Archive (c) DGAAvant la mise en oeuvre de la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, le montant du report de charges du ministère des Armées, c’est à dire la somme des factures dont le paiement est reporté à l’année suivante, dépassait les 3 milliards d’euros.
Et cela était déjà considéré « préoccupant », d’autant plus que les marges de manoeuvres budgétaires sont d’autant plus affaiblies que le report de charges est élevé.
« J’entends résorber au cours de la LPM ce report de charges que j’ai trouvé à mon arrivée et qui est le résultat de multiples reports successifs », avait alors assuré, en octobre 2013, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense à l’époque, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.
Entre les gels, surgels et autres annulations de crédits, le montant du report de charges du ministère des Armées est resté à niveau toujours aussi préoccupant, si l’on en juge par les chiffres obtenus par le député François Cornut-Gentille, alors que le débat sur le projet de LPM 2019-2025 s’achève à l’Assemblée nationale.
Ainsi, après avoir atteint près de 3,5 milliards d’euros en 2014 et avant de « retomber » à un peu plus de 3 milliards les années suivantes, le niveau du report de charges de la mission « Défense » de 2017 sur 2018 devrait s’élever à 3,1 milliards d’euros. Soit autant qu’il y a cinq ans.
« Les principaux postes qui composent ce report de charges relèvent des programmes 178 ‘Préparation et emploi des forces’ et 146 ‘Équipement des forces’, ces derniers couvrant 90 % des dépenses obligatoires. Le contenu physique de ces dépenses pourra être précisé lorsque le montant du report de charges sur 2018 aura été définitivement arrêté », a précisé le ministère des Armées à M. Cornut-Gentille.
Pour le député, qui, bien que très concerné par les affaires militaires, siège à la commission des Finances, « l’augmentation de 1,8 milliards d’euros du budget de la Défense en 2018 se trouve ainsi vidée de tout impact réél par ce report de charges massif, auquel vient s’ajouter l’augmentation de la provision OPEX » [passée de 450 à 650 millions d’euros].
Et le député d’ajouter : « En maintenant le report de charges au-delà de la barre symbolique des 3 milliards d’euros (soit 14 % des crédits de paiement hors masse salariale), le ministère des Armées hypothèque les prochaines annuités budgétaires de leur capacité à moderniser les forces, malgré les annonces faites lors des débats autour de la Loi de programmation militaire. »
La question du report de charges n’a pas été abordée par la ministre des Armées, Florence Parly, lors de ses auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de LPM 2019-2025.
Pourtant, le texte prévoit « que, afin de s’assurer de la soutenabilité de la programmation, le ministère s’engage sur une trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction du report de charges qui atteindra, d’ici 2025, son niveau structurel incompressible. » Exprimé en pourcentage des crédits hors masse salariale de la mission ‘Défense’, le report de charge sera ramené à environ 10 % à cet horizon, avec un point de passage d’environ 12 % à horizon 2022. »
Si la ministre n’a pas abordé le sujet, le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Lecointre, a livré des explications aux députés sur ce point précis.
« Sur le report de charges, je pense que les propositions qui sont formulées afin de le réduire sont réalistes. Cette question a fait l’objet de débats importants avec Bercy. Nous avons notamment dû expliquer que la mécanique d’engagement et de dépense des crédits induisait un report de charges ‘structurel’, incompressible, que nous évaluons entre 10 % et 12 %. En effet, aux mois de janvier et février, se réalise le paiement d’engagements qui ont été contractés à la fin de l’année précédente », a expliqué le CEMA.
« Bercy a reconnu l’existence de ce caractère structurel et incompressible du report de charges. Nous avons alors défini une courbe d’atteinte de ce niveau minimum – entre 10 % et 12 % – qui me semble réaliste. Je tiens par ailleurs à dire que nous avons tout intérêt à réduire au maximum le report de charges, ne serait-ce que pour nous donner la possibilité de l’augmenter à nouveau si cela s’avérait nécessaire. C’est un peu comme la dette! », a conclu le général Lecointre.