Bonjour
Je reporte ici, en le complétant, le texte sur les combats sur la ligne Mareth déjà édité dans un quizz.
Il s'agit d'un extrait du livre "la ligne Maginot du désert", qui sera certainement plus visible ici.
Quant on remonte de Tripolitaine vers le nord de la Tunisie, deux passages s’offrent au voyageur, ou à l’assaillant:
- la plaine côtière, appelée d’abord Djeffara, puis, après le passage de l’oued Zigzaou, plaine de Gabès
- le plateau du Dahar, désert minéral caillouteux, en fait le reg.
Le désert du Sahara, appelé ici « grand erg oriental », forme la limite ouest de ce plateau. Entre la plaine côtière et le Dahar, s’étend une région montagneuse, qui prend son origine en Libye, le djebel Neffoussa. A la hauteur de Tatahouine, le massif prend le nom de monts des Ksours, ou des Matmata, et culmine à plus de 700 mètres d’altitude.
Au nord de Gabès, la coupure de l’oued Akarit permet d’établir une ligne de défense incontournable, mais qui présente l’inconvénient d’abandonner Gabès et ses plaines fertiles à l’envahisseur.
Deux passages relient la plaine de la Djeffara au Dahar :
- la trouée de Wilder, qui permet de joindre Tataouine au Bordj Lebeuf
- le col du Ksar el Hallouf, qui permet le passage de Médénine vers Bir Soltane.
Entre le djebel Melab, qui forme l’extrémité des monts des Matmata, et le djebel Tebaga, qui barre à nouveau le passage vers le nord, un passage permet de déboucher du Dahar vers Gabès, via El Hamma. C’est la « trouée de la muraille romaine ». En effet, dès la fin du deuxième siècle avant JC, les Romains en avaient reconnu l’importance. Pour protéger leurs colons des incursions des tribus pillardes berbères, venues du sud, ils y édifièrent un obstacle continu, composé d’un haut mur de pierres sèches reliant la crête des deux djebels, doublé dans la plaine par un fossé avec tours de guet (fossatum). Cette « clausurae de Tebaga », d’une longueur de 17 kilomètres, ne fut complètement achevée qu’aux environs de 360 après JC.
Toute cette région se confond avec le limes romain, sans arrêt repoussé plus avant, jusqu'à la limite du désert. Pendant plus de trois siècles, les paysans-soldats des IIIe légion « Augusta » et IIe cohorte « Flavia Afrorum » mirent en valeur et assurèrent la défense du limes Tripolitanus. Et ce n’est pas la moindre émotion, quand on parcourt les crêtes de ces régions, de savoir que l’on met ses pas dans ceux des légionnaires de Marc Aurèle ou de Septime Sévère.
Ce territoire, rendu fertile par les efforts des Romains, redevint arride après l'arrivée des Arabes, plus bergers que cultivateurs. Leurs troupeaux de moutons en firent ce qu'il est aujourd'hui : un quasi-désert.
Au mois de mars 1943, les forces de l’Axe consacrées à la défense de la ligne Mareth, comptent 76 350 hommes, répartis en six divisions d’infanterie et deux divisions blindées. Le 16 mars, Montgomery déclenche le plan "Pugilist" ; l’attaque de la ligne Mareth, par le 30e corps d’armée. La position de l’oued Zeuss est prise dès le 17, par la brigade de la Garde et la 51e division. L’attaque frontale sur la ligne de résistance, essentiellement dans la zone côtière, est lancée le 20 au soir. Ce secteur, situé entre la côte et la route de Médenine, est tenu par la 135e division (jeunesses fascistes), du 20e corps d’armée italien. C’est théoriquement le plus vulnérable, car favorable à une attaque blindée. L’attaque est un échec, dû pour une grande part à une pluie diluvienne, qui a fait monter le cours du Zigzaou à un niveau rarement atteint, le transformant en torrent, aux champs de mines, et au tir particulièrement efficace des mitrailleuses sous béton. Seuls trois points d’appui sont conquis. Le 22, les Anglais sont rejetés de l’autre côté de l’oued par une contre-attaque de la 15e Pz, appuyée par les parachutistes de la brigade « Ramke », menée à partir de la palmeraie de Zarat. Les Britanniques ne peuvent conserver qu’un seul des trois points d’appuis. Les pertes sont élevées, à la 50e division et à la brigade de la Garde. Cent-cinquante chars sont hors de combat, piégés par la boue, ou détruits par les canons antichars.
Mais, Montgomery, bien qu’il ait prétendu le contraire, avait été mis au courant par les Français de la possibilité du contournement de la position par le Dahar. Le concepteur de la ligne Mareth, le général Rime-Bruneau, en particulier, lui avait fait parvenir un dossier détaillé sur le sujet. C’est pourquoi, le 16 mars, parallèlement à l’attaque de front, une attaque est lancée par le Dahar, à partir de Ksar Khilane, conquis par la Force L du général Leclerc.
L’attaque est menée par le "corps néo-zélandais", qui inclut la 2e division néo-zélandaise, la 8e brigade blindée, et les 5 000 Français de la Force L du général Leclerc. Après avoir bousculé sans coup férir les faibles défenses réalisées à hauteur de Bir Soltane, les alliés débouchent le 21 sur la muraille romaine, ou les Allemands ont réalisé, pratiquement sur le tracé du fossatum romain, un fossé anti-char, bien défendu.
Le 23 mars, tôt le matin, au col d’El Guettar, devant la pression exercée par le 2e corps d’armée US à partir de Gafsa, une attaque est lancée par la 10e Pz. Les Allemands espèrent sans doute refaire le coup de Kasserine. Mais les Américains se sont aguerris, et puis il y a Patton. L’attaque pénètre facilement les premières lignes américaines, mais est stoppée par un champ de mines et l’artillerie, ainsi que par une trentaine de chasseurs de chars M 10, arrivés récemment sur le front, qui détruisent autant de blindés allemands. L’attaque est relancée l’après-midi, mais échoue de la même manière. Les Allemands se replient, mais Patton cesse sa pression à la jonction des 1e et 5e armées, ce qui était le but recherché.
C’est alors que Montgomery décide, devant l’échec de l’attaque sur Mareth, de faire porter tout le poids de l’attaque sur l’Ouest. Tandis que la 4e division indienne s’empare de Ksar el Hallouf, le 10e corps d’armée britannique et la 1e division blindée sont lancés sur le Dahar par la trouée de Wilder. Toutes ces unités se présentent le 26 devant la muraille romaine, où elles rejoignent le corps néo-zélandais. Dès lors, la bataille est jouée, et la défense ne pouvant s’éterniser sur ce point, elle n’a plus pour objectif que de couvrir le repli des divisions d’infanterie, qui retraitent à pied depuis la ligne Mareth, après un décrochage discret, face au 30e corps britannique empêtré dans les champs de mine.
Dans la nuit du 26 au 27, après la prise du djebel Melab par la Force L, le front de la muraille romaine, défendu par le groupement saharien, par la 164e ID, rappelée du secteur montagneux, et par des éléments des divisions Pistoia et Spezia, ramenés de la ligne Mareth, est percé. Retardés par des contre-attaques des 15e et 21e Pz division, les britanniques prennent El Hamma et Gabès le 29. Le 30, ils sont au contact de l’ennemi, sur la position de l’oued Akarit, que le général Messe a pris la précaution d’organiser. La 1e armée italo-allemande a perdu dans l’affaire vingt-deux bataillons et trente-neuf batteries.
Elle va résister jusqu’au 7 avril sur cette nouvelle position, avant de se replier, sur l’ordre du Général Von Arnim, pour éviter l’encerclement par le 2e corps américain du général Patton, qui débouche de Gafsa. Un mois plus tard, le 13 mai, les forces de l’Axe capitulaient, au cap Bon, après d’ultimes combats menés sur la ligne d’Enfidaville, devant Tunis, et la prise du djebel Zaghouan, qui domine Tunis au sud, par le 19e corps d’armée français.
La bataille de Tunisie est des plus instructives à étudier, car elle est la "mère" des batailles menées quelques mois plus tard en Europe, avec pour objectif Berlin. Hommes, tactiques et matériels y ont été mis à l'épreuves et perfectionnés, et les chefs s'y sont affirmés. (Toutes photos : auteur ou collection auteur)
JJ
Carte du sud-tunisien. Les points cerclés marquent les positions fortifiées française de 1940
Une des phases de l'opération Pugilist
Un des blockhaus du point d'appui P1, marqué par les combats de 1943.
Ce point d'appui, perdu dans le delta de l'oued Zigzaou, fait partie des trois conquis et reperdus,
pour deux d'entre eux, par les Britanniques
Le PC du point d'appui P2
On voit bien, ici devant P2, comment la rive gauche du Zigzaou a été entaillée, pour transformer l'oued en
fossé anti-char
La plateforme pour canon de 47 de P2, bien visible de loin, a été matraquée par des tirs directs
Inscription italienne sur la casemate "PC et groupe de mitrailleuses" de P3
Tranchées creusées sur P3 par les hommes de la division des "Jeunesses fascistes"
Abri creusé par les Allemands sur une position
Le même genre d'abri, vu sur un point d'appui de la ligne d'arrêt, à A2
Chars britanniques détruits devant la ligne Mareth
Crusader Mk2 détruit par une mine anti-char
Le tracé du fossatum romain est encore bien visible, entre le djebel Tebaga et le massif des Matmata
Stèle au corps néo-zélandais sur la piste de Kébili. La plaque a malheureusement disparu
Alvéole pour char ou pièce d'artillerie, en arrière de la position de la Muraille romaine
Petit blockhaus creusé dans le talus d'un des oueds descendant du djebel Tebaga
Char M3 Grant progressant dans le Dahar
A part quelques vestiges de tranchées, rien ne laisse supposer qu'une bataille s'est déroulée sur
la position de l'oued Akarit
Timbre postal commémorant la bataille de Mareth