Le programme ACCap (Air Combat Capability) doit permettre à la force aérienne belge de remplacer ses 60 F-16 MLU à partir de 2023 par 34 nouveaux avions de combat. Un appel d’offres a été lancé à cette fin et deux concurrents sont en lice, à savoir Lockheed-Martin (F-35A) et le consortium Eurofighter (Typhoon). De son côté, la France a court-circuité cette procédure en proposant le Rafale dans le cadre d’un partenariat stratégique dans le domaine de l’aviation de combat et celui de l’industrie.
Étant donné les sommes en jeu (3,6 milliards d’euros pour l’acquisition des appareils et 15 milliards d’euros sur 40 ans pour leur exploitation), ce projet est critiqué par une partie de l’opposition au gouvernement belge, cette dernière estimant qu’il y aurait d’autres priorités à financer.
Déjà riche en rebondissements, ce dossier en a connu un nouveau cette semaine, avec la diffusion d’un mémo de Lockheed-Martin indiquant que les F-16 MLU belges avaient, du moins pour certains d’entre eux, encore assez de potentiel pour rester en service pendant 6 ans supplémentaires, ce qui permettrait d’envisager leur remplacement non pas en 2023, comme le soutient le gouvernement et son ministre de la Défense, Steven Vandeput, mais en 2029. De quoi donner du grain à moudre aux opposants du programme ACCap.
Le document en question a été envoyé à la chaîne publique flamande VRT NWS, par un « lanceur d’alerte » au sein du ministère belge de la Défense. Pour quelle raison?
Mis sur la sellette, M. Vandeput a assuré qu’il n’avait pas été mis au courant de l’existence de l’étude de Lockheed-Martin, rendue en 2017. Et une enquête interne au ministère belge de la Défense a été ouverte pour identifier le commanditaire de l’étude relative à la prolongation F-16, savoir qui en connaissait le contenu et déterminer si elle a été volontairement mise sous le boisseau.
Le 22 mars, au Parlement, le ministre belge de la Défense, dont on appris qu’il avait renvoyé, l’an passé, Simon Put, son chef de cabinet adjoint, parce qu’il avait des liens avec Lockheed-Martin (groupe pour lequel il travaille désormais), n’a pas caché son irritation. « J’en ai marre des accusations, je fais tout depuis le départ pour que cette procédure se passe de la manière la plus objective possible », a-t-il lancé aux députés de l’opposition.
Et même si les F-16, acquis dans les années 1980 et régulièrement « rétrofités » depuis, pourraient être encore prolongés, cela ne change rien à la nécessité de les remplacer en 2023, dans la mesure où se pose dès maintenant la question de leur valeur opérationnelle. « Il y a encore des Spitfire qui volent! », s’est exclamé M. Vandeput.
Le responsable du programme ACCap, le colonel Harold Van Pee, n’a pas dit autre chose. « Vous pouvez laisse un ancêtre voler cent ans de plus. La question est de savoir ce que vous pourrez encore tirer de ces F-16. Cette étude porte sur la carrosserie, pas sur l’ensemble du système d’armement », a-t-il expliqué au Belang van Limburg.
Mais l’officier n’aura pas l’occasion de défendre ce point de vue, tout comme trois autres responsables de la force aérienne belge, dont son chef, le général Frederik Vansina.
Le 22 mars au soir, le chef de la Défense belge (CHOD), le général Marc Compernol, a indiqué que quatre haut-gradés ont « proposé de se retirer de leurs fonctions le temps de l’enquête. »
« Aujourd’hui, en ma qualité de chef de la Défense, avec le ministre de la Défense Steven Vandeput, je me suis entretenu avec plusieurs personnes potentiellement impliquées dans la non-transmission de l’étude sur l’usure des métaux. Ces personnes ont proposé de se retirer de leurs fonctions le temps de l’enquête. Elles restent disponibles pour l’enquête. Le ministre et moi-même avons toute confiance dans le déroulement de l’enquête », a en effet déclaré le général Compernol.
Outre le général Vansina et le colonel Van Pee, le chef de la division
Marchés publics de la Direction générale Material Resources, le général Luc Roelandts, et le colonel Peter Letten ont aussi été mis sur la touche.
Quelle sera l’impact de cette affaire sur le programme ACCap? Selon le calendrier retenu, l’attribution du marché relatif aux nouveaux avions de combat devrait être annoncée à l’accsion du prochain sommet de l’Otan, à Bruxelles, en juillet.