La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, réclamait 12 milliards d’euros supplémentaires pour les trois prochaines année afin de pouvoir remédier aux graves lacunes de la Bundeswehr, régulièrement dénoncées par des rapports parlementaires. Finalement, elle devra se contenter d’un budget qui passera de 38,5 à 42,2 milliards d’euros en 2021. C’est en effet ce que lui a proposé le social-démocrate, Olaf Scholz, son collègue des Finances.
Plus précisement, selon la presse d’outre-Rhin, Mme von der Leyen réclamait une hausse de 3 milliards d’euros pour 2019, puis une autre de 4 milliard pour 2020 et une dernière de 5 milliards pour 2021. Or, le projet de budget présenté par M. Scholz prévoi une « augmentation du budget de la Défense de 5,5 milliards d’euros d’ici 2021. »
Aussi, la ministre allemande de décolère pas. D’autant plus que cette trajectoire financière n’est pas conforme à l’objectif, fixé par l’Otan, d’un effort de défense équivalent à 2% du PIB, pas plus qu’il n’est en ligne avec les recommandations du dernier Livre blanc sur la Défense de 2016, lequel préconisait de faire de l’Allemagne un « partenaire militaire plus actif sur la scène internationale. »
Or, après des années de vaches maigres, la Bundeswehr est dans un état préoccupant, avec une disponibilité insuffisante de ses chars, avions et autres navires. Au point que beaucoup doutent de sa capacités à assumer son rôle au sein de l’Otan. Aussi, l’effort pour combler ses lacunes est énorme.
Cela étant, les sociaux-démocrates du SPD ont toujours été réservés, si n’est opposés, à une hausse importante des crédits alloués à la Bundeswehr pour atteindre les 2% du PIB. Et comme la chancelière allemande, la chrétienne-démocrate Angela Merkel, est obligée de composer avec eux, une telle opposition au sein de la coalition qu’elle dirige était inévitable.
Quoi qu’il en soit, rien n’est pour le moment définitivement décidé, le projet de budget de M. Scholz devant encore être approuvé par le Bundestag. Aussi, Mme von der Leyen a prévenu : si elle n’obtient pas les crédits qu’elle demande, au moins deux projets de coopération européenne pourraient passer à la trappe, dont celui portant sur le programme de sous-marins mené conjointement avec la Norvège.
Pour rappel, Oslo compte acquérir 4 sous-marins U-212NG auprès de ThyssenKrupp Marine Systems, dans le cadre d’une commande de 6 exemplaires, deux devant être destinés à la Deutsche Marine. Aussi, voir Berlin renoncer à ce projet n’est pas crédible car les sommes en jeu sont importantes (4,3 milliards d’euros pour la Norvège). En outre, ce serait sans doute faire un cadeau au français Naval Group et cela fermerait la porte à une extension de cette coopération avec les Pays-Bas, avec lesquels l’Allemagne a multiplié les partenariats militaires au cours de ces dernières années.
L’autre programme menacé par Mme von der Leyen, selon le journal Bild am Sonntag, est celui consistant à co-localiser sur la base aérienne d’Évreux les 4 ou 6 avions de transport C-130J Hercules de la Luftwaffe avec les 4 de l’armée de l’Air, dans le cadre d’un escadron franco-allemand.
Or, il serait plus facile, pour Berlin, d’annuler la commande des C-130J Hercules que de renoncer aux sous-marins norvégiens…
Par ailleurs, Mme von der Leyen n’est pas épargnée par les critiques. De la part de responsables politiques, bien sûr mais aussi d’analystes et d’éditorialistes. « Il est vrai que les problèmes d’équipement et les pénuries doivent être résolus. Mais les échecs sont dus à des processus d’acquisition lents et à une mauvaise gestion », a affirmé Marcel Dickow, de l’Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité, selon Defense News.
L’absense de réformes visant à rationaliser l’approvisionnement et les acquisitions d’équipements du ministère allemand de la Défense a également été pointé par l’éditorialiste Christian Thiels, de la chaîne publique SWR [membre du réseau ARD, ndlr], qui a repris à son comptes les critiques adressées par Olaf Scholz à Ursula von der Leyen.
« La ministre de la Défense peut et doit faire plus que simplement demander davantage d’argent. Pourquoi, pour des raisons politiques, se lance-t-elle dans un projet européen risqué visant à développer un nouvel avion de combat au lieu d’acheter quelque chose qui est déjà disponible sur le marché? Et n’a-t-elle rien appris des problèmes d’explosion de coûts et de retard des Eurofighter and Co.? », a demandé Christian Thiels.
Photo : Un C-130J Hercules de l’armée de l’Air, appelé à intégrer un escadron franco-allemand