En décembre 2002, une cellule jihadiste liées aux filières tchétchènes fut démantelée à La Courneuve et à Romainville en deux temps par les services français, alors qu’elle projetait de s’en prendre aux intérêts russes à Paris en utilisant des substances toxiques. Lors des perquisitions menées à l’époque, une tenue NBC (nucléaire, biologique, chimique) ainsi qu’une liste de produits chimiques furent saisies.
Plus tard, au Royaume-Uni, 7 individus appartenant à la mouvance jihadiste furent arrêtés par Scotland Yard. Et les policiers britanniques découvrirent un mini-laboratoire de fabrication de ricine, un poison mortel. Aussi, à l’époque, l’on s’interrogeait sur une possible connexion entre les deux affaires, d’autant plus que les suspects faisaient aussi partie des filières tchétchènes [appelées ainsi parce que leurs membres ont été formés et entraînés en Tchétchénie, ndlr]
Puis, en mars 2003, il fut avancé que des traces de ricine avaient été trouvées dans une consigne de la gare de Lyon, à Paris. Mais, quelques semaines plus tard, il s’avéra qu’il s’agissait de « germes de blé et d’orge moulus ». Mais selon le parquet de Paris, « la protéine détectée dans la farine analysée présentait une structure très proche de celle de la ricine. » Toutefois, expliqua un magistrat au quotidien Le Parisien, « d’après les experts, il « y avait probablement eu une intervention de l’homme pour procéder à l’extraction de la protéine végétale contenue dans le blé et l’orge. Ce processus d’extraction a peut-être été étudié pour être appliqué par la suite à quelque chose de beaucoup plus toxique. »
Pour rappel, la ricine est considérée comme étant une arme biologique. Cette substance est le poison le plus puissant connu parmi les végétaux étant donné qu’elle est 6.000 fois plus toxique que le cyanure et 12.000 fois plus que le venin du crotale.
Quoi qu’il en soit, un nouveau coup de filet, en lien avec ceux de La Courneuve et de Romainville, fut réalisé en janvier 2004, à Vénissieux. Là, un laboratoire clandestin abritant des produits toxiques, dont de la ricine et de l’acide botulique, fut découvert. Et les « têtes pensantes » de ce groupe terroriste, Menad Benchellali, un « spécialiste des produits chimiques » et Merouane Benhamed, furent condamnés à 10 ans de prison en 2006.
Depuis, et sauf erreur, aucune tentative de commettre un attentat avec des substances toxiques comme peut l’être la ricine n’a été constatée en France. Du moins, jusqu’à ce 18 mai.
En effet, invité de BFMTV/RMC, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a indiqué qu’un nouveau projet d’attentat avait été récemment déjoué.
« Il y avait deux jeunes gens d’origine égyptienne qui s’apprêtaient à commettre un attentat avec, soit de l’explosif, soit de la ricine, qui est un poison très fort. Ils avaient des tutoriels qui indiquaient comment fabriquer des poisons à partir de ricine », a ensuite précisé M. Collomb.
« On suit un certain nombre de personnes sur des réseaux, en l’occurrence c’était sur Telegram. Nous avons pu déceler ce projet d’attentat et nous avons pu les arrêter », a ajouté le ministre.
Une source proche de l’enquête, sollicitée par l’AFP, a donné plus de précisions. Ce complot terroriste a été déjoué grâce à la détection, par la Direction générale de sécurité intérieure (DGSI), d’un compte « particulièrement actif dans la sphère pro-jihadiste » sur les réseaux sociaux. Ce qui a permis « l’identification de ce ressortissant égyptien. »
Une perquisition administrative a ensuite été menée à son domicile, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, le 11 mai. Là, les enquêteurs ont découvert « un sac contenant de la poudre noire extraite d’un bloc de pétards et plusieurs supports numériques qui contenaient notamment des tutoriels de fabrication d’explosifs et une autre vidéo expliquant comment utiliser un poison puissant. »
Cela étant, et contrairement à ce qu’a dit M. Collomb, un seul individu, effectivement né en Égypte en 1998 et résident en France en situation régulière, a été mis en examen et placé en détention provisoire. Le second ressortissant égyptien arrêté à ses côtés, qui est l’un de ses proches, a été mis hors de cause et remis en liberté, d’après la source interrogée par l’AFP.
Ce n’est pas la première que des ressortissants égyptiens sont mêlés à une tentative d’attaque terroriste en France. Le 3 février 2017, des militaires de l’opération Sentinelle avait neutralisé un certain Abdallah El-Hamahmy, qui, originaire d’Égypte, avait tenté de les attaquer à la machette, au Carrousel du Louvre. Plus d’un an après les faits, on ignore toujours s’il appartenait à l’État islamique ou à al-Qaïda.
Pour le moment, on ne sait pas si le suspect arrêté le 11 mai fait partie d’un groupe plus large affilié à une organisation jihadiste, comme ce fut le cas pour Menad Benchellali.
Cela étant, en août 2011, le renseignement américain avait affirmé qu’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), qui passe pour être la branche la plus dangereuse de la nébuleuse fondée par Ben Laden, s’intéressait de près à la fabrication de bombes au ricin. Les jihadistes du Yémen « ont multiplié les efforts pour acquérir d’importantes quantité de graines de ricin, le composant de base du poison », avait alors révélé le New York Times.
En avril 2017, le Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) avait mis en garde contre ce type de menace, dans un rapport intitulé « Chocs futurs« . « La volonté manifeste
de certains groupes terroristes d’acquérir tout type de substances nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NrBC) afin de réaliser des armes qui seront présentées comme des armes de destruction massive fait l’objet d’une acuité particulière. Elles trouveraient leur place dans une panoplie destinée à décliner un large éventail d’attaques rudimentaires, technologiques ou
systémiques », y était-il affirmé.