Face à une criminalité croissante et une énième flambée de violence à Rio de Janeiro, le Brésil a décidé une mesure inédite depuis la fin de la dictature militaire, en 1985. Ainsi, dans le cadre d’une programme intitulé « Intervention fédérale dans la sécurité », le 16 février, le président brésilien, Michel Temer, a annoncé que les forces de police (qui dépendent de chaque État) seraient désormais placées sous l’autorite de l’armée, donc de Brasilia.
« Le crime organisé à quasiment pris le contrôle de Rio. C’est une métastase qui se propage dans notre pays et menace la tranquillité de notre peuple », a fait valoir M. Temer. Aussi, a-t-il expliqué, « je prends ces mesures extrêmes parce que les circonstances l’exigent. Le gouvernement apportera des réponses fermes pour éradiquer le crime organisé (…) Nous ne pouvons pas accepter passivement la mort d’innocents. »
Le décret signé par M. Temer prend effet immédiatement, même s’il doit encore être ratifité par le Parlement brésilien. Il restera en vigueur jusqu’au 31 décembre.
Cela fait des années que les grandes villes du pays – et en particulier Rio de Janeiro – sont affectées par une insécurité galopante. Et les forces armées sont régulièrement sollicitées pour intervenir dans les favelas où l’État n’a plus son mot à dire étant donné qu’elles sont sous la domination de gangs armés rivaux. Cela a notamment été le cas lors de la Coupe du Monde de football (2014) et les Jeux Olympiques (2016), au cours desquels 85.000 militaires et policiers avaient été mobilisés (soit deux fois plus par rapport à ceux de Londres).
Seulement, ces opérations policières et militaires, qui peuvent parfois donner lieu à des scènes de guérilla urbaine, ne sont que des coups d’épée dans l’eau.
En juillet 2017, le président Temer avait signé un décret autorisant « l’emploi des forces armées dans l’Etat » de Rio de Janeiro. Ce qui s’était traduit par le déploiement de 8.500 soldats et de véhicules blindés. « Cette décision a été prise pour défendre l’intégrité de la population, préserver l’ordre public et garantir le fonctionnement des institutions », avait-il expliqué.
« Nous allons atteindre le crime organisé et ses chaînes de commandement », avait, de son côté, indiqué Raul Jungmaan, le ministre brésilien de la Défense, Raul Jungmann. Et de préciser que l’accent allait être mis sur le « renseignement » et les « actions surprises. »
Depuis, 12 opérations ont été menées, ce qui a permis d’interpeller près de 300 suspects et de saisis une trentaine de fusils d’assaut ainsi que 2,5 tonnes de drogues. La dernière, menée le 7 février, devait viser des chefs de gang, peu avant le Carnaval de Rio (qui attendait 1,5 millions de touristes).
Seulement, cette manifestation a donné lieu à des scènes de violence « inadmissibles et inacceptables », selon M. Jungmann, pour qui le décret signé par M. Temer permettra de mettre en place un « système de sécurité plus robuste, mieux coordonné, avec un meilleur service du renseignement. »
D’après Arthur Trindade, un professeur d’université qui fut secrétaire à la Sécurité de Brasilia, l’un des objectifs de ce décret est « d’assainir » la police de Rio de Janeiro. Cette dernière, a-t-il dit à l’AFP, est « minée par les problème de corruption ». Aussi, « avec ces mesures il est possible que les factions de narcotrafiquants fassent profil bas pendant quelques mois, étant donné que la police prend aussi part à la guerre des gangs. »