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Ernest Georges LEAU Ernest Georges LEAU, mon grand'père par Hugues de Laugardière
Jusqu’à sa mort en 1970 à Paris, j’ai bien connu mon grand’père maternel, Ernest-Georges LEAU, « as » pilote de la guerre de 1914.
Né en 1890 à Paris, il est décédé à l’âge de 80 ans.
C’était un homme complètement autodidacte qui ne se serait jamais laissé marcher sur les pieds. Je ne sais pratiquement rien de son enfance. Son père, mort en 1917, était facteur d’orgues. E.G. LEAU reprendra la manufacture après la guerre sans rien y connaître.
Jusqu’à ce qu’il rentre dans l’armée, il était un jeune employé de commerce. Il construit à cette époque, dans les ateliers paternels, un planeur Biplan de 8,50m d’envergure, en 1908, à l’âge de 18 ans, un Monoplan de 8,75 et en 1910, une voiture traction avant direction arrière (non terminée).
Dans l’aviation, il commence comme mitrailleur avec son frère aîné Henri, capitaine-pilote.
Son frère cadet, Robert, est le mécanicien d’Henri, mort au cours d’une mission en 1918. De la main de mon grand’père : « Mitraillé par l’ennemi à 3.000m d’altitude, les ailes de son avion se sont détachées du fuselage, sans parachute, la mort » La perte de son frère n’a pas empêché mon grand’père d’assouvir toute sa vie sa passion de l’aviation.
Après l’Armistice, il désirait continuer dans l’armée pour piloter, mais une grave blessure au pied l’empêcha de toucher un manche à balai militaire.
J’ai en mémoire son extraordinaire volonté et sa détermination farouche. Mais aussi ses colères quand quelque chose ne fonctionnait pas comme il voulait.
On imagine qu’après avoir échappé au pire pendant cette horrible guerre (même dans les airs qui pouvaient paraître plus tranquilles que les tranchées, voir le récit de son brevet de pilote en 1916) les hommes ne manquaient ni de courage ni de caractère.
Démobilisé en 1918, pour gagner sa vie et apprendre le métier, il est apprenti ouvrier-tuyauteur.
Puis il embauche un ouvrier et remet à flot l’entreprise de son père. Après les tuyaux d’orgues, il deviendra industriel dans la ventilation (la liaison est naturelle et logique entre les hélices d’avion et les hélices de ventilateurs).
Plus tard, la soufflerie de la maquette du Concorde sera fabriquée et installée par ses soins.
Un avion...comme par hasard et pas n’importe lequel... Pendant la deuxième guerre, il s’occupe de la Défense Passive. Il fabrique des masques à gaz pour les civils, hommes, femmes et enfants.
Sans rien connaître à la musique (malgré la fabrication des tuyaux d’orgue), il invente en 1925 un instrument extraordinaire : l’ « Orphée-Violon ».
Un clavier plus une soufflerie (déjà la ventilation qu’il ne développera que 20 années plus tard) donnait les timbres du violoncelle et du violon.
Tout jeune, j’ai commencé à jouer du jazz sur cet instrument et aussi sur un orgue magnifique (deux claviers, un pédalier) qu’un client lui avait donné faute de pouvoir le payer et qu’il avait installé dans son salon !
Ma grand’mère chantait de l’Opéra et jouait du piano. J’ai baigné dans cette atmosphère à la fois industrielle et artistique pendant plus de quinze ans pour mon plus grand bonheur (il faut préciser qu’à l’époque, après la 2° guerre mondiale, enfants, parents et grand’parents cohabitaient faute de logements libres.
L’usine et l’habitation étaient totalement imbriquées. Tout petit, j’adorais rôder le dimanche dans les ateliers de mon grand’père qui dataient quand même de son père donc des années 1880 ! Mais en 1963, les riverains ne supportaient plus les coups de marteau sur la tôle et mon grand’père fut contraint de déménager habitation et ateliers situés en plein 7° arrondissement de Paris...
Deux ans plus tard,en 1967, invité aux Etats-Unis par les « Vieilles Tiges » américaines, il m’emmène.
Je le revois filmer New-York avec sa caméra 16mm.
Chez lui, il y avait une chambre où il avait rassemblé quantité de documents et d’objets sur la guerre de 14-18.
Cette « Pièce aux Souvenirs » comme il l’appelait, me fascinait. J’ai eu la chance de garder son casque et ses lunettes de pilote. L’aviation a été sa grande passion. Il a co-piloté un avion à réaction avec Jacqueline Auriol (la première femme pilote sur ce genre d’engin) qui était devenue une amie.
Il a piloté son « Jodel » jusqu’à l’âge de 72 ans. Il aimait le contact avec la jeunesse. Il nous invitait souvent chez lui et nous faisait des croque-monsieur et des crêpes (rien à voir avec l’aviation). Il n’a jamais pris sa retraite.
J’ai appris de lui qu’il fallait « profiter de la vie, aller jusqu’au bout des choses et terminer ce que l’on a commencé », ce que j’ai toujours essayé de faire.
Merci « Bon Papa ». Tu n’as jamais manqué de courage et tu as été un bien bel exemple.
Hugues de Laugardière
Grade, médailles, décorations et récompenses :
- Début à l’Escadrille C.66 comme casseur de cailloux, puis conducteur de
cylindre à vapeur, puis armurier, puis caporal mitrailleur et enfin pilote (1916)
- Brevet n°6 de pilote d’essais (année inconnue)
- Croix de Guerre 1914-1918
- Croix du Combattant 1914-1918
- Médaille de la Grande Guerre
- Médaille de la Grande Guerre pour la Civilisation
- Médaille d’Encouragement au Bien
- Médaille d’Argent à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes. Paris 1925.
- Il reçut la médaille militaire et fut fait chevalier de la légion d’honneur et médaillé de l’aéronautique.