« On va quitter la Syrie très vite » et « laisser les autres s’en occuper », avait lancé le président américain, Donald Trump, en mars dernier, prenant de court le département d’État et le Pentagone. Puis il avait réaffirmé cette position début avril, estimant que l’objectif de se « débarrasser » de l’État islamique [EI ou Daesh] était presque atteint.
Mais, depuis, le chef de la Maison Blanche s’est laissé convaincre par ceux, au sein de son administration, qui plaidait pour le maintien d’une présence militaire américaine en Syrie. Selon ces derniers, cet engagement était nécessaire pour soutenir les Forces démocratiques syriennes (une alliance arabo-kurde) en pointe contre les jihadistes pour stabiliser les régions reconquises et empêcher toute résurgence de l’EI.
Ainsi, le chef du Pentagone, James Mattis, avait lié le départ des troupes américaines de Syrie au processus de Genève, censé trouver une issue politique à la guerre civile syrienne. « Nous allons nous assurer que nous créons bien les conditions d’une solution diplomatique » et la guerre contre l’EI sera gagné quand les locaux pourront s’en charger eux-mêmes », avait-il dit. Ce qu’il a encore répété en août dernier.
Seulement, empêcher toute résurgence de Daesh n’est la seule raison du maintien de l’engagement militaire des États-Unis en Syrie. Ainsi, le conseiller à la sécurité nationale du président Trump, John Bolton, a déclaré à l’agence Associated Press, que la présence des forces américaines sur le territoire syrien durera aussi longtemps celle de l’Iran.
« Nous ne quitterons pas la Syrie tant que les troupes iraniennes y seront, ce qui comprend aussi les mandataires iraniens et les milices », a déclaré M. Bolton.
Pour M. Mattis, les propos du conseiller de M. Trump ne changent rien à la nature de la présence militaire américaine en Syrie.
« Actuellement, nos troupes en Syrie sont là pour un seul objectif, et cela en vertu de l’autorisation de l’ONU : défaire l’État islamique », a assuré le chef du Pentagone. Toutefois, « partout où il y a de l’instabilité au Moyen-Orient, vous trouverez l’Iran. En ce qui concerne le processus de Genève, l’Iran a également un rôle à jouer, c’est à dire en cessant de créer des problèmes », a-t-il aussi déclaré, lors d’une rencontre avec des journalistes, le 24 septembre.
Cela étant, la déclaration de M. Bolton risque de soulever de nouvelles interrogations au Congrès des États-Unis, dans la mesure où l’engagement militaire américain en Syrie n’a été autorisé que pour combattre les jihadistes de l’EI.
Par ailleurs, la présence militaire iranienne en Syrie, via la force al-Qods, l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution chargée des opérations extérieures, et de milices chiites inféodées à Téhéran, est par ailleurs inacceptable pour Israël, qui a multiplié les frappes aériennes contre des sites militaires syriens au cours de ces 18 derniers mois.
En août, Damas et Téhéran ont renforcé leurs liens militaires, en pérénnisant la présence iranienne en Syrie.
En outre, après l’affaire d’un avion de renseignement russe Il-20 « Coot » abattu par erreur par la défense aérienne syrienne lors d’un raid israélien à Lattaquié, Moscou a décidé de livrer finalement des systèmes S-300 aux forces syriennes et de brouiller les « les radars de bord et les systèmes de communication » d’avions militaires « attaquant des cibles sur le territoire syrien. » Ce qui, de facto, protégera les forces iraniennes présentes en Syrie, la marge de manoeuvre israélienne risquant de s’en trouver limitée.
Mais les mesures russes peuvent également perturber les opérations de la coalition anti-jihadiste, en particulier celles des États-Unis, sachant que, par exemple, l’aviation américaine a déjà dû intervenir à plusieurs reprises pour empêcher des attaques des troupes syriennes et de leurs alliés contre l’alliance arabo-kurde dans la province de Deir ez-Zor.
D’ailleurs, M. Bolton a critiqué la livraison annoncée par Moscou de systèmes de défense aérienne S-300 aux forces syriennes en la qualifiant de « grave erreur » susceptible « d’attiser les tensions ». Et d’ajouter : « Il y a des forces américaines dans les zones qui nous préoccupent ».
Un autre sujet de contentieux entre Moscou et Washington porte sur le secteur d’at-Tanf, aux confins de la Syrie, de l’Irak et de la Jordanie. Des troupes américaines sont effet déployées dans cette zone dite de « déconfliction », qui a fait l’objet de tensions récemment, la Russie ayant averti qu’elle y effectuerait des « frappes de précision » contre des positions « terroristes ».
« Les États-Unis et leurs partenaires n’ont besoin d’aucune assistance pour y combattre l’EI et nous avons conseillé aux Russes d’en rester à l’écart », avait répondu le Pentagone.