Depuis la révélation de l’affaire Benalla, trois cadres de la préfecture de police ont été suspendus à titre conservatoire. Quel est votre sentiment face à cela ?
Jean-Paul Megret : Nous avons le sentiment que d’une affaire Benalla, on est en train de faire une affaire de police. Comme si l’on cherchait des boucs émissaires. C’est M. Benalla qui s’amuse à agresser des gens sous la protection d’un casque et d’un brassard de police qu’il n’a pas lieu d’avoir et nous en serions responsables ? On nous l’a mis dans les pattes, on nous a demandé de le prendre dans des manifestations. Dans une structure hiérarchisée comme la police, compte tenu de son titre d’adjoint au chef de cabinet de l’Elysée, tout le monde a cru qu’il devait lui obéir. Or, ce n’est pas un professionnel. C’est un amateur qui s’amuse à faire la police et, pour lui, la police, c’est vraisemblablement des gens qui tapent sur d’autres gens. Ce n’est pas ça la police. Il a ruiné notre image et c’est assez insupportable.
Des cadres de la préfecture de police auraient transmis des images de vidéosurveillance à M. Benalla. Ne doivent-ils pas aussi assumer leurs responsabilités ?
Des policiers ont certainement commis des fautes et, en tout cas, l’enquête le dira. Je remarque néanmoins qu’ils étaient suspendus alors que M. Benalla n’était toujours pas licencié. Leur plus grande faute a été d’obéir aveuglément à quelqu’un qu’ils ont pris pour un représentant de l’Elysée. Ils l’ont perçu, à tort, comme une autorité légitime. Il ne faudrait pas que l’on se focalise sur ces trois policiers en oubliant que le cœur du sujet, c’est qu’un individu déguisé en policier s’est amusé à agresser des manifestants. Des responsabilités doivent être assumées. Mais nous ne sommes pas en tête de liste.
Comprendre pourquoI trois responsables policiers ont été suspendus
A qui faites-vous allusion ?
L’Elysée a allumé un contre-feu pour essayer d’atténuer sa responsabilité d’avoir embauché cet homme et de l’avoir envoyé gérer des manifestations. Mais c’est bien l’Elysée qui emploie M.
Jean-Paul Megret, secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police, reconnaît les responsabilités de la police, mais souligne toutefois celles de l’exécutif.
Benalla. Or, normalement, ce sont des professionnels qui assurent les prestations de sécurité à l’Elysée, qui font l’objet de sélections et de formations particulières, ce ne sont pas des barbouzes. On a le sentiment que le plus haut niveau de l’Etat considère avec méfiance les policiers et les gendarmes et n’a confiance qu’en des gens du premier cercle à qui il préfère accorder un port d’arme et une voiture équipée comme une voiture de police.
Il y a quelques mois, on nous a prévenus que le GSPR [le groupe de sécurité du président de la République] allait quitter le giron de la police nationale pour devenir une entité à part, sous l’autorité unique de l’Elysée, et qui pourrait recruter en dehors de la police et de la gendarmerie. Cette logique est dangereuse. Et on l’a vu. On est peut-être les représentants de l’ancien monde mais on pense que pour faire de la sécurité, il faut rester dans un cadre.
Comment M. Benalla était-il connu dans la maison police ?
Il était connu depuis la campagne électorale. A de multiples reprises, lors de services d’ordre ou de voyages officiels, il a créé des incidents, en exigeant que tout le monde se mette à son service. Plusieurs fois, on est passé tout près d’affrontements physiques avec des fonctionnaires. Il considérait qu’il avait portes ouvertes partout.
Pensez-vous que certains ont été séduits ou impressionnés par sa personne, au point de lui accorder des passe-droits ?
Ce n’est pas lui qui a obtenu ces passe-droits, c’est l’Elysée. Et quand l’Elysée demande, on exécute. Ce qui a pu impressionner ou séduire, c’est son positionnement hiérarchique, sa qualité d’adjoint au chef de cabinet du président de la République. C’est ça qui fait toute la différence. Tout s’est joué sur l’apparence. Et c’est là où j’en veux à ceux qui ont permis de créer cette apparence.
Quel a été le rôle du ministère de l’intérieur et de l’Elysée dans la gestion de cette affaire ?
Dans l’institution policière, nous connaissons tous l’article 40 [du code de procédure pénale, qui prévoit que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République »]. En l’espèce, des gens ont considéré que quinze jours de mise à pied suffisaient. Si on compare cette sanction à la suspension et la décision de non-titularisation du policier stagiaire qui a commis des violences au dépôt contre un détenu [les faits ont été révélés par une vidéo mise en ligne le 12 juillet], on a le sentiment qu’il y a deux poids, deux mesures.