Premier allumage de la tuyère thermopropulsive
Un ensoleillement généreux inondait l’aéroport de Toulouse Blagnac ce 21 avril 1949. Sur le tarmac se détachait un étrange attelage : l’imposant quadrimoteur « Languedoc » n°6 immatriculé F-BATF surmonté d’un petit avion, le Leduc 010.
Ce n’était pas la première fois que cet attelage se préparait à décoller. Le premier vol avait eu lieu le 19 novembre 1946 afin de vérifier que ce composite était capable de voler. Après 13 autres vols de mise au point de divers équipements, le 21 octobre 1947 une nouvelle étape est franchie : à 2800 mètres d’altitude le 010 se détache de l’avion porteur. En planant son pilote d’essai Jean Gonord le pose avec succès, en dépit d’un vent latéral fort qui pousse l’avion hors de la piste provoquant l’éclatement des pneus.
Mais ce 21 avril 1949 il est programmé d’allumr le propulseur. Ce propulseur d’un nouveau type, appelé par son inventeur René Leduc une tuyère thermopropulsive, prendra plus tard le nom de statoréacteur. Cet ingénieur de génie travail sur ce type de tuyère depuis … 1932. Et si la guerre n’avait pas ralenti ses travaux c’est 5 à 6 ans plus tôt, que cet essai aurait eu lieu.
Le principe de fonctionnement de cette tuyère repose sur la loi de Bernoulli qui peut s’énoncer ainsi : à l’intérieur d’un conduit, un écoulement
subsonique d’air ralenti et sa pression augmente lorsque la section du conduit s’élargit (partie divergente d’une tuyère) tandis que sa pression diminue et sa vitesse augmente lorsque la section du conduit se rétrécie (partie convergente de la tuyère). Par suite dans le sens de l’écoulement un divergent amène de l’air ralenti et comprimé dans la chambre de combustion qui expulse d’air surchauffé à grande vitesse dans un convergent. Cependant pour obtenir une pression suffisante au niveau de la chambre de combustion, il faut que l’air soit déjà comprimer à l’entrée du divergent par pression dynamique ce qui implique que la tuyère thermopropulsive soit en mouvement. C’est cette vitesse initiale qui va être communiquée au Leduc 010 par l’avion porteur.
Ce 21 avril 1949 c’est le commandant Jean Perrin qui est pilote le « Languedoc », aidé par l’adjudant Soetens tandis que l’Adjudant Soulié a la charge des contacts radio avec le sol. Jean Gonord est dans le 010, en contact radio permanent avec le Commandant Perrin. Pour obtenir la pression dynamique nécessaire à l’entrée de la tuyère thermopropulsive, le « Languedoc » doit voler à la vitesse de 400 km/h. Or sa motorisation et sa charge ne lui permette pas d’atteindre cette vitesse en palier. Le « Languedoc » se hisse à l’altitude de 4000 mètres. Puis il pique et atteint la vitesse de 430 km/h à 3200 mètres. Alors le Leduc 010 se largue et pour la première fois Jean Gonord allume la tuyère : la poussée est fulgurante. Il était prévu que l’expérience serait un succès si la vitesse en palier atteignait 500 km/h …à l’altitude de 5400 m la vitesse de 700 km/h est atteinte ! Le vol propulsé va durer 7 minutes et c’est en planant comme les fois précédentes que Jean Gonord rejoindra l’aéroport.
Au cours du développement de ce nouveau type de propulsion pour aéronef, René Leduc apprendra qu’un autre ingénieur René Lorin avait le premier dessiné en 1914 le plan d’un statoréacteur capable de fonctionner mais il n’avait pas eu les appuis nécessaires pour le réaliser. De plus il n’existait pas alors d’avion susceptible de procurer une pression dynamique suffisante. Dès qu’il aura connaissance en 1933 de l’existence de ce génial prédécesseur, René Leduc se rendra chez lui … pour apprendre son décès. Cependant il ne ratera aucune occasion de lui rendre hommage.
Bien paramicalement
jmperrin