.Un acte "Glorieux"…. et Historique
Premier novembre 1954, la nuit a été fraîche, mais le soleil commence à dissiper la froidure nocturne.
Sur la piste poussiéreuse qui mène d'Arris à Biskra un vieux car rafistolé assure, comme chaque matin, la liaison.
Devant lui se dresse une barre infranchissable, seul passage, dans lequel s’engouffre la piste, cette ouverture en sifflet, faille étroite et sinueuse dans le djebel abrupt. L’oued, descendu du Chélia s’y jette et la piste se faufile collée à la paroi rocheuse.
Voici les gorges de Tighanimine véritable porte ouverte sur le désert saharien.
Le Caïd Hadj Sadok a pris,- à M’Chounèche, un peu après Biskra,- place dans le bus…Il est inquiet, le téléphone arabe a fonctionné annonçant des évènements graves…D’ailleurs s’il se rend à Arris c’est pour remettre à l’administrateur une sommation qu’il a reçue de rejoindre des « combattants de l’indépendance de l’Algérie » dont nul n’a jamais entendu parler.
Le car longe maintenant la forêt des Beni Melloul. A Tifelfel un couple d'européens est monté. De jeunes gens, Guy Monnerot est âgé de vingt-trois ans son épouse de vingt et un. Installés depuis peu en ces fond d’Aurès, ils aiment et exercent leur métier d’instituteurs…C’est pourquoi ils ont choisi ce poste éloigné, en immersion dans la population indigène. Les Chaouias, rudes montagnards, devant leur dévouement les ont d’ailleurs acceptés, ce qui n’est pas peu dire.
Poursuivant son inconfortable route le car entre maintenant dans les gorges.
Soudain un groupe d’hommes barre la piste, presque tous sont armés. Le chauffeur, complice, s’arrête. Chibani Bachir qui dirige le groupe, est l’un des adjoints de Ben Boulaïd, qui lui, fait partie de ces vingt-deux algériens ayant trois mois plus tôt, à Alger, décidé la révolte armée contre la France.
Tout va se dérouler très vite. Chibani Bachir ordonne aux Monnerot de descendre. Le Caïd s’interpose.
"Vous ne pouvez pas assassiner ces jeunes gens qui sont venus de France pour instruire nos gosses !"
"On s’en fout, notre civilisation c’est le Coran, pas celle de ces chiens de roumis !"
Voyant la tournure que prennent les évènements, le Caïd Hadj Sadok tente de saisir son revolver pour faire face à ceux qu’il appelle des « bandits », un des hommes Saïhi Mohamed, d'une rafale de l’unique pistolet mitrailleur du groupe, une Sten, l’abat, tuant également l’instituteur.
Mme Monnerot, grièvement blessée est - première d'une longue liste - violentée, et laissée pour morte.
Leur coup fait, les assaillants s’enfuient dans la montagne.
Sur la route un musulman et un européen agonisent. Madame Monnerot survivra par miracle.
Voilà donc en quelques lignes, raconté ce glorieux fait d’armes qui débute ce que l’on appelle aujourd’hui la guerre d’Algérie
Rappelons, puisque nécessaire, au vu des émissions télévisuelles qui se préparent, quelques-unes des étapes marquantes sur ce long chemin du calvaire :
Le 20 août 1955, le petit centre minier d'El-Halia voit déferler la populace, armée de faux, de serpes, de machettes : femmes, enfants sont odieusement égorgés, éventrés…
Le 25 février 1956, au col de Sakamody, un car et deux voitures sont pris dans une embuscade. Huit personnes sont sauvagement assassinées, parmi elles le sergent Abid Lazidi, une famille de touristes de St Malo est décimée : sous les yeux de M Robert Salle, garrotté, sa belle-mère, son épouse et sa fillette âgée de sept ans sont violées puis égorgées… L'homme est alors égorgé à son tour…
Le 8 mars1956, à 4 Km de Palestro, sept fermiers européens sont massacrés : M Bénéjean père, sa femme (55 ans) leurs deux fils, Michel et André, M Lucien Servat, son père, sa mère, sa femme et le petit Gérard, 5 ans
A Alger, - dont il va être question sur nos antennes nationales- les équipes de Ben M'Hidi (Ali la Pointe, Belkacem Bouchafa, Debih Cherif, Yacef Saadi) entament la série d'attentats aveugles :
Le 30 septembre trois bombes explosent au Milk Bar, rue d'Isly, à la Cafeteria, rue Michelet (3 tués, 62 blessés).
Le 26 janvier 1957, trois bombes explosent dans trois cafés, l'Otomatic, la Cafeteria, le Coq Hardi (5 morts, 40 blessés)
Le 10 février 1957, trois bombes explosent dans le Stade d'El-Biar et le Stade Municipal (12 morts, 45 blessés)…
En Kabylie, " la nuit rouge de la Soummam ", dirigée par Amirouche, sacrifie le millier d'habitants du douar Ioun-Dagen
Le 28 mai 1957, à Mechta Kasbah, à 12 Km de Melouza, 300 musulmans pro-M.N.A. sont sauvagement massacrés par les Kabyles F.L.N.
Arrêtons-nous là : huit longues années verront se succéder les monstruosités, horrible mélange de cruauté et de sadisme n'épargnant ni l'âge, ni le sexe.
Radar...le Paris Match de l'époque...
Bien que le dessin soit un peu fantaisiste....en effet ce n'est pas un mousqueton mais une Sten qui a servi.....Quant à madame Monnerot.....
Les fells aussi sortent un peu des Mille et une nuits...
Bientôt nous serons tous assis devant notre téléviseur, à regarder l’histoire réécrite, et vue avec les yeux d’aujourd’hui…
Gardons à l’esprit, ce qui est raconté plus haut.
Si la terreur s’est bien abattue sur l’Algérie et nul ne le conteste, elle n’est certainement pas le fait des Parachutistes de l’armée française et ce ne sont pas les milliers de Harkis et leur famille, assassinés,- bouillis vivants comme ceux du Commando Georges – après l’indépendance, qui me contrediront.
En fait, le premier novembre furent assassinés:
Hamed Harouk, agent de police et son collègue Ahmed Ben Amar, gardien supplétif (harki) du dépôt de liège à Dra-el-Mizan;
Ben Hadj Saddock, caïd de M'Chouneche;
Guy Monnerot, instituteur à Tifelfel, originaire du Limousin;
Le lieutenant Darnault qui commandait une section de spahi au poste de Khenchela, dans l'Aurès, deux canonniers, Pierre Audat du 9ème RCA et Eugène Cochet, brigadier-chef du 4éme RA, sentinelles de garde, fusils sans munitions, à la caserne de Batna
Laurent François, à Cassaigne en Oranie.
Mme Monnerot est violée puis grièvement blessée aux côtés de son mari.
Soit un premier bilan de trois militaires, un policier, un harki, trois civils, aussi trois musulmans, un pied noir, quatre métropolitains, étrange bilan pour une insurrection qui devait être le soulèvement d'un peuple entier contre l'oppression armée dont il serait opprimé...
Il convient d'ajouter à ce bilan officiel, un chauffeur de taxi juif assassiné à Oran quelques minutes avant minuit.