Le 30 juillet, le ministre japonais de la Défense, Itsunori Onodera, a annoncé que Tokyo allait investir au minimum 3,6 milliards d’euros pour renforcer sa défense antimissile. Il est notamment question de l’acquisition de deux systèmes AEGIS Ashore et d’autant de radars LRDR (Long Range Discrimination Radar), développés par Lockheed-Martin. « Notre capacité de défense antimissile balistique va s’améliorer de manière significative », a commenté le responsable nippon.
Ce « bouclier anti-missile » vise à se prémunir des menaces chinoises (Tokyo et Pékin n’ont toujours pas réglé leurs différends territoriaux), voire russes (le Japon et la Russie se disputent les îles Kouriles et n’ont, à ce jour, pas signé d’accord de paix après la Seconde Guerre Mondiale). Mais c’est en réalité la menace incarnée par Corée du Nord qui est dans les esprits, d’autant plus que plusieurs missiles nord-coréens sont tombés dans la zone économique exclusive japonaise l’an passé.
Pourtant, depuis le début de cette année, affecté par les sanctions internationales adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies pour ses activites nucléaires et balistiques, le régime nord-coréen a changé de ton. Et cela, après avoir procédé à son sixième essai nucléaire – le plus puissant de la série – et au tir de trois missiles intercontinentaux. « Nous sommes finalement parvenus à réaliser notre grande cause historique, l’achèvement d’une force nucléaire d’État », s’était d’ailleurs félicité, en novembre 2017, Kim Jong-un, le maître de Pyongyang.
Ce dernier a amorcé un rapprochement avec la Corée du Sud et pris l’engagement, lors d’une rencontre historique avec le président américain, Donald Trump, d’oeuvrer à dénucléarisation de la péninsule coréenne. Cependant, aucun mécanisme de contrôle n’a été mis en place à ce jour, pas plus qu’il n’est prévu l’envoi d’inspecteurs internationaux censés vérifier les affirmations nord-coréennes. Et la Corée du Nord n’évoque pas un retour dans le Traité de non-prolifération nucléaire, dont elle s’était affranchie en 2003.
Cependant, Pyongyang a donné quelques gages. Ainsi, le site d’essais nucléaires de Puggye-ri a été « démantelé » devant des journalistes (qui n’ont pas la qualité d’expert requise pour en valider la réalité) et la base de Sohae, d’où ont été lancées les fusées Unha censées mettre des satellites en orbite, est en train de connaître un sort identique. D’ailleurs, Kim Jong-un s’y était engagé.
Pour autant, le doute est de mise. En effet, les concessions faites par Pyongyang ne prêtent pas à conséquence. Le site de Puggye-ri n’était sans doute plus utilisable avant son démantèlement officiel et celui de Sohae servait à produire des moteurs à combustion liquide qui ne sont plus une priorité pour les Nord-Coréens, étant donné que ceux à combustion solide sont plus faciles à déplacer et à stocker.
En outre, lors d’une audition devant le comité des Affaires étrangères du Sénat, la semaine passée, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a reconnu que la Corée du Nord continuait à produire des matériaux fissiles, comme l’avait indiqué quelques semaines plus tôt, la Defence Intelligence Agency [DIA]… « Nous sommes engagés dans une diplomatie patiente, mais nous ne laisserons pas ceci traîner indéfiniment », a-t-il toutefois prévenu.
Dans le même temps, plusieurs articles de presse, citant des sources au sein du renseignement américain, ont émis des doutes sur l’attitude de la Corée du Nord, en soulignant sa capacité à dissimuler ses activités. Activités qui ne sont pas forcément cachées, comme les travaux qui ont été repérés, grâce à l’imagerie satellitaire, sur le site de Yongbyon, où une nouvelle pompe de refroidissement aurait été installée sur le réacteur nucléaire qui y a été construit.
Mais Yongbyon ne serait pas le seul site nucléaire nord-coréen. Un autre, deux fois plus important, serait situé à Kangson, à en croire le renseignement américain. Quant aux missiles, qui ne font pas partie de l’engagement relatif à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, ils feraient encore l’objet d’une attention toute particulière de la part du régime nord-coréen.
Le 2 juillet, le Wall Street Journal, citant les travaux d’analystes du Centre James Martin, qui dépend de l’Institut d’études internationales de Middlebury [Monterey, Californie], affirmait que Pyongyang était sur le point de terminer un chantier sur le site d’une importante usine de fabrication de missiles balistiques à combustible solide et de véhicules d’entrée pour les ogives, située à Hamhung. Mais ce cas ne serait pas isolé.
En effet, d’après le Washington Post, qui s’appuie sur des photographies prises par un satellite par la National Geospatial-Intelligence Agency, des travaux seraient « en cours sur au moins un et peut-être deux missiles balistiques intercontinentaux [ICBM] à combustible solide dans le grande centre de recherche de Sanumdong, dans la banlieue de Pyongyang. »
« Nous les voyons aller au travail, comme avant », a confié un responsable américain au quotidien.
« Ces nouveaux renseignements ne suggèrent pas une augmentation des capacités de la Corée du Nord, mais cela montre que le travail sur des armements avancés se poursuit plusieurs semaines après que le président Trump a déclaré sur Twitter que Pyongyang ‘n’est plus une menace nucléaire' », conclut le Washington Post.
L’arme nucléaire est l’assurance-vie du régime nord-coréen. D’où les interrogations sur la réalité de l »engagement pris par Kim Jong-un… « Les Nord-Coréens n’ont jamais accepté d’abandonner leur programme nucléaire. Et il est stupide de s’attendre à ce qu’ils le fassent dès le début des pourparlers », a fait valoir Ken Gause, un spécialiste de la Corée du Nord au « Centre for Naval Analysis ».
« La survie du régime et la perpétuation du règne de la famille Kim sont les principes directeurs de Kim [Jong-un] et « le programme nucléaire leur fournit un moyen de dissuasion, dans leur esprit, contre le changement de régime par les États-Unis. Renoncer à la capacité nucléaire violera les deux centres de gravité fondamentaux du régime nord-coréen », a résumé cet expert.