« On ne répare pas 20 ans de sous-investissements en quelques mois », avait lancé, en mars, le général André Lanata, le chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA). Et la prochaine Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, même si elle amorce une remontée en puissance (sous réserve qu’elle soit exécutée à la lettre) ne permettra pas de combler toutes les lacunes qui affectent l’aviation militaire française.
Les précédentes LPM sont allées trop loin dans la déflation des effectifs de l’armée de l’Air, laquelle a dû fermer 17 bases aériennes et supprimer la moitié de ses commandements. En outre, et alors que son activité opérationnelle est restée à un niveau élevé, elle a vu des programmes majeurs être décalés. Ce qui fait que, dans certains domaines, la situation est critique.
Tel est le cas de l’aviation de transport, dont le taux de disponibilité des appareils (A400M, Transall C-160, C-130H Hercules et Casa CN-235) a atteint un seuil préoccupant en 2017.
Au-delà du Maintien en condition opérationnelle (MCO), au moins deux raisons expliquent cette situation : la décision trop tardive de lancer la modernisation de l’aviation de transport et les problèmes rencontrés lors du développement de l’A400M, appelé à remplacer le Transall.
« Nous sortons d’une situation compliquée, liée principalement aux risques que nous avons pris dans les programmations précédentes en retardant le renouvellement de nos flottes et aux difficultés rencontrées par le programme A400M. […] Le télescopage entre les deux créé la difficulté », a ainsi expliqué le général Lanata, lors d’une audition par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et des Forces armées. Toutefois, a-t-il admis, « des lacunes subsisteront principalement dans l’aviation de transport encore quelques années. »
S’agissant de l’A400M, le CEMAA a fait état de deux « difficultés principales. » La première porte sur les capacités tactiques de cet avion.
« L’amélioration des fonctionnalités opérationnelles de l’appareil a pris du retard. Un premier standard tactique a été livré au début de l’année 2017. Nous disposons désormais d’un avion capable de réaliser des missions opérationnelles sur un théâtre d’opération, quand la première version ne permettait que du transport logistique », a rappelé le général Lanata. Mais on est encore loin du compte puisque manque, entre autres, le ravitaillement en vol des hélicoptères.
« Un plan de rattrapage des fonctionnalités opérationnelles est en cours de négociation avec l’industrie et doit donner lieu à la signature d’un avenant avant la fin de l’année 2018 afin de nous permettre de disposer de la totalité des fonctionnalités attendues au titre du contrat, avant 2021 », a expliqué le CEMAA. « S’ensuivra un plan de remise à niveau des avions qui auront été livrés dans une version antérieure avant cette date. Tout ceci devrait générer une indisponibilité résiduelle significative plusieurs années après », a-t-il prévenu.
La seconde difficulté « importante » évoquée par le général Lanata concerne la disponibilité des A400M. « L’avion souffre d’un certain nombre de défauts de jeunesse. Un dialogue étroit et constructif avec l’industriel est désormais engagé afin d’améliorer la situation », a-t-il dit. « Un travail en plateau, associant l’industrie, la DGA, la SIMMAD et l’armée de l’Air est réalisé sur la base d’Orléans pour améliorer heure par heure la disponibilité de cette flotte. Je suis confiant, car je constate la bonne volonté, de tous pour progresser », a-t-il ajouté.
Pour rappel, la France a commandé 50 A400M Atlas. Et l’armée de l’Air en comptera 25 exemplaires d’ici 2025, lesquels s’ajouteront à 4 C-130J Hercules, exploités au sein d’une unité franco-allemande qui sera basée à Évreux.
Reste que les problèmes de disponibilités des avions de transport hypothèquent d’autres capacités, comme, par exemple, celle visant à mener une opération aéroportée à faible préavis. « J’observe que c’est en particulier au déclenchement d’une crise que nos lacunes se font le plus durement sentir, notamment lorsque la France décide de s’engager seule, en attendant que ses partenaires décident de l’appuyer, comme lors de l’opération Serval », a souligné le général Lanata.
Pour remédier à ses lacunes, la France peut compter sur ses alliés, comme c’est actuellement le cas au Sahel, où plusieurs pays (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne, Canada et États-Unis) appuient l’opération Barkhane.
En outre, le Commandement européen du transport aérien (EATC), qui mutualise les capacités de plusieurs pays, permet de « soulager » la flotte de transport française. « J’estime qu’il s’agit là d’un exemple de coopération européenne particulièrement vertueux, qui démontre que nous avons progressé en matière de partage capacitaire », a dit le général Lanata. « Cela étant précisé, une somme de lacunes ne résout en général pas une lacune globale. Je veux dire par là que ce type de mutualisation capacitaire ne peut constituer à elle seule une réponse face à une insuffisance assez largement partagée au sein des nations européennes », a-t-il cependant ajouté.
Par ailleurs, la situation va devenir encore plus compliquée pour le transport aérien stratégique, avec le retrait des Antonov An-124-100 de la compagnie russe Volga-Dniepr du contrat SALIS, dont la France fait partie, dans le cadre de l’Otan.