Après plus de deux décennies de coupes budgétaires, de déflation d’effectifs ou encore de réductions capacitaires, il ne faut guère se faire d’illusions : la Loi de programmation militaire 2019-25, promulgué le 13 juillet par le président Macron, même si elle prévoit un effort financier important de 197,8 milliards d’euros d’ici 2023, ne fera pas de miracles. Tel est le message adressé aux députés par le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, lors d’une audition tenue en juillet.
« Concernant l’équilibre général des ressources qui sous-tend la loi de programmation militaire 2019-2025, je ne peux que rappeler […] qu’aujourd’hui, la masse de nos armées est plus réduite que jamais » et que « cela n’aura pas changé en 2025 », a répondu le général Lecointre à un député qui l’interrogeait pour savoir si l’effort financier prévu pour les prochaines années allait être suffisant.
Certes, a reconnu le CEMA, « à l’issue de la période de programmation militaire qui s’ouvre, notre armée ne sera plus éreintée, sous-équipée, sous-dotée et sous-entraînée comme aujourd’hui. Mais elle restera une armée des ‘dividendes de la paix’, une armée de temps de paix. » Et d’ajouter : « Reste à savoir si nos armées seront alors capables d’être engagées sur plusieurs théâtres, dans des conflits peut-être plus violents et en tout cas très différents que ceux d’aujourd’hui. »
En effet, a-t-il insisté, la « LPM ne nous permettra pas d’être une armée susceptible d’être engagée seule dans un conflit majeur en Europe centrale, par exemple. » Une telle intervention, a souligné le CEMA, ne serait possible que « dans le cadre de l’Otan et avec un soutien massif des États-Unis. » Un soutien qui n’est pas forcément acquis avec l’actuel président américain, Donald Trump, dont les prises de position, comme l’a récemment rappelé le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, reviennent à « minorer ou, du moins, à conditionner les obligations d’assistance mutuelle entre alliés. »
Aussi, le général Lecointre veut retrouver des marges de manoeuvres en modulant les engagements actuels des forces françaises. L’enjeu est de pouvoir faire face à « d’éventuels engagements nouveaux », a-t-il dit. « Or, aujourd’hui, nos armées atteignent déjà les limites de leurs capacités avec 30.000 hommes en situation opérationnelle, ce qui n’est pourtant pas un niveau historiquement élevé », a-t-il déploré.
« C’est là une préoccupation majeure de tout chef d’état-major des armées, de tout ministre des Armées et de tout chef d’État : comment faire face à la surprise stratégique? », a enchaîné le général Lecointre.
« Au fil de notre histoire, avant chaque grand conflit, il s’agissait pour nos prédécesseurs de pouvoir mobiliser puissamment les ressources de la Nation pour faire face aux menaces. À l’époque du maréchal Joffre, par exemple, il s’agissait de concevoir un système de mobilisation générale extrêmement rapide. Les enjeux de notre époque sont certes différents, mais si la situation se détériorait, il serait alors de la responsabilité des autorités politiques comme de celle des autorités militaires de bien faire comprendre la nécessité d’un effort bien plus important qu’aujourd’hui pour la défense du pays », a conclu le CEMA.