Même si, à Paris, on ne fait pas de commentaire, la présence des forces spéciales françaises à Manbij n’est plus un mystère. D’autant plus que, le 26 avril, le chef du Pentagone, James Mattis, a indiqué que 50 commandos français supplémentaires venaient d’être envoyés en Syrie pour renforcer leurs homologues américains dans les environs de cette localité, contrôlée depuis août 2016 par les Forces démocratiques syriennes (FDS), qui en avaient chassé les jihadistes de l’État islamique (EI ou Daesh).
D’après Sharfan Darwish, le porte-parole du Conseil militaire local des FDS, les forces spéciales américaines ont établi une nouvelle base à Manbij peu après l’offensive lancée par la Turquie contre les milices kurdes syriennes implantées dans le canton d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie.
Depuis l’été 2016, Ankara ne fait pas mystère de son intention de chasser les FDS (une alliance arabo-kurde) de Manbij. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne cesse de dire que cette localité sera le prochain objectif de ses troupes et des groupes rebelles syriens que ces dernières soutiennent.
Et lors du premier meeting de campagne qu’il a donné à Istanbul pour les élections présidentielles et législatives anticipées prévues le 26 juin prochain, M. Erdogan a une nouvelle fois assuré qu’il poursuivrait les opérations militaires dans le nord de la Syrie.
Depuis quelques jours, des photographies montrant des commandos français et américains patrouiller dans les environs de Manbij circulent sur les réseaux sociaux. Selon M. Darwish, ces patrouilles sont menées « entre les lignes qui séparent les FDS des miliciens soutenus par la Turquie. »
Mieux encore : d’après ce qu’il a confié à l’agence Reuters, les militaires français et américains partagent la même base, c’est à dire celle qui a été construite en janvier pour, dit-il, « surveiller et protéger la frontière » entre les combattants des FDS et ceux appuyés par Ankara.
Ces précisions apportées par ce porte-parole des FDS coïncident avec la publication, par le quotidien Le Monde, d’un long reportage sur la présence des forces spéciales françaises en Syrie. Depuis 2015, ces dernières ont intégré des opérateurs au sein des unités kurdes à l’occasion des combats pour prendre Manbij et de Raqqa à Daesh.
« L’offensive lancée par la Turquie sur Afrin […] a tout bouleversé. Les FDS, accaparées par leur résistance à l’offensive turque, ont dû suspendre leurs opérations contre les jihadistes. Comprenant que le président Erdogan ne s’arrêterait pas là, les militaires ont convaincu Emmanuel Macron de se redéployer à Manbij, la cible suivante d’Ankara, avec des renforts américains », relate Le Monde. « Pour les Français, il n’était ni moralement, ni stratégiquement souhaitable que la coalition lâche les FDS, seules capables de tenir le nord-est syrien dans la durée », poursuit-il.
En outre, les miliciens kurdes ont de très bons rapports avec les commandos français. En tout cas, ils sont bien meilleurs que ceux qu’ils entretiennent avec les forces américaines. Pour illustrer cet état de fait, le journal a cité les propos d’une combattante kurde, la « camarade Klara », lors de la bataille de Raqqa. « Vous êtes bien plus puissants mais vous n’allez jamais en première ligne! Les Français le font! Vous avez votre technologie, mais eux, ils sont courageux! », aurait-elle lancé à l’endroit des opérateurs américains, d’après des témoins.
Photo : capture d’écran