« Les ennemis de mes amis sont mes ennemis » est une formule à la fois simpliste et fausse. À plus forte raison dans cet Orient « compliqué » où les alliances se font et se défont au gré des circonstances, où l’ami d’hier sera l’ennemi de demain. Et vice versa.
Il y a tout juste deux mois, le président syrien Bachar el-Assad, n’avait pas de mots assez durs contre les miliciens kurdes syriens des Unité de protection du peuple (YPG), allant jusqu’à les qualifier de « traîtres » parce que, en première ligne face aux jihadistes de l’État islamique (EI ou Daesh), ils avaient reçu (et reçoivent encore) un soutien de la coalition internationale dirigée par les États-Unis.
« Lorsqu’on parle de ceux qu’on appellent ‘les Kurdes’, ce ne sont pas juste des Kurdes. Tous ceux qui travaillent pour le compte d’un pays étranger, notamment sous commandement américain sont des traîtres. […] C’est notre évaluation de ces groupes qui travaillent pour le compte des Américains », avait en effet affirmé M. Assad, le 18 décembre dernier.
Depuis, les forces turques et leurs supplétifs des groupes rebelles syriens, ont lancé l’opération « Rameau d’olivier » dans le canton d’Afrin, contre les YPG, considérées à Ankara comme terroristes en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, à l’origine d’une rébellion sanglante en Turquie. Cette offensive, dont on se demande si elle aurait pu être possible sans l’accord de la Russie, a été vivement condamnée par Damas.
Mais, visiblement, les autorités syriennes auraient l’intention de ne pas se limiter à dénoncer l’opération turque. Selon plusieurs sources du régime et des milices kurdes, un accord relatif à un déploiement d’unités de forces gouvernementales dans la région d’Afrin aurait été conclu le 17 février.
Ainsi, l’agence de presse officielle SANA a annoncé que les « forces populaires » allaient « arriver à Afrin dans les prochaines heures pour soutenir ses habitants contre l’attaque du régime turc ». Ce qu’a confirmé la télévision nationale syrienne Ikhbariya.
Un conseiller kurde, Badran Jia Kurd, a indiqué à l’agence Reuters que les unités syriennes devraient se déployer sur « positions frontalières dans les deux jours », en foncion « leur état de préparation. » Et d’ajouter que cet accord était « purement militaire » et qu’il ne concernait pas le statut futur des régions contrôlées par les YPG dans le nord de la Syrie.
A priori, plusieurs milliers de soldats et de miliciens pro-régime seraient mobilisés pour faire face aux forces turques et à leurs supplétifs.
Cependant, la Turquie a réagi à cet accord, qui reste encore à être confirmé officiellement par Damas. « Si le régime entre pour protéger les YPG, personne ne pourra arrêter la Turquie ou les soldats turcs. Cela est valable pour Afrin, pour Manbij, et pour l’est de l’Euphrate », a prévenu Mevlüt Cavusoglu, son chef de la diplomatie, en évoquant les autres régions syriennes contrôlées par les milicens kurdes syriens. « Si le régime entre pour nettoyer [le secteur] du PKK/YPG, il n’y a pas de problème », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, l’offensive de la Turquie, membre de l’Otan, contre les YPG n’est pas bien accueillie aux États-Unis où, à l’image du chef du Pentagone, James Mattis, l’on estime qu’elle détourne des moyens qui seraient mieux employés dans le combat contre l’EI.
La semaine passée, M. Mattis a ainsi appelé la Turquie à « se recentrer sur la campagne pour vaincre Daesh et pour empêcher tout vestige de l’organisation terroriste de se reconstituer en Syrie. » Et s’il a « reconnu la légitimité des menaces que des organisations terroristes représentent pour la sécurité nationale turque », le responsable américain a aussi « discuté de l’environnement sécuritaire complexe en Syrie, et du danger qu’une résurgence de l’EI poserait à l’ensemble des alliés de l’Otan. »