8 février 1919 : Première liaison aérienne commerciale .
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Commandoair40 Admin
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Sujet: 8 février 1919 : Première liaison aérienne commerciale . Lun Fév 08 2021, 16:22
"8 février 1919"
Première liaison aérienne commerciale
Une traversée sans nuages
Il y a un siècle - le 8 février 1919 -, un avion transporte des passagers privés de Paris à Londres.
Une grande première que ce vol commercial international, appelée à prospérer hors de toutes proportions dans le courant du siècle...
Il fait un froid mordant et sec, en ce matin du samedi 8 février 1919.
Sur le terrain d'aviation de Toussus-le-Noble, au sud de Versailles, l'excitation est à son comble.
Cet aérodrome est l'un des fiefs des frères Farman, les célèbres avionneurs ; c'est chez eux que se prépare un événement propre à marquer les annales de l'aéronautique.
Quelques minutes avant midi, le lieutenant Lucien Bossoutrot fait signe à son mécanicien, Lhomde :
Tout est prêt. Bossoutrot s'est illustré durant la Grande Guerre comme pilote de chasse, un temps complice au feu de Georges Guynemer et de Roland Garros.
Il passe pour grand expert de la navigation « aux instruments », c'est-à-dire à l'aveugle.
L'équipage est entièrement militaire, comme l'a imposé l'Administration de l'État vers lequel on a l'intention de voler : le Royaume-Uni.
Moment crucial :
L'avion s'élève au-dessus de la terre gelée de Toussus-le-Noble.
Bientôt les arbres eux-mêmes se font tout petits ; effet garanti sur ceux qui, à bord, font leur « baptême de l'air ».
Car, et c'est un fait nouveau, pour ne pas dire révolutionnaire :
Le Farman emporte en ses flancs 12 passagers civils, munis chacun d'un bagage de dix kilos maximum.
C'est la toute première fois en France qu'un vol est ouvert à de simples voyageurs !
Voyageurs aisés au demeurant : le prix du ticket est nettement supérieur au combiné train-bateau habituel...
Transporter des clients privés par la voie des airs ?
Une idée déjà ancienne
Les journalistes présents au décollage s'empresseront de qualifier d'« aérobus » cet avion de transport civil ; après tout il s'agit d'un moyen - certes fort peu répandu à l'époque - de transport en commun.
Il est vrai que, depuis une grosse décennie, l'idée s'est répandue de transporter, par la voie des airs, des clients privés, habitués jusque-là des trains rapides et des paquebots de luxe.
Les aéronefs ont d'abord été de grands dirigeables, les premiers étant les zeppelins, de la très germanique HAPAG, qui aura fait voyager quelques milliers de passagers pionniers entre 1909 et 1914 - pour un total de 900 vols à travers l'Europe.
En France, une liaison régulière entre Issy-les-Moulineaux et Londres a été mise en place dès 1911, à l'initiative de Louis Blériot ; et la première liaison commerciale transmanche a eu lieu le 12 avril de la même année, sous les auspices du chef pilote Pierre Prier.
C'est la Grande Guerre, on le sait, qui voit l'aéroplane prendre le pas sur les ballons dirigeables, jugés trop vulnérables.
D'impressionnants progrès ont par ailleurs été accomplis à la faveur des combats aériens, et tout un complexe industriel s'est développé afin de construire avions, moteurs, instruments de navigation, hangars aux formes variées...
Ce complexe ne va pas, ne peut pas disparaître du jour au lendemain.
Pour en sauver les acquis, plusieurs avionneurs ont eu l'idée de mettre sur pied une aviation de temps de paix, qui serait forcément commerciale.
On transportera du courrier à la place des bombes, des civils en lieu et place des militaires.
D'où la nécessaire mise en place de ce que certains nomment déjà « les routes de l'air ».
Dès avant la fin des hostilités, les frères Farman - Henry, Maurice et l'aîné, Richard, surnommé « Dick » - ont eu l'idée d'une connexion régulière entre Paris et Londres ou, plus exactement, entre l'aérodrome du Bourget et celui de Croydon.
Le rêve halluciné de Jules Verne serait-il en passe de devenir réalité ?
C'est précisément ce que pense Dick, chargé par la fratrie du développement de l'idée ; ce brillant ingénieur est en effet celui qui, en dépit de connaissances approfondies en aéronautique, assume chez les Farman le rôle de commercial.
Pour mettre en place son commerce d'un genre nouveau, Dick Farman recourt à des pilotes de guerre, tout juste démobilisés.
Quant aux appareils que les trois frères ont eu l'idée d'affecter à ce nouveau service, il s'agit de bombardiers Farman F-60 sortis des usines de Billancourt et baptisés « Goliath », des avions militaires à l'origine, que l'on a désarmés et plus ou moins aménagés. Course-poursuite entre les avionneurs
Une sorte de course-poursuite anime du reste les avionneurs de cet immédiat après-guerre :
Ainsi, dans l'Allemagne pourtant vaincue, la Deutsche Luft Reederei - ancêtre de l'actuelle Lufthansa - a-t-elle inauguré, dès le 5 février de cette première année de la paix, une ligne de 200 kilomètres entre Berlin et Weimar, la ville où fut proclamée la république.
À quelques jours près, la ligne entre Paris et Londres n'aura donc été que la deuxième en Europe...
Revenons au vol historique de notre Goliath - ce Farman 60 agencé en transporteur civil - et à ses 12 clients privés.
De leurs hublots, ces pionniers aperçoivent déjà les côtes britanniques et la grasse campagne d'Angleterre.
Tout se passe au mieux :
Après un vol de deux heures trente-sept sans encombre - hormis d'assez violentes rafales de vent tout de même - l'appareil se pose aux portes de Londres, à Kentley, non loin de Croydon.
Peu après 14 h 15 !
Succès total :
Avant ce jour historique, relier les deux capitales par train et par bateau prenait au bas mot sept heures.
Le lendemain, le 9 février, le vol retour sera un peu moins rapide, du fait de vents contraires.
* : Notons pour l'anecdote que cinq ans plus tôt, le 1er janvier 1914, une première « liaison commerciale » pour le transport de voyageur(s) avait eu lieu entre St Petersburg et Tampa, en Floride (21 miles), avec un Benoist XIV de deux places, avec le pilote... et son passager payant.
Mais Lucien Bossoutrot ne s'en tiendra pas là :
Quatre jours seulement après ce vol inaugural en direction de Londres, il opère la liaison entre Paris et Bruxelles.
Assisté cette fois du mécanicien Emile Gueerats, il emmène, avec un léger retard au décollage, 15 passagers, dont le couple élégant formé par Henry Farman et son épouse.
Plus que jamais, on voit crépiter, au départ de Toussus-le-Noble comme à l'arrivée à Evere, près de Bruxelles, les gros flashs au magnésium de l'époque...
Entre les deux, un vol de deux heures dix à travers d'épaisses nappes de brume, mais qui n'en est pas moins une réussite.
Le retour sera retardé pour de tristes raisons consulaires ; il interviendra le lendemain, 13 février.
Suivront Bordeaux, Strasbourg et d'autres villes.
Les Farman ont ainsi quelques longueurs d'avance - quelques longueurs seulement.
En effet, quelques mois plus tard, cinq autres compagnies proposent des services concurrents, qui, bientôt, intégreront aux Pays-Bas l'International Air Trafic Association (IATA) - effort rendu plus ardent par la catastrophe du 7 avril 1922, quand deux avions se sont percutés faute de coordination...
En France, par ailleurs, les pouvoirs publics n'auront cessé de peser en faveur de l'éclosion d'une compagnie nationale :
La CMA, qui devient Air Union en 1923, puis Air France en 1933.
Les frères Farman, si l'on en croit Euloge Boissonnade, « créeront de 1918 à 1933, année de nationalisation de leurs usines, une gamme de 118 avions.
Appareils solides, racés, souples qui, aux mains du chef pilote Lucien Coupet, puis des aviateurs de grands raids [...] donneront à la France vingt records du monde. »
Quant à Bossoutrot, l'homme du Paris-Londres, qu'est-il devenu ?
Il se distingue dans l'ouverture de lignes toujours plus audacieuses.
Le 11 août 1919, il ouvre - toujours au départ de Toussus-le-Noble - la ligne vers Casablanca :
1870 kilomètres, puis, en 1923, celle vers Dakar, qui comprend notamment un long et périlleux survol du Sahara.
À cette occasion, une panne d'hélice l'oblige d'atterrir sur une plage mauritanienne, et il ne sauve la vie de son équipage qu'au prix d'une pratique courante... de l'espéranto !
Après une vie d'exploits - dont sept records du monde battus en novembre 1925 - et d'engagement politique, celui qui aura été l'ami de Malraux, de Trenet, de Maryse Bastié ne s'éteindra qu'à l'automne 1958.
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».
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