Lors de sa rencontre, le 2 octobre, avec Florence Parly, la ministre française des Armées, le chef du Pentagone, James Mattis a discuté de la norme appelée « International Traffic in Armes Regulations » [ITAR] qui, permettant à Washington de contrôler les exportations de matériels militaires américains, pose un problème à Paris pour vendre à l’Égypte des missiles de croisière SCALP, ces derniers ayant des composants fabriqués outre-Atlantique.
Cela étant, si l’industrie européenne de l’armement peut dépendre de la fourniture d’éléments spécifiques livrés par les États-Unis, son homologue américaine est aussi à la merci de ses fournisseurs… qui sont essentiellement chinois.
Ainsi, par exemple, le missile air-sol Hellfire, en dotation dans bon nombre de forces armées dans le monde, fonctionne avec du trinitrate de butanetriol pour sa propulsion. Or, les États-Unis s’en approvisionnent auprès de la Chine. Et, dans un rapport publié en 2017, le Government Accountability Office, l’équivalent américain de la Cour des comptes française, s’était inquiété de cette dépendance.
Mais il ne s’agit-là que d’un seul exemple. Celui des métaux rares (ou terres rares) est tout aussi parlant. Ainsi, ces minerais, comme le néodyme et l’yttrium, entrent dans la fabrication des avions de combat, ds radars ou bien encore des missiles. Le problème est que la Chine en a le quasi-monopole, ce qui n’est pas de bon augure à l’heure où les tensions commerciales entre Washington et Pékin vont crescendo.
D’ailleurs, l’administration américaine s’est gardée d’inclure les terres rares dans la liste des produits chinois faisant l’objet des nouvelles taxes de 10 % ( puis de 25 %) qu’elle a récemment décidées d’appliquer. D’autant plus que la Chine fournit 80% de l’approvisionnement des États-Unis en métaux rares, lesquels sont utilisés pour la fabrication d’équipements militaires de pointe mais aussi par l’industrie automobile (notamment pour les voitures électriques) et, plus généralement, par les entreprises de haute technologies.
Cette dépendance est de nature à menacer la sécurité nationale des États-Unis (mais aussi celles des Occidentaux) dans la mesure où la Chine pourrait suspendre ses exportations de terres rares, comme elle l’avait décidé pour le Japon en 2010, à une époque où les deux pays traversaient une crise diplomatique.
En tout cas, ce point fait actuellement l’objet d’une étude demandée au Pentagone par la Maison Blanche afin de voir comment il serait possible de réduire la dépendance des forces américaines par rapport aux pays étrangers.
Mais l’approvisionnement en terres rares n’est pas le seul domaine où les forces américaines sont dépendantes de l’extérieur. Selon Reuters, qui a évoqué cette étude dont les conclusions seront en partie rendue publiques dans quelques semaines, certains types de composants électroniques (micro-circuits intégrés par exemple) sont fournis par la Chine.
« Ces types de composants essentiels sont intégrés à l’électronique de pointe utilisée dans tous les domaines, des satellites aux missiles de croisière, en passant par les drones et les téléphones portables », explique l’agence de presse. La question d’une rupture de l’approvisionnement se pose, tout comme celle de possibles « sabotages ». Cette situation vient du fait que, dans les années 1990, certaines productions ont été délocalisées en Chine afin d’en réduire les coûts.
Cela étant, il est déjà arrivé que des industriels américains se fassent rappeler à l’ordre, comme l’équipementier Honeywell, qui avait fourni des capteurs – non programmables – fabriqués en Chine pour l’avion de combat F-35.
Un autre aspect abordé par cette étude, souligné par Foreign Policy, concerne la concurrence chinoises dans certains secteurs clés. Ainsi en est-il de la production du perchlorate d’ammonium, un composé chimique utilisé pour la propulsion des missiles stratégiques.
Actuellement, il n’existe qu’un seul producteur américain capable de fournir cette substance. Mais son existence est menacée en raison des pratiques commerciales de la Chine, qui contrôle une grande partie de l’offre mondiale. En effet, Pékin propose du perchlorate d’ammonium à un « prix artificiellement bas », ce qui « atomise », si l’on peut dire, la concurrence.
Évidemment, ces questions ne concernent pas les seuls États-Unis… Ainsi, le sujet des terres rares préoccupe la Direction générale de l’armement.
Au ministère des Armées, « nous travaillons sur des programmes de très longue durée. Entre la conception, le développement et l’utilisation, on se trouve vite sur une cinquantaine d’années et nous faisons donc des prévisions d’utilisation. Assurer la totalité des besoins en terres rares ou en matériaux de manière générale, c’est difficile », avait expliqué un responsable de la DGA lors d’une table ronde sur les enjeux stratégiques des terres rares et des matières premières stratégiques et critiques, au Sénat, en 2016.