Le 9 avril, le Centre russe pour la réconciliation des parties en conflit en Syrie a diffusé un communiqué indiquant que ses experts « n’ont trouvé aucune trace de l’utilisation d’agents chimiques » à Douma, ville de la Goutha orientale où une attaque chimique présumée a eu lieu deux jours plus tôt. Et logiquement, ces specialistes russes n’ont aussi trouvé « aucun patient présentant des signes d’intoxication aux armes chimiques » lors de leur visite d’un « hôpital local ».
« Tous ces faits montrent […] qu’aucune arme chimique n’a été utilisée dans la ville de Douma, contrairement à ce qui a été prétendu par les Casques blancs [protection civile, ndlr] », a-t-il conclu.
Deux jours plus tard, le général Viktor Poznikhir, premier chef adjoint du département opérationnel de l’état-major général des Forces armées russes, a remis le couvert. « Opérant uniquement dans les rangs des terroristes, les Casques blancs ont une fois de plus mis en scène devant les caméras une attaque chimique contre des civils dans la ville de Douma », a-t-il affirmé, lors d’une conférence de presse, sans donner la moindre preuve pour étayer ses propos. En outre, il a annoncé qu’une « unité de police militaire russe sera déployée à partir » du 12 avril « dans la ville de Douma pour assurer la sécurité, maintenir l’ordre et organiser l’aide aux habitants locaux. »
D’après des éléments disponibles en source ouverte, deux attaques distinctes ont eu lieu le 7 avril, a priori menées par des hélicoptères Mi-8 Hip des forces syriennes, lesquels auraient largué des bouteilles de gaz de couleur jaune, c’est à dire du même type que celles utilisées lors de précédentes attaques au chlore attribuées à Damas. Analyser ces dernières permettrait sans doute d’établir la vérité.
Mise en scène, comme l’affirme Moscou, ou pas, toujours est-il que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est dit « profondément alarmée par les rapports soupçonnant l’utilisation de produits chimiques toxiques dans la ville de Douma, dans la Ghouta orientale. »
« Selon les rapports des partenaires du groupe de responsabilité sectorielle Santé, on estime qu’au cours du bombardement de Douma samedi, 500 patients se sont présentés dans les établissements de santé avec des signes et symptômes correspondant à une exposition à des produits chimiques toxiques, en particulier des signes d’irritation sévère des muqueuses, d’insuffisance respiratoire et de troubles du système nerveux central chez ceux qui ont été exposés », a affirmé l’OMS, via un communiqué diffusé ce 11 avril.
Et d’ajouter : « Plus de 70 personnes ayant trouvé refuge dans des caves seraient mortes, 43 d’entre elles après avoir présenté des symptômes compatibles avec une exposition à des produits chimiques très toxiques. Deux établissements de santé auraient aussi été touchés par ces attaque. »
Pour le Dr Peter Salama, directeur général adjoint à l’OMS, Préparation aux situations d’urgence et organisation des secours, « nous devrions être tous indignés par les rapports et les images horribles qui nous proviennent de Douma. » Aussi, l’organisation exige un « accès immédiat et libre à la zone pour soigner les victimes, pour évaluer les conséquences sanitaires et pour délivrer une action complète de santé publique. »
Comme elle le rappelle dans son communiqué, l’OMS « n’a pas de rôle officiel dans les enquêtes médico-légales sur l’utilisation de ces armes. » En revanche, quand un « tel événement est signalé, son rôle consiste à mener les enquêtes épidémiologiques et à mettre en œuvre les mesures d’urgence nécessaires pour la santé publique. »
Photo : Bouteilles de gaz de couleur jaune récupérées après une attaque au chlore à Saraqeb (février 2018)