[size=49]Présidentielle 2022. Le passe sanitaire pourrait-il être demandé pour aller voter ? On vous répond[/size]
C’est une perspective agitée par les anti-passe sanitaire et anti-vaccin. Si le passe sanitaire peut effectivement encore être de mise en avril prochain, le gouvernement assure pour le moment qu’il ne sera pas obligatoire. La mesure serait plus intenable politiquement qu’inconstitutionnelle. Explications.
« Est-ce qu’il faudra présenter le passe sanitaire pour voter à la prochaine présidentielle ? » La question nous est posée par Mathieu, d’Acigné (35).
Après deux lois examinées en mai et en juillet, l’Assemblée va débattre à compter de ce mardi 19 octobre d’un projet de loi prolongeant jusqu’au 31 juillet la possibilité de recourir au passe sanitaire. Les députés vont se prononcer sur une prolongation pour huit mois du dispositif, ce qui permettra d’enjamber la présidentielle et les législatives. C’est peut-être cette perspective qui pousse Mathieu à nous poser cette question du scrutin et de la nécessité ou non de présenter un passe sanitaire pour se rendre dans les urnes les 10 ou 24 avril 2021.
Le passe obligatoire pour pouvoir voter ?
Non répond le gouvernement. Interrogé sur le sujet au début du mois, Gabriel Attal, a clairement expliqué que le passe sanitaire ne serait pas demandé pour aller voter. « Si le passe sanitaire devait être réactivé, il ne le serait pas pour le fait d’aller voter » a assuré le porte-parole du gouvernement dans l’émission Dimanche en politique de France 3. « C’est constitutionnel (sic) , on ne peut pas conditionner la possibilité d’aller voter », a ajouté Gabriel Attal, toutefois conscient que « certains cherchent à agiter cette peur-là », notamment « chez les antivax qui instrumentalisent les peurs des Français ».
Une atteinte à la démocratie ?
Le gouvernement fait et a déjà fait l’objet de plusieurs attaques à ce sujet. Certain(e)s femmes ou hommes politiques n’hésitent pas, à grand renfort de post Twitter ou Facebook, à affirmer que seules les personnes vaccinées pourront aller voter à l’élection présidentielle.
Par exemple fin juillet, Jean-Michel Cadenas, délégué départemental de la fédération du Rassemblement National de la Mayenne et membre du conseil national du parti parlait de « véritable atteinte à la démocratie » en réaction au rejet d’un amendement déposé par le député (ex-LREM) Joachim Son-Forget pour que les bureaux de vote soient exclus de l’application du passe sanitaire. Sauf que dans le projet de loi que combattait alors Son-Forget, aucune mention n’est faite des bureaux de vote. Ils en étaient donc exclus de fait…
Que ce soit pour l’élection présidentielle ou les législatives qui s’ensuivront, si l’on en croit les propos du porte-parole du gouvernement, le passe sanitaire ne sera donc pas demandé pour glisser un bulletin dans l’urne. Cela serait-il anticonstitutionnel pour autant ?
Une mesure anticonstitutionnelle ?
Lauréline Fontaine, professeure de droit public et constitutionnel à la Sorbonne Nouvelle Paris 3, concède volontiers quelques difficultés à trancher. Non pas au regard du contenu de la Constitution, mais de ceux qui en sont les garants. « Depuis le début de l’épidémie, sous couvert de gestion sanitaire, le Conseil constitutionnel a plutôt délivré un blanc-seing aux demandes du gouvernement », constate Lauréline Fontaine. La haute institution serait-elle devenue une simple chambre d’enregistrement sur cette séquence ? « Une troisième chambre politique », corrige la professeure qui prépare un ouvrage sur le sujet. « Le Conseil constitutionnel prend acte. Et ses avis ne sont que très peu motivés. » Voilà pour la forme.
Sur le fond, Lauréline Fontaine rappelle dans un premier temps que le passe sanitaire n’a rien à voir avec « l’âge (le vote n’est autorisé qu’à partir de 18 ans) ou la capacité (certaines personnes sous tutelle ne peuvent voter) qui sont des motifs traditionnellement admis ».
Ensuite, sur un plan sanitaire, puisque c’est de ça dont il s’agît, l’enseignante interroge en guise de réponse : « Si l’on peut aujourd’hui aller faire ses courses sans passe, pourquoi ne pourrions-nous pas aller voter, un acte tout aussi important, si les mêmes mesures sanitaires sont prises ? » Et Lauréline Fontaine de citer le port du masque, les vitres en plastique présentent dans les petits commerces ou les grandes surfaces.
Bref, si demander le passe pour voter peut se révéler finalement constitutionnel, ce serait avant tout aux yeux de la professeur de droit difficilement défendable. Ce même si les opposants au passe semblent de moins en moins nombreux.
L’opposition a d’ailleurs prévenu. Au-delà de la question des scrutins à venir. « Quand on restreint les libertés pour un motif d’intérêt général, et la situation sanitaire en est un, on ne peut le faire que sous contrôle du Parlement, a ainsi prévenu le sénateur LR Philippe Bas, rapporteur des précédents textes sanitaires à la Haute assemblée. Le fait qu’il y ait une élection présidentielle ne doit pas servir d’excuse pour éluder le contrôle parlementaire. »
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