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| Le "Vautour" . | |
| | Auteur | Message |
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Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 00:03 | |
| Un appareil nommé "Vautour" (1/2)
L'après-guerre en France correspond à un véritable renouveau en matière aéronautique.
Après une brève période occupée à terminer des projets d'avant-guerre ou à reprendre des projets allemands, l'industrie aéronautique française va progressivement s'embarquer dans de nouveaux programmes, plus ambitieux, et surtout plus modernes.
C'est ainsi qu'en 1951, la SNCASO (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Ouest) va s'embarquer dans la réalisation d'un avion d'attaque au sol et de bombardement.
Il se nommera le SO4050…mais tout le monde le connait sous le nom de "Vautour"
Le "Vautour", ici un IIB (des Ailes Anciennes Toulouse)
En juin 1951, l'état major de l'armée de l'air passe commande pour un chasseur/bombardier.
Bimoteur de fabrication française de préférence, il devra remplir des missions de chasse de nuit, attaque au sol (on ne parlait pas encore "d'appui tactique" à l'époque…
La SNACSO répond présent, et son bureau d'étude dirigé par Jean Charles Parot se met au travail.
Ils repartent d'un projet déjà existant :
le SO4000, un bombardier moyen dont les études avaient été lancées, mais la commande jamais réalisée.
Le SO4000 sera un fiasco...mais il servira de base pour le SO4050 "Vautour"
Le SO4000 était un projet d'avion entièrement métallique très en avance sur son temps.
Il ne sera jamais réalisé, mais deux maquettes de vol seront mises au point :
Les SO.M1 et SO.M2.
L'expérience gagnée avec ces deux maquettes permet à la SNCASO de découvrir les avantages de l'aile en flèche et de se frotter aux problème aérodynamiques inhérents à ce design.
Aucune commande ne viendra cependant pour le SO4000 et le projet sera abandonné.
Au vu de son besoin de moteurs puissants, il n'est pas sûr que l'appareil aurait eu un grand succès…
Pourtant, Parot pense tout de suite à repartir de ce projet lorsqu'il lui faut mettre au point un avion beaucoup plus petit, un bombardier léger d'attaque au sol.
Un avant goût du "Vautour", les moteurs en moins : c'est ainsi que l'on pourrait définir le SO4000
En partant de cette base, Jean Charles Parot va concevoir non pas un appareil, mais plusieurs déclinaisons du même appareil :
Un fuselage, des moteurs et des ailes communs, avec un nez différent suivant qu'il s'agit d'une version de chasse de nuit ou de bombardement.
Les trois modèles ont cependant près de 90% de leurs pièces en commun.
Le moteur choisi est de fabrication française, avec l'aide d'ingénieurs allemands :
Le SNECMA "Atar" 101, qui n'a encore jamais tourné au banc, mais dont on espère beaucoup.
Parot est prudent : en cas de problème, il pourront être substitués par des moteurs américains ou anglais.
Le moteur pose cependant problème : les moteurs français sont de technologie inférieure à celle des moteurs britanniques…leur poussée est donc moindre.
Qu'importe, il faudra faire avec : la solution nationale prime (la SNCASO étant société publique…certains choix ne sont pas vraiment ouverts à discussion…)
L'ATAR-101 : fiable...mais un peu limité en puissance pour l'appareil...
Finalement, le SO-4050 se déclinera en trois versions :
Vautour "A" : version d'attaque au sol, monoplace Vautour "B" : version biplace de bombardement, avec un nez vitré Vautour "N" : version de chasse nocturne (ou tout temps) biplace, équipé d'un radar. Une version Vautour "R" de reconnaissance photo avait été envisagée, mais sera abandonnée par l'état major de l'Armée de l'air.
Présentation du Vautour "N" avec son radar en pointe avant
Les trois versions possèdent cependant une silhouette commune :
Un grand train principal monotrace (une roulette avant et une roulette arrière), ainsi que des balancines sur les ailes pour donner de la stabilité à l'appareil.
La formule retenue est similaire à celle du B-47 américain par exemple, et possède le même défaut : les pilotes veulent poser l'appareil "à plat"…or si le diabolo avant touche le sol avant le diabolo arrière, l'appareil va rebondir sur la piste : une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, on dit aussi un "atterrissage de commandant" en référence au nombre de galons !
Le summum étant l'"atterrissage de colonel", 5 rebonds !
Sans casser l'avion, c'est rare !
Oui, au bout d'un certain nombre de rebond, on peut casser le train…pour un jeune pilote, c'est le début d'une longue journée…
Les quatre pneus étaient de typa basse pression, ce qui devait permettre au Vautour d'opérer à partir de pistes sommairement aménagées.
Les balancines étant cependant plus fragiles, je ne sais pas si le Vautour aurait tenu longtemps sur ce type de terrain...
Le train atterrissage monotrace est complété par des balancines sous les nacelles moteurs...
L'avantage du train monotrace est qu'il laisse beaucoup de place sous le ventre de l'appareil, ce qui permet de loger une importante soute à bombe (ou roquettes).
Les versions "A" et "N" emportaient également quatre canons D.E.F.A. de 30mm.
La construction des prototypes est confiée à l'usine de Courbevoie de la SNACSO.
Les appareils sont ensuite acheminés démontés par la route jusqu'à Villaroche pour les essais.
Le plan prévoit la réalisation de trois prototypes (un de chaque type), numérotés 001, 002 et 003.
Ils seront suivis par six avions de présérie numérotés 04 à 09, avant de lancer la production en série.
Octobre 1952, seulement 16 mois après l'émission de la fiche programme, le "Vautour" N.001 (F-ZWRU) décolle de la piste de Melun Villaroche, équipés de deux Atar 101B qui ont été à la hauteur des espoirs placés en eux.
Nous sommes le 16 octobre 1952, et Jacques Guignard est en place avant, secondé par Michel rétif en place arrière viennent de faire voler un des premier appareil de conception 100% française (cellule et moteurs…mais il y a tout de même quelques éléments indigènes à bord !).
Lors de son 30ème vol, cet appareil deviendra la premier appareil européen à franchir le mur du son en léger piqué !
Les commandes de vol sont classiques avec des servocommandes hydrauliques
Nous sommes encore dans une époque pré-numérique et pré-simulation :
L'avion 001 est encore un prototype qui va subir de nombreuses modifications : passage à un pare-brise plan pour une meilleure vision, ajout d'une arête dorsale, ajout de la quille ventrale qui va devenir standard sur Vautour, logement du parachute frein redessiné etc…
Ces modifications donneront ainsi naissance au Vautour A, le 002, monoplace, qui effectue son premier vol plus d'un an après, le 16 décembre 1953, avec des ATAR 101C.
Encore une année plus tard, le premier Vautour "B" vole le 5 décembre 1954, ce qui permet de compléter la famille, tout en lançant la réalisation des appareils de pré-série.
C'est ainsi qu'entre 1954 et 1955 ce ne sont pas moins de neuf appareils qui vont se partager le programme des essais et de mise au point.
Et malgré tout le soin apporté à la conception de l'appareil, plusieurs mauvaises surprises vont se faire jour au niveau aérodynamique:
Modification de l'empennage, pour une meilleure stabilité à Mach critique, ainsi que le montage de cloison d'ailes plus importants pour améliorer la manœuvrabilité à basse altitude.
Ces cloisons d'ailes présentaient la particularité d'être collées, grâce à un nouveau procédé de collage métal/métal, inventé par SNCASO.
Ce fut d'ailleurs un semi-échec, plusieurs événements d'arrachage de ces cloisons ayant été signalés par les pilotes.
Plan 3 vue du "Vautour"
Pendant ce temps, le 001 sera essayé par des pilotes des pays de l'OTAN, qui seront favorablement impressionnés…pourtant l'appareil ne décroche aucune commande d'export de la part des pays de l'OTAN.
Le 001 aura pourtant une carrière plutôt courte :
Le 12 décembre 1954, il se pose durement sur la piste de Villaroche, et passera 4 mois en immobilisation…mais le répit sera de courte durée : le 16 mai 1956, l'avion part en vrille à haute altitude…l'équipage s'éjecte mais l'appareil s'écrase au sol.
L'armement du Vautour était très diversifié.
Les premiers avions de série sortent dès 1956 des usines de la SNCASO, principalement Saint Nazaire, société qui devient Sud Aviation en 1958.
Cette même année, le bureau d'étude va introduire une nouvelle forme d'aile : plus de générateurs de tourbillons, des cloisons d'ailes rapprochés du centre du fuselage, et surtout un bord d'attaque très cambré, améliorant la vitesse de décrochage.
Cette nouvelle voilure était beaucoup plus stable que l'ancienne, et tous les avions déjà produits durent revenir en usine pour recevoir la nouvelle voilure.
La dérive "monobloc" signe distinctif du Vautour II
L'armée de l'air, même si elle voulait le Vautour, changeait d'avis très souvent quand au nombre et aux modèles à commander :
De 300 appareils en 1953, dont 140 en version "N", les restrictions budgétaires touchant la France en 1958 (oui, déjà !) vont faire annuler une bonne partie de la commande : plus de version "A" au-delà de celles déjà livrés, et une commande ramené à 160 exemplaires.
Au final, les chaines d'assemblage vont en produire un peu moins que cela : 140 appareils de série, soit un total de 149 Vautour si on compte les prototypes.
Le dernier exemplaire sera livré à l'armée de l'air en 1959.
Les Vautour "A" seront numérotés 1 à 30, les Vautour "N" de 301 à 370 et enfin les Vautour "B" de 601 à 640.
On notera que cette période 1957 - 1958 correspond à une compression budgétaire très lourde qui va toucher tous les programmes d'armements, à l'exception de ceux des forces stratégiques…le "Vautour" sera cependant maintenu malgré une réduction drastique des commandes, contrairement à d'autres programmes tel le Leduc 022.
D'un autre côté, les américains, peu enclins à voir une industrie étrangère concurrencer la leur, vont vendre à la France 200 chasseur F-84F "Thunderstreak", à prix que l'on qualifierait de dumping aujourd'hui…
Ainsi équipée, l'armée de l'air n'avait plus besoin de Vautour en si grande quantité…ce sera d'ailleurs la fin du Vautour IIA.
Dans le même temps la Belgique qui réfléchissait à une commande de "Vautour" va s'équiper en CF-100 canadien.
L'avant du Vautour "IIB" avec le logement du bombardier, et la vue imprenable vers l'avant...
Grâce à son aile cambrée et son empennage monobloc (modifications valant à l'avion le nom de Vautour II), le Vautour pouvait atteindre la vitesse remarquable pour l'époque de mach 1.2, avec un armement très diversifié : canon ou panier à roquettes, bombes classiques, ainsi que quatre points d'attache sous la voilure, le tout donnant une capacité d'emport de près de 1,8 tonne sous les ailes…et 4 tonnes dans la soute à bombe.
L'utilisation de structures en nid d'abeilles permettait d'alléger la structure.
L'appareil possédait un excellent rayon d'action, grâce à d'immenses réservoirs d'une capacité de 10 700 litres au total.
Cependant tout n'est pas si rose : en réalité les contraintes sont telles qu'il faut choisir entre bombes ou carburant : charge offensive ou rayon d'action…on ne peut pas avoir les deux !
Trois heures d'autonomie sans chargement ou presque…ou armé jusqu'au dents, avec une heure d'autonomie à peine…
Le plafond maximum, dicté par la résistance de la verrière, était de 48 000 pieds tout de même !
Même à cette altitude, l'avion était particulièrement stable, et très agréable à piloter au dire des pilotes.
Le pilotage au servo-commandes venait très vite, même pour les pilotes qui avaient toujours connus des appareils classiques à câbles.
Planche de bord du pilote
L'appareil était bien conçu au niveau aérodynamique, mais question équipements, il pêchait d'un certain nombre de défauts de conception impensables aujourd'hui : le bombardement était effectué grâce à..un viseur Norden, héritier des bombardiers américains de la Guerre…d'une précision toute relative à l'ère du radar.
Côté équipage, la principale plainte était la climatisation : même à pleine puissance, à haute altitude, la cabine était froide…vraiment froide : un pilote curieux emporta un jour un thermomètre…qui descendit à -17°C pendant le vol.
De la même manière rien n'avait été prévu pour les besoins naturels…sur des missions de trois voire quatre heures c'est un peu limite…les équipages se débrouillaient donc avec des sacs en plastiques…posé contre la cloison, le "contenu" gelait en quelques minutes !
Système D quand tu nous tiens…
Dernier problème : les moteurs : malgré tout le soin apporté à leur conception, les ATAR ne pouvaient rivaliser avec les "Avon" britannique : le Vautour était donc sous-motorisé..et ce malgré le fait que l'appareil de pré-série 09 avait été testé avec les "Avon" : il fallait une motorisation "nationale", donc Snecma : seuls une amélioration tardive des ATAR permettra de redonner de la puissance à l'appareil.
Le Vautour "N" sera très apprécié par le CEV
Malgré ces quelques défauts, les Vautour vont jouer un rôle déterminant dans la mise au point des forces aériennes stratégiques, les Vautour B servant d'avion d'entrainement au bombardement pour les futurs équipages de Mirage IV, et les Vautour N servant à la mise au point des procédures de ravitaillement en vol avant l'arrivée de C-135.
Dans ce cadre, les Vautour serviront aussi bien de ravitailleur que de ravitaillé, notamment grâce à des nacelles Douglas équipées d'un système de tuyau souple.
Les pilotes pourront ainsi s’entraîner sur Vautour, avant de passer sur Mirage IV.
Pour beaucoup de pilotes, le Vautour représentait le nec plus ultra, et des dizaines d'équipages feront leur transformation de moteurs à pistons au réacteur sur cet appareil.
L'arrivée du "Vautour" va permettre la mise à la retraite du "Meteor" NF-11 qui équipait plusieurs escadres de chasse à l'époque.
C'est en juin 1957 que le 3/30 "Lorraine" sera la première escadre transformée sur "Vautour", bientôt suivi par le 1/30 "Loire" et 2/6 (plus tard 2/30) "Normandie-Niemen".
Essai de ravitaillement d'un Mirage IV par un Vautour
En 1965, l'avion aura les honneurs de la presse lorsqu'un "Vautour" intercepte un F-101 "Voodoo" de l'US Air Force qui s'était "accidentellement perdu" au dessus de l'usine de Marcoule, centre de production de plutonium militaire, cette incursion va créer un incident diplomatique car les pilotes du "Vautour" ont eu tout le loisir d'identifier l'intrus et de le reconduire chez lui…
C'est également en 1965 que l'escadron "Loire" est dissous, et ses "Vautour" seront versés en partie à des unités de calibration, en partie au Centre d'essais en vol et en partie au groupe de marche 85, stationné à Mururoa, sur la base de Hao.
Les avions affectés à Mururoa devaient prélever des échantillons de poussières dans les nuages radioactifs juste après un tir nucléaire, ces échantillons permettant de confirmer le bon fonctionnement de l'arme nucléaire.
Plusieurs Vautour sont restés là-bas, immergés dans le lagon au vu de leur radioactivité…le traitement des pilotes de ces appareils fait encore aujourd'hui polémique…
Un vautour "radioactif" à Mururoa...avec ses caissons de prélèvements d'échantillons
La carrière du Vautour IIN en première ligne se termine vers 1973, avec l'arrivée d'appareils plus modernes comme le Mirage F1, et en 1978-79, c'est le retrait des versions IIB.
Pourtant le Vautour restera encore de nombreuses années en service pour l'armée de l'air, que ce soit comme banc d'essai volant au CEV ou comme "plastron" remorqueur de cible à Cazaux, ou encore comme avion d'entrainement pour les équipages de bombardiers, et ce jusqu'au milieu des années 80.
Ainsi s'est terminée la carrière de cet appareil de transition fiable et robuste, qui a permis à la France d'aborder des domaines de vol qui ne seront pleinement maîtrisés qu'avec l'arrivée des mirage III, IV et F1…
Pourtant je ne vous ai pas encore tout dit sur le Vautour…j'ai "oublié" le fait que le "Vautour" avait eu une commande à l'export…et le fait que le "Vautour" à connu le baptême du feu…mais ce sera l'objet d'un prochain article…
Une retraite bien méritée...
Source : http://histaero.blogspot.com ___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
| | | Tregor22/85
Nombre de messages : 1197 Age : 59 Emploi : Retraité Date d'inscription : 21/07/2017
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 11:38 | |
| Hello Bel exposé.... Une photo prise à Merignac en 1995...il servait de "pot de fleurs".... ___________________________________ ____________________________________Paramicalement Raymond Recherche tout (doc, photos etc..).sur les 601ème et 602ème GIA entre 1935 et 1940 | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 13:27 | |
| Merci Raymond ,
Il va y avoir la suite , concernant l'export et le baptême du feu .
Je me souviens du proto 002 , sur la BA 156 de Sidi Ahmed (Tunisie), j'avais une photo , impossible de mettre la main dessus . ___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
| | | Tregor22/85
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| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 15:38 | |
| RE J'attends la suite... En attendant une photo des trois premiers protos et le "02" ___________________________________ ____________________________________Paramicalement Raymond Recherche tout (doc, photos etc..).sur les 601ème et 602ème GIA entre 1935 et 1940 | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Un appareil nommé "Vautour" (2/2) Sam Nov 30 2019, 22:08 | |
| Un appareil nommé "Vautour" (2/2)
Nous avons vu précédemment l'histoire du "Vautour" dans l'armée de l'air, qui avait réceptionné un total de 112 Vautour…mais 140 furent produits…que sont devenus les 28 autres ?
En réalité l'armée de l'air ne fut pas le seul client :
Une autre armée de l'air va utiliser le "Vautour" : c'est l'armée israélienne.
Ce Vautour IIN codé 30-ML est dans les réserves du Bourget est le 330...il a servi plusieurs années dans les forces israéliennes...
Israël est un pays en guerre depuis avant même sa création, qui a sans cesse du lutter pour se procurer les armements les plus modernes malgré des menaces d'embargo plus au moins fortes selon les époques.
L'opération "Kadesh', plus connu en France sous le nom de campagne de Suez va servir de véritable électrochoc à l'état major de l'armée israélienne.
L'aviation israélienne à cette période était constituée de chasseur dépassés ou sur le point de l'être :
P-51 "Mustang", B-17, Meteor NF-11 et Mosquito, et Dassault "Ouragan".
A l'exception de l'Ouragan, tous montrèrent leurs limites lors de cette campagne.
Il manque surtout un "jet" d'attaque et de reconnaissance, ainsi qu'un intercepteur nocturne - un nouveau "Mosquito" en somme.
En 1954, le seul appareil disponible était le "Canberra" britannique…mais il manquait de puissance défensive et de capacité d'emport.
Les américains l'avait modifié en donnant naissance au B-57…mais ces derniers ne voulaient pas le vendre au moyen-orient.
Juste à cette époque là, apparu le "Vautour" en France, qui répondait au dilemme israélien : un fuselage commun pour une version d'attaque, chasse de nuit et bombardement...
La capacité d'emport du IIN sera très appréciée
Le gouvernement israélien approche le gouvernement français en 1956 à propos de la possibilité d'acheter le "Vautour".
En avril, une délégation menée par Danni Shapira arrive visite le CEV de Brétigny et de Mont de Marsan pour évaluer les exemplaires de pré-production du "Vautour".
Les israéliens sont satisfaits, et le 21 juin, c'est le colonel Shlomo Lahat, numéro 2 des forces aériennes israéliennes qui fait un vol de familiarisation en "Vautour".
Les négociations avec la SNCASO seront courtes, ce qui laisse suggérer que le gouvernement français était plutôt favorable à la vente de l'appareil.
Les négociations ont pourtant lieu dans le secret le plus absolu, l'embargo contre Israël étant en vigueur à cette époque par tous les pays de l'Ouest.
Les israéliens demandent en plus une majorité de Vautour IIA, en production et dont la commande a été annulée par l'armée de l'air…ce qui satisfait tout le monde.
Les négociations aboutissent à une offre de la part du gouvernement français :
Un lot de 18 appareils (12 "A" plus 6 "B") pour un prix de 742 850$ par unité (incluant les pièces de rechange et équipements divers).
La commande finale passée en avril 1957 portera sur 28 appareils (17 "IIA", 7 "IIN" et 4 "IIB").
Un Vautour IIA monoplace...le plus rare de la famille...
Ce délai entre le début des négociations et commandes fermes est du aux hésitations d'Israël face à un effort financier aussi important
L'appareil n'est pas encore en service, ses capacités ne sont pas connues avec précision, et il n'est pas de chez Dassault…mais les rapports de Dani Shapira, qui est resté à Mont de Marsan pour évaluer l'appareil plus en détail sont très positifs, incitant Israël à passer commande.
Le total de la commande va s'élever à 20 millions de dollars, pour un total de 31 appareils (dont trois qui furent utilisés par l'armée de l'air avant d'être reversés à Israël plusieurs années après).
Le chiffre de 25 est souvent avancé dans les ouvrages spécialisés…mais il est faux…
Les 28 appareils commandés arrivèrent en Israël entre Août 1957 et mars 1959, après entrainement des pilotes et radaristes israéliens à Tour et Saint-Nazaire.
Deux escadrilles vont recevoir le "Vautour" en Israël :
La 110 "Yehezkel Somekh" et 119 "Yoash Tsiddon"
Le Vautour IIA sera très apprécié par l'armée israélienne
Le premier appareil livré sera un Vautour IIA dont l'armée de l'air ne voulait plus.
Il quitte la France le 31 juillet 1957.
L'embargo étant toujours en place, il faut garder le secret : l'appareil va donc décoller de Saint-nazaire en pleine nuit, et va mettre le cap sur Bizerte en Tunisie, où il se pose 1h30 plus tard.
Il redécolle le lendemain et met le cap sur Israël, avant de se poser à Hatzor le 1er Août 1957 après un vol de 3 heures, mouvementés car le compas est tombé en panne, il a fallut naviguer avec les procédures de secours…
Un groupe de VIP discrets attend l'appareil lorsqu'il arrive au parking, dont le premier ministre en personne, David ben Gourion, arrivé en catimini par une entrée dérobée de la base !
Une fois la petite cérémonie d'arrivée terminée, l'appareil est remorqué dans un hangar isolé, et gardé en permanence...
Pour la petite histoire, les services secrets français avaient donnés aux deux pilotes israéliens des uniformes, tenues de vol et des papiers français, et le Vautour avait été peint aux couleurs françaises de sorte que en cas de déroutement personne n'irait soupçonner que le vol était un vol de convoyage au profit de l'état hébreux…
Le "69"..celui qui est dans les réserves du musée de l'air...
Les vols de convoyage vont ainsi se poursuivre tout au long de l'année 1958, toujours suivant le même principe :
Départ de nuit dans un appareil aux cocardes tricolores, avec des pilotes en tenue française (mais parlant un français avec un bel accent…), avec une formation de 2 à 4 avions à chaque fois.
Durant ces vols de convoyage, il y aura au moins deux interceptions de "Vautour" par des "Sabre" grecques…mais sans suite :
Les Vautour vont littéralement laisser les "Sabre" sur place à chaque fois…qui ont sans doute du penser avoir affaire à des "Yak 27" soviétiques ressemblant de loin au "Vautour"...
Les derniers appareils livrés seront les Vautour "IIB", les derniers à avoir été construits.
Israël aura d'ailleurs le douteux privilège d'avoir le premier exemplaire "IIB" équipé d'une dérive monobloc, le no 616…
Je dis douteux, car le vol va mal se finir…lors de l'arrivée en Israël, une fuite hydraulique va bloquer la dérive, et le système de secours doit lutter contre un vérin bloqué :
Le pilote réussi à se poser en catastrophe au prix d'un effort surhumain pour manœuvrer la gouverne (la SNCASO dira par la suite que la manœuvre tenait du miracle)…et l'appareil fait un crash-landing plutôt violent sur le terrain de Tel-Noff…le navigateur en place avant sentait la piste à quelques 20cm sous ses fesses…les deux pilotes sont blessés, mais s'en remettront et l'appareil sera réparé.
Il sera remis en service pas loin de 10 mois plus tard.
A peine arrivé...déjà bon pour être réparé...
En revanche, nous sommes le dimanche, et trois Vautour IIB français identiques doivent décoller de Saint-Nazaire le lendemain… potentiellement avec le même défaut.
Les équipes israéliennes tentent d'appeler Saint-Nazaire et Mont de Marsan…mais c'est dimanche, il n'y a personne.
Le lendemain en début de journée, deux "Vautour IIB", les 616 et 617 s'écraseront à l’atterrissage à cause du même défaut, les quatre membres d'équipage sont tués…
(NB : je n'ai qu'une source assez peu précise sur cet événement...si vous en savez plus, faites moi signe !)
Avec ces derniers appareils livrés, Israël est la seule force aérienne à posséder en escadre de première ligne les 3 versions du "Vautour"…pourtant, durant les 8 premiers mois, ils ne sortiront pas de leur hangar.
Ce n'est que lorsque le "contrat Vautour" sera rendu public en France en juillet 1958 que les israéliens pourront enfin les sortir et les déployer en escadrille.
Et encore, le communiqué n'est pas exact :
Il parle seulement d'une dizaine de Vautour "A"…mais évite soigneusement de parler du vautour "N" ou encore "B", vu comme bombardier et donc arme offensive.
Les vols de convoyage pourront alors avoir lieu de manière officielle entre la France et l'état hébreu.
Vautour de l'IAF en approche, le train monotrace est bien visible sur cette photo
Les Vautour israéliens seront continuellement modernisés, plus que leurs homologues français :
Les "B" seront convertis en avion de photo-reconnaissance, par montage d'un pod de caméra, les "N" seront équipés de pod de guerre électronique et aussi pour la photo reconnaissance.
Le "Vautour" va commencer son baptême du feu à partir de 1964 :
Il va être mis à contribution pour des attaques contre des positions syriennes, emportant une charge de bombe comme aucun autre avion ne pouvait le faire dans les forces israéliennes.
Il s'illustrera en "dogfight" contre des MiG-17 et s'en sortira brillamment.
En revanche le Vautour IIN aura moins de succès :
Les tentatives d'intercepter des Il-28 de nuit seront en partie un échec…même si ce n'est pas que la faute du "Vautour" :
La petite taille du territoire israélien donne assez peu de temps pour intercepter des appareils ennemis survolant son territoire :
Le temps disponible pour accrocher et se rapprocher de la cible était extrêmement court et demandait une extrême concentration de la part des équipages, ce qui explique le faible nombre d'interceptions réussies.
Composants du radar d'interception du IIN
Tout au cours de la décennie, les "Vautour" vont réaliser un nombre de vols impressionnants :
Sorties opérationnelles, entrainement, conversion, reconnaissance…un rythme de vol très intensif.
Il y aura aussi des pertes : 3 pilotes et 10 "Vautour" seront perdus durant cette première décennie d'utilisation…ce qui au final est assez peu face au rythme plus qu'intensif d'utilisation de la flotte.
Le Vautour sera utilisé de manière intensive pour l'exécution du plan "Moked"…plus connu sous le nom de guerre des six jours.
Cette courte guerre fut l'occasion pour Israël d'attaquer ses voisins arabes par surprise, afin de détruire leur aviation au sol, tout en se lançant dans une campagne terrestre permettant de consolider son territoire.
Les "Vautour" de reconnaissance pourront ainsi photographier les aérodromes cibles en Egypte et en Jordanie à de nombreuses reprises, sans être inquiétés, permettant à Tsahal de disposer de renseignements de première main pour lancer sa grande attaque.
Deux Vautour IIA en ravitaillement
Les Vautour auront un rôle important dans toute la campagne des six jours; capable de transporter un chargement important et disposant d'un radar de nuit, ils seront très utilisés…mais subiront de lourdes pertes :
En plus des 10 appareils déjà perdus, quatre seront très fortement endommagés pendant la guerre des six jours.
Cette guerre est vue comme une guerre d'agression en France, ou le général de Gaulle va décider d'un embargo contre Israël, qui ne pourra plus compter sur l'aide de Sud-Aviation pour remettre ses "Vautour" en état…ce sera le début de la fin.
Plus de maintenance, plus de pièces détachées…Israël aligne en 1968 péniblement 14 Vautour…dont la moitié ne sont pas opérationnels pour des raisons de manque de pièces détachées.
Heureusement pour Israël, la relève arrive :
Les A-4 "Skyhawk" américains entrent en service au début 1968, ce qui permet de reléguer le "Vautour" au second plan.
La mission des Vautours se limite ainsi à un rôle d’intercepteur ou d'attaque au sol rapproché.
Israël parviendra cependant à "racheter" de manière plus ou moins clandestine 2 Vautours supplémentaires (disons que les bonnes personnes ont fermés les yeux dans l'administration française…).
Le Vautour restera utilisé pour des missions de guerre électronique tout au long de l'année 1970, mais l'heure de la retraite sonne enfin pour ce vieux guerrier :
En mars 1972, après presque quinze années de bons et loyaux service, Israël remplace ses derniers Vautour par des F-4 "Phantom" américains, beaucoup plus modernes.
Ainsi se termina la carrière de ce bel avion, qui avait ses défauts, mais était très apprécié de ses équipages pour sa polyvalence, sa solidité et sa fiabilité.
Le Vautour est désormais à la retraite...
Source : http://histaero.blogspot.com ___________________________________ ____________________________________Sicut-Aquila « Je ne suis pas abattu, je n'ai pas perdu courage. La vie est en nous et non dans ce qui nous entoure. Être un homme et le demeurer toujours, Quelles que soient les circonstances, Ne pas faiblir, ne pas tomber, Voilà le véritable sens de la vie ». | |
| | | Tregor22/85
Nombre de messages : 1197 Age : 59 Emploi : Retraité Date d'inscription : 21/07/2017
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 22:56 | |
| ___________________________________ ____________________________________Paramicalement Raymond Recherche tout (doc, photos etc..).sur les 601ème et 602ème GIA entre 1935 et 1940 | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Nov 30 2019, 23:14 | |
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| | | Tregor22/85
Nombre de messages : 1197 Age : 59 Emploi : Retraité Date d'inscription : 21/07/2017
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Ven Déc 06 2019, 07:32 | |
| Ola Photos retrouvées au fin fond de mon disque dur... Proto 01 Vautour II A Vautour II B ___________________________________ ____________________________________Paramicalement Raymond Recherche tout (doc, photos etc..).sur les 601ème et 602ème GIA entre 1935 et 1940 | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| | | | GIPEGE
Nombre de messages : 306 Age : 81 Emploi : Retraité Date d'inscription : 15/07/2010
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 11:29 | |
| Un Vautour a servi de décor à l'entrée de la caserne du 15°régiment du génie de l'air, sans doute jusqu'à sa dissolution... | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 14:53 | |
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| | | jmperrin membre confirmé
Nombre de messages : 224 Age : 76 Emploi : Ingénieur de recherche Date d'inscription : 14/04/2018
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 21:22 | |
| Bonsoir, Un grand merci pour cette synthèse remarquable. Je n'ai rien à ajouter. Je souhaite seulement rappeler qu'il existe un film de Gilles Grangier intitulé "Sous le signe du taureau" qui raconte l'histoire d'un ingénieur en aéronautique du nom d'Albert Raynard, incarné par Jean Gabin, qui travaille sur la réalisation de ce qui semble être un missile à statoréacteur. Le film commence par un essai en vol de cet engin au moyen d'un Vautour Biplace (B ou N?) que l'on peut brièvement admirer au sol et au décollage. Bien paramicalement jmperrin | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 21:34 | |
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| | | Aigle77 dite Nikita . membre confirmé
Nombre de messages : 549 Age : 61 Emploi : DRH Date d'inscription : 04/11/2019
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 21:43 | |
| https://ok.ru/video/35993815667
___________________________________ ____________________________________ Ce sont souvent les coeurs les plus tendres qui ont reçu les coups les plus durs | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Jeu Déc 12 2019, 22:26 | |
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| | | Aigle77 dite Nikita . membre confirmé
Nombre de messages : 549 Age : 61 Emploi : DRH Date d'inscription : 04/11/2019
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Ven Déc 13 2019, 21:46 | |
| Bof c'est naturel
___________________________________ ____________________________________ Ce sont souvent les coeurs les plus tendres qui ont reçu les coups les plus durs | |
| | | Commandoair40 Admin
Nombre de messages : 29167 Age : 78 Emploi : Français Radicalisé . Date d'inscription : 07/11/2014
| | | | Aigle77 dite Nikita . membre confirmé
Nombre de messages : 549 Age : 61 Emploi : DRH Date d'inscription : 04/11/2019
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Sam Déc 14 2019, 22:09 | |
| Merci
___________________________________ ____________________________________ Ce sont souvent les coeurs les plus tendres qui ont reçu les coups les plus durs | |
| | | Tregor22/85
Nombre de messages : 1197 Age : 59 Emploi : Retraité Date d'inscription : 21/07/2017
| Sujet: Re: Le "Vautour" . Lun Mar 02 2020, 10:08 | |
| OLA Nouvelles vues du Vautour ___________________________________ ____________________________________Paramicalement Raymond Recherche tout (doc, photos etc..).sur les 601ème et 602ème GIA entre 1935 et 1940 | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Le "Vautour" . | |
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