REPORTAGE. Ces militaires bretons s’aguerrissent dans la jungle guyanaise
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Michel Admin
Nombre de messages : 3912 Age : 65 Emploi : Retraité Date d'inscription : 09/10/2021
Sujet: REPORTAGE. Ces militaires bretons s’aguerrissent dans la jungle guyanaise Mer Déc 29 2021, 13:39
94 élèves de l’École militaire interarmes, implantée à Guer (Morbihan), ont effectué au mois de décembre l’un des stages les plus redoutés de l’armée : celui du Centre d’entraînement en forêt équatoriale en Guyane. Nous les avons suivis pendant la première partie de leur formation.
Dans le hall de l’aéroport Felix Eboué de Cayenne (Guyane), la centaine d’élèves officiers de l’École Militaire Interarmes (EMIA) de Guer (Morbihan) ne passe pas inaperçue. Ils sont encore en tenue civile mais leur coupe de cheveux et leur énorme sac vert kaki les trahissent. La première bouffée d’air non climatisée sur le parking est étouffante, remplie de vapeur d’eau. Il est 21 h mais il fait encore une trentaine de degrés, le taux d’humidité avoisine les 95 %. Premier choc. Les élèves ressemblent encore à de jeunes touristes, les blagues fusent, les yeux sont vifs, des sourires apparaissent sur certains visages. Cela ne va pas durer. Dans la nuit noire, deux bus climatisés à 18 °C s’enfoncent dans ce que l’on devine être une jungle. Deux heures de trajet suffisent pour rejoindre le CEFE, le célèbre et redouté Centre d’entraînement en forêt équatoriale. À peine descendus du car, les stagiaires sont divisés en quatre sections et pris en charge par les instructeurs. Ici, ce sont les légionnaires du troisième régiment étranger d’infanterie basé à Kourou qui sont chargés de l’encadrement du stage. Les élèves de l’EMIA ne le savent pas, mais le stage a déjà commencé.
Araignées, fourmis, scorpions…
« Nous nous étions préparés mentalement, reconnaissait quelques jours plus tard, le sous-lieutenant Maxime, mais la première nuit a été dure. La bascule dans l’inconfort a été soudaine. La chaleur, l’humidité, le décalage horaire, on n’a pas eu le temps de s’acclimater. » Après une courte nuit, le temps est venu « pour un test physique. » Pompes, flexions, abdos, montées de cordes, course. Les exercices s’enchaînent pendant près de 4 heures. En guise de récupération, les légionnaires enseignent à faire des nœuds et donnent des conseils pour la vie en forêt. « On ne dort jamais par terre, jamais ! » La forêt équatoriale regorge de petites bêtes en tout genre, araignées, fourmis, scorpions, serpents… « Rassurez-vous, il n’y a pas d’animaux mortels, que des animaux dangereux. »
« Fatigue, inconfort et incertitudes »
À la mi-journée, les stagiaires embarquent dans de longues pirogues : direction la forêt. Ils ne reviendront plus au camp de base pendant 15 jours. « La particularité de ce stage, précise le capitaine Quentin, responsable de la conduite de l’instruction au CEFE, c’est de se trouver dans un environnement hostile. Les élèves vont effectuer des pistes d’obstacles qui vont entretenir leurs capacités opérationnelles. »
« Ils vont également apprendre à vivre, survivre, se déplacer et se repérer en forêt. Et puis, ils vont devoir découvrir leurs limites et les dépasser car ils sont placés constamment en situation de fatigue, d’inconfort et d’incertitudes. »
Comment installer un bivouac, où se laver dans la rivière, combien de pas pour parcourir 100 m, comment chasser, pêcher. Les instructeurs légionnaires alternent entre enseignements pédagogiques et exercices physiques. Un stagiaire n’a pas son chapeau brousse sur la tête.
Ce sera cent pompes pour toute la section. « Dans la forêt, se justifie l’instructeur, des insectes sont porteurs de la leishmaniose, ils tombent des arbres. Sans protection, c’est dangereux. Je leur ai dit une fois. J’espère que là ils vont comprendre. »
« Rapido ! Rapido ! »
L’instructeur de la section 4 est un grand gaillard d’origine slovaque d’une quarantaine d’années. À chaque fois qu’il exige 500 flexions à ses stagiaires, il les fait avec eux. « Il impose le respect, témoigne discrètement le sous-lieutenant Maxime. On prend cher, il ne nous épargne pas, il est dur, très dur mais juste. » Sous l’effet de la chaleur, de la déshydratation, un stagiaire vacille. « Allez ! Au garage, hurle l’instructeur à ses camarades. Une pièce de rechange et vous me le ramenez ! » Dans la légion, le vocabulaire est parfois spécial. Le médecin est appelé mécano ou vétérinaire, une voiture, c’est une roulotte, la jungle c’est la selva, forêt en portugais. Petit cours de vocabulaire légionnaire : « Rapido ! Rapido ! Vous savez ce que ça veut dire rapido ? » « Oui, instructeur, ça signifie rapide. » « Non ! C’est plus rapide que rapide. » Car chaque déplacement se fait au pas de course, constamment.
Sur le dos des stagiaires, en permanence, un sac d’une quinzaine de kilos. Très vite, les frottements incessants se transforment en brûlures. Et dans la jungle humide, rien ne cicatrise. « On a mal partout, reconnaît le sous-lieutenant Fabien. Nos pieds sont mouillés du matin au soir, les brûlures, les crampes, la faim… »
Sous leurs airs de tortionnaires, les instructeurs sont en réalité attentifs et prudents. Ils scrutent en permanence l’état des troupes. Chaque exercice est pensé, adapté aux conditions très particulières. Les élèves doivent souffrir mais en toute sécurité. « Quand je les envoie se mouiller dans la rivière, ils peuvent penser que c’est une sanction mais en fait c’est pour eux, c’est pour refroidir le moteur. »
Stage de survie de trois jours
Après une semaine d’efforts et d’apprentissage, les élèves de l’EMIA vont être placés en situation de survie. « Dans six mois, ils seront chefs de section, ils auront quarante militaires sous leurs ordres, explique le commandant Hugues, responsable des deuxièmes années à l’EMIA. Ils seront peut-être envoyés en Guyane pour lutter contre les orpailleurs. Ils doivent survivre si quelque chose se passe lors de la mission. » Pour cette mise en situation, les stagiaires seront dépossédés de leur sac avec leur hamac et leurs affaires sèches. Ils n’auront que quelques machettes, des pastilles pour purifier l’eau et un fusil de calibre 12 pour chasser. Rien d’autre. Ils devront restituer ce qu’ils ont appris, construire leur abri, faire du feu sous la pluie.
Sur les 94 stagiaires du départ, dix seront arrêtés pour raisons médicales par le médecin. Mais tous sortiront grandis d’avoir affronté l’enfer vert.
Repères
L’EMIA L’École militaire interarmes (EMIA) est l’une des écoles de l’Armée de terre française. Elle est chargée de former des officiers issus du recrutement interne. L’EMIA recrute ses élèves parmi les sous-officiers d’active et les militaires du rang sélectionnés par concours. Les élèves officiers suivent une formation de deux ans. À l’issue de la première année, ils sont nommés au grade de sous-lieutenant, puis de lieutenant à la fin de la seconde année. Les lieutenants nouvellement promus complètent alors leur formation pendant une année supplémentaire dans l’école d’application de leur choix. Implantée sur le camp militaire de Coëtquidan à Guer (Morbihan), elle ne doit pas être confondue avec l’école Saint-Cyr, située sur le même camp, qui elle forme des civils à devenir officiers. Les forces armées en Guyane À 7 000 km de la métropole, 2 100 militaires des trois armées ainsi que 200 civils de la Défense composent les forces armées en Guyane (FAG). Elles sont déployées pour trois missions principales. L’opération Titan est le nom donné aux opérations de protection externe du Centre spatial de Kourou. Environ 50 militaires surveillent en permanence les abords de la base spatiale. Cet effectif atteint près de 350 militaires lors des phases de transfert ou de lancement (quatre à cinq jours par mois). Il peut atteindre, en cas de lancement sensible, jusqu’à 400 militaires. Lancée officiellement par la France en 2008, l’opération Harpie vise à éradiquer l’orpaillage illégal en Guyane. Elle est menée conjointement par les forces de l’ordre (police aux frontières, gendarmerie) et les FAG. Enfin, l’opération Polpêche consiste à protéger la zone maritime française. Elle est centrée sur l’observation des activités de pêches et l’appréhension des navires, matériels et produits de la pêche illégale. Des stagiaires encadrés En plus des instructeurs légionnaires, les élèves officiers de l’EMIA étaient très encadrés lors de stage d’aguerrissement. Sur place, le commandant de brigade Hugues, responsable des deuxièmes années et le lieutenant-colonel Luisetti, le commandant de l’EMIA les ont accompagnés ainsi qu’un soutien sanitaire composé d’une médecin, d’un infirmier et d’une auxiliaire sanitaire. Deux militaires du bureau des sports de l’école militaire étaient également présents afin de mieux préparer les futures promotions à ce stage.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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