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Sujet: Les opérations aéroportées en Indochine. Mar Déc 21 2021, 22:19
Les opérations aéroportées en Indochine
Le grand nombre de succès remportés initialement par les forces aéroportées en Indochine avaient persuadé les Français en 1953 que le Viêt-minh pourrait être forcé à se battre à la suite de la mise en place par voie aérienne d’un « appât » dans une zone qui lui était nécessaire, et qu’il pourrait ensuite être détruit par une bataille d’usure.
Au contraire, la bataille de Diên Biên Phû sonna le glas des ambitions coloniales françaises.
Les opérations aéroportées en Indochine contexte
Le grand nombre de succès remportés initialement par les forces aéroportées en Indochine avaient persuadé les Français en 1953 que le Viêt-minh pourrait être forcé à se battre à la suite de la mise en place par voie aérienne d’un « appât » dans une zone qui lui était nécessaire, et qu’il pourrait ensuite être détruit par une bataille d’usure.
Au contraire, la bataille de Diên Biên Phû sonna le glas des ambitions coloniales françaises.
Si l’histoire militaire devait être enseignée par associations de mots, le premier nom qui suivrait « Indochine française » serait « Diên-Biên Phû » et la première idée qui viendrait ensuite serait « défaite désastreuse ».
Heureusement nous ne pratiquons pas ce genre d’enseignement, mais beaucoup de gens persistent à croire que les opérations des Français en Indochine, et particulièrement leurs actions aéroportées, ne furent qu’une suite de bévues.
La première guerre d’Indochine débuta en 1946 quand, après une année de négociations entre le leader nationaliste vietnamien Hô Chi Minh et les Français, un convoi français tomba dans une embuscade et fut détruit en août à Bac Ninh.
A cette époque, Vô Nguyên Giap, expert militaire de Hô, avait sous ses ordres environ 50 000 hommes disposant d’un armement hétéroclite d’origine japonaise, américaine et française.
Il n’était jusqu’alors pas parvenu à obtenir l’aide du bloc communiste, et la Chine ne s’était pas encore dépêtrée de sa guerre civile.
On savait que le ,Viêt-minh avait mené la guérilla contre les forces d’occupation japonaises depuis 1941, et on peut rappeler non sans ironie qu’il avait reçu pendant la guerre l’appui des États-Unis .
Des succès à échelle réduite
La présence française s’était maintenue en Indochine durant la guerre, mais en 1945 les Japonais se débarrassèrent des derniers Européens, tant civils que militaires, lesquels furent exécutés ou emprisonnés.
A la fin des hostilités, les Nationalistes chinois et les Britanniques prirent possession du pays, les Chinois en occupant le nord et les Britanniques le sud.
En 1945 le général Leclerc disposait en Indochine d’à peine 40 000 hommes, mais ces hommes étaient des vétérans de la guerre en Europe.
Quand on estima que les forces françaises étaient suffisamment fortes pour maintenir l’ordre, les Britanniques se retirèrent et on persuada les Chinois de faire de même.
Selon Bernard B. Fall
« Les forces françaises envoyées en Indochine étaient trop fortes pour que la France résistât à la tentation de les employer, mais pas assez fortes pour dissuader le Viêt-minh de tenter de résoudre l’ensemble du problème politique en jetant les Français à la mer... On peut faire remonter l’origine du conflit indochinois à cette simple, mais tragique erreur de jugement ».
La pénurie de moyens devait peser sur toutes les opérations des Français.
Les actions de petites unités contre des objectifs identifiés étaient généralement couronnées de succès, mais il n’y avait pas assez d’hommes disponibles pour appliquer la tactique classique anti-guérilla, faite de quadrillage et de ratissage, ou pour la stratégie à long terme de la tache d’huile.
Cette stratégie se basait sur l’expérience acquise par les Français au cours du XIXe siècle en Afrique du Nord.
Dans le cas d’une contrée hostile, cette technique consistait à s’assurer une base ferme et ensuite, à la manière d’une goutte d’huile qui s’étend et s’unit à d’autres gouttes, à se répandre à l’intérieur du territoire en prenant possession des régions situées entre les bases.
Ce procédé avait donné de bons résultats en Afrique où le terrain situé entre les forts des Français était inhospitalier, mais en Indochine les collines et les jungles offraient de nombreux couverts et les villages des abris et du ravitaillement — c’était « l’eau » au sein de laquelle se prélassait le « poisson » de la guérilla.
Par quadrillage, ces collines et ces jungles étaient divisées en secteurs qui étaient ensuite fouillés par ratissage.
Ces tactiques avaient été utilisées à l’origine par les Nationalistes chinois qui avaient perfectionné le ratissage en version sophistiquée de la tactique du cordon et de la fouille.
Une région que l’on suspectait de donner refuge au Viêt-minh était encerclée ; le cordon se rapprochait ensuite du centre.
Quand elles s’étaient rejointes au centre, les troupes faisaient demi-tour et repartaient en sens inverse jusqu’à la limite extérieure de la zone.
De cette façon, on tentait d’assainir la région.
En pratique, les unités locales du Viêt-minh pouvaient s’enterrer et se dissimuler par les moyens les plus ingénieux tandis que les unités « régulières », plus importantes, avaient la possibilité de s’esquiver dès que le cordon commençait à se mettre en place.
C’est le désir de hâter la mise en place de ce cordon qui poussa les Français à mettre en œuvre des parachutistes, de la même façon que les Américains allaient se servir de troupes héliportées au cours du second conflit indochinois.
C’est un truisme que le fait de parachuter des soldats dans la bataille n’en fait pas de meilleurs combattants, mais que ce sont plutôt l’entraînement et la sélection qui assurent la qualité.
Le parachute est un moyen en vue d’une fin, et les Français devaient l’employer en 150 opérations importantes.
Une importante préparation
Dans les premiers temps du conflit, les principaux avions de transport de troupes et de liaison utilisés par les Français étaient des surplus allemands de la deuxième guerre mondiale.
LesJunkers Ju 52 et les Fieseler Storch luttèrent dans les brouillards du Viêt-nam du Nord ou se posèrent sur des pistes de boue durcie dans le delta, mais ils furent ultérieurement remplacés par des appareils américains comprenant 100 Douglas C-47 en 1952 et 25 Fairchild C-119 en 1954.
Les unités françaises de parachutistes en Indochine constituèrent initialement la 25e Div. aéroportée, mais cette organisation se révéla non satisfaisante parce que beaucoup d’unités Para étaient isolées ou opéraient dans des régions éloignées.
La réorganisation introduisit un commandement militaire des troupes parachutistes, comprenant les forces françaises métropolitaines, les parachutistes de la Légion étrangère et les bataillons coloniaux de parachutistes vietnamiens qui se trouvaient à l’entraînement à Saigon.
Le premier commandant fut le colonel Chavette, auquel succéda le colonel de Bollardière et ultérieurement le général Gilles qui conserva son commandement jusqu’à la fin de la guerre d’Indochine en 1954.
De 1947 à 1953, les 1er et 2e Bns Para de la Légion étrangère et les 1er 2e 3e, 5’, 6e et 8e Bns Para coloniaux, une force blindée aéroportée, des éléments d’appui tels que le 35e groupe d’Aie. aéroporté, ainsi que du Gn., furent envoyés de France ou constitués et entraînés en Extrême-Orient.
Il y eut aussi une unité du type SAS créée et commandée par le colonel Langlais.
A la fin de 1953, les Français pouvaient aligner 16 Bns Para, ce qui avec les unités d’appui faisait un total de 25 000 hommes.
La première opération de la guerre fut un saut en septembre 1946 près de Luang-Prabang au Laos qui faisait alors partie de l’empire colonial français.
Elle fut suivie d’un largage près de Haiphong afin d’attaquer les forces Viêt-minh au nord du port.
En 1947 se déroulèrent d’importantes opérations entre Bok Khan et Cao Bang ; en 1948 à Viet Tri ; en 1950 autour de Nam Dinh, tandis qu’un an plus tard deux largages d’importance eurent lieu à Nghialo et Hoa Binh, avec deux autres en 1952 à Dong Hoi et Phu Doan sur la Rivière Rouge.
Le sommet fut atteint en 1953 avec des sauts à Lang Son. Nasan, Than Hoa et Diên Biên Phû — il y eut encore deux largages supplémentaires à Diên Biên Phû entre mars et mai 1954.
Des opérations selon la théorie .
Ces opérations retinrent principalement l’attention, mais, de par leur valeur intrinsèque, deux actions d’importance moindre méritent d’être examinées de plus près.
Au début des années 1950, la frontière nord entre le Viêt-nam et la Chine était passée aux mains du Viêt-minh.
La guerre civile était terminée en Chine et, en tant que dernier-né des États communistes, ce pays ravitaillait le Viêt-minh en armes et en équipements fabriqués en Union Soviétique ou en Europe de l’Est.
En 1952 le Viêt-minh était assez puissant pour opérer de façon semi-régulière et s’était fixé des buts stratégiques annuels.
En 1952 il envisageait de s’emparer d’une base de départ contre le Laos, d’établir une liaison avec la Thaïlande et de mettre la main sur la récolte d’opium.
Pour ces opérations, il engagea 300 000 volontaires locaux et 120 000 guérilleros provinciaux, ainsi qu’une armée régulière forte de six Div. d’Inf. et d’une Div. d’Aie — un total de 100 000 soldats réguliers bien armé et bien entraînés.
Les Français avaient connaissance de ces plans, mais ne disposaient pas des moyens nécessaires pour couvrir la frontière laotienne.
La meilleure solution était de capturer et de détruire les dépôts de ravitaillement ennemis situés dans la région de Phu Doan entre Truyen Doan et Yen Bai.
Des pertes négligeables
Idéalement, les Français auraient aimé capturer Yen Bai, mais une fois de plus il n’y avait pas suffisamment de troupes ni d’appareils disponibles.
L’objectif devint Phu Doan et le nom code de l’opération « Lorraine ».
En octobre, une attaque exécutée par l’infanterie et les blindés avait porté les Français à 30 km de Phu Doan, et l’opération aéroportée aurait permis la destruction des dépôts sur les deux rives du Sông Chay (sông est le mot annamite pour « rivière »).
Les parachutistes devaient sauter au matin du 9 novembre, s’emparer du pont sur la rivière et détruire ensuite les dépôts.
Une colonne de secours de blindés et d’infanterie devaient se mettre en route au cours de la nuit du 8 et après que ces deux forces aient pris contact elles devaient, tous moyens réunis, nettoyer la région pendant plusieurs jours avant de battre en retraite vers Viet Tri.
Dans la région, le Viêt-minh avait les éléments de base de ses 308e et 312e Div. (environ 400 hommes) avec deux Bns. de la 316e Div. et un certain nombre de mortiers de 120 mm et d’obusiers de 105 mm.
Le Gpt. aéroporté, sous le commandement du colonel Ducourneau, se composait d’un état-major et de trois Bns., les 1er et 2e de la Légion étrangère et le 3e Bn. de parachutistes coloniaux, de deux Sns. chacune de trois canons sans recul de 75 mm, d’une section du Gn. avec bateaux d’assaut et d’une équipe de destruction.
Ils devaient être transportés par 53 C-47, qui devaient faire deux voyages en un jour à partir de deux aérodromes situés près d’Hanoi.
Deux Bns. devaient sauter à 09 h 30, l’un d’entre eux avec l’état-major, sur une zone de largage situé au nord de la rivière.
Le choix de cette zone n’avait pas été très heureux :
Comptant 1 400 m de longueur et 220 m de largeur, elle était couverte de buissons et de très grands roseaux qui dissimulaient un terrain dur et très inégal.
La zone de largage sud comptait 1 000 m sur 400 m et était formé de rizières.
Des chasseurs avaient pour mission de neutraliser les villages environnants et des bombardiers B-26 Martin de survoler la région pendant toute l’opération.
A 14 h 30 un Bn. devait sauter d’une altitude de 200 m sur la zone de largage nord.
Il était prévu de marquer les deux zones de largage par des bombes fumigènes lancées par un avion léger trois minutes environ avant l’arrivée des C-47.
L’opération fut couronnée de succès.
La tête de pont fut prise par 354 parachutistes dont les seules pertes furent 7 tués et 16 blessés qui furent évacués par hélicoptère le 10.
Quelques groupes du Viêt-minh furent attaqués par les chasseurs sur la zone de largage sud.
Vers 17 h 00 le contact fut établi avec les forces terrestres, qui prirent alors la direction de l’ensemble en vue des opérations de nettoyage et de destruction.
Les Français s’emparèrent de 34 mortiers, 30 roquettes antichars, 40 mitrailleuses, 40 mitraillettes, 250 fusils et deux canons sans recul de 57 mm.
Une prise intéressante fut celle d’un camion qui, au lieu d’être d’origine française comme les autres véhicules du Viêt-minh se révéla être un Molotova soviétique.
La riposte du Viêt-minh
Au cours du nettoyage qui suivit, les Français découvrirent et détruisirent des dépôts d’armes et de vivres.
Le 16 novembre, après une semaine de marches et de combats, les parachutistes furent évacués par camion vers Hanoi.
Cependant, le Viêt-minh ne tarda pas à réagir, et une embuscade montée par deux Régts. intercepta des éléments de l’arrière-garde, leur détruisit des camions, des chars et leur causa certaines pertes.
La première leçon, qui devait prouver sa validité dans les deux conflits indochinois, fut que, alors qu’il était relativement aisé de pénétrer jusqu’aux bases de l’ennemi, il était essentiel que les forces ayant accompli 1e raid ne s’attardent pas afin de ne pas donner à l’ennemi le temps de réagir, de se regrouper et de contre-attaquer.
Au printemps suivant, la poussée Viêt-minh contre le Laos avait subi un échec, et une certaine parité qui s’était établie entre les deux partis incita les Français à tenter un autre raid contre les lignes de ravitaillement ennemies.
L’objectif choisi fut la ville de Lang Son, base de rassemblement et de distribution, située à proximité de la frontière chinoise, loin dans la profondeur du territoire ennemi.
L’interdiction aérienne appliquée aux routes de ravitaillement partant de Lang Son avait produit un étranglement dans la chaîne de ravitaillement, et l’accumulation de provisions et de munitions qui en avait résulté avait été rassemblée au nord de la ville dans des abris à l’épreuve des bombes.
Ce raid devait être de loin plus difficile que le précédent, car non seulement il fallait s’emparer de la ville et des abris, mais entre l’objectif et les lignes amies les plus proches s’étendaient plus de 70 km de terrain montagneux, boisé et presque dépourvu de voies de communication.
Les forces adverses se composaient d’un Bn. local et de deux Cies. provinciales à Lang Son, tandis qu’à la frontière chinoise, qui ne se trouvait qu’à 10 km, il y avait quelques unités légères AA.
Des éléments de la 308e Div. d’Inf. se trouvaient à 48 heures de là, à Thai Nguyen.
Plus inquiétant encore, dans les 70 km de territoire hostile entre Lang Son et Tien Yen, le poste français le plus proche, un total de 8 Cies. provinciales pouvaient être engagées le premier jour et de 4 à 6 après le deuxième jour.
Le général Gilles avait reçu le commandement de l’opération qui avait été baptisée « Hirondelle » et avait été divisée en trois phases :
Premièrement, le largage le 17 juillet suivi de la destruction des dépôts de Lang Son ;
Deuxièmement, la capture d’un pont sur la rivière Sông Ky, près de Loc Bink, pour couvrir la retraite ;
Troisièmement, une operation par voie terrestre débutant le 17 à Tien Yen et poussant vers le nord-ouest sur un axe Tien Yen-Dinh Lap.
Celle-ci était destinée à réduire la distance entre les troupes aéroportées et les forces amies.
Un secret total
Le groupement aéroporté, commandé par le colonel Ducourneau (le même qu’à Phu Doan) se composait d’un état-major, des 6e et 8e Bns. coloniaux et du 2e Bn. de la Légion étrangère.
En supplément il y avait une Sn. du Gn. qui disposait de 14 bateaux d’assaut pneumatiques.
Les forces de terre comprenaient trois Bns. et deux commandos, quelques chars et une Cie. du Gn. avec trois bulldozers.
En réserve, sur les aérodromes de Gia Lam et de Bach Mai à Hanoi, il y avait un Bn. Para et une Bie. de canons sans recul de 75 mm.
Si important était le secret, que le général Gilles se chargea lui-même de toute la préparation avec l’aide seulement d’un officier des transmissions.
Les ordres ne furent rédigés que deux jours avant l’opération et les unités alertées le 16 juillet à 14h 00 ; après quoi, elles furent consignées dans leurs casernes.
Les commandants de Bn. reçurent communication des ordres à 15 h 00 et les commandants de Cie. à 16 h 00.
Rien que des armes légères
Les parachutistes ne devaient emporter que leurs armes personnelles ; en conséquence l’appui aérien avait été préparé avec soin.
De H — 15 minutes à H, des chasseurs devaient attaquer tous les postes ennemis qui avaient pu être localisés par la photographie aérienne des zones de largage.
De H à H + une heure, les opérations de largage et de regroupement seraient appuyées par des attaques contre toutes les résistances ennemies qui se dévoileraient ;
Passé H + une heure un carrousel de chasseurs, prêts à intervenir sur demande, sillonneraient en permanence le ciel.
Enfin, après la tombée de l’obscurité, le secteur devait être illuminé par des fusées lancées à partir de C-47.
Les largages sur la zone de Lang Son s’effectueraient par sticks complets (28 hommes) parce que la zone était constituée de vastes rizières, mais à Loc Binh ne sauteraient que des demi-sticks.
S’étendant entre une rivière et deux villages, cette dernière zone de largage était plus limitée à la fois en longueur et en largeur.
Vers 08 h 10 l’état-major et deux Bns., transportés par 56 C-47, sautèrent près de Lang Son, tandis que quatre heures plus tard le Gn. et le 3e Bn., qui occupaient 29 C-47, furent largués près de Loc Binh.
La surprise est payante
Une fois de plus, la surprise fut payante.
Il faisait très chaud, et 1es unités ennemies ne se gardaient pas.
Les Cies. locales et provinciales prirent la fuite, et seul le détachement de garde des dépôts opposa quelque résistance jusqu’à ce que l’on ait eu recours à l’appui aérien.
Au cours du combat pour les dépôts, le Viêt-minh perdit 5 prisonniers et 21 tués confirmés.
Le combat terminé, les Français purent recenser leur butin.
Les dépôts contenaient 250 abris, renfermant chacun 4 nouveaux fusils automatiques tchèques, 4 camions américains G.M.C. et deux camions soviétiques Molotova, 18 000 litres d’essence, environ 600 m3 de pièces de rechange pour moteurs, 250 pneus, environ 800 kilos de munitions, 250 fusils et 50 mitraillettes, 15 moteurs électriques, 8 grandes machines-outils, environ 50 m3 de pièces d’habillement militaire, 5 600 kilos de thé, des appareils téléphoniques, des machines à écrire, 20 000 paires de chaussures, des documents et 500 caisses de cigarettes russes.
Le compte effectué, les équipes de destruction se mirent au travail ; environ 800 kilos d’explosifs furent utilisés, et vers 16 h 00 la destruction des abris, des dépôts aussi bien que des parachutes par l’explosif ou par le feu était complètement terminée.
Les routes menant vers le sud et vers l’ouest furent minées, et les deux Bns. de Lang Son se mirent en route pour rejoindre les éléments de Loc Binh.
Le franchissement de la rivière avait été préparé et l’opération couverte sur le flanc faisant face à la frontière chinoise.
La marche forcée fut une épreuve sévère.
Les problèmes soulevés par la chaleur intense et la fatigue furent encore aggravés par la présence de 300 civils, hommes, femmes et enfants qui avaient décidé d’accompagner les Français.
Ils marchèrent avec les parachutistes pendant 48 heures sans arrêt et endurèrent toutes les souffrances de ce pénible voyage.
Le 18 vers 23 h 00, les éléments de pointe établirent le contact avec les forces de secours près de Dinh Lap.
Le Gn. aménagea rapidement la route et, comme les parachutistes prenaient place dans les camions, les premières Cies Viêt-minh passèrent à l’attaque.
Les Vietnamiens ouvrirent le feu à la mitrailleuse, mais la distance était trop grande.
Les parachutistes furent transportés par mer de Tien Yen à Haiphong et de là à Hanoi.
Des 2 001 hommes, qui avaient pris part au raid, un avait été tué, un disparu et trois autres étaient morts d’épuisement pendant la marche ; 21 blessés avaient été évacués par hélicoptère.
Phu Doan et Lang Son illustrèrent ce qui pouvait être réalisé avec des troupes aéroportées souples et bien entraînées.
Les Français exécutèrent un grand nombre de raids semblables à l’intérieur du territoire ennemi :
C’était des opérations risquées, mais peu coûteuses et qui produisirent de très bons résultats.
Au cours de patrouilles de routine et d’actions de moindre envergure, les Bns Para avaient perdu en 1953, 5 000 hommes tués, blessés ou disparus, c’est-à-dire plus de 20 pour cent de leurs effectifs.
Auparavant, le général Jean de Lattre de Tassigny avait mis un terme aux attaques ennemies dans le delta de la Rivière Rouge, grâce à l’énorme puissance de feu dont disposaient les forces françaises — le Viêt-minh qui avait choisi de mener des opérations classiques avait été tenu en respect en 1951.
Au général René Cogny, commandant en chef au Tonkin comme au général Henri Navarre, son homologue en Indochine, la leçon parut claire :
Ils devaient arrêter l’offensive Viêt-minh au Laos en tendant un piège à l’aide de leurs troupes aéroportées.
On établirait dans le dos du Vietminh, en travers de ses communications, une base qu’il se verrait forcé d’attaquer.
Une fois qu’il aurait concentré ses forces et cessé d’opérer en petite unités insaisissables, il pourrait être écrasé par la puissance de feu des Français.
Tous les renforts et les ravitaillements de l’ennemi pourraient être attaqués en cours de mouvement par l’aviation, pendant que l’artillerie française rejetterait les attaques dirigées contre la base.
Au cours de la deuxième guerre mondiale, le général-major Orde Wingate avait démontré, durant la seconde opération Chindit en Birmanie, que ses points d’appui étaient capables non seulement de résister aux attaques japonaises, mais encore de perturber les lignes de communication ennemies et d’affecter gravement leur capacité offensive comme à Kohima et à Imphal.
Ces points d’appui dépendaient entièrement du ravitaillement aérien, mais cela étant, ils étaient capables de fixer d’importantes forces ennemies et de les détruire. Ce fut cette idée qui détermina les Français à constituer une base à Diên Biên Phû.
Diên Biên Phû était un petit village situé à un point de franchissement de la rivière Nam Yum.
On y voyait les vestiges d’un aérodrome construit par les Japonais au cours de la deuxième guerre mondiale, et le fond de la vallée se hérissait d’un certain nombre de petites collines qui furent jugées favorables à l’établissement de positions défensives.
Le site était cependant distant de 225 km des aérodromes français de Hanoi, mais n’était éloigné que de 130 km de la frontière chinoise.
La vallée compte 16 km de longueur sur un peu plus de 6 km de largeur et est flanquée de collines dont l’altitude varie de 425 à 550 mètres.
Au cours de la préparation de l’opération, on méconnut certains éléments qui devaient entraîner de graves conséquences — la vallée était sujette à l’inondation à l’époque de la mousson et d’épais brouillards, accompagnés de pluie, étaient susceptibles d’entraver fortement l’approche en vol — en outre, les auteurs du projet avaient complètement négligé l’éventualité d’une entrée en action de l’artillerie AA du Viêt-minh.
L’Opération « Castor »
L’Opération « Castor »débuta le 20 novembre 1953 par le largage des 1er 2e et 6e Bns. coloniaux sur l’ancien aérodrome.
Renforcés par deux Bns. pourvus de canons sans recul de 75 mm et par un peloton de mortiers de 81 mm, ils passèrent à l’attaque des deux Cies. Viêt-minh qui se trouvaient sur place à l’entraînement.
Outre ces éléments de choc, le premier groupe parachuté comprenait une Cie. du Gn. et une équipe médicale qui avaient été amenées en 64 C-47 de Bac Mai et Gia Lam.
Les Français étant en possession de la vallée, les avions purent, à partir du 24, atterrir sur l’aérodrome remis en état.
En mars, la garnison comptait 10 133 hommes :
Quatre Bns. de la Légion étrangère, le 3e Bn. de tirailleurs marocains, le 2e Bn. d’Inf. vietnamienne et le 3e Bn. d’Inf. thaï, 4 pièces de 155 mm, 24 de 105 mm, comme aussi des pièces AA de 20 mm et de 40 mm destinées soit à l’appui au sol, soit à l’engagement des appareils chinois qui auraient eu éventuellement l’intention d’intervenir.
Il y avait une petite Cie. de transport totalisant 127 véhicules et se composant de camions, de jeeps et d’ambulances, un Bn. du Gn., deux hôpitaux de campagne, trois unités de ravitaillement et un petit détachemènt de l’aviation comprenant des avions de reconnaissance, 5 chasseurs bombardiers Curtiss SB2C Heildiver et Vought F4U Corsair, 4 C-47 et un hélicoptère Sikorsky S-51 pour l’évacuation des blessés.
Ce fut un bel exemple de ravitaillement aérien dont le sommet fut la livraison de 10 chars M 24 Chaffee qui exigeaient chacun 5 C-47 et 2 Bristol Freighter pour leur transport.
Mais les Français n’avaient pas décidé s’ils entendaient établir une position défensive ou une base de patrouilles.
En définitive, ils ne réalisèrent aucune des deux ,bien que d’importants réseaux de barbelés eussent été érigés, les abris et les tranchées étaient insuffisants, et les patrouilles découvrirent bientôt qu’elles ne pouvaient s’éloigner bien loin du périmètre défensif établi.
Le général Giap avait relevé le défi et ses troupes enserraient la garnison d’un cordon d’infanterie, d’artillerie et des moyens AA qui allait finir par l’étouffer.
De décembre 1953 à mars 1954, Giap mit en place les 304e, 308e, 312’ et 316’ Div. d’Inf. ainsi que la 351’ Div. d’Aie. et un Régt. du Gn. , au total :
70 000 hommes. En supplément, 60 000 auxiliaires des deux sexes furent mis au travail pour construire des routes et transporter le ravitaillement et les munitions. I
Ils mirent aussi en position 144 pièces d’artillerie de campagne (105 mm et 75 mm). 48 mortiers de 120 mm, 30 canons sans recul de 75 mm et ultérieurement 12 lance-roquettes sextuples Katyusha.
Ceux-ci furent enterrés dans des positions à l’épreuve, munies d’étroites embrasures, qui constituaient pour la contre-batterie française des cibles presque impossibles à atteindre.
Sur les collines, le Viêt-minh déploya également plus de 180 canons AA, dont les calibres allaient de 12,7 mm à 37 mm, et qui pouvaient tendre un barrage plus dense que ceux qui avaient protégé la Ruhr durant la deuxième guerre mondiale.
Giap avait fixé le Jour J au 12 mars, date à laquelle il disposerait d’une supériorité de huit contre un.
L’artillerie ouvrit le feu sur Diên Biên Phû le 12, et le lendemain deux C-47 et un chasseur furent détruits sur l’aérodrome.
A 17 h 15, le Viêt-minh lança une forte attaque contre 1e point d’appui « Béatrice » qui était tenu par le 3e Bn. de la 13e demi-brigade de la Légion.
Vers 21 h 00, seul un îlot de résistance tenait encore, et après minuit ce fut le silence :
« Béatrice » avait été submergé et sa garnison avait eu 75 pour cent de pertes, 200 hommes seulement ayant pu se soustraire à l’ennemi.
Le désastre se dessine
La perte après six heures seulement d’une position tenue par la Légion galvanisa l’état-major français de Hanoi.
Le 14, le 5e Bn. Para vietnamien fut largué afin de renforcer la garnison.
Le soir du même jour, à 18 h 00, commença le bombardement du point d’appui « Gabrielle » occupé par des tirailleurs algériens appuyés par huit mortiers de 120 mm de la Légion.
Durant toute une nuit de combats désespérés, huit Bns. du Viêt-minh se ruèrent à l’attaque de cet unique bataillon.
A l’aube, une seule position était encore aux mains des Français, et une contre-attaque exécutée par deux Cies. de la Légion et un Bn. Para vietnamien, appuyés par six chars, permit de récupérer les 150 survivants de « Gabrielle ».
Il y eut ensuite une accalmie dans les attaques, chacun des deux partis regroupant ses forces et établissant de nouvelles positions les Français dans un but de défense et de protection, le Viêt-minh pour se rapprocher de l’ennemi.
Le 16, les hommes du 3e Bn. thaï abandonnèrent leurs positions d’« Anne-Marie » et, au même moment, plusieurs centaines de Nord-Africains et de Vietnamiens se débandèrent et, passés à l’état de « déserteurs internes », cherchèrent refuge dans des cachettes souterraines qu’ils creusèrent sur les rives de la rivière Nam Yum.
Cependant, bien que des pertes eussent été causées par l’effet de l’ennemi et de la désertion, des renforts rejoignirent aussi la garnison.
Du 16 au 27 mars, le 6e Bn. de parachutistes coloniaux commandé par le légendaire lieutenant-colonel Marcel Bigeard, un hôpital de campagne, un détachement d’artillerie, ainsi que 400 volontaires qui effectuaient leur premier saut, furent parachutés à Diên Biên Phû.
Au début d’avril, ils furent suivis par deux Cies. du 2e Bn. de la Légion commandées par le lieutenant-colonel Brechignac, puis par les 8e et 5e Bns. de parachutistes coloniaux, le premier étant aux ordres du lieutenant-colonel Guiraud.
Il y avait maintenant sept Bns. Para dans la vallée.
Le commandement en avait été dévolu à des officiers parachutistes, coiffés par le lieutenant-colonel Langlais.
Ses relations avec le chef nominal, Colonel de Castries, furent toujours bonnes, mais on peut se demander si le coriace parachutiste breton n’eût pas été mieux à cette place que l’élégant officier de cavalerie.
Un combat ininterrompu
La nuit du 30 mars, après une forte préparation d’artillerie et l’explosion d’une mine sous « Eliane », les 312e et 316e Div. se portèrent à l’assaut des cinq collines qui constituaient les positions de « Dominique » et d’« Eliane ».
La lutte qui suivit dura quatre jours, au cours desquels se succédèrent, de façon ininterrompue, attaques et contre-attaques.
Le 2 avril, la 308e Div. attaqua « Huguette », et Bigeard lança une contre-attaque qui en chassa le Viêt-minh avec une perte de 800 hommes.
Une autre attaque reprit un point d’appui d’« Eliane », mais bien que le moral de la garnison fût demeuré à un haut niveau, les positions n’en furent pas améliorées pour autant.
Giap avait subi de très fortes pertes, mais il poursuivait un but politique bien défini en lançant contre les lignes françaises ses attaques proches du suicide.
Diên Biên Phû était devenu l’objet de l’intérêt mondial et, à Genève, la conférence sur la Corée de l’Indochine avait inscrit le débat sur l’Indochine au programme du 8 mai.
Si Giap parvenait à écraser Diên Biên Phû avant cette date, les négociateurs du Viêt-minh à la conférence se trouveraient dans une position extrêmement favorable.
La fin approche
Le 1er mai à 22 h 00, le Viêt-minh déclencha une offensive générale.
Les Français ne disposaient plus que de trois jours de vivres et à peine de 275 coups de 155 mm, 14 000 de 105 mm et 5 000 de 120 mm pour mortiers.
Les assauts se portèrent contre les débris de « Claudine » et de « Dominique » ainsi que contre les collines jumelées d’« Eliane ».
Le 6 mai, Giap engagea ses Katioucha pendant quelques instants, les Français crurent que le bruit des véhicules sur lesquels étaient montés les lance-roquettes multitubes était celui de l’arrivée d’une colonne de secours.
A l’aube du 7 mai, la base avait été réduite à un quadrilatère d’environ 800 m de côté.
Au cours de ces dernières heures, Bigeard parvint encore à monter une contre-attaque à l’aide du dernier char, commandé par le capitaine Hervouët qui, pour la circonstance, avait enlevé les plâtres qui maintenaient ses bras fracturés.
Après 55 jours de siège, Diên Biên Phû tomba en combattant, mais ne se rendit pas.
Il ne survécut que 3 000 hommes sur un total de 16 544.
Plus de 3 000 hommes étaient tombés au combat et 10 000 autres périrent, soit au cours des marches vers les camps de prisonniers, soit pendant la période de « rééducation » qui suivit.
Le Viêt-minh perdit 8 000 morts et 15 000 blessés, mais Giap put faire cadeau d’une victoire à ses négociateurs politiques à Genève.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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Sujet: Re: Les opérations aéroportées en Indochine. Mer Déc 22 2021, 08:00
Sujet très intéressant, merci JP.
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Michel Admin
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Sujet: Re: Les opérations aéroportées en Indochine. Mer Déc 22 2021, 08:58