Le 14 septembre, le quotidien néerlandais NRC Handelsblad affirmait que deux agents du renseignement militaire russe [GRU] avaient été expulsés des Pays-Bas pour avoir essayé, au printemps dernier, d’espionner l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques [OIAC], dont le siège se situe à La Haye, dans le cadre de l’affaire Skripal, du nom de cet ancien colonel russe victime d’une tentative d’assassinat à Salisbury, au Royaume-Uni, avec une substance chimiques [le Novitchok, en l’occurrence].
La presse suisse, notamment les journaux Tages-Anzeiger et la Tribune de Genève, révèlerent également que l’expulsion de ces agents russes était liée à une tentative de piratage informatique du Laboratoire Spiez, désigné par l’OIAC pour analyser la substance chimique ayant servi à empoisonner le colonel Skripal. Pour rappel, les résultats confirmèrent les affirmations britanniques, selon lesquelles du Novitchok avait bel et bien été utilisé à Salisbury.
Si le Service de renseignement de la Confédération suisse (SRC) affirma avoir collaboré sur cette affaire avec ses homologues néerlandais et britanniques, ces derniers gardèrent le silence. Du moins jusqu’à ce 4 octobre.
Et, en réalité, ce n’est pas deux mais quatre agents du GRU qui ont été expulsés des Pays-Bas, comme l’a révélé Ank Bijleveld, la ministre néerlandaise de la Défense.
« Habituellement, nous ne divulguons pas ce type d’opération de contre-espionnage », a dit Mme Bijleveld. Mais « le gouvernement néerlandais juge extrêmement inquiétante l’implication de ces agents de renseignement », a-t-elle justifié.
Le général Onno Eichelsheim, le chef du Militaire Inlichtingen- en Veiligheidsdienst [MIVD – renseignement militaire, ndlr], a donné plus de détails sur cette affaire. Ainsi, les quatre agents du GRU sont arrivées à l’aéroport d’Amsterdam Schipol le 4 avril dernier, avec des passeports diplomatiques au nom d’Aleksei Morenets, Evgenii Serebriakov, Oleg Sotnikov et Alexey Minin.
Ils ont été repérés alors qu’ils « essayaient d’effectuer une opération de piratage à distance rapprochée », a expliqué le général Eichelsheim. Dans leur véhicule, des équipements pour intercepter les liaisons WiFi de l’OIAC ainsi que des codes d’accès de l’organisation ont été retrouvés dans leur véhicule.
« Nous avons intercepté le véhicule et expulsé les quatre hommes. L’opération a été couronnée de succès », s’est ensuite félicité le chef du MIVD, qui a reçu le concours des services britanniques.
Par ailleurs, toujours selon les autorités néerlandaises, le MIVD a découvert que l’ordinateur de l’un des agents expulsés avait établi des connexions avec la Malaisie, le Brésil et la Suisse.
« S’agissant de la Malaisie, le contenu touchait à l’enquête sur le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines, abattu par un missile en [juillet] 2014 dans le sud-est de l’Ukraine », a précisé Mme Bijleveld. Pour rappel, les Pays-Bas sont chargés de l’enquête relative à cette affaire, pour laquelle la Russie est présumée responsable. « La manipulation et l’influence, par exemple, sont des menaces pour l’enquête criminelle concernant le vol MH17 », a estimé la ministre.
Quoi qu’il en soit, dans une déclaration commune, le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et son homologue britannique, Theresa May, ont dénoncé les pratiques du GRU.
« Cette tentative d’accéder au système de sécurisé d’une organisation internationale oeuvrant à débarrasser le monde des armes chimiques démontre que le GRU méprise les valeurs et règles internationales assurant notre sécurité à tous », ont affirmé les deux responsables.
Les révélations sur cette affaire d’espionnage à La Haye font écho aux accusations lancées plus tôt par le ministre britannique des Affaires étrangères au sujet aux cyberattaques attribuées au GRU avec « une grande confiance » par le National Cyber Security Centre [NCSC]. Il a depuis été rejoint par Scott Morrison, le Premier ministre australien.
« L’armée russe et son bras de renseignement, le GRU, est responsable de cette cyberactivité malveillante », a affirmé le chef du gouvernement australien, via un communiqué? « Le cyberespace n’est pas ‘l’Ouest Sauvage’. La communauté internationale, y compris la Russie, a convenu que la loi internationale et les normes d’un État responsable s’appliquent dans le cyberespace », a-t-il ajouté.