La mutinerie de Thiaroye (Sénégal) le 1er décembre 1944.
Il n'est pas question de nier les faits mais de les replacer dans leur contexte et de les ramener à leur juste échelle. Les tirailleurs en question revenaient de captivité où certains d'entre eux avaient été contaminés par la propagande allemande et peut-être aussi par certaines marraines de guerre. Leur contigent (1 300 gradés et tirailleurs ) avait séjourné longuement en métropole réparti entre Versailles, La Flèche et Rennes où ils avaient été livrés à eux-mêmes et mal informés par les services administratifs.
Sous-encadrés par des personnels de réserve qui ignoraient tout de leur psychologie, ils avaient créé des incidents à bord du bâtiment britannique sur lequel ils avaient embarqué à Morlaix pour rejoindre Dakar où leur débarquement n'avait donné lieu à aucun incident.
Transférés à Thiaroye, du 21 novembre au 1er décembre, arguant de promesses invérifiables qui leur auraient été faites, et encadrés par des meneurs qui exercaient une réelle autorité sur eux, ils réclamaient des primes de plus en plus élevées tout en manifestant leur mépris pour la France et ses représentants sur le terrain.
Le commandant de la région Sénégal-Mauritanie est lui-même personnellement menacé. Le drame se situe le 1er décembre. Certains des mutins étant armés, ils manquent de peu de s'emparer d'un half-track, exercent des voies de fait sur des officiers et des coups de feu sont tirés.
Les forces de l'ordre doivent donc faire face à une mutinerie armée. Et c'est à ce moment seulement que leur sont distribuées les munitions alors qu'au départ personne n'avait de cartouche dans son fusil.
Les sommations sont faites et une salve est tirée en l'air. Elle n'a d'autre résultat que de provoquer les lazzis des rebelles et quelques coups de feu de leur part. La procédure des sommations est reprise et le feu ouvert. Le bilan est lourd 24 tués, 11 morts des suites de leurs blessures et 35 blessés auprès desquels s'activent aussitôt les infirmiers.
Côté forces de l'ordre, 4 blessés : 1 tirailleur et trois officiers.
48 meneurs sont arrêtés et conduits à la prison de Dakar. 34 passeront en jugement. 9 écoperont de la plus forte peine: 5 à 10 ans et 25 de 1 à 5 ans de détention mais toutes seront sensiblement réduites, 9 n'accomplissant que le cinquième de leur emprisonnement. Que cela ne soit pas flatteur pour notre pays, c'est certain et l'on ne peut que regretter qu'en dépit des urgences du moment (novembre 1944) ces malheureux tirailleurs n'aient pas pu être accueillis à leur retour de captivité par des cadres qui les connaissaient et rétablis normalement dans leurs droits.
Tous les anciens savent à quel point ils sont sensibles aux inégalités. Rappelons-nous aussi que sans parler de ceux qui servaient au sein de la 1re Armée, d'autres Africains souvent livrés à eux-mêmes s'étaient distingués dans la Résistance.
Cordialement à vous.
Colonel (er) Jean Parisot.
Secrétaire Général du Comité National des Traditions des Troupes de Marine
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« Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, enregistrer, ni me faire classer puis déclasser ou numéroter. Ma vie m’appartient ». N°6 Le Prisonnier