Originaire de Toulouse, Jonathan Geffroy (alias Abu Ibrahim al Faransi) avait rejoint les rangs de l’État islamique (EI ou Daesh) depuis deux ans quand il fut fait prisonnier par les rebelles syriens soutenus par la Turquie lors de la bataille d’al-Bab, dans le nord de la Syrie, en février 2017. Remis aux autorités françaises, ce jihadiste, qui se dit maintenant « repenti », a été « mis en examen pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. »
En réalité, Jonathan Geffroy était un proche de deux autres jihadistes d’origine toulousaine : Jean-Michel et Fabien Clain, deux responsables de la propagande de l’EI et qui sont, à ce jour, les deux plus haut cadres français encore en vie de l’organisation terroriste. Et, par conséquent, il a beaucoup de choses à raconter.
En mars, le site Mediapart avait révélé une partie du contenu de ses auditions menées par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Et Geffroy avait expliqué que l’EI avait le projet de commettre des attentats en Europe avec des enfants, en l’occurrence ceux appartenant au groupe appelé « les lionceaux du califat ». Ce projet aurait été proposé par les frères Clain à la haute hiérarchie de Daesh.
Dans son édition du 27 juin, le quotidien Le Monde confirme cette information, en citant des extraits des procès-verbaux d’auditions de Geffroy, effectuées par la DGSI et un juge d’instruction.
« Je sais que les futures opérations extérieures seront commises par des enfants qui auront grandi sur zone et qui, passé l’adolescence, seront envoyés en Occident, en Europe et en France, pour y mener des opérations suicides. Mais surtout, ils seront méconnaissables du fait qu’on ne pourra pas les identifier au faciès […]. Mais c’est un projet au long cours, car ils veulent qu’ils grandissent pour pas qu’il y ait de reconnaissance faciale », a ainsi expliqué celui qui se faisait appeler « Abu Ibrahim al Faransi ».
Cependant, on ignore l’état d’avancement de ce « plan », qui, selon Geffroy, a été accepté par la direction de l’EI. « Ça a été validé, donc je pense que ça va se faire, quand ils disent une chose, ils le dont », a-t-il confié aux enquêteurs. Depuis 2017, la situation a énormément évolué : Daesh a perdu ses bastions de Mossoul et de Raqqa, ainsi que la majeure partie du territoire qu’il contrôlait en Irak et en Syrie. D’où la question de savoir s’il est encore en mesure de mener à bien une telle opération.
En tout cas, d’après les propos de Geffroy, ce serait l’un des fils de Fabien Clain qui aurait été nommé à la tête de « opérations extérieures ‘enfants' » pour la France. Comme le souligne Le Monde, à ce jour, une trentaine de mineurs français sont soupçonnés d’avoir participé aux activités de Daesh. Mais seulement trois ont été formellement identifiés parce qu’ils étaient apparus dans des vidéos d’exécution.
Mais les révélations de Geffroy ne s’arrêtent pas là. Ainsi, les frères Clain seraient « très proches » de la haute direction de l’EI et l’un d’eux – Fabien – pourrait même être le responsable des opérations extérieures de l’organisation jihadiste.
Qu’a-t-il en tête? D’après Geffroy, il aurait eu l’idée de « frapper » des zones rurales en France. « Le deuxième projet, dont ils attendaient des nouvelles quand je suis parti » consistait « à faire des opérations dans des campagnes isolées où il n’y a pas de caméra », a-t-il dit. « Ce n’est pas de grosses attaques mais c’est pour mettre la terreur dans la campagne française », a-t-il précisé.
On ignore, là encore, si ce projet a été validé par la haute hiérarchie de l’EI. Toutefois, la prise d’otage d’un supermarché à Trèbes, une localité d’environ 5.600 habitants située près de Carcassonne, pourrait le suggérer. Si l’auteur de cette attaque, Radouane Lakdim, s’est réclamé de Daesh, il ne s’est jamais rendu en zone irako-syrienne et, a priori, il n’aurait même pas eu de contact avec des membres de l’organisation terroriste.
Le Schéma national d’intervention présenté par le ministère de l’Intérieur en avril 2016 prenait en considération la possibilité d’attaques en zone rurale. « La répartition des forces d’intervention spécialisée est donc cohérente sur l’ensemble du territoire national. Ces unités sont concentrées dans les zones où le risque est très élevé mais n’ignorent pas les territoires éloignés ou de moindre densité de population (outre-mer, certains territoires ruraux et péri-urbains) », y est-il en effet expliqué.
Enfin, et cela rejoint une tendance observée par Europol, le recours à des substances toxiques fait partie des plans de Daesh. Ainsi, Geoffroy a parlé de drones utilisant des « produits chimiques » et fabriqués par un jihadiste français, sans plus de précisions.