Depuis les années 1990, la communication officielle a banni le mot « guerre » parce qu’il désignait sans doute une incongruité. Ainsi, par exemple, ce substantif était soigneusement évité quand il s’agissait d’évoquer l’engagement militaire en Afghanistan.
Ainsi, Hervé Morin, ministre de la Défense en 2008, donc au moment de l’embuscade d’Uzbeen, avait contesté « totalement le mot de guerre » lors d’une audition parlementaire. Cependant, Bernard Kouchner, alors chef de la diplomatie française, avait eu moins de scrupules pour appeler les choses par leur nom. « Vous pouvez appeler ça une guerre : ce sont des opérations meurtrières et ce sont des opérations de guerre », avait-il lancé.
Cette précaution de langage était déjà d’usage au moment de la réforme de l’enseignement militaire supérieur menée en 1993 : le « Collège interarmées de défense » (CID) se substitua aux « écoles supérieures de guerre » propres à chaque armée. Il faudra attendre 2011 pour qu’il prenne l’appellation d' »École de Guerre ».
Au niveau de l’armée de Terre, et dans le cadre du plan « Au Contact », le Cours supérieur d’état-major (CSEM), dédié à l’enseignement militaire supérieur des officiers, a changé de nom pour devenir, en 2016, le « Cours supérieur interarmes » (CSIA).
« En optimisant la formation des officiers, l’armée de Terre confirme son excellence dans le domaine tactique. Stimuler la réflexion sur le milieu terrestre, là où commencent et finissent toutes les crises : avec le CSIA, les chefs de demain sont désormais mieux armés pour assumer leur mission », expliquait, à l’époque, le Sirpa Terre.
Mais, en octobre 2017, lors d’une audition parlementaire, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, qui n’hésite pas à parler « d’esprit guerrier« , avait dit soutenir « la renaissance d’une école supérieure de guerre ‘Terre' ».
« Je souhaite en 2018 finaliser le modèle ‘Au Contact’ et sa gouvernance. Cela ne réclame pas forcément des augmentations budgétaires. Nous voulons renforcer la cohérence d’ensemble de la doctrine, de la formation et de l’entraînement, soutenir la renaissance d’une école supérieure de guerre ‘terre’, redéfinir le rôle et la place du renseignement de niveau tactique, face aux meances conventionnelles, irrégulières et hybrides », avait en effet expliqué le CEMAT.
Moins d’un an après, cette École de guerre « Terre » [EdG-T] a donc fait sa rentrée avec 97 stagiaires (dont 7 officiers étrangers et 17 auditeurs civils), 11 instructeurs permanents et 120 intervenants civils et militaires de « haut niveau ».
En réalité, il ne s’agit pas d’une création stricto sensu car cette École de guerre « Terre » n’est que la nouvelle appellation du « Cours supérieur interarmes », lui-même lointain héritier de l’École supérieure de guerre créée en 1880.
« Cette rentrée revêt un caractère exceptionnel, puisque vous inaugurez la nouvelle scolarité », a lancé le CEMAT aux stagiaires qui faisaient leur rentrée, le 30 août. « Elle concrétise une ambition capitale du modèle Au Contact, renouer avec l’excellence de la pensée militaire et réinvestir le champ de la stratégie », a-t-il ajouté.
La scolarité à l’EdG-T dure 43 semaines, soit 1.634 heures de formation. L’enseignement qui y est dispensé met l’accent, explique l’armée de Terre, sur les « aptitudes fondamentales », c’est à dire « commander, planifier, conduire, négocier, comprendre et penser », afin que les officiers passés sur ses bancs aient acquis une « attitude stratégique. »
En outre, il s’agit d’un « enseignement d’excellence centré sur l’approfondissement de la connaissance interarmes, interculturelle, interministérielle et interprofessionnelle à l’image de la formation délivrée chez nos alliés, complémentaire de celui dispensé en interarmées. »
Photo : armée de Terre