Dien Bien Phu peut être considéré comme le berceau du pays Thaï. Une légende du XIIIe siècle, qui a certains rapports avec la réalité, relate qu'il y a bien longtemps le roi du ciel envoya sur la terre le sage Khoum Borom, lequel descendit du ciel au pays des anges près de Dien Bien Phu. Une liane immense reliait alors le Ciel à la Terre. Ses racines plongeaient dans un lac à proximité de Dien Bien Phu.
Khoum Borom, gêné par cette liane qui lui cachait le soleil, la fit couper et cest depuis que les relations sont interrompues entre le Ciel et la Terre.
Khoum Borom eut sept enfants et il leur répartit la Terre. A Chu-Song échut Prakan : le pays Thaï du Haut Tonkin et de la Rivière Noire.
Au cours des siècles, Dien Bien Phu perdit de son prestige à l'avantage de Laïchau, mieux situé sur la Rivière Noire.
A la suite de multiples péripéties, les déo de Laïchau s'imposèrent peu à peu à tout le bassin de la Rivière Noire et après leur lutte contre les Français, obtinrent de Pavie, avec Déovan Tri, un droit héréditaire sur Dien Bien Phu, Laïchau, le Phu Yen et Tuan Giao.
Puis, de 1910 à 1940, la politique française au Tonkin encouragea la centralisation et lannamitisation des pouvoirs au détriment de lidée de l'unité Thaï. Mais, à partir de mars 1945, Déo van Long, fils de Déo van Tri, put reprendre, à la faveur des circonstances, l'idéal de son père et rétablir la fédération Thaï autour de la province de Laïchau.
Ce n'est qu'à la restauration de Bao Dai que la fédération Thaï qui, jusqu'alors, avait pu croire à une certaine autonomie, reconnut son rattachement à la couronne d'Annam. Par Ordonnance du 15 avril 1950, Bao Daï rattacha directement à sa personne les pays montagnards, dont la fédération Thaï, puis leur donna, le 4 avril 1952, un statut particulier.
Jusqu'au début de décembre dernier, Déo van Long résidait à Laïchau, chef plus ou moins reconnu des quinze minorités ethniques composant la fédération, plus ou moins coupé de ses chefs-lieux de province du fait de l'infiltration vietminh.
Sous là pression vietminh et par la volonté du Haut Commandement français, Laïchau fut à cette époque évacué. Déo van Long se replia sur Hanoi et Dien Bien Phu, repris au préalable à l'ennemi le 21 novembre 1953 par les parachutistes du général Gilles, est redevenu actuellement, grâce aux troupes du colonel de Castries et sous la haute direction du général Cogny, un lieu historique du pays thaï où se concrétisent certes la volonté de la petite fédération de ne pas céder à l'envahisseur communiste, mais surtout la volonté de la France de couvrir militairement le Haut Laos sur une des voies d'infiltration possibles qui, grâce au col de Taychang, relie le bassin de la Rivière Noire à celui du Mékong par les cours de la Nam Noua et de la Nam Ou.
Ce fut aussi la volonté du Haut Commandement français de ne pas permettre aux divisions Vietminh de s'accaparer la récente récolte de riz de la cuvette de Dien Bien Phu et de ses multiples richesses vivrières de l'année.
Car, au contraire de Nasan qui n'avait qu'une valeur militaire du moment et qui ne représentait rien au point de vue économique, l'immense cuvette de Dien Bien Phu, trois fois plus étendue, est la véritable corne d'abondance du pays thaï.
En temps normal, Dien Bien Phu, chef-lieu de circonscription de la province de Laïchau, était un important marché de trois mille habitants dont cinq cents chinois, drainant les produits des cent villages de la cuvette peuplée d'environ dix mille Thaïs noirs. Ces indigènes vivaient largement sans éprouver les affres de la soudure, récoltant, bon an mal an, trois mille tonnes de riz gluant, en exportant un millier. A cette denrée vitale s'ajoutaient l'élevage des bêtes à corne (buffles, bovins), celui des porcs, la récolte de l'opium, des agrumes et du benjoin.
Tracé de la RP 41 de Hanoï à Laï Chau