Tu le sais bien le temps passe

La journaliste et chroniqueuse politique Catherine Nay était l’invitée de Christian Makarian ce jeudi à l’occasion de la sortie de son livre « Tu le sais bien, le temps passe » (Bouquins), une rétrospective de la dernière décennie politique mais d’un point de vue journalistique. Cette plongée dans les couloirs de la Cinquième République tombe à point nommé, quelques mois avant l’élection du nouveau président de la République.

Peu d’individus auront la chance d’approcher, au moins une fois dans leur vie, les grands de ce monde. Catherine Nay fait partie de ses “happy few” qui ont tutoyé les cimes du pouvoir, grâce à son métier de journaliste politique. Dans le tome II de ses Mémoires, « Tu le sais bien, le temps passe » (Bouquins), elle revient sur quarante ans de vie politique et journalistique, mais aussi personnelle, et s’arrête tout particulièrement sur la dernière décennie, depuis l’élection de Jacques Chirac à celle d’Emmanuel Macron.

Des souvenirs et anecdotes de la vie politique

Le livre débute sur une anecdote partagée entre Catherine Nay et Bernadette Chirac. Elle dresse un portrait inédit de l’ex-première Dame. Celui d’une femme pleine de convictions et qui a pourtant été sciemment mise de côté pour ne pas faire de l’ombre à son mari, Jacques Chirac. “Le jour de l’investiture, Bernadette est arrivée sur le tapis rouge et s’est tordue la cheville. C’est pas glamour, et cet épisode a eu des conséquences politiques fâcheuses pour elle. Sa fille, qui dirigeait alors la communication de son père, a jugé que la présence de Bernadette auprès de Jacques Chirac faisait mauvais genre et qu’il fallait l’éloigner de l’image présidentielle. Elle n’a pas vu que Bernadette était une grande politicienne, admet Catherine Nay. Elle connaissait le terrain. Elle était aussi à l’aise dans une cuisine de ferme qu’à discuter avec les grands de ce monde. Elle a d’ailleurs été la première à attirer l’attention de son mari quant au danger Le Pen », confie-t-elle.

L’investiture de Nicolas Sarkozy, côté coulisses

Le talent de Catherine Nay tient à cette façon de dépeindre les épisodes politiques les plus célèbres, mais côté coulisses. C’est ainsi qu’elle raconte comment Nicolas Sarkozy a raté son entrée à l’Elysée en 2007, tout bouleversé qu’il était par la menace de sa femme de l’époque, Cécilia Sarkozy, de le quitter une fois élu. “Il est arrivé à la campagne exténué”, fait-elle savoir. 
Elle ne manque pas de rappeler que les êtres politiques sont des êtres humains de chair. “Les grands de ce monde ont des deuils, souffrent. Souvent, le caractère prime sur des décisions”. Ainsi, elle rappelle l’enfance studieuse et rigoureuse d’Alain Juppé qui selon elle, a pu jouer en sa défaveur en matière politique. “Ce garçon élevé par sa mère, enfant unique d’un second mariage, était un peu un cygne dans une couvée de canards. Il fallait qu’il soit toujours premier en classe. S’il n’était pas premier, sa mère lui fouettait les mollets”, confie-t-elle. Ça a contribué à forger des qualités intellectuelles un peu hors normes certes, mais est-ce que ça en fait pour ça un très bon politique, pas forcément…”, indique-t-elle.

Citation :

« La France est très mal gérée depuis 1981 »

En dézoomant la focale de ces quarante dernières années et de ces cinq investitures présidentielles, Catherine Nay dresse un constat : “Ce qui me frappe, c’est que la France est très mal gérée depuis 1981. La gauche et la droite sont des épiciers qui se fournissent chez le même grossiste. L’électorat de gauche trouve que la gauche n’en fait pas assez. La droite est toujours déçue parce qu’elle élit des gens qui font une campagne libérale et qui au final appliquent une politique socialiste”. Quant au président en exercice, son analyse apparaît également mitigée :  “Il a gagné en faisant le pari qu’on pouvait être élu sans parti. Il a fait exploser un écosystème. Mais, au moment des manifestations des gilets, jaunes, la mauvaise connaissance du terrain au sein de sa majorité a éclaté au grand jour”.

https://radionotredame.net/2021/politique/la-gauche-et-la-droite-sont-des-epiciers-qui-se-fournissent-chez-le-meme-grossiste-catherine-nay-354585/