LES GUEULES CASSÉS : POÈME
Parce que nous sommes en novembre, près d’une date qui devrait être le marquage fort d’un drame, notre génération se souvient encore. Bien plus que celles suivantes, celle de nos enfants et petits-enfants. Ils l’ont en majorité oublié.
Certes, on ne peut pas vivre dans la contrition permanente, dans les souvenirs, dans les regrets, mais doit-on pour autant oublier ceux qui, par milliers, par millions, se sont retrouvé dans une monstrueuse boucherie. Dans les tranchées de 14/18.
Cette guerre en Ukraine, qui avec les images qui nous parviennent, malgré la censure de nos médias de France et d’occident, prouvent que des jeunes hommes meurent dans d’autres tranchées, sous d’autres obus et que les corps déchirés des uns, ne peut pas nous satisfaire de ceux déchiquetés d’en face.
Nous savons, nous le peuple, nous qui n’avons pas oublié nos aïeuls, ceux qui ont souffert dans cette guerre de 14/18, qui a abouti 21 ans après à une autre guerre mondiale, ou d’autres horreurs se sont déroulées.
Aujourd’hui, 104 ans après, nous voyons une partie de la jeunesse terrorisée, angoissée par des propos climatiques, desservis par des responsables politiques qui n’ont jamais connu ce qu’est une vraie guerre, n’ont jamais porté un uniforme autre que pour parader, n’ont jamais connu la vraie misère, le vrai désespoir. Nos vieux si.
Quand j’entends les pleureuses écologiques nous expliquer qu’elles souffrent « d’éco-anxiété », qu’elles s’imaginent résister, dignes des partisans en lançant de la soupe sur des tableaux, en se collant les mains sur le bitume, interdisant des travailleurs de circuler, des mères de famille de retrouver leurs enfants, de crever des pneus de SUV, mais sous des caméras bien sûr, pour interdire de fait, que ceux qui n’en peuvent plus ne s’énerve trop, voire pire. Je me dis que nos braves, nos poilus, n’ont pas mérité d’avoir une telle descendance.
Les gueules cassés
Tomber sur un champ d’honneur ! Mais qui donc le sait ?
Disparu des rangs. Personne ne l’a remarqué.
Blessé, il se relève, isolé, affolé.
Seul, dans la boue d’un monde inconnu. Terrifié !
Tomber avec les honneurs ? Tomber pour de bon !
Personne ne lui avait dit, ce qu’était le front.
Ordre donné de charger, et il a foncé
Petit soldat sortit du bois. De la tranchée.
Un soldat sacrifié parmi d’autres milliers.
Tomber sur un champ d’horreur ? Exécuté.
Touché et tombé lors d’un soir d’hiver glacé.
Un visage emporté, l’avenir défiguré.
Il se relève dans un grand silence, hébété.
Dans une boue humaine et d’os éparpillés !
Elle va venir. Il va la revoir son aimée.
Elle lui a dit qu’elle ne pouvait pas l’oublier.
Elle disait l’amour dans les prés.
Enfin, il l’espérait. Enfin il le croyait.
C’était avant ! Avant cette gueule cassée.
Gérard Brazon
10 novembre 2022