La guerre en Indochine (Les Actualités Françaises 1951), source : INA
Le 19 décembre 1946, le parti communiste vietnamien de Hô Chi Minh lance une insurrection générale contre le colonisateur français à Hanoï et dans tout le Tonkin.
C'est le début de la première guerre d'Indochine... et de trois décennies de conflits quasi-ininterrompus qui vont mettre le Viet-Nam et les autres pays de la région à feu et à sang.
Le drame puise sa source dans la défaite de la France face à l'Allemagne, l'occupation de ses colonies d'Indochine par le Japon et la volonté du général de Gaulle, à la Libération, de réoccuper l'Indochine pour l'honneur du drapeau.
La reconquête française
Le 24 mars 1945, alors qu'il s'apprête à prendre le pouvoir en France, le général de Gaulle déclare son intention de restaurer l'autorité de la France en Indochine.
Cette déclaration intervient quinze jours après l'humiliant « coup de force du 9 mars » par lequel les Japonais se sont emparés des leviers de commande en Indochine et ont capturé, voire massacré, les Français présents sur place.
Le chef de la France libre veut prendre de court ses alliés anglo-saxons qui lorgnent sur l'Indochine comme le montrera leur décision, à Potsdam, d'en confier l'administration aux Chinois et aux Britanniques, à l'exclusion des Français.
De Gaulle projette d'établir une fédération de colonies et de protectorats qui comprendrait les trois provinces du Viêt-nam (les trois Ky : Tonkin, Annam et Cochinchine) ainsi que le Cambodge et le Laos.
Le 14 août 1945, il nomme l'amiral Thierry d'Argenlieu gouverneur général de l'Indochine ; farouche partisan de la colonisation, l'homme a aussi la réputation d'être rigide et cassant.
Les événements se précipitent.
En septembre 1945, sitôt après la capitulation du Japon, Hô Chi Minh, chef du parti communiste vietnamien, le Vietminh, proclame unilatéralement la République démocratique du Viêt-nam.
Hô Chi Minh
Dans le même temps, un corps expéditionnaire débarque à Saigon sous le commandement du général Leclerc.
Celui-ci serait partisan de négocier avec le Vietminh mais pour son supérieur hiérarchique d'Argenlieu, il n'en est pas question.
Fonctionnaires et militaires français se réinstallent sans trop de mal en Cochinchine, où le Vietminh est quasiment absent.
Là-dessus, Leclerc engage non sans succès la reconquête du nord.
Échec des négociations et insurrection
Mais de Gaulle quitte le pouvoir en janvier 1946...
Le nouveau gouvernement comprend l'inanité d'un maintien de la France en Indochine.
Il prépare un accord avec les Vietnamiens en vue de reconnaître leur indépendance, suivant l'exemple des Britanniques qui s'apprêtent à quitter leur colonie des Indes.
Paris bénéficie d'une circonstance favorable :
Hô Chi Minh, à Hanoï, craint une mainmise de ses voisins chinois et se montre disposé à composer avec les Français.
C'est ainsi que le négociateur Jean Sainteny et Hô Chi Minh signent les accords du 6 mars 1946.
Jean Sainteny et Hô Chi Minh
Ils reconnaissent un État libre du Viêt-nam au sein de l'Union française.
Une conférence se réunit à Fontainebleau, en présence d'Hô Chi Minh lui-même, et un référendum est prévu pour l'union des trois Ky.
Mais la conférence va tourner court en raison d'un premier incident qui survient le 19 novembre 1946.
Ce jour-là, une fusillade se produit dans le port de Haïphong entre une jonque chinoise et la douane française.
À bord de la jonque, des nationalistes vietnamiens transportent de l'essence de contrebande.
La fusillade dégénère et fait 24 morts.
L'incident est aussitôt exploité par les partisans d'une reconquête de l'ancienne colonie, au premier rang desquels figure l'amiral Thierry d'Argenlieu.
Avec le soutien du ministre des Affaires étrangères Georges Bidault, l'amiral veut au moins conserver Saïgon et la Cochinchine à la France et il s'oppose ouvertement à Leclerc et Sainteny.
En contradiction avec les accords du 6 mars, il décide de rompre l'unité des trois Ky du Viêt-nam en créant une Cochinchine indépendante affidée à la France.
Une guerre pour rien
Pour imposer leur solution au Vietminh et rétablir leur autorité sur une partie au moins de l'Indochine, les militaires décident de recourir à la bonne vieille « diplomatie de la canonnière » héritée du siècle précédent.
Le 23 novembre 1946, à l'instigation de l'amiral d'Argenlieu, trois avisos du colonel Debès bombardent le port de Haïphong.
Brutale, l'attaque aurait fait 6 000 morts !
C'est le début de la (première) guerre d'Indochine...
« Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ».