
Soudain Lagaillarde apparaît sur la bordure des Facultés.
Déjà il est maître des bâtiments, qu'il occupe à lui seul!
L'après-midi s'écoule sans autre incident. La nuit tombe sur Alger quand Paul Delouvrier et le général Challe lancent des appels au calme, que France V répète toutes les trente minutes.
Les autorités d'Alger ont peur de la foule et lui jettent en pâture l'exécution de quatre terroristes qui en temps normal auraient vécu encore de longues semaines.
Quelque part dans Alger quatre militaires et un civil discutent gravement.
Ce sont le général Faure, les colonels Argoud et Gardes, le capitaine Filippi et Joseph Ortiz.
Faure est le pacificateur de la Kabylie, Argoud est l'homme de confiance de Massu, Filippi, un géant à barbe noire, est à l’état-major de Massu depuis le 1er février 1959.
Ortiz n'est qu'un simple cafetier mais il est Président fondateur du Front National Français.
C'est un athlète d'un mètre quatre-vingts, large en proportion, au nez légèrement busqué.
Ses yeux marron regardent bien en face les gens avec qui il parle.
On pourrait dire de lui: c'est un bel homme.
Il paraît sincère, tout d'un bloc, prêt à tout quand il a décidé quelque chose.
Sa qualité de cafetier ne lui interdit pas d'avoir une certaine intelligence. Ortiz, « Jo », pour les intimes, est surtout un meneur d'hommes, un organisateur remarquable.
Il a passé ces derniers mois à réunir chaque soir des petits groupes de quatre à cinq personnes, jamais les mêmes.
En deux heures il les avait endoctrinés et transformés en militants du Front National Français. Il leur donnait ensuite un armement léger et une tenue kaki.
Dans les milieux bien informés de Paris et d'Alger on n'ignorait pas qu'Ortiz avait sous ses ordres entre cinq et dix mille hommes armés.
D'origine espagnole - on dit même qu'il a fait la guerre d'Espagne mais sans pouvoir préciser dans quel camp - le cafetier d'Alger a un passé mal connu.
Certains prétendent qu'il a été tenancier de bordel, mais à Alger plus d'un « honnête» commerçant l'a été ou l'est encore.
On sait surtout qu'il fut impliqué avec Kovacs dans l'affaire du bazooka et détenu à la prison de Barberousse.
En homme habile, Ortiz· avait constitué un dossier sur le coup du bazooka. « Il y a des gens du gouvernement qui donneraient leur fortune pour l'avoir» prétendait-il.
De sa 'voix sourde mais puissante, Ortiz entra dans le vif du sujet:
- J'ai décidé sous la pression du mouvement populaire d'organiser une manifestation de masse. Il faut montrer notre force pour ne pas avoir à nous en servir. Si nous ne réagissons pas devant le limogeage de Massu nous sommes foutus ...
- Et si comme je le pense, on s'oppose par la force à votre manifestation de masse? demanda le général Faure.
- Eh bien! Tout deviendra clair puisque l'armée marchera avec nous. Ce ne sont pas trois mille C. R. S. qui nous feront reculer.
- Ortiz, vous avez tort d'affirmer que l'armée désobéira au général Challe. Croyez-moi, annulez votre manifestation. Ce n'est pas le moment, affirma avec gravité le général Faure.
Ortiz parut ébranlé par sa conversation avec les .quatre officiers et il les quitta en disant simplement qu'il allait réfléchir.
N'a-t-il pas rencontré peu après un mystérieux personnage qui l'aurait poussé, pour ne pas dire contraint, à organiser la manifestation?
On croit bien que si; et quand on saura quel est ce mystérieux personnage, pas forcément Français et pas forcément partisan de l'Algérie Française, on fera plus qu'un rapprochement entre l'affaire Massu et les événements du 24 janvier.
La décision était prise.
Alger qui dormait déjà ne l'apprendrait que dimanche matin.
Pierre Lagaillarde et Jo Ortiz au balcon
Les lumières du G. G. s'étaient éteintes. Les C. R. S. avaient déplié leurs lits de camp à l'intérieur du building transformé en un immense dortoir.
Devant l'entrée, deux cars blindés étaient rangés. Des fusils-mitrailleurs étaient braqués en direction du Forum et des escaliers qui descendent vers la mer.
Dans les deux camps on était prêt pour l'épreuve de force.
Un peu avant minuit, au bureau des députés où l'on siégeait en permanence. Kaouah venait de déclarer de sa voix triste :
- S'il y a une manifestation il faut surtout qu'elle se déroule dans le calme sinon il vaut cent fois mieux qu'il n'y ait pas de manifestation.
Tous les députés, Biaggi compris, partageaient cette opinion.
Mais les députés n'avaient pas le pouvoir d'empêcher la foule d'Alger de marcher vers le plateau des Glières (On appelle ainsi la partie du boulevard Lafferrière située entre la mer, le monument aux morts, la grande poste à droite en regardant le G. G.)
Dans la rue Charles Péguy et sur le boulevard Saint-Saëns, l'histoire mouvementée d'Alger depuis le début de la rébellion était écrite sur tous les murs: « de Gaulle c'est le chef» et à côté, écrit d'une peinture fraîche « A bas de Gaulle », « Vive Soustelle », « Vive Massu », « Vive Salan », « Vive Bidault », « Tous français de Dunkerque à Tamanrasset», «L'indépendance c'est la terreur du F. L. N. assassin », «Votez Paldacci » ... Et partout des papillons multicolores qui avaient été collés le mois dernier pour annoncer les réunions de Georges Bidault.
Un homme politique contemporain a dit que les révolutions commençaient par des graffitis inscrits dans les vespasiennes.
A Alger les révolutions ou les révoltes s'inscrivent sur les murs en lettres noires et rouges.
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 11:15
Gardes après avoir été acquitté au procès des barricades il est affecté à Metz.
En avril 61, il déserte et se rend clandestinement en Algérie pour participer au putsch des généraux... Il va rallier l'OAS où il aura la responsabilité de l'« Organisation des masses ».
C'est lui qui monte les maquis de l'Ouarsenis, qui vont, on le sait. échouer.
En juin 62 avec Susini il arrête un combat qu'il voit sans issue, et se réfugie, en Espagne
Suite à des pressions il devra quitter le pays pour l'Argentine où il vivra jusqu'à son retour en France, après 68.
Ensuite il s'occupera de différentes associations (Anciens combattants d'Indochine et d'Algérie, anciens prisonniers OAS, etc.)
Et mourra en 2000.
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Sujet: Re: Les barricades Sam Jan 28 2023, 14:47
Ci-après, les divers commentaires sur les barricades (origine de mes sources)
Et c'est là que la partie s'est vraiment jouée.
Les civils sans les militaires...(Barricades)
Ensuite il y a eu les militaires sans les civils...(Putsch)
Enfin le reste de ce qui bougeait encore dans un combat sans espoir...
Comme les Horaces et les Curiace.
En définitive la Grande Zorah a tout manigancé et s'est jouée de tous, en les éliminant les uns après les autres...
Pour moi, les barricades me rappellent l'attaque du Capitole par les partisans de Trump; récemment. C'est le dernier combat des "petits blancs" que nous étions, balayés par la mondialisation qu'instaurait De Gaulle, bien avant qu'on en parle. La finance internationale avait décidé d'éliminer un peuple qui ne l'intéressait plus, ainsi que les Arabes qui s'obstinaient à rester fidèles. Il fallait refermer la "boite à chagrin" et De Gaulle avait été mis au pouvoir pour cela. Le seul intérêt de l'Algérie, c'était pour elle, le pétrole du Sahara dont Debré avait inauguré le terminal à Bougie en 1959, protégé par le 18 ème RCP. Ce que nous ne savions pas, c'est ce que Delouvrier a avoué bien après: De Gaulle payait le FLN pour ne pas saboter le pipeline.
Aux USA, la défaite de Trump signe l'invasion migratoire massive, la victoire des métropoles côtières apatrides, face aux héritiers des Pilgrim Fathers de 1620, ceux qui ont fondé l'Amérique qui nous a sauvés en 1917 et en 1944.
L'insurrection spontanée du Capitole à Washington, inorganisée, quasi folklorique, même s'il y a eu 2 morts vrais (les autres sont des infarctus) n'a rien d'un 18 Brumaire. C'est l'exaspération de classes marginalisées de plus en plus par la conjonction de Wall Street, le Marché sacro-saint, et la lie intellectuelle et gauchiste des grandes métropoles.
C'est la fin des USA ! Place à la Chine totalitaire ! Les 330 millions d'Américains devenus obèses et mélangés vont baisser culotte devant le milliard 400 millions de Chinois que plus rien n'arrête. La Russie elle-même plus grand pays du monde avec 150 Millions d'habitants et une économie du niveau des Pays Bas, va se faire bouffer par les petits Chinois.
Quant à l'Europe qui ne veut plus travailler ni transmettre ses gènes, son patrimoine ni sa culture, pourrie par le socialisme et la dette que ses acquis sociaux impliquent, elle va disparaitre sous l'immigration africaine entre autres. On aura la pax chinoise après la pax américana qui n'aura duré qu'un siècle.
Le jour où Truman a limogé le plus grand général de la guerre 39-45: Douglas Mac Arthur qui voulait clore la guerre de Corée en attaquant la Chine, les USA étaient condamnées à disparaitre. (11 avril 1951 ! jour de deuil de l'Occident blanc)
Et De Gaulle dans tout ça ? Mis au pouvoir pour liquider l'Algérie, il s'est pris, après son mauvais coup, pour le phare du tiers monde, le héros des peuples opprimés ! De Pnom Penh à Mexico (marchamos mano a mano) en passant par le Quebec libre. Blousé par Adenauer avec son préambule au Bundestag ("Horrible chapeau" !) qui ruinait le Traité de l'Elysée, il a fini par être liquidé en mai 1968 par Cohn Bendit, Alain Geismar et Sauvageot, poussés par la finance et, paradoxe, il se réfugia à Baden, chez celui dont le limogeage en 1960, provoqua ces barricades inutiles. Dernière pantalonnade d'un parjure...
Je ne peux lire ces témoignages et les nombreux autres sans avoir l'estomac qui se noue. J'avais 16 ans en 62 à Mont de Marsan mais je suivais avec mon père tous ces évènements au jour le jour. Mon arrière-grand-père arrivé en Algérie après 1870 comme d'autres alsaciens lorrains mon grand-père venu au Maroc en 1912 mon père venu avec les africains pour la guerre de 40 avec qui on chantait le chant des Africains voir comment on massacrait le travail de plusieurs générations dans l'indifférence des patos formatés déjà comme pour le covid par la télévision d'état.
Macron qui continue de salir notre mémoire c'est insupportable ces gens-là vont le payer un jour.
N'oubliez pas qu'en 1961, Sartre dans la préface au bouquin de Franz Fanon, passé au FLN, et alors que des Français "à part entière" meurent tous les jours, y compris en métropole, Sartre donc écrit: "« Abattre un européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ; le survivant, pour la première fois, sent un sol national sous ses pieds ».Il ne dit pas "un colon", nom objet à l'époque de toutes les insultes de nos élites en place, il ose dire "Européen", quel qu'il soit donc femmes et enfants. Et De Gaulle refuse de le poursuivre car pour lui, Sartre c'est Voltaire !. C'est là qu'on voit la vilénie du bonhomme, La femme du General Spears en 1940 qui accueillit De Gaulle arrivant en Angleterre, le décrivait comme un "bloc de haine". En 61-62, il n'a pas changé: il hait tous ceux qui se mettent en travers de sa trahison. Et il va faire pire: il va faire livrer au FLN, les résistants de l'Algérie française, il ne fera rien pour récupérer les prisonniers civils ou militaires du FLN, il retirera, peu après l'indépendance, les soldats français mutés dans la Force locale, chargée d'assurer l'ordre durant la transition tragique de Juillet 1962, et cela en violation des Accords d'Evian, qu'il avait signés. La Force locale était donc livrée aux seuls tueurs du FLN qui s'en donnaient à cœur joie.
Et les Français admirent encore ce personnage, lui donnent le nom d'un Porte-avions, d'un aérodrome, de la Place de L'Etoile ! Pire à ceux qui rappellent des faits à savoir que, De Gaulle a été le premier chef d'un Grand Etat occidental à reconnaitre la Chine de Mao alors que 5 ans avant, en 1960, la Chine avait reconnu officiellement le FLN comme Etat, lui fournissant argent et armes, et qu'il s'est fait berner par Adenauer au Traité de Paris, signé le 22 janvier 1963. Le 15 juin 1963, le Bundestag de la République fédérale d'Allemagne ratifie le traité de l'Élysée après avoir voté un préambule2. Ce document introduit expressément et explicitement les mots et les concepts mêmes que Charles de Gaulle avait opiniâtrement écartés. "Horrible chapeau" dira De Gaulle lui-même !
Et quand on rappelle ces faits historiques précis, les inconditionnels gaullistes osent parler de "révisionnisme historique" !
Espérons qu'il y a une justice dans l'Au-delà, sinon il y a de quoi désespérer..
Eh oui, un coup d'état ça se prépare savamment et longuement... Il y a besoin de l'élan populaire, il y a besoin de l'armée, mais aussi des politiciens professionnels qui tirent les ficelles par derrière et actionnent les uns et les autres ensemble ou alternativement, et qui à l'arrivée prennent "naturellement" le pouvoir en ostracisant ensuite ceux qui les ont mis en place.
Le général micro a réussi entre 40 et 44 à éliminer tous ses possibles rivaux pour, à l'arrivée, être le seul représentant possible de la France aux yeux des alliés.
Le même a réussi une deuxième fois en 1958. Les gaullistes étaient les seuls qui s'étaient vraiment préparés à une prise de pouvoir et une fois encore il a tout fait pour cliver les français de manière à se présenter comme l'ultime recours.
Comme je l'ai dit plus haut, les barricades c'était les européens d'Algérie tout seuls, le Putsch c'était l'armée toute seule, qui ne voulait surtout pas de civils. Dans un cas, comme dans l'autre c'était (vu avec le recul) l'échec assuré.
Dans l'action on a espéré... et au grand 14 on a fait ce qu'on a pu, mais il manquait aux grands chefs une véritable expérience "politique" et une vraie ambition pour le pouvoir (contrairement à la grande Zorah, qui avait l'une et l'autre) Et ce fut l'échec.
Il y a eu ensuite une véritable épuration de l'armée, avec une bonne part de l'élite en tôle, d'autres en fuites, d'autres convertis en "affreux mercenaires" africains...et des gens qui se terraient pour éviter les pires ennuis.
Le dernier sursaut des civils fut l'OAS ou le MCR de Château Jobert, avec une traque terrible par les sans foi ni loi (barbouses) qui s'étaient mis au service des inconditionnels gaullistes.
Il nous reste aujourd'hui à veiller sur l'écriture de l'histoire officielle pour ne pas trahir la mémoire des nôtres qui ont laissé leurs peaux dans ces épreuves.
Je relis tous ces écrits sur les barricades et la grande figure du Colonel Gardes.
Cet officier m'a paru dans toute cette tragédie comme un des plus grands et des plus nobles, parmi une cohorte de soldats extraordinaires du niveau des Maréchaux de Napoléon. Sa modestie, sa discrétion alors qu'il avait un cv impressionnant, dès 1940. En 1945, il est le lieutenant le plus décoré de l'Armée française.
La guerre a cet énorme avantage de révéler les vrais grands: ceux qui allient le courage, la détermination et la réflexion qui ne tue pas l'action.
Né le 4 octobre 1914 à Paris. Décédé le 18 juillet 2000 à Paris.
Colonel.
Saint-cyrien.
Chef du 5e Bureau, supprimé après les Barricades de janvier 1960.
En 1959, il incite l’ensemble des formations Algérie française à se regrouper en un “Comité d’entente des mouvements nationaux” et il constitue une “Fédération des Unités Territoriales et Auto-défenses” dont il confie la présidence au commandant Victor Sapin-Lignières.
Accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat à la suite des Barricades, il est acquitté le 2 mars 1961.
Muté en métropole, il participe au putsch puis dirige la branche “Organisation des masses” de l’O.A.S.
Condamné à mort par contumace par le Haut Tribunal Militaire le 11 juillet 1961. Il quitte l’Algérie le 29 juin 1962.
Il rentre d’exil en août 1968.
Amnistié.
Paroles : (au procès des Barricades) : “Nous menons en Algérie notre dernier combat d’hommes libres.”
Faux papiers du colonel Jean Gardes.
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