RAFLE DU VEL’d’HIV : RÉTABLISSONS LES FAITS
«…le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, répondaient aux exigences des nazis… On verra des scènes atroces : les familles déchirées, les mères séparées de leurs enfants, les vieillards – dont certains, anciens combattants de la Grande Guerre, avaient versé leur sang pour la France – jetés sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police… Pour toutes ces personnes arrêtées, commence alors le long et douloureux voyage vers l’enfer. Combien d’entre-elles ne reverront jamais leur foyer ? Et combien, à cet instant, se sont senties trahies ? Quelle a été leur détresse ? La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux… »
(Extrait du discours de Jacques Chirac, le 16 juillet 1995).
Pour moi, jusqu’à mes 46 ans, le 16 juillet aura été symbole de gaité et de bonne humeur, c’est, en effet, le jour de mon anniversaire. Non que l’idée de prendre un an de plus chaque année me réjouisse – avancer irrémédiablement vers la vieillesse me rendrait même plutôt morose – mais ma famille et mes amis se chargeaient de rendre cette journée agréable : je recevais généralement des livres et quelques bonnes bouteilles, ce qui suffisait amplement à mon bonheur.
Parfois, on m’offrait en plus, un accessoire de moto ou un gadget de parapente et, bien que je n’aime pas particulièrement les festivités à date fixe, j’étais comblé.
Et puis, et puis, tel Zorro dans la chanson d’Henri Salvador, Chirac est arrivé.
A peine élu président par des voix de droite, ce démagogue radical-socialiste a voulu ratisser large et il a osé ce que ce satrape de Mitterrand a toujours refusé : affirmer la responsabilité entière de la France dans la Rafle du Vel’d’Hiv les 16 et 17 juillet 1942.
Il est vrai que Mitterrand, décoré de la Francisque par le Maréchal Pétain (1), était mal placé pour attaquer trop frontalement le gouvernement de Vichy, mais jusqu’à lui, tous les présidents de la République (y compris se Gaulle) allaient déposer une gerbe sur la tombe du Maréchal Pétain pour honorer le vainqueur de Verdun. Jacques Chirac, lui, était plus soucieux de complaire au CRIF (2).
Il n’est pas dans mon intention de nier, de minorer, d’excuser ou d’expliquer l’horreur de la Rafle du Vel’d’Hiv mais, plus je vieillis, plus j’en ai marre de tous ces gens qui se chargent de réécrire l’histoire pour la rendre « politiquement correcte ».
Dans un article récent, Jean-Marc Berlière, professeur d’histoire contemporaine, a rétabli la vérité sur la Rafle du Vel’d’Hiv (3). Sans avoir ses compétences, qu’il me soit permis d’en remettre une couche. Je n’entends pas dédouaner le gouvernement Vichy mais je voudrais qu’on sorte des clichés tout aussi simplistes que réducteurs, voire carrément faux. Arrêtons de charger la barque !
Commençons par l’étoile jaune imposée aux Juifs. Chirac, puis Hollande, puis Macron, et tant d’autres qui occupaient des fonctions moindres, affirment que c’est Pétain qui a imposé aux Juifs le port de l’étoile jaune. Ces historiens de pacotille font semblant d’oublier qu’en juin 1940, la France a subi l’une des plus mémorables raclées de son histoire, pourtant riche en défaites cuisantes.
Ils oublient aussi qu’après l’effondrement de nos armées, sous la présidence d’Albert Lebrun, le dernier gouvernement de la III° République, dirigé par le Maréchal Pétain, demanda un armistice.
Celui-ci fut signé le 22 juin 1940. On peut toujours philosopher des heures, comme le font certains auteurs, pour savoir si cette demande d’armistice était opportune : l’offensive de mai-juin 1940 se soldait, pour le camp français, par environ 90 000 morts, 200 000 blessés, autant de disparus et 1,8 million de prisonniers. Et il était plus facile d’inciter nos troupes à se battre… derrière un micro de la BBC que sur le terrain (4), dans la poche d’Haubourdin, en Lorraine ou sur la Loire.
N’oublions pas que, selon les termes de l’armistice, la France conservait un gouvernement sur la « zone non occupée » de son territoire. C’était le seul pays vaincu par l’Allemagne dans ce cas !
Dans la « zone occupée », l’Allemagne s’attribuait les pouvoirs définis par la Convention de La Haye de 1907. Les ordonnances allemandes avaient force de loi. Les fonctionnaires et les pouvoirs publics français devaient donc les appliquer sans discussion. Bien sûr, il est facile, 80 ans après, de dire qu’il suffisait de ne pas obéir ! Jouer les matamores après coup est à la portée de n’importe qui.
Ce sont donc les Allemands et non le gouvernement français (qui n’a aucun pouvoir en « zone occupée ») qui vont imposer le recensement des Juifs en octobre 1940. Ils imposeront des cartes d’identité frappées d’un tampon « JUIF » qui seront à retirer dans les commissariats, la création d’un fichier juif à la Préfecture de Police, plusieurs mesures antijuives et, le port de l’étoile jaune auquel les autorités françaises refuseront de se prêter de décembre 1941 à la fin mai 1942.
Notons que cette mesure ne sera jamais appliquée en « zone non occupée », y compris après son occupation en novembre 1942, contrairement à ce qu’affirme un certain nombre d’historiens des « heures les plus sombres de notre histoire » (6).
Durant l’automne 1941, des attentats contre l’occupant sont menés par des communistes dont certains sont juifs. En représailles, les Allemands procèdent à des arrestations de Juifs. Le 15 décembre 1941, Von Stülpnagel demande à ce que Vichy impose aux Juifs le port d’un signe distinctif (car seule une loi de Vichy est valable pour les deux zones). Darlan refuse catégoriquement d’imposer un signe distinctif aux Juifs. La conséquence de ce refus est qu’il n’y aura pas de port de l’étoile en France, sauf si les Allemands légifèrent par ordonnance, mais alors ce ne sera valable que pour la « zone occupée ». L’ambassadeur Otto Abetz s’oppose à l’ordonnance et espère que Vichy assouplira sa position.
Après son retour au pouvoir, Pierre Laval se refuse lui aussi au port de l’étoile. Abetz abandonne son opposition, et c’est donc seulement fin mai que la 8e ordonnance oblige les Juifs de la « zone occupée » à porter l’étoile jaune à partir du 7 juin. En « zone occupée » Vichy ne peut pas s’y opposer mais le gouvernement français n’acceptera jamais cette obligation en « zone non-occupée » même après son invasion en novembre 1942. C’est une vérité qu’il est bon de rappeler !
Venons-en à la rafle proprement dite : elle était prévue les 13 et 14 juillet, mais finalement, les arrestations se dérouleront les 16 et 17 juillet. Le 15 juillet, Knochen écrit : « La police française conduira l’action d’arrestations de façon autonome et sous sa propre responsabilité ».
À Paris et dans la région parisienne (où sont concentrés 110 000 Juifs), c’est la Préfecture de Police qui est chargée des opérations. La sous-direction « des étrangers et des affaires juives » sélectionne les personnes à arrêter : 28 000 fiches sont réparties entre les 1392 équipes d’« agents capteurs ». Ces derniers vérifient que les gens « captés » sont bien juifs.
Puis 50 autocars de la « Société des Transports en Commun de la Région Parisienne » vont conduire les célibataires et les couples sans enfants au camp de Drancy, et les familles avec enfants, au Vélodrome d’Hiver. Et c’est la Police municipale parisienne – les gardiens de la paix des différents arrondissements – qui assure l’essentiel des opérations.
Jacques Chirac en 1995, François Hollande en 2015 et Emmanuel Macron à Pithiviers le 17 juillet dernier, ont lourdement insisté sur la responsabilité de la France.
Il est exact que les Allemands n’ont pas voulu apparaître sur le terrain, mais ceci n’enlève rien à leur responsabilité. Comme l’écrit Jean-Marc Berlière : « …l’essentiel étant de viser Vichy. Le peuple criminel c’est le peuple français. Hitler ? Connais pas ! Une auto-flagellation surprenante qui caractérise tous les discours politiques depuis celui de Jacques Chirac en 1995. »
Personne ne peut nier que la Préfecture de Police a fait preuve d’une indifférence coupable, d’une désorganisation totale et parfois d’un zèle intempestif. Rien n’était prêt, au Vel d’Hiv, pour recevoir plus de 8 000 personnes (dont 4 115 enfants). Mais des fuites venues de policiers ont permis à une majorité d’hommes d’échapper aux arrestations. Ces fuites expliquent la différence importante entre le nombre d’hommes (3 118) et de femmes (5 919) arrêtés. De nombreux policiers croyaient que seuls les hommes étaient visés par les rafles. Il est également indéniable que, si des policiers ont fait preuve d’un zèle coupable, beaucoup d’autres ont permis à des familles de fuir.
Le bilan de la rafle du Vel d’Hiv est de : 13 152 personnes arrêtées : 3 118 hommes, 5 919 femmes et 4 115 enfants. Il est inférieur aux prévisions de la Préfecture de Police qui tablait sur 24 000 à 25 000 le 10 juillet, mais il n’en est pas moins terrible. Rappelons cependant que ni les flics, ni leurs victimes ne pouvaient imaginer ce qu’il y avait derrière ces arrestations.
Ils ignoraient totalement la « solution finale » et l’existence des camps de la mort.
Le triste spectacle d’une foule de Juifs arrêtés, encadrés par des flics honteux de ce qu’on leur faisait faire, a provoqué un électrochoc dans la population parisienne, qui jusque là, se moquait éperdument du sort des Juifs. On peut d’ailleurs en dire autant de la province.
Les SS, eux, étaient furieux du résultat. Louis Darquier, le Commissaire général aux questions juives, note le 23 juillet : « Des conversations que je viens d’avoir aujourd’hui avec les autorités occupantes m’ont permis de constater chez eux un très vif mécontentement… Le nombre de trains prévus par les autorités allemandes à cet effet correspond au transport de 32 000 Juifs. Il est donc nécessaire que les arrestations suivent le rythme du départ des trains prévus.» (9).
En clair, les autorités et la Préfecture de Police se sont livrées, les 16 et 17 juillet 1942, à une très sale besogne imposée par l’occupant. Mais la France et son peuple ne sont ni responsables, ni coupables de la barbarie nazie. Nous n’avons pas à battre notre coulpe en permanence.
Arrêtons toutes ces culpabilisations stériles, tous ces prétextes à repentance :
Chaque 21 mars, la France célèbre la « journée contre le racisme et l’antisémitisme », puis, le dernier dimanche d’avril, la « Journée de la déportation », puis, le 16 juillet, on commémore la rafle du Vel’d’Hiv. Ce n’est jamais que le troisième exercice de repentance à l’égard des Juifs de l’année. Sans parler du dîner annuel du CRIF où il est de bon ton d’être vu et de faire une nouvelle séance d’auto-flagellation.
Peut-être suis-je naïf mais il me semble que la recrudescence de l’antisémitisme virulent qui sévit dans la France du 21ème siècle n’a RIEN à voir avec celui des années 40.
Si nos politiciens cherchent des sujets d’indignation, ils peuvent condamner plus fermement la « christianophobie » : même si je déteste ce terme, en France à l’heure actuelle, trois ou quatre églises catholiques sont vandalisées par semaine et ça n’émeut personne ou presque.
Ils peuvent aussi commémorer le génocide vendéen – le « populicide » selon Gracchus Babeuf – commis sous la Révolution : 200 ou 300 000 personnes passées par les armes – hommes, femmes, enfants, vieillards – dont le seul tort était de vouloir garder leur Roi et leurs curés.
Si les Républicains purs et durs veulent se repentir des actes commis par leurs aïeux, je les invite à méditer la célèbre citation du général François-Joseph Westermann après la terrible bataille de Savenay : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’aviez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les sabots des chevaux, massacré les femmes, qui, au moins pour celles-là n’enfanteront plus de Brigands.
Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. »(11).
On peut me rétorquer que c’était une époque où les mœurs étaient rugueuses. Certes, mais je peux aussi parler d’une histoire atroce et plus récente: l’abandon de nos Harkis et de leur famille : 120 à 150 000 personnes, selon l’estimation d’Ahmed Ben Bella, torturées et massacrées par le FLN avec la complicité du pouvoir gaulliste ; j’en ai parlé dans plusieurs articles et livres (12).
Mais dans la « start-up France » d’Emmanuel Macron, qui s’intéresse encore à des « ventres-à-choux » catholiques et royalistes, et à des « bougnoules » qui ont cru à l’Algérie française ?
Quelques vieux réactionnaires – dont je suis – qui s’imposent un devoir de mémoire.
Éric de Verdelhan
15 Août 2022
1)- Sous le N° 2202, après avoir prêté serment à la personne du Maréchal Pétain en déclarant : « Je soussigné, François Mitterrand, déclare être Français de père et de mère, n’être pas juif, aux termes de la loi du 2 juin 1941, et n’avoir jamais appartenu à une société secrète…etc… »
2)- Le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) fédère les différentes tendances politiques, sociales ou religieuses présentes dans la communauté juive de France. Chaque année, le CRIF organise un grand dîner où vont se montrer des personnages politiques de tous bords, au nom de… la laïcité républicaine, vous l’aurez compris.
3)- Article publié dans « Causeur » le 10 aout 2022.
4)- Je conseille aux lecteurs que cette période intéresse de lire, entre autres, l’œuvre monumentale (5 volumes) écrite par Roger Bruge sous l’intitulé générique « Les combattants du 18 juin » (Fayard, de 1982 à 1989).
6)- « l’Express » du 25 septembre 2018, « Comment Vichy a imposé l’étoile jaune » (sic).
7)- La Police municipale est assistée de policiers en civil et d’élèves de l’École de Police.
8)- Dans « Vichy-Auschwitz », Serge Klarsfeld, peu suspect de sympathie pour le régime de Vichy, cite un rapport allemand du 18 juillet 1942 : « Des côtés les plus divers, on a rapporté au bureau IVJ qu’une partie considérable des Juifs apatrides avait eu connaissance de l’action et s’était cachée. Des fonctionnaires de la Police française auraient dans plus d’un cas fait part de l’arrestation projetée aux personnes qu’ils devaient arrêter ».
9)- Serge Klarsfeld, « Vichy-Auschwitz », déjà cité.
10)- Lire, de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, « Le sang des communistes » ; publié chez Fayard.
11)- Maigre consolation, ce salopard a été guillotiné à Paris le 5 avril 1794.
12)- Entre autres dans « Hommage à NOTRE Algérie française » publié chez Dualpha.